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Parallaxe

Parallaxe (La distance des astres*). - La parallaxe est un angle qui dénote un effet de perspective. Celui-ci peut provenir de ce que l'on observe un astre de deux positions différentes à la surface de la Terre, ou de deux positions différentes le long de l'orbite terrestre autour du Soleil. On peut ainsi entendre en particulier la parallaxe dans deux acceptions différentes, selon que l'on considère la rotation de la Terre, qui amène un observateur, à 12 heures d'intervalle, à deux positions séparées d'un diamètre terrestre, ou que l'on considère le mouvement de révolution annuelle autour du Soleil, qui, à six mois d'intervalle, amènera un observateur placé à la surface de la Terre aux deux points extrêmes de son orbite.  Cela servira à définir respectivement la parallaxe diurne et la parallaxe annuelle, qui est le support de la détermination des parallaxes stellaires.

La parallaxe diurne.
La parallaxe diurne d'un astre, relativement à un lieu de la Terre, est l'angle sous lequel serait vu, du centre même de l'astre, le rayon de la Terre. Cette parallaxe est dite horizontale quand cet astre se trouve dans le plan tangent au globe mené par l'extrémité du rayon que l'on considère, et, parallaxe de hauteur, quand le même point est au-dessus de ce plan. Voici comment cela se présente dans le détail :
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Soit A  le point de la surface de la Terre où est placé l'observateur, O le centre de la Terre, S un astre. L'angle ASO, formé par les deux rayons visuels AS et OS, menés des deux extrémités du rayon terrestre AO, sera la parallaxe de l'astre S. On appelle donc parallaxe d'un astre l'angle formé par le rayon visuel mené d'un point de la surface de la Terre à l'astre avec le rayon visuel mené du centre de la Terre au même astre, ou encore l'angle sous lequel serait vu de cet astre le rayon terrestre à l'extrémité duquel est placé l'observateur. C'est aussi la différence (parallaxis, diversité d'aspect) entre la position de l'astre tel qu'il est vu par l'observateur et celle qu'il aurait vu du centre de la Terre. AZ étant, en effet, la verticale du point A, la distance zénithale observée est l'angle SAZ; si maintenant l'observation est faite au centre de la Terre, en O, ce sera l'angle SOZ, ou, en menant As parallèle à OS, son égal sAZ; or l'angle SAZ excède justement l'angle sAZ de l'angle SAs, lequel est lui-même égal, par rapport aux deux parallèles OS et As, à l'angle ASO, c.-à-d. à la parallaxe. 

Lorsque l'astre est au zénith, la parallaxe est évidemment nulle, les deux rayons visuels se confondant suivant OZ. Au fur et à mesure qu'il se rapproche de l'horizon, elle grandit, et elle atteint son maximum au moment de son lever ou de son coucher, lorsqu'il est exactement à l'horizon, en S' par exemple. On lui donne, dans ce dernier cas, le nom de parallaxe horizontale. Elle est dite, au contraire, parallaxe de hauteur pour toutes les autres positions de l'astre. La parallaxe de hauteur et la parallaxe horizontale d'un même astre sont liées entre elles par une relation très simple, qui permet de passer aisément de l'une à l'autre. Appelons p la parallaxe de hauteur ASO, p' la parallaxe horizontale AS'O, r le rayon terrestre OA, d la distance OS du centre de la Terre à l'astre, z la distance zénithale SAZ, supposée corrigée de la réfraction astronomique. Dans le triangle AOS, on a  :

(sin ASO) / (sin SAZ) = OA / OS

ou 
sin p / sin z = r /d [1]

Dans le triangle rectangle AS'O, on a :

sin AS'O = OA / OS'

ou
sin p' = r/d [2]

En rapprochant [1] et [2],  il vient  : 

 sin p / sin z = sin p'

ou 
sin p = sin p'. sin z

ou encore, p et p' étant toujours assez petits pour être pris pour leurs sinus :

p =  p'. sin z [3]

La parallaxe de hauteur est donc égale à la parallaxe horizontale multipliée par le sinus de la distance zénithale. D'autre, part, d'après la formule [1] :

sin p = (r/d). sin z

ou, p étant, nous venons de le dire, toujours très petit, :

p = (r. (sin z)/ (d. sin 1")   [4]

Supposons maintenant que deux observateurs se portent en deux stations éloignées choisies sur un même méridien, A et B, de latitudes l et l', par rapport à l'équateur EE'. A l'instant du passage de l'astre au méridien, en S, ils prendront les distances zénithales z et z', supposées corrigées de la réfraction astronomique. Soient p et p* les parallaxes de hauteur ASO et BSO. On aura, d'après la formule [4],

p = (r.sin z) / (d.sin 1") et p* = (r.sin z') / (d.sin 1")

d'où
p + p* = (r. (sin z + sin z')) / (d. sin 1")

