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La Région des Grands Lacs |
La
région
des Grands Lacs, très anciennement habitée par des populations de
métallurgistes, de pêcheurs, puis d'éleveurs a été au début de notre
ère un des centres de l'expansion bantoue vers
l'Afrique méridionale. D'importants centres urbains laissent également
supposer la grande ancienneté d'États bien organisés dans la région
interlacustre. Les restes d'une cité avec d'énormes remparts ont ainsi
été découverts à Bigo, à l'Est du lac Albert (Ouganda actuel). Des
découvertes analogues ont été faites sur les plateaux tanzaniens et
kenyans. A Engaruka, au sud de la vallée du Rift, des ruines semblables
à celles de Bigo laissent croire à une ville de plusieurs milliers de
maisons, qui pourrait remonter au XIIIe
siècle.
L'histoire véritablement connue, elle, ne remonte pas au-delà du XVe s. Elle témoigne de la formation et de la persistance de plusieurs royaumes importants. Le Bunyoro-Kitara, le Buganda, le Rwanda et le Burundi ont été les plus puissants. Mais on peut également citer ceux de l'Ankolé, les États haya (Karagwé, Kyamutwara, Ihangiro), ou encore le Buzinza . Tous présentent une certaine familiarité culturelle. Ils se reconnaissent les mêmes références historico-mythologiques, et sont nés de la rencontre ancienne de populations de pasteurs-guerriers et de sociétés d'agriculteurs. Le brassage s'est ensuite fait différemment d'un endroit à un autre. La dichotomie pasteurs/paysans, devenue opposition Tutsi/Hutu dans des royaumes tels que le Rwanda et le Burundi, a été inactive au Bunyoro et au Buganda, par exemple. A l'exception de la zone qui correspond aux Rwanda et Burundi actuels, apparemment épargnée par le trafic d'esclaves, la région des Grands lacs, comme presque tout le reste de l'Afrique a subi ce fléau pendant de long siècles. Elle a été parcourue sans cesse par les caravanes armées des marchands arabes; il s'y formait des bandes conduites par les pourvoyeurs des marchés d'esclaves, et qui s'attaquent victorieusement en général aux habitants sédentaires du pays et y entretenaient une anarchie constante, surtout sur les routes de l'Ounyamousi (Tanzanie centrale) qui menaient à Zanzibar, la plate-forme de la traite en Afrique orientale. Dates -clés : 16e siècle : Émergence des premiers royaumes historiques (Bunyoro, Rwanda) dans la région des Grands lacs. |
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L'empire
du Bunyoro-Kitara et ses voisins
Le Bunyoro-Kitara.
Le Buganda.
Moeurs royales - "Souverain absolu, intouchable et sacré, le roi du Buganda, - le kabaka - était élu, bien qu'il fût généralement le fils du précédent monarque . Les autres prétendants au trône, candidats malheureux, étaient emprisonnés ou exécutés. La reine-mère, la soeur de la reine, et surtout la première épouse (il en avait plusieurs centaines!) avaient une grande influence. Autour du roi qui créait les fiefs, les distribuait, les confisquait, condamnait à mort, il y avait un Conseil des grands chefs ou grands dignitaires. [C'était eux qui] levaient les impôts et conduisaient les armées." J. Milley, Y. Thoraval, Kenya, Afrique des Grands Lacs, Ed. du Seuil, coll. Petite planète, 1980.La clé aura été ici, une fois de plus, l'équation si fréquemment rencontrée dans cette part de histoire africaine qu'est l'histoire de la traite des esclaves : des armes à feu apportées par les Arabes, contre des esclaves, capturés au bénéfice de l'expansion du royaume, et acheminés vers les villes de la Côte orientale et Zanzibar, ou financiers indiens et négociants européens sont implantés. Les Arabes n'y pénétrèrent qu'au XIXe siècle par le Sud (marché de Tabora), au temps du roi Sinna (1836-60). Sous son successeur Mutesa Ier (Mtésé) parurent les Européens. Mutesa Ier, né vers 1842, mort en 1884 avait succédé à son père Sinna, vers 1860. Il fit la conquête des pays situés à l'Ouest du lac Victoria. Speke et Grant, qu'il a bien accueillis en 1862, l'ont représenté comme « un aimable jeune homme »; ils ont cependant décrit les sacrifices humains qui constituaient un des plaisirs du roi. A partir de 1869, plusieurs expéditions anglo-égyptiennes conduites depuis le Nord par Charles Gordon, alors gouverneur général du Soudan, se heurtent aux armes modernes des Bugandais et échouent. Les tensions s'apaiseront