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L'histoire de l'Afrique
L'Afrique Australe
Les premières traces de peuplement de l'Afrique australe remontent à la préhistoire. Des vestiges acheuléens (200 000 ans av. J.C) se trouvent répandus sur toute la côte méridionale de l'Afrique du Sud. La métallurgie et la céramique est également attestées très tôt (premiers siècles de l'ère chrétienne au moins). Aujourd'hui, les plus anciennes populations, héritières de cette époque, sont représentées par les Khoïsan

Le peuplement par des groupes bantouphone a commencé (ou en tout cas s'est consolidé) au Xe siècle,  et plusieurs États importants se sont formés  : Zimbabwe, à partir du XIesiècle, puis Monomotapa, entre les XVe et XVIIe siècles. Cette période, qui correspond à l'apogée de la puissance shona, est aussi déjà marquée fortement par l'influence des Européens, présents dans la région depuis le XIVe siècle.  Ceux-ci - Portugais d'abord, intéressés par l'or et les esclaves, puis, dans un contexte sans doute encore plus destructeur si c'est possible, les Hollandais et les Britanniques - ont installé ici peut-être plus qu'ailleurs en Afrique leur loi brutale. 

La colonisation précoce de l'Afrique australe par les Hollandais, alimentée par leur rivalité avec les Britanniques installés au Cap à partir de 1805, a eu des effets génocidaires. Un million de Bantous du Sud (Nguni et Sotho) ont été tués en une vingtaine d'années au début du XIXe siècle. Des populations ont été déplacées et spoliées de leurs biens. La résistance, notamment celle des Zulu (Zoulous), conduits par le célèbre Chaka (Tchaka), restera vaine et se soldera par par la perpétuation des massacres jusqu'à la fin, pratiquement, du XIXe siècle. Une dernière révolte des Hottentots, matée en 1908, clôt l'époque proprement précoloniale de cette région.

Dates clés  :
ca. 500 - Exploitations minières sur le plateau rhodésien.

ca. 1450 - Fondation du Monomotapa.

1770 - Accentuation de la pénétration des Hollandais (Boers).

1807 - Fondation de la puissance Zulu.

1834 - 1838 - Grand Trek.

1899-1902 - Guerre des Boers.

Les Khoïsan

Le mot khoïsan est une création des anthropologue pour désigner les deux populations les plus anciennement implantées au Sud de l'Afrique. Les Khoï-Khoï ( = Hottentots) et les San ( = Bochimans). Les uns et les autres ont en commun une civilisation matérielle très rudimentaire, et parlent des langues dont le seul point commun est de comporter un son appelé clic (effet de la langue sur le palais). 

L'installation dans leur domaine, à partir du Xe siècle, de populations bantouphones, puis celles des Européens dont les premiers contacts ont été dès le XVe siècle plutôt rudes, et qui fortement implantés dans la région depuis le XVIIe siècle, qui ont pratiqué à leur encontre une politique de génocide,  les Khoïsan, jadis déployés sur des territoires giboyeux et accueillants, se sont trouvés relégués dans les contrées les plus hostiles, telles les déserts du Namib et du Kalahari

Le génocide khoïsan - L'arrivée des Hollandais, au XVIIe siècle a marqué un tournant. Il ne s'agissait plus pour eux, comme cela avait été le cas pour les Portugais d'implanter simplement de relais sur la côte, mais bien de s'approprier les terres. Plus tard, l'implantation des Européens a déstabilisé leur société et l'a appauvrie (vols de bétail).
Les San.
Encore aujourd'hui chasseurs-cueilleurs et derniers utilisateurs en Afrique, avec les Pygmées, de l'arc, les San seraient les héritiers directs des populations néolithiques qui ont laissé un peu partout dans cette région quantité de peintures et gravures rupestres. Art qu'ils ont d'ailleurs perpétué jusqu'à la fin du XIXesiècle, époque à laquelle leurs derniers artistes ont été assassinés par les Européens (par exemple au nid d'aigle des Maluti), ainsi d'ailleurs que la totalité des représentants de l'une de leurs quatre branches, les Kham. Les trois groupes survivants (quelques dizaines de milliers de personnes sont, au nord, les Kung - les plus nombreux - et les Anen; au centre, les Naron, les Tenekwe, les Tserekwe et les Marsawa à l'ouest, les Ganin et les Huniin.

