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Ballade

La ballade est un petit poème dont l'origine est mal connue, mais qui paraît avoir été inventé par les troubadours provençaux du XIIe siècle; c'est chez eux qu'on en trouve les plus anciens modèles. La ballade passa bientôt en Espagne et en France. Ce fut d'abord une sorte de romance, une complainte simple et naïve. La ballade était chantée, et même dansée ou ballée, comme on a dit dans l'ancien langage, d'où lui vient son nom : les Italiens l'appellent encore canzone da ballo (chanson à danser). Les troubadours, puis les trouvères, appliquèrent la ballade à toutes sortes de sujets; mais, à partir du XIVe siècle, elle se circonscrit dans des bornes plus étroites. Froissart, Eustache Deschamps, Alain Chartier, Villon, surtout Marot, lui donnèrent une forme qu'elle a conservée jusque vers la fin du XVIIe siècle.
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Mieux vaut honneur que honteuse richesse

« Qui puet vivre de son loial labour,
De l'art qu'il a, ou de sa revenue 
Sans exceder, il vit a grand honour,
Car sa vie est de tous bonne tenue,
Puis qu'il ne toult [= vole], qu'il ne ravit ou tue
Et que tousjours a loyaulté s'adresce, 
N'acquiere ja chevance malostrue [= avoir malhonnête] :
Mieux vault honeur que honteuse richesce.

Car riches faulx n'a fors que deshonour,
En un moment est sa terre perdue,
Et ses pechiez fait muer sa coulour, 
Que l'en perçoit sa grant desconvenue;
Il n'ose aler teste levee et nue
Pour son meffait, ainz vers terre s'apresse,
Mas et honteus comme une beste mue [= qui vient de muer] : 
Mieulx vault honnour que honteuse richesce.

Car puis qu'uns horns ara fait un faulx tour, 
Monstrez sera au doit parmi la rue;
Et lors ne fait que querir un destour
Pour lui mucier [= pour se cacher], car son pechié l'argue [= l'accuse];

Povres loyaulx tient son chief vers la nue 
Homme ne craint, car honte ne le blesce.
Ceste chose soit de tous retenue :
Mieulz vault honeur que honteuse richesse. »
 

(Eustache Deschamps, XIVe-XIVe s.).

Depuis eux, la ballade, séparée de la danse, fut un petit poème régulier, composé de trois couplets ou strophes et d'un Envoi, le tout en vers égaux, avec un refrain, quelquefois deux. Les trois couplets étaient symétriquement égaux pour le nombre des vers et l'enlacement des rimes. Chacun pouvait être composé de 8, 10 ou 12 vers, les rimes étant les mêmes dans les parties correspondantes. L'envoi n'en avait que la moitié et répondait communément, par la nature et la disposition des rimes, à la 2e moitié du dernier couplet. La ballade se composait donc de 28, 35 ou 42 vers. Voici un exemple, pris de La Fontaine, qui était pensionné par le surintendant Fouquet, à condition de fournir, en acquit de chaque terme, une petite pièce de vers : 
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POUR LE 1er TERME. - 1659.
A MADAME Fouquet.

« Comme je vois monseigneur votre époux
Moins de loisir qu'homme qui soit en France,
Au lieu de, lui, puis-je payer à vous?
Serait-ce assez d'avoir votre quittance?
Oui, je le crois; rien ne tient en balance 
Sur ce point-là mon esprit soucieux.
Je voudrais bien faire un don précieux :
Mais si mes vers ont l'honneur de vous plaire,
Sur ce papier promenez vos beaux yeux
En puissiez-vous dans cent ans autant faire!
Je viens de Vaux, sachant bien que sur tous
Les Muses font en ce lieu résidence;
Si leur ai dit, en ployant les genoux :
Mes vers voudraient faire la révérence
A deux soleils de votre connaissance, 
Qui sont plus beaux, plus clairs, plus radieux 
Que celui-là qui loge dans les cieux :
Partant vous faut agir dans cette affaire, 
Non par acquit, mais de tout votre mieux. 
En puissiez-vous dans cent ans autant faire!
L'une des neuf m'a dit d'un ton fort doux 
(Et c'est Clio, j'en ai quelque croyance)
Espérez bien de ses yeux et de nous.
J'ai cru la Muse; et sur cette assurance 
J'ai fait ces vers, tout rempli d'espérance.
Commandez donc en termes gracieux 
Que, sans tarder, d'un soin officieux, 
Celui des Ris qu'avez pour secrétaire
M'en expédie un acquit glorieux.
En puissiez-vous dans cent ans autant faire.