assez vite. Quand le colonel Chaillé-Long est envoyé auprès de Mutesa par Gordon en 1874, il est assez bien reçu. Le roi fait même massacrer trente de ses sujets devant lui, pour lui faire honneur, dit-il (à moins que ce ne soit pour faire preuve de sa détermination...). L'année suivante, Mutesa recevra simultanément un autre envoyé de Gordon, Linant de Bellefonds, et Stanley, venu du Zanzibar en 1875. Il leur fit cette fois le meilleur accueil. Tous deux furent frappés de la dignité de Mutesa; sous l'influence des immigrants musulmans, il avait adopté le costume arabe et se montrait fort doux. Il facilita la continuation du voyage de Stanley; le voyageur crut même avoir presque décidé le roi à se convertir au christianisme. Des missions, l'une protestante, en 1877, l'autre catholique, en 1879, furent fondées dans l'Ouganda et réussirent des conversions conversions, mais sans pouvoir mettre le roi au nombre de leurs prosélytes. En 1877, Mutesa reçut Emin Bey, envoyé de Gordon. Il échangea quelques lettres avec le sultan de Zanzibar, et en 1879 chargea les missionnaires Wilson et Felkin de porter une lettre à la reine Victoria. Jusqu'à sa mort, il ne cessa de se montrer plutôt bien disposé pour les missionnaires, sans manifester d'inquiétude contre les projets des blancs. C'est des Égyptiens seuls qu'il redoutait l'invasion, et les relations amicales qu'il entretint avec les envoyés du gouverneur du Soudan furent toujours empreintes d'une certaine défiance. La situation change avec le successeur de Mutésa, son fils Mouanga. Celui-ci, parvenu au trône en octobre 1884, se trouve d'emblée confronté à aux bouleversements qui secouent le Nord, avec la révolte du Mahdi au Soudan, qui dès 1883 a fermé la route du Nord. Les expéditions vers les Grand Lacs reprendront avec plus de succès depuis Mombasa et Dar-es-Salaam. Mais cette fois ce sera au prix d'une compétition entre Allemands et Anglais dans la région (Zanzibar et la côte swahili). Les Allemands vont remporter la partie au Tanganyika, et les Anglais vont dès lors devoir se rabattre sur l'Ouganda. Ils s'attacheront à le déstabiliser à leur avantage autant que possible. Résulta immédiat : Mouanga commença à se montrer très mal disposé pour les missionnaires chrétiens, voyant en eux les précurseurs d'une invasion européenne. En octobre 1885, il fit assassiner l'évêque anglican Hannington qui, malgré les conseils de ses confrères, avait voulu pénétrer dans l'Ouganda par la route de l'Est (d'où devait venir, d'après une légende, un ennemi qui ferait la conquête du royaume), et qui persista à ne pas reprendre la route de la côte en dépit des ordres du roi. Tout rapport fut interdit aux missionnaires avec les chrétiens indigènes. Enfin, en mai 1886, ceux-ci furent massacrés en grand nombre. Mouanga ne permit cependant que quelques mois plus tard aux missionnaires anglais de quitter l'Ouganda. Également hostile aux chrétiens comme aux musulmans, qu'il voulut exterminer les uns et les autres, il fut chassé en septembre 1888 par une révolution; il se réfugia à la mission catholique de l'île de Sese. Il fut remplacé par ses frères, Kiwewa, puis Kalema. Les musulmans qui régnaient sous leur nom ayant expulsé les chrétiens, ceux-ci s'allièrent à Mouanga, qu'ils replacèrent sur le trône (octobre 1889), et qui, sans se convertir au catholicisme, jugea utile de se dire disposé à le faire. En 1889, Jackson, agent de la Compagnie britannique de l'Afrique orientale, lui envoya un pavillon. L'année suivante, il conclut avec le docteur Peters un traité par lequel il se plaçait sous le protectorat de l'Allemagne. Jackson, arrivant peu après, protesta contre ce traité, dont l'Allemagne a renoncé à se prévaloir. L'Ouganda ayant été placé dans la sphère
d'influence britannique, par le traité du 1er
juillet 1890, le capitaine Lugard,
représentant de l'I. B. E. A (= Imperial British
East African Association), s'y rendit et obtint de Mouanga,
le 24 décembre, malgré la répugnance du roi pour la domination anglaise,
la conclusion d'un traité avec la compagnie. L'opposition manifestée
par les indigènes catholiques contre ce traité et la préférence marquée
aux protestants par Lugard amenèrent une guerre civile sanglante, dans
laquelle les agents de la compagnie se montrèrent d'une grande brutalité
contre les missionnaires français (janvier 1892).