Les Khoï-Khoï.
Les Khoï-Khoï, qui eux ont adopté l'élevage de bovidés de moutons et de chèvres, sont peut-être arrivés plus tard. On les rattache parfois aux populations qui pratiquaient l'extraction et le travail du fer et du cuivre dès le IVe siècle  (boucle du Limpopo et au Natal actuel). Mais là encore, rien n'est sûr et il faut attendre une époque beaucoup plus récente pour que leur histoire se clarifie. Ainsi sait-on qu'une  partie de la population hottentote a émigré vers le Nord à partir du XVIIIe siècle. On  retrouvera  ce groupe vers 1850 sous le nom de Korana, dans dans des guerres contre les Sotho qui l'absorbera, suivant en cela le même sort, un siècle auparavant, qu'une autre population hottentote, celle des Gonas assimilés par les Xhosa et les Ngoni. Un centre de résistance des Khoï-Khoï au XIXe siècle a été représenté en Namibie par les Nama, qui ont combattu aussi bien les Khoï-Khoï qui fuyaient la région du Cap, que le Herero, et les Européens (Allemands). 

L'arrivée des Bantous date des environs du Xe siècle. Certains groupes d'agriculteurs viennent, semble-t-il des savanes congolaises et s'établissent au nord du Zambèze. La plupart, originaires d'Afrique orientale sont arrivés par la région des Grands Lacs. Ceux-là sont des pasteurs, tels les Herero qui ont progressé ensuite vers les pâturages de l'Ouest se heurtant et refoulant sans cesse les Khoï-Khoï. En Namibie, les Herero seront, avec les Ovambo,  parmi les populations à résister le plus farouchement à l'établissement du protectorat allemand à la fin du XIXe siècle. Une ultime révolte, conduite par le chef Herero Samuel Maherero s'engagea en 1904 pour s'achever trois ans plus tard. L'histoire a gardé le souvenir de l'ordre d'extermination lancé à cette occasion contre les rebelles par le général Lothar von Trotha : 

"N'épargnez aucun homme, aucune femme, aucun enfant, tuez-les tous." 
On estime à 75 à 80% la proportion de Herero et de Nama ainsi massacrés. Les Ovambo, quant à eux, deviendront à partir de 1966, sous la conduite de Sam Nujoma, la force motrice du mouvement de libération Swapo.

D'autres groupes ont eu histoire plutôt singulière. C'est le cas des Damara (aujourd'hui installés en Namibie), une population apparemment venue elle aussi du Nord (peut-être de l'Afrique de l'Ouest), mais qui a adopté la langue des Nama  (groupe Khoï-Khoï), et un mode de vie nomade proche de celui des San, tout en développant un artisanat. XVIIe siècle, les Damara étaient sous la domination des Herero et des Khoï-Khoi (servage), qu'ils ont également longtemps approvisionnés en outils, poteries et bijoux.

Mais le Sud de l'Afrique, c'est surtout un grand centre de civilisation, dont témoignent encore les ruines d'anciennes cités, telles que Mapungubwe qui existe dès le XIe siècle et commerce avec l'Inde (exportation de fer) et l'Égypte fatimide (exportation d'or), Inyanga et Zimbabwe. Ce seront les Shona qui établiront les structures politiques les plus marquantes. Parmi elles, un royaume célèbre en Europe, le  Monomotapa.

Les royaumes Shona

On rassemble sous le nom de Shona (= Mashona) plusieurs peuples, parmi lesquels les Karanga, les Kalanga, les Zezuru, les Manyika, les Ndau, les Kerekore, les Tonga et les Roswi. Ils sont arrivés du Nord dans la région située entre le Zambèze et le Limpopo entre le Xe et le XIIIe siècle, chassant devant eux les populations khoisan. Initialement éleveurs de petit bétail (moutons et chèvres) et cultivateurs de millet et de sorgho, les Shona ont cultivé après l'arrivée des européens  le maïs et le riz. Ils exploiteront également des mines à ciel ouvert (fer, cuivre, étain et or). Les Shona ont développé les échanges commerciaux avec l'intérieur des terres et vers la côte. Très tôt, l'or sera ainsi échangé contre des produits manufacturés avec les commerçants des villes arabo-swahili de la côte orientale.  Parfois organisés en féodalités, les Shona ont souvent connu la prédominance de tel ou tel groupe qui a pu constituer un véritable État. 