ENVOI.

Reine des coeurs, objet délicieux,
Que suit l'enfant qu'on adore en des lieux
Nommés Paphos, Amathonte, et Cythère, 
Vous qui charmez les hommes et les dieux, 
En puissiez-vous dans cent ans autant faire!. »

La plupart des poètes du XVIe siècle, et plusieurs du XVIIe, se sont exercés dans la ballade; mais on compte un bien petit nombre de bonnes pièces de ce genre : on peut en citer une de Villon sur son Appel d'un arrêt de mort, où il se fait parler lui-même, comme pendu, et réclame la pitié des passants; quelques-unes de Marot, surtout celle de Frère Lubin, et trois ou quatre de La Fontaine. Depuis Mme Deshoulières, qui a donné à ces petites poésies une fadeur extrême, la ballade passa de mode; en 1672, Molière faisait dire à Trissotin : 

La ballade, à mon goût, est une chose fade,
Ce n'en est plus la mode, elle sent son vieux temps.
Il est vrai que Vadius répond : 
La ballade pourtant charme beaucoup de gens.
Les littératures espagnole, anglaise et allemande offrent d'excellents modèles de ballades; mais elles n'ont pas le même caractère qu'en France : c'est un récit en vers; disposé sans règles uniformes, et auquel le poète donne la forme et l'étendue qu'il lui plaît. Le fond en est habituellement emprunté à de vieilles traditions romanesques, ou bien à d'anciens événements, soit historiques (en Espagne surtout), soit fantastiques (principalement en Écosse et en Allemagne), ou encore à d'anciennes légendes prêtant au développement poétique, propres à faire impression sur l'imagination, et que le poète ranime et rajeunit par les grâces du style, la fraîcheur des détails, la naïveté ou l'élévation des sentiments. 

Telles sont les stances des Romanceros espagnols; telles sont les ballades de Bürger intitulées Lenore, le Sauvage chasseur, celles de Goethe, le Roi des Aunes, le Roi de Thulé, le chant nuptial; celles de Schiller, le Plongeur et la Caution; celles de la vieille Angleterre (la Folle, la Chasse de Cheviot, le Chant de la fée, la série des Robin-Hood), celles de Robert Burns, de Walter Scott, et de Southey. Victor Hugo a essayé de naturaliser chez nous ce genre de poésie jusque-là presque inconnu : son recueil de Ballades contient 15 pièces. Casimir Delavigne s'est aussi exercé dans la ballade.

Chez les poètes italiens, la ballade est une espèce d'ode, divisée en plusieurs parties distinctes, qu'ils appellent : la 1re, epodo; la 2e et la 3e, mutazioni; et la dernière, volla. Le sujet en est plutôt délicat et gracieux que grave; cependant Laurent de Médicis traita en ballade la Résurrection du Christ et les Louanges de la Vierge. Les peuples scandinaves, les Roumains, les Grecs modernes, ont aussi leurs ballades. (V.P.).



En bibliothèque - Ballades et Chants populaires de la Provence, publ. par Marie Aycard Paris, 1826, in-18; Ballades, Légendes et Chants populaires de l'Angleterre et de l'Écosse, par W. Scott, Th. Moore, Campbell et les anciens poètes, publ. par Loève-Weimars, Paris, 1825, in-8°; Ballades et Chants populaires de l'Allemagne, trad. par Séb. Albin (Mme Hortense Cornu), Paris, 1840, in-12; Ballades et Chants populaires de la Roumanie, trad. par V. Alexandri, Paris, 1855. 
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Dictionnaire Musiques et danses
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