Le roi, qui s'était enfui avec les catholiques dans le Bouddou, fut rappelé
par Lugard; le 30 mars, il signa à Mengo, sa résidence, un nouveau traité
de protectorat. Il n'a plus été par la suite qu'un instrument aux mains
des agents de l'I.B.E.A., puis des représentants du gouvernement britannique
(substitué à la compagnie le 19 juin 1894,
à la suite de la rébellion des musulmans, de concert avec les Soudanais
du cap Macdonald, en 1893).
Le Buganda n'en disparaîtra pas pour autant. Et l'on peut même relever
pour l'anecdote, qu'après l'accession à l'indépendance de l'Ouganda,
en 1962, sont premier président élu
ne sera autre que le dernier kabaka du Buganda, Mutesa II (Mutexi Luwangula
Mutesa)...
Sur les bords du lac Tanganyika. Les États Hima.
Les sources du Nil - Le Nil proprement dit démarre à Jinja, sur la rive nord du lac Victoria. Mais ce lac étant alimenté par diverses rivières, on considère en général que les sources du Nil se situent plutôt à la source de la plus longue d'entre elle, au Burundi. Il s'agit de la rivière Ruvubu, qui se prolonge par la Kagera, qui elle-même se jette dans le lac Victoria. La découverte des sources du Nil a été en Europe, et dans toute l'aire méditerranéenne, une interrogation récurrente depuis l'Antiquité. Elle n'a trouvé sa réponse qu'au XIXe siècle, en même temps que la connaissance de l'hydrographie du haut-Congo et du Zambèze, grâce à quelques missionnaires et explorateurs qui ont laissé leur nom dans l'histoire : David Linvingstone (1813-1873), John Stanley (1841- 1904), et surtout Richard Burton (1821-1890) et John Speke, mandatés par la Royal Geographical Society, dans le but explicite était bien cette découverte. C'est Speke (1827- 1864), finalement, qui atteindra le premier en 1858 la rive sud du lac Victoria, puis en 1862 le Buganda (L'exploration de l'Afrique).A la fin du XIXe siècle, à la suite du partage colonial entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne, le Rwanda et le Burundi sont devenus des colonies allemandes. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, ces deux pays (ainsi que le Tanganyika, lui aussi allemand) sont passés sous l'administration de la Socité des Nations. Celle-ci a ensuite délégué cette administration à la Belgique (l'adminsitration du Tanganyika revenant à la Grande-Bretagne).Alan Moorehead, The White Nile, Dell, 1960. Les chefferies et tribus du Rift Les régions qui se situent sur les plateaux intérieurs de l'actuelle Tanzanie et du Kenya n'ont pas connu de véritable unité politique jusqu'au XXe siècle. On y rencontre seulement de petites entités. Entre les grands lacs et la mer on trouve plusieurs petits royaumes, Oukambani et Oumasat, Outeïta au pied du Kilimandjaro; plus au sud, des chefferies qui concluent à l'occasion - c'est-à -dire sous la pression de menaces extérieures (raids Galla, Masaï, Zimba, Kamba, etc) - des alliances entre elles, comme celle des Zaramo et les Shambaa au XVIIe siècle, qui s'érigent parfois en éphémères royaumes tel celui d'Ugweno fondé par les Pare du Nord à la fin du XVIe siècle, ou en confédérations plus ou moins lâches, comme comme celles de Hehé, poussés à l'union vers le milieu du XVIIIe siècle par la montée en puissance, au Sud, des Zulu (= Nguni septentrionaux), et de toutes façons se côtoient en menant des modes de vie parfois très opposés. Ainsi rencontre-t-on sur un espace, il est vrai assez étendu, une nébuleuse de groupes d'agriculteurs-éleveurs bantous, tels que les Nyamwezi et quelques autres (Kikuyu, Sukuma, Hehe, Makonde, etc.), aussi bien que des populations nomades d'éleveurs apparentées aux Nilotiques, telles que les Nandi et les Iraku, sans