Zimbabwe.
Les  Karanga avaient le leadership aux tout premiers temps de leur installation dans la région. On leur attribue la construction, dès le XI siècle, des  imposants remparts de pierre de Zimbabwe, une ville, au carrefour de plusieurs voies de communication et qui était vraisemblablement déjà un noeud commercial (or, tissus et ivoire) dès le VIIIe siècle. Au Xe siècle, en tout cas, l'or part déjà de cette région en direction  de l'Inde, après avoir transité par le port arabo-swahili de Kilwa Kisiwani. Cotonnades et verroterie faisant le même trajet en sens inverse. L'arrivée des Portugais au XVe siècle a fourni un débouché supplémentaire pour l'or. Une industrie textile (filature d'écorces d'arbres et de coton)  s'est également développée. Le coton étant en partie importé depuis l'Inde par les Portugais.  Le royaume du Zimbabwe va cependant décliner dès le XVIe siècle

Les ruines de Zimbabwe - "Au milieu des mines d'or des plaines de l'intérieur, entre le Limpopo et le Zambèze, [il y a] une forteresse construite avec des pierres aux dimensions fantastiques, assemblées sans le moindre mortier. Cet édifice est presque complètement entouré de collines, sur lesquelles d'autres constructions ressemblantes ont été bâties. L'une d'elles est une tour de plus de 12 brasses [1,83 m x12] de haut. Les natifs de cette contrée appellent ces édifices Symbaoe, qui dans leur langue signifie enceinte". (Viçente Pegado, capitaine portugais, Garnison de Sofala, 1531).
Le Monomotapa.
Après la décadence de Zimbabwe, les Karanga n'en sont pas pour autant sorti de la scène. Vers 1450, certains d'entre eux avaient émigré vers le Nord pour y fonder un nouveau royaume dont le souverain , le roi  Nyatsimba, - qui est à la fois un chef  militaire et religieux -  porte le titre de Mwene Mutapa (= Seigneur des Mines). Une appellation que reprendront ses successeurs et qui se transformera en Monomotapa sous la plume des chroniqueurs européens. Le Monomotapa connaît sont expansion maximale à la fin du XVe siècle, sous le règne du roi Matopo, fils de Nyatsimba, et se divise ensuite après sa mort en 1480, pour cause de mésententes successorales, en quatre États rivaux : le Quiteve, le Sedanda, le Manyika et le Monomotapa proprement dit, mais dont il ne reste qu'un territoire très réduit. Les négociants de Sofala qui au début tiennent les rênes du commerce, puis les Portugais qui les évincent tendent à imposer une domination de plus en plus ferme sur le pays. 

Au début du XVIIe siècle,  les Portugais  imposeront sous la contrainte à ce royaume, désormais affaibli, un traité leur cédant les mines d'or, d'étain, de cuivre, de fer et de plomb. Le souverain du Monomotapa, qui déjà depuis longtemps vivait sous la "protection" des Portugais, ne possède plus, à partir de cet instant, qu'un pouvoir de pure forme. La désagrégation de l'État est ainsi amorcée. Les troubles vont succéder aux troubles, tandis que  les trafiquants Européens qui s'implantent dans la région  financent leurs propres milices pour protéger et contrôler comptoirs et routes commerciales. Peu à peu le Monomotapa se disloque en multiples chefferies. Le coup de grâce ayant été asséné par les raids lancés par le royaume rozwi voisin en 1695. Entre-temps, des groupes de Karanga ont également quitté le Monomotapa avant sa complète disparition  pour fonder les chefferies venda et le minuscule royaume du Lovedu au Sud du Limpopo (Transvaal).

La reine magicienne du Lovedu - Au Lovedu, le pouvoir spirituel est détenu par une femme. Son rôle est avant tout magique. C'est elle qui, aidée d'un devin "météorologue", fait tomber la pluie. Elle règne ainsi sur les éléments grâce à l'agrément des ancêtres royaux, dont elle doit à l'occasion gagner les grâces en procédant à des sacrifices. La reine possède également le secret de fabrication et d'utilisation des remèdes à toutes les maladies. Selon la tradition, pour accéder au statut divin, elle doit mettre fin à ses jours par empoisonnement après que quatre cérémonies d'initiation se soient déroulées sous son règne. 
Le royaume du Butua (= royaume rozwi existait depuis XIVe siècle, a dû attendre l'affaiblissement de Zimbabwe  puis du royaume du Monomotapa pour trouver les opportunités de son épanouissement. Rival du Monomotapa, il aura été l'un des facteurs de sa perte sous le règne du roi Changamira dès 1693. Dès cette date, le royaume rozwi a pu reprendre aux Portugais le contrôle des routes commerciales. Et bien que le commerce de l'or et de l'ivoire périclite lentement, ce dernier royaume shona perdurera ainsi jusqu'au milieu du XIXe siècle, pour connaître un sort comparable au Monomotapa après avoir subi les invasions Nguni. Certaines chefferies y seront  parfois placées sous l'autorité d'un négociant traitant avec les commerçants de la côte arabo-swahili et qui fondera à l'occasion une dynastie, d'autres se placent sous la coupe d'un chef religieux, certaines encore se placeront sous suzeraineté du royaume Ndbele ou auront complètement sombré sous les coups des Nguni.