Additionnons les quatre angles du quadrilatère ASBO. Leur somme est égale à quatre droits ou à 360°.0n peut donc écrire, en remarquant que SAO est le supplément de z et SBO le supplément de z' :

p+p*+180°-z+l+l' + 180° - z' = 360°

d'où :
p+p* = (z+ z')-(l+l')
d'ou 
(r (sin z + sin z')) / (d.sin 1") =  (z+ z')-(l+l')

d'où 

  r/d = ((z+ z') - (l+l') / (sin z + sin z')). sin 1"  [5]

Or r/d n'est autre chose, d'après la formule [2], que sin p' et, p' étant toujours très petit, que p' lui-même, c'est-à-dire que la parallaxe horizontale. De celle-ci on déduit, suivant la formule [3], la parallaxe de hauteur, sans avoir en besoin de connaître, à aucun moment, la distance d de la terre à l'astre, et, suivant la formule [2], cette distance elle-même. C'est même là le principal intérêt pratique du calcul des parallaxes. Elles servent aussi à ramener au centre de la Terre les observations faites en un point de sa surface.

Lacaille et Lalande ont déterminé, par la méthode qui précède, en se plaçant respectivement au cap de Bonne-Espérance et à Berlin, la parallaxe de la Lune, celle de Vénus et celle de Mars. La même méthode a été appliquée, par la suite, aux autres planètes, quoiqu'il est paru préférable de déduire leurs parallaxes de celle du Soleil. Du moins jusqu'en 1898-99, quand la découverte du premier circastéroïde, Éros, a permis d'espérer une précision accrue des mesures, lors des ses passages au plus près de la Terre. En 1931, en particulier, celui-ci s'est approché à 22 millions de kilomètres de notre planète, ce qui lui donnait une parallaxe de 60" et conduisait à attribuer au Soleil une parallaxe horizontale de p° = 8,790", à un centième de seconde près.

D'autres méthodes ont encore été employées pour la détermination de la parallaxe de la Lune : celle des plus grandes latitudes, dont Ptolémée, Tycho Brahé et Halley ont fait usage; celle des parallaxes d'ascension droite, qu'on trouve exposée dans l'ouvrage de Regiomontanus sur les planètes et qui a successivement servi à Thomas Digges (1573), à Kepler (1649), à Flamsteed (1672), à Cassini (1684): enfin celle des éclipses.

Parallaxe du Soleil.
Pour le Soleil, l'observation directe ne donnerait, en égard à son éloignement, qu'une approximation insuffisante. On doit on a donc eu historiquement recours à d'autres méthodes, soit à celle des quadratures de la Lune, soit à celle des passages de Vénus ou de Mercure. Les passages de Mercure ne donnent pas, d'ailleurs, des résultats suffisamment concluants et la préférence a été donnée à la méthode des passages de Vénus (Les passages de Vénus devant le Soleil). 
Soit  T le centre de la Terre, S le centre du Soleil, V le centre de Vénus. Supposons deux observateurs postés en deux points de la surface de notre planète, A et B, tels que la corde AB soit perpendiculaire à l'écliptique. Pour l'observateur placé en A, Vénus traversera le disque du Soleil suivant aa et en un certain temps, qu'il relèvera exactement, Comme il sait, du reste, d'après la vitesse connue de la planète, le temps qu'elle aurait mis à traverser le Soleil suivant son diamètre, il déduira de ces deux durées le rapport de aa au diamètre, conséquemment sa distance SA' au centre.  L'observateur placé en B déterminera de même la distance SB'. AB étant, par hypothèse, parallèle à A'B', dans les deux triangles semblables AVB et A'VB', on aura  :

AB / A'B' = AV / A'V

Mais le rapport AV / A'V se déduit facilement du rapport des distances de la Terre et de Vénus au Soleil, lequel est donné par la troisième loi de Kepler. On connaîtra donc le rapport AB/A'B' et, en évaluant l'angle sous lequel la corde A'B' est vue de la Terre, l'angle sous lequel la corde AB serait vue elle-même du Soleil. Il ne restera plus qu'à calculer cette corde AB au moyen des coordonnées terrestres de A et de B et à en déduire, à l'aide d'une simple proportion, l'angle sous lequel le rayon terrestre serait vu de la même distance, c.-à-d. la parallaxe horizontale du Soleil. Pour d'aussi longues distances, en effet, les angles sous lesquels sont vues deux longueurs, relativement très petites, sont sensiblement proportionnels à ces longueurs. Quant à la parallaxe de hauteur, elle sera fournie ensuite par la formule [3]. Il n'est, du reste, pas indispensable que les deux stations soient, comme nous l'avons supposé, aux extrémités d'une même corde perpendiculaire à l'écliptique. On peut les prendre quelconques, en faisant, s'il y a lieu, les corrections nécessaires. Il faut seulement éviter que les deux traces de la planète sur le disque soient trop petites ou trop rapprochées. 

