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L'histoire de l'Afrique
Zanzibar, la côte swahili 
et le Mozambique
La côte orientale de l'Afrique, longtemps appelée le pays de Zendj (= pays des Noirs), a été fréquentée dès les premiers siècles de notre ère par des navigateurs alexandrins et chinois. Un peu plus tard, plusieurs comptoirs seront fondés par des négociants arabo-musulmans. Quelques Indiens s'implantent également dans la région. Les échanges se faisaient essentiellement en direction de l'Océan indien (Péninsule arabe, Perse, Inde, Indonésie, voire Chine). La langue bantoue parlée par les populations locales (Pokomo, Nyika) s'est enrichie d'un vocabulaire venu d'Outre-mer pour donner naissance après le IXe siècle à une nouvelle langue, le swahili (= kiswahili, mot dérivé de l'arabe sawahil qui signifie côte), qui deviendra rapidement la langue du commerce dans toute la région. Ce commerce a très tôt concerné l'or, l'ivoire, les peaux, la cire, les esclaves en échange de verroteries, d'outils de métal et d'étoffes. Des esclaves noirs sont vendus jusqu'en Chine au VIIIe siècle.

Entre le VIIe et le XIIIe siècle, diverses cités-États créées par des Arabes y sont fondées : Lamu, Pate, Malindi, Mombasa, Sofala, plus au Sud, qui sert de relais au commerce avec le royaume du Monomotapa, et, sur une île, Zanzibar (nom dérivé de Zendj). En 957, des Persans de Chiraz - les Chirazi - fondent sur une autre île Kiloa (Kilwa), noeud commercial pour l'or en provenance du Zimbabwe, et qui sera la plus florissante de ces villes  entre le XIIe et le XIVe siècle, Puis Pate, plus au Nord, a pris le relais, et ensuite Zanzibar. Les Portugais, qui vont durablement marquer l'histoire de la région, y parviennent à la fin du XVe siècle (Vasco de Gama atteint Malindi en 1498). En 1505, ils s'emparent de Sofala et de Kiloa, puis de Mombasa dont il feront leur principale base. Mais c'est surtout le sultanat d'Oman, qui à partir du XVIIe siècle commence à exercer sa domination dans la région en exerçant une forme de protectorat sur le villes de la Côte, en échange de divers tributs et autres monopoles commerciaux. Mombasa est prise aux Portugais en 1698, qui la récupéreront en 1728, mais devront rapidement se replier au Mozambique.

L'affaiblissement de la puissance omanaise (perte de plusieurs villes swahili) au début du XIXe siècle donne à Zanzibar une importance nouvelle. Seyid Saïd, le Sultan de Mascate s'y installe en 1832 où il développera la culture de la girofle qui fera sa fortune. La ville devient le principal centre commercial de la région. Sa tête de pont sur le continent sera Bagamoyo. C'est à cette époque que culminent les échanges avec les régions intérieures de l'Afrique. Chaque année, 15 000 esclaves transitaient par les marchés des ports arabo-sawhili.

Dates -clés  :
XIIe siècle - Les Arabes sont établis à Sofala.

1498 - Vasco de Gama atteint la côte orientale de l'Afrique (Malindi).

XVIIe siècle - la côte swahili est sous domination omanaise.

1885 - Début de la rivalité anglo-germanique en Afrique orientale.

1890 - Expropriation du sultan de Zanzibar.

Zanzibar

Zanzibar fut, de bonne heure, fréquentée par les trafiquants arabes, qui en firent un marché d'esclaves important. Au XIIIe siècle, Marco Polo fit connaître les antiques relations de commerce entre l'Inde et la côte orientale d'Afrique, le pays des Zendjs, qu'il appelle Zanquibar. L'île était alors désignée sous le nom d'Oungouya par les indigènes. Elle ne fut définitivement connue sous son nom et à sa place qu'à partir de 1499, lorsqu'elle fut visitée pour la première fois par Vasco de Gama, à son retour de l'Inde. En 1503, les Portugaiss'y établirent, et Zanzibar devint peu à peu le principal entrepôt commercial de l'Afrique orientale; c'est par Zanzibar qu'on accédait à la région du Haut-Nil, et des liens, étroits rattachaient les petits États de l'Afrique orientale au grand marché de Zanzibar.