parler des Masaï dispersés sur le territoire le plus grand, et qui sont les plus célèbres. A la fin du XIXe siècle cette région a connu une succession de calamités naturelles (sécheresse, sauterelles) et d'épidémies : peste bovine (1890-1891), variole, trypanosomiase, qui ont affaibli ces populations au point de faciliter grandement l'implantation coloniale. Mais auparavant, elle aura été l'espace à travers lequel été tracées l'une des grandes routes commerciales entre les villes arabo-swahili de la côte et les royaumes de l'intérieur. Les Kamaba, puis le Buganda en contrôlent une au Nord, entre Mombasa et le pays Kikuyu, les Yao, au Sud en contrôlent une autre qui mène de Kilwa Kisiwani jusqu'au lac Malawi et au Katanga . La troisième est celle qui contourne la steppe Masaï et traverse, en passant par Tabora (= Kazeh, à l'époque), le pays Nyamwezi. A Tabora un relais est créé vers 1830. La route s'y sépare en deux itinéraires : l'un vers le Nord et le Buganda, l'autre vers Ujiji, sur la rive orientale du Tanganyika, qui devient un centre de diffusion vers tout le bassin du Haut-Congo. Tabora et Ujiji, où sont délégués des cadis venus d'Oman seront à la fois des pôles d'islamisation et les plaques tournantes du trafic caravanier (étoffes, perles, fil de laiton sont introduits en échange d'ivoire et d'esclaves). Ujiji sera également le point de départ de l'aventure d'un trafiquant arabo-swahili Hamed Ben Mohammed el-Murjebi ( = Tippu Tip) qui et fonde sur l'autre rive un petit royaume qu'il dirigera de 1870 à 1884... Les Nyamwezi.
Les Masai.
Guerriers Masaï. La société politique masaï traditionnelle est structurée autour de compagnies de guerriers, dont le chef est responsable des affaires civiles et militaires. Les guerriers (elmoran) comprennent des jeunes gens au-dessous de vingt-cinq ans; après la circoncision, ils sont envoyés au camp des guerriers, on ils vivent exclusivement de viande et de laitage. Les guerriers sont armés d'une lance, d'une épée et d'un grand bouclier ovale orné de dessins héraldiques; ils portent sur la tête un collier de plumes d'autruche, et ont d'autres ornements de plumes ou de poils aux épaules, aux genoux, aux chevilles; ils s'enduisent le corps d'une couche d'argile et portent de nombreux ornements. Les Masaï ont des sorciers et n'enterrent pas leurs morts. Au moment des troubles
qui ont agité la région, dans le deuxième tiers du du XIXe
siècle, on a décrit les Masaï comme
"la terreur de toute l'Afrique orientale"; ils n'ont, semble-t-il d'autre
occupation que le pillage. On évaluait alors leur nombre à 500 000. Ces
compagnies de guerriers s'associaient parfois pour former des tribus dans
lesquelles les tâches se partageaient entre guerriers et pasteurs. Quelques
unes ont survécu. Les Masaï sont ainsi divisés aujourd'hui en Arusha,
Ilmaasaï, Kwavi et Samburu. Les
Arusha sont devenus agriculteurs au début du XIXe
siècle.
Les traités conclus entre l'Angleterre et l'Allemagne dans les années 1890 ont partagé le pays des Masaï entre les sphères d'influence de ces deux puissances. Des stations anglaises ont été fondées le long de la Tana, dans l'Oukamboni, etc. Une ligne télégraphique a été installée de Mombasa à l'Ouganda. La construction d'un chemin de fer entre Mombasa et le lac Victoria a été décidée; le trajet en a été fixé par les travaux des capitaines Macdonald, Pringle, etc. (1892). Les Masaï ont peu à peu pris l'habitude de laisser passer les caravanes sans les molester. Quelques chefs ont conclu des traités avec le gouvernement britannique. Les Yao et leurs
voisins.
Femmes du Tankanyika, vers 1920.
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