Cette méthode a été imaginée en 1691 par Halley, qui l'a publiée en 1694. Elle a été appliquée, pour la première fois, aux passages de 1764 et 1769, et la parallaxe moyenne horizontale du Soleil avait d'abord été fixée, d'après ses résultats, à 8",57. Mais Le Verrier, après de nouveaux calculs, l'avait portée à 8",86. Par la suite, de nouvelles observations ont été faites durant les passages de 1874 et de 1882, et leur discussion a indiqué, en tenant compte de la valeur de l'aberration, 8",798 d'après Cornu, 8',794, d'après Newcomb. Un simple écart de 0,01", en plus ou en moins, dans cette évaluation, produit, d'ailleurs, une diminution ou une augmentation de 170 000 kilomètres dans la distance du Soleil à la Terre. Aussi les idées des anciens étaient-elles, à cet égard, très grossières. Aristarque de Samos, qui, vers 264 av. avait voulu calculer la parallaxe du Soleil, avait trouvé 3' et il en avait conclu une distance de 1146 rayons terrestres seulement. On en devait rester là pendant plus de dix-huit siècles.
Parallaxes stellaires.
Pour les étoiles, la notion de parallaxe diurne est inopérante. Les étoiles sont, en effet, à de telles distances que la Terre ne leur apparaît que comme un point sans dimensions. Mais on peut calculer l'angle sous lequel on voit, de quelques-unes d'entre elles, le demi-grand axe de l'orbite terrestre. Autrement dit leur parallaxe annuelle.

On opère de la façon suivante. Soit E l'étoile considérée, S le soleil, T et T' les positions occupées par la Terre sur son orbite, aux deux époques de l'année où sa longitude diffère de 90° de celle de l'étoile, c.-à-d. ou TSE et T'SE sont des angles droits. On détermine les angles STE et ST'E formés par les rayons visuels menés de la Terre au Soleil et à l'étoile; on en déduit, dans les triangles rectangles TES et T'ES, les angles TES et T'ES,  égaux l'un et l'autre à la parallaxe annuelle de l'étoile. La distance de la Terre à l'étoile est donnée ensuite par les hypoténuses TE et T'E des mêmes triangles. (L. Barré).

Les étoiles les plus proches du Système solaire - celles dont la parallaxe est la plus grande - ont des parallaxes qui ne dépassent pas les 0,8" d'arc. C'est dire que la détermination des parallaxes stellaires est particulièrement difficile, et pendant très longtemps, les incertitudes on dépassé un ou même parfois plusieurs dixièmes de seconde. La situation s'est améliorée au fil du temps, et est devenue bien meilleure depuis l'achèvement, à la fin des années 1990, du programme du satellite astrométrique Hipparcos. 

L'idée de se servir du mouvement annuel de la Terre pour déterminer les distances qui la séparent des étoiles remonte à Copernic, qui y cherchait en outre une démonstration directe de la vérité de son système. Mais les observations faites par Tycho Brahé dans ce but ne lui ont montré aucune variation de ce genre, malgré tout le soin qu'il y avait apporté. Il en fut ainsi pendant très longtemps pour toutes les tentatives successives de Hooke, Picard, J.-D. Cassini, Flamsteed, J. Cassini, Roemer et Manfredi, jusqu'à ce que Bradley ait démontré que l'effet du déplacement annuel de la Terre sur les lieux apparents des étoiles est complexe et que sa partie importante ne tient pas au changement de position de notre globe, mais est un effet du déplacement à une vitesse finie de la lumière, nommé aberration.
Malgré les efforts de plusieurs générations d'astronomes - parmi lesquels on citera les noms de Brinkley, Lalande,  Lindenau, W. Struve, Arago et Mathieu, Piazzi, etc., il faudra attendre les premières années du XIXe siècle pour que l'on dispose de la première mesure admissible et reconnue exacte, celle d'une étoile de de magnitude 6, à peine visible à l'oeil nu, 61 Cygni (Cygne), qui avait attiré l'attention par son mouvement propre important. C'est Bessel qui fit cette mesure en 1838. Il trouva 0"374 pour la parallaxe de l'étoile, ce qui lui fournit pour la distance au Soleil 551 000 fois le rayon de l'orbite terrestre, on environ 81 000 milliards de kilomètres. La troisième parallaxe stellaire fut déterminée par W. Struve en 1840; c'était celle de Véga (Lyre). Mais auparavant, Thomas Henderson, en 1839 avait mesuré la distance de Toliman (Alpha du Centaure). Cette parallaxe, la seconde donc à avoir été mesurée, atteint 0"9 environ. Elle correspondra à la plus grande valeur obtenue, désignant ainsi l'étoile la plus proche du Soleil, jusqu'à la découverte, dans la même région du ciel par R. T. Innes, en 1915, de Proxima Centauri. Cette naine rouge (Les Mini-étoiles), 13 000 fois moins lumineuse que le Soleil, restera certainement très longtemps l'étoile ordinaire la plus proche du Système solaire. Il n'est cependant pas exclu que des objets plus exotiques, et moins lumineux (naines brunes, et pourquoi pas trous noirs...), puissent être découverts encore plus près de nous.
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Vue d'artiste du satellite Hipparcos.
(Source  : Esa, Science & Technology).