« Quand on joue de la flûte à Zanzibar, disait un proverbe arabe, toute l'Afrique des lacs se met à danser. »
L'occupation portugaise ne fut pas longtemps effective; à la fin du XVIIe siècle, les Portugais furent chassés par des Arabes de Mascate, et Zanzibar fut gouvernée par des princes de Mascate, de la famille des Saïd. Au XVIIe siècle, l'imam de Mascate avait établi sa souveraineté sur tout le littoral, depuis la mer Rouge jusqu'aux possessions portugaises de Mozambique, ainsi que sur tout le pays compris entre la côte et les grands lacs. C'est pourquoi le nom de Zanzibar s'appliquait indistinctement à la côte, à l'île et à sa capitale. Dès cette époque, le terme primitif de Zanguebar disparut  de la nomenclature géographique, et Zanzibar ne désigna plus que l'île avec sa capitale. 

Les puissances européennes seront de retour dans la région dès le milieu du XIXe siècle. Ainsi voit-t-on, le sultan de Zanzibar, Saïd, qui avait conclu quelques années plus tôt avec la France un traité de commerce envoyer en 1849 un de ses vaisseaux, la Caroline, porter des présents au président de la République française. En 1853, un Marseillais, Rabaud, fonda un comptoir à Zanzibar; puis des Allemands et des Anglais y installèrent des factoreries. En 1859, l'évêque de la Réunion envoya à Zanzibar les premiers missionnaires. Le sultan encouragea les voyages d'exploration à la recherche des sources du Nil (L'exploration de l'Afrique). En 1861, soutenu par l'Angleterre, il s'affranchit de la suzeraineté de l'iman de Mascate. En 1869, la France et l'Angleterre conclurent un traité par lequel elles s'engageaient à respecter l'indépendance du sultan de Zanzibar.

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Zanzibar : le Mémorial des esclaves captifs.
Le Mémorial des esclaves captifs, sur l'emplacement de l'ancien marché aux esclaves
de Stone Town (Zanzibar).

En 1880, le sultanat de Zanzibar avait encore une étendue considérable, quoique imparfaitement délimitée. Il comprenait, outre l'île de Zanzibar, l'île de Pemba au Nord, celle de Mafia au Sud, une partie de la côte africaine, depuis la presqu'île des Somalis jusqu'au Mozambique portugais; du côté de l'Ouest, jusqu'aux grands lacs, les limites n'étaient pas déterminées. C'est en 1885 que commence la rivalité de l'Allemagne et de l'Angleterre dans l'Afrique orientale ( La Région des grands lacs), rivalité dont le sultan de Zanzibar devait être la victime. En 1885, la Deutsche Ostafrikanische Gesellschaft signait des traités de protectorat avec les chefs indigènes de l'Afrique orientale et, en quelques mois, mettait la main sur une bonne partie du littoral de l'océan Indien. L'Angleterre créa alors la British East African Association, devenue l'Imperial British East Africa Company (I. B. E. A.), et le sultan de Zanzibar fut alors en butte aux intrigues et aux entreprises rivales de l'Allemagne et de l'Angleterre. 

Pourquoi Zanzibar? Par sa situation géographique (en vis-à-vis du port de Bagamoyo, sur le continent) la ville Zanzibar a une importance commerciale considérable; c'est un lieu de transit, un entrepôt pour les marchandises en provenance ou à destination de l'Afrique orientale; au XIXe siècle, c'est à Zanzibar que les Indiens trafiquant tout le long du littoral, par boutres, viennent faire leurs achats, ainsi que les négociants arabes qui expédient des caravanes dans l'intérieur de l'Afrique. Les transactions commerciales se font à Zanzibar par l'intermédiaire d'une douzaine de maisons européennes; le commerce de détail est entre les mains des Indiens de Bombay et de Goa. Le mouvement commercial de Zanzibar dépasse à cette époque les 100 millions de francs.
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La ville de Zanzibar vers 1920.

Les principaux articles à l'importation sont : le riz provenant de Bombay, Calcutta et Rangoon; les étoffes de coton, kangas multicolores et kanzons blancs, qui servent à vêtir les Africains, et qui sont fabriquées spécialement en Angleterre, en Allemagne et en Suisse; l'ivoire, les clous de girofle provenant de Pemba; les peaux provenant de l'intérieur de l'Afrique via Mombasa et la côte allemande; les animaux vivants, les vins et spiritueux, les matériaux de construction, etc. C'est l'Inde, alors sous domination anglaise, qui tient le premier rang à l'importation.

Les principaux produits exportés sont les clous de girofle dont le principal marché est Rotterdam; le coprah expédié surtout à Marseille; les étoffes de coton réexportées sur les différents ports de la côte africaine, etc. Le trafic est très actif entre Zanzibar, les Comores et Madagascar. Le port de Zanzibar est une escale très fréquentée par les navires qui font le service de la côte orientale d'Afrique, de Madagascar, la Réunion et Maurice. A partir de l'établissement du protectorat anglais, le port a été franc de douanes, excepté pour les spiritueux, les armes et munitions de guerre, le tabac et le riz; mais un décret du 7 novembre 1899 a rétabli un droit de douane de 5% excepté sur les marchandises en transit. 

En 1886, les deux puissances s'entendirent pour garantir l'indépendance du sultan, mais cette garantie ne s'étendait qu'aux territoires effectivement occupés par ce souverain, c.-à-d. à l'île de Zanzibar et à une zone étroite le long de la côte. Quant aux possessions continentales du sultan, l'Allemagne et l'Angleterre convinrent de se les partager, ce qui fut fait par le traité du 2 juillet 1887, traité auquel la France adhéra en qualité de cogérante de l'indépendance du sultan de Zanzibar. Le traité du 14 juin 1890 entre l'Angleterre et l'Allemagne marque le terme de l'expropriation du sultan de Zanzibar : l'Allemagne reconnaissait le protectorat exclusif de l'Angleterre sur Zanzibar et Pemba; en échange, elle recevait la portion de la côte que les conventions précédentes avaient réservée au sultan, ainsi que l'île d'Helgoland dans la Baltique. L'Angleterre, suivant l'expression de l'explorateur allemand, le major Wissmann, acquérait « la clef de toute la côte africaine ».-
-Zanzibar : fort arabe.
Fort arabe, à Zanzibar. Images : The World factbook.

La France, par le traité du 5 août 1890, signé avec l'Angleterre, a consenti à reconnaître le protectorat anglais sur les territoires du sultan de Zanzibar, en échange de la reconnaissance de son protectorat sur Madagascar. Depuis le 31 août 1896, les parties de l'ancien sultanat de Zanzibar annexées par l'Angleterre sont désignées sous le nom d'East Africa Protectorate. L'île restera protectorat britannique jusqu'en 1963-64, date à laquelle elle est rattachée (avec un statut particulier) au Tanganyika indépendant depuis 1961 (après avoir été une colonie allemande jusqu'en 1919, un territoire administré par la Société des Nations, puis par la Grande-Bretagne), pour former la Tanzanie (= Tanganyika + Zanzibar +ie).

Les villes de la côte swahili

Bagamoyo.
Ce village de la côte orientale d'Afrique, en face de Zanzibar, par 6° 17' de latitude Sud ne comptait que 10 000 habitants au XIXe siècle. Mais son importance lui venait de ce qu'il était le point de départ des caravanes qui prenaient la route des grands lacs. Il devint ainsi le marché le plus important de la côte; on y voyait parfois arriver 10 000 étrangers en une semaine. En 1869, la congrégation française des Pères du Saint-Esprit s'y est établie. Elle a fondé un établissement agricole, des écoles, des ateliers, un orphelinat, une crèche. Elle rachetait les enfants noirs capturés dans l'intérieur. Une pratique relevant à la fois de principes d'humanité que d'un intérêt bien compris comme le relèvera le consul Ledoulx :

« Il y a là, notera-t-il, 500 enfants noirs des deux sexes destinés à fonder plus tard de stations dans l'intérieur, instruits dans notre langue et dans nos usages. »


Dar-es-Salaam. 
La frénésie qui régnait à Bagamoyo, allait de pair avec une insécurité croissante. Et c'est apparemment ce qui a favorisé le développement d'une autre localité, plus au sud,  dans les années 1880 : Dar-es-Salaam, c'est-à-dire la maison de la paix (autre nom du Paradis et de Bagdad). Cet autre port de la côte orientale d'Afrique, situé à l'embouchure du fleuve du même nom, offrait le port  de qualité, abrité par des bancs de coraux. Dar-es-Salaam (aujourd'hui, capitale de la Tanzanie, et l'un des principales villes d'Afrique) devint à son tour un des principaux marchés de cette côte, au débouché de la route qui menait au pays d'Ousaramo. Il fut cédé par le sultan à la compagnie allemande de l'Afrique orientale en 1885
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Photo du port de Dar-es-Salam.
Le port de Dar es-Salaam au début du XXe siècle.