Les mesures de parallaxes stellaires ont été péniblement continuées tout au long du XXe siècle. Les astronomes disposaient de moins de dix mille parallaxes stellaires plus ou moins précises  - moins de cinq mille connues avec une incertitude inférieure à 10%, moins de mille avec une incertitude inférieure à 5% -, quand à été lancé en 1989,  par l'Agence spatiale européenne, le satellite astrométrique Hipparcos. Ce satellite (dont le nom, qui fait bien sûr référence à ce grand ancêtre de l'astrométrie qu'a été Hipparque, est l'acronyme de High precision parallax collecting satellite), a fonctionné entre novembre 1989 et mars 1993. Travailler depuis l'espace, c'est-à-dire en s'affranchissant des perturbations atmosphériques, a permis de recueillir des données d'une précision sans précédent. Un premier catalogue (Hipparcos fondamental) contient - accompagnées de mesures photométriques et de mesures de mouvements propres - les mesures de 118 000 parallaxes stellaires, données avec une précision de 25 millisecondes d'arc. Deux autres catalogues, publiés ensuite, (Tycho-1 et Tycho-2), fournissent les mêmes informations, avec une précision typiquement vingt fois inférieure, mais cette fois pour 1 million et 2,5 millions d'astres, respectivement. Du fait du caractère fondamental des parallaxes trigonométriques, l'impact sur toute l'astronomie de ces résultats récents est déjà considérable. 
 

Les autres types de parallaxes
Les astronomes désignent volontiers sous le nom de parallaxes des quantités qui leur permettent d'évaluer la distance des astres. Certaines, à l'instar des parallaxes spectroscopiques ou des parallaxes de Céphéides, n'ont aucun caractère géométrique et appartiennent à la catégorie des indicateurs secondaires de distance. Pour s'en tenir ici aux seuls indicateurs primaires, fondés sur des bases géométriques, on citera-:

Les parallaxes séculaires. La méthode des parallaxes séculaires (aussi appelées parallaxes statistiques ou hypothétiques)  est une méthode statistique seulement utilisable pour déterminer la distance de groupes d'étoiles. Son principe repose non plus sur le déplacement de la Terre autour du Soleil, mais sur celui du Système solaire tout entier dans la Galaxie, ce déplacement faisant apparaître un effet systématique sur le mouvement propre des autres étoiles.

Les parallaxes cinématiques. La méthode mise en oeuvre ici prend le nom de méthode du point de convergence. Comme dans le cas des parallaxes trigonométriques, c'est encore un effet de perspective que l'on mesure, et comme dans celui des parallaxes séculaires, c'est à un groupe d'étoiles qu'on l'applique (cela explique que l'on parle de parallaxes statistiques aussi dans ce cas). Mais cette fois, les étoiles concernées appartiennent à un même amas et ont supposées se déplacer toutes dans la même direction. L'effet de perspective en question correspond au fait qu'au lieu de paraître parallèles, les mouvements de ces étoiles paraissent converger ver un point unique (de la même façon que les rails parallèles d'un chemin de fer semblent se rencontrer à l'horizon). La distance est déduite de la mesure de cette convergence. La méthode a été utilisée pour évaluer la distance d'une poignée d'amas ouverts proches du Système solaire : l'amas de la Grande Ourse, des amas dans le Scorpion et le Centaure, et surtout l'amas des Hyades (Taureau), qui joue un rôle de marche-pied important pour l'établissement des indicateurs de distances secondaires.

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