Mombasa.
Le port de Mombasa (ou Mombaz), aujourd'hui au Kenya, bien abrité a été regardé très tôt comme un des meilleurs de la côte orientale d'Afrique. De quoi expliquer aussi une histoire des plus mouvementées : prise et incendiée en 1505 par les Portugais, Mombasa se relevait à peine de ses ruines lorsque en 1528 elle fut de nouveau détruite de fond en comble. On peut dire de cette ville qu'elle n'était reconstruite que pour être détruite à nouveau jusqu'à l'année 1740 où elle passa  aux mains de l'iman de Mascate. Sa prospérité lui a été assurée quand elle est devenue, en 1898, la tête de ligne du chemin de fer reliant l'Ouganda et toute la vallée du haut Nil à la côte.

Sofala.
Les Arabes s'établirent à Sofala vers 1120. En 1489, le Portugais Covilham visita cette ville et vanta les mines d'or de son arrière-pays. Vasco de Gama y toucha en 1502. En 1508, les Portugais chassèrent les Arabes par la force et s'y établirent solidement, en y construisant la forteresse dont les restes subsistent encore. Leur possession porta primitivement le nom de capitainerie de Sofala. 

On a proposé d'identifier Sofala à l'antique Ophir, d'où les navigateurs phéniciens rapportaient à Salomon l'or de la reine de Saba (Ancien Testament  (Livre des Rois, IX, 28). Un point de vue certainement propre à inspirer les romanciers (Henry Rider Haggard et ses Mines du roi Salomon (1885) peut-être aussi inspirées des découvertes de Cailliaud), mais qui reste à relativiser au plan de l'histoire...

Mais où était donc Ophir? Ce pays oriental qui fut en relations commerciales avec les Hébreux par l'intermédiaire des ports édomites de la mer Rouge. On raconte que Salomon y fit chercher (par des marins tyriens) de l'or, du bois de santal, des pierres précieuses, de l'ivoire pour décorer le temple de Jérusalem (on en ramena aussi des paons). D'innombrables Mémoires ont, été écrits pour en fixer l'emplacement. On a proposé le Yémen, diverses régions des côtes de l'Inde, la presqu'île de Malacca (Bacr), le pays africain de Sofala (Mauch), le golfe Persique (Glaser), et jusqu'à la Chine et même l'Amérique. Une hypothèse émise par Lassen a connu une certaine faveur, elle place l'Ophir sur la côte Nord-Ouest de l'Inde où se retrouvent des peuples pasteurs du nom d'Abhira. De fait, la richesse d'Ophir, en or très pur, rappelle celle de la satrapie perse de l'Inde qui payait seule son tribut en or. Mais d'autres auteurs pensent que le nom d'Ophir n'avait qu'un sens vague et désignait toutes les régions riveraines de l'océan Indien, au delà de la mer Rouge.


Le Mozambique

En évoquant l'histoire de Sofala, on est déjà entré dans celle du Mozambique, dont le passé se lie à la fois à celui de la côte swahili proprement dite et à celui de l'Afrique australe. La côte du Mozambique fut de très bonne heure exploitée par les négociants arabes qui commerçaient, avec l'Inde, la régularité du régime des moussons facilitant les voyages. Elle le fut peut-être par les Phéniciens, sans même rappeler le périple de Néchao (L'Exploration de l'Afrique). Les ruines des forteresses retrouvées dans les districts miniers de l'arrière-pays attestent l'existence de puissantes organisations.

Les Portugais établirent  plusieurs bases le long de la côte entre entre 1506 et 1508. Ils remontèrent le Zambèze (vers 1565), où ils occupèrent Tété en 1632. Mais ils négligèrent les pays de l'intérieur où existait encore au XVIIe siècle, au Sud du Zambèze, le royaume de Monomotapa. Le retour offensif des Arabes, appuyés par l'iman de Mascate (1698), limita au cap Delgado au Nord les possessions portugaises. Un siècle plus tard, les implantations portugaises seront davantage contestées par les autres Européens (et les Africains) que par les Arabes. 

L'histoire du Mozambique est, au XIXe siècle entière rattachée à celle des relations du Portugal et de l'Angleterre, aux convoitises anglaises, provoquées par l'excellence de la baie Delagoa , au sud du pays, et par sa situation voisine des républiques boers, particulièrement du Transvaal, dont elle est l'issue naturelle. 

La baie de Delagoa (anciennement da Lagoa = de la Lagune), explorée au XVIe siècle par Pedro Quaresma, est également appelée sur les anciennes carte la baie d'Espirito Santo, d'après une des rivières (aujourd'hui le Tembé) qui viennent déboucher. Elle prendra plus tard le nom de baie de Lourenço-Marquès, du nom de son port, fondé en 1867 sur l'emplacement du village zoulou de Maputo conquis en 1823, qui lui-même tirait le sien de celui du navigateur qui fonda en ces lieux la première factorerie, en 1544. L'endroit va se révéler le meilleur port de toute l'Afrique orientale.
En 1875, l'arbitrage du président Mac-Mahon fut favorable au Portugal, auquel les Anglais contestaient cette baie comme ayant hérité d'anciens navigateurs hollandais, débarqués dans le pays en 1720, et comme cessionnaires d'une partie de la côte méridionale acquise par le capitaine Owen en 1823, sur laquelle ils bâtirent même une ville du nom de Bombay, pour faire concurrence à Lourenço-Marquès. En 1889 surgit le conflit africain anglo-portugais (qui devait prendre fin deux ans après). A la fin de l'année 1890, un incident dit de Manica fut provoqué par la South African Company, expulsant violemment les Portugais de ce lieu. A la suite de cet incident, un bataillon de volontaires fut organisé à Lourenço-Marquès, et, au commencement de 1894, une petite expédition portugaise en partait, pour marcher sur Massikessé. 

Les rivalités des États de l'Afrique australe ont aussi donné une histoire à leurs chemins de fer. En 1883, par suite d'une entente du Portugal avec la République sud-africaine, une ligne fut projetée reliant la baie Delagoa au Transvaal. Tandis qu'une compagnie néerlandaise se chargeait de la portion comprise entre Prétoria et la frontière, une société portugaise construisait l'autre portion jusqu'à ce point. Elle se constitua sous le nom de Lourenço-Marquès and Transvaal railway Company; elle se substituait en 1887 une société anglaise, la Delagoa bay and East african railway Company, qui construisit la voie ferrée, jusqu'à 80,5 km Sur ces entrefaites, la frontière ayant été rectifiée, il se trouva qu'elle était reculée et que la ligne comportait, à l'encontre des premières estimations, 9 km. de plus à construire dans une contrée fort difficile. La Compagnie n'ayant pas voulu obtempérer à cette exigence, le gouvernement portugais prononça sa déchéance (25 juin 1889) et s'empara de la ligne. Elle sera terminée jusqu'à la frontière, à Komatipoort. 

D'autre part, la Compagnie néerlandaise a, le 20 juin 1893 seulement, inauguré la première section de la ligne de Komatipoort à Pretoria, jusqu'à Nelspruit (120 km.). Une compagnie française a commencé la construction d'un embranchement de Komati aux mines de Sélati. La ligne de Lourenço-Marqués à Pretoria sera la plus courte des routes reliant à la mer la capitale du Transvaal : elle n'a que 400 km. Elle détournera du Cap une partie du mouvement commercial du Transvaal sur Lourenço-Marquès et à son profit. Vers la fin de l'année 1894, les Africains se sont insurgés dans le territoire de Lourenço-Marquès contre l'autorité portugaise. Conduits par leurs chefs Mahazuli et Zahlala, ils ont obtenu l'alliance du grand chef Gungunhana. Les Portugais, ayant refusé les secours de Cecil Rhodes et de l'Allemagne, ont obtenu le 29 janvier 1893 un premier succès véritable. Le 24 mai, la rébellion semblait réprimée. Enfin, en décembre 1895, Gungunhana fut vaincu et pris. Les troubles ne cessèrent pas pour autant. De nouvelles rébellions auront encore lieu jusqu'en 1913, qui seront matées dans le sang. En 1917 et 1918, les Allemands occupent une partie du Mozambique et suscitent  un regain de violence au sein des populations africaines. Quand les Portugais, au lendemain de la Première Guerre mondiale reprendront le dessus, rien ne sera véritablement stabilisé, et le Mozambique, placé sous la botte européenne depuis près de quatre siècles, et n'aura jamais été véritable colonisé, deviendra finalement  indépendant en 1975, après la Révolution des oeillets au Portugal, sans que cela d'ailleurs le fasse échapper à la violence et à la misère. (Ch. Delavaud / E. Chantriot / L. Del / A.-M. B.).

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