Les Bantous méridionaux

Les Bantous méridionaux peuvent être divisés en deux grands groupes de populations. D'une part les Nguni, qui sont parvenus au Sud du Zambèze vers le XVe ou le XVIe siècle en suivant la côte orientale, et d'autre part les Sotho, qui ont suivi des routes plus à l'intérieur des terres pour s'installer dans la région vers le XVIe siècle. Les Nguni se sont progressivement divisés en plusieurs branches : Swazi, Zulu, Pondo, et, constituant l'avancée la plus méridionale : Tembu et Xosa qui ont repoussé les Khoï-Khoïn (= Hottentots) au-delà de la rivière Keï. Les Sotho quant à eux se sont diversifiés en quatre groupes : Venda, au Nord-Est, Pedi, à l'Est, Tswana, à l'Ouest (dans le pays appelé aujourd'hui Botswana), et Sotho proprement dits au Sud, dans le Veld (= prairie) d'où il ont chassé et parfois massacré les San (= Bochimans), qui ont gardé le souvenir de ces événements dans leurs peintures murales.

Les contacts avec les populations locales ont pu être également moins tragiques. Les Tswana, par exemple, que l'on suppose être la plus ancienne population bantoue d'Afrique australe et se sont parfois mêlés aux San, avec lesquels ils ont des relations étroites. Quant aux Nguni, ils ont emprunté certains éléments linguistiques aux Khoïsan (clics, notamment). Tous ces peuples, présents en Afrique du Sud deux siècles avant la colonisation du pays par des Européens étaient des pasteurs à l'origine, ont continué l'élevage en se sédentarisant. Mais ils sont également devenus cultivateurs. Chez les Tswana, installés en bordure du désert et regroupés dans de très gros villages (établis autour des points d'eau),  l'élevage reste la principale ressource. Chez les autres peuples, l'élevage conserve un caractère de prestige, mais l'agriculture domine. La base de leur nourriture a longtemps été le Sorgho. Ils ont adopté par la suite le maïs apporté par les Européens.

L'irruption des Européens  à partir du XVIIIe siècle a également pesé sur l'organisation politique de ces peuples. Ceux-ci avaient vécu pendant longtemps dans une semie anarchie : il existait une autorité des anciens, et les décisions collectives étaient prises à l'intérieur de  réseaux fondés sur la parenté. Tout a changé après 1770, quand il a fallu répondre à l'avance des colons européens - principalement des paysans hollandais, appelés Boers - qui comptaient sur la force des armes pour s'approprier les meilleures terres agricoles. Sotho et Nguni ont alors été conduits à créer au début du XIXe siècle comme autant d'armes de guerre de solides États centralisés et fortement militarisés dont les Blancs n'ont d'ailleurs pas été les seules victimes. Le premier et le plus connu de ces États est le royaume zulu. D'autres, comme ceux des Ndebele, des Swazi et des Sotho, sont nés dans son sillage. Les deux derniers, enclavés dans l'Afrique du Sud, existent toujours en ce début de XXIe siècle. Ce sont, respectivement, le Swaziland et le Lesotho.
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Les Boers : la Bible et le fusil

Opposés aux Burghers (généralement des Britanniques installés dans les villes d'Afrique du sud), les Boers (= paysans) sont des colons, éleveurs de bétail, le plus souvent d'origine hollandaise, mais parfois française. Ils seront plus connus à partir de la fin du XIXe siècle sous le nom d'Afrikaners. Calvinistes fanatiques, il formeront au XXe siècle la frange la plus conservatrice de la société blanche d'Afrique du Sud, et seront à l'origine de la politique d'apartheid, inspirée dès les années 1940 par l'idéologie nazie.

Lorsqu'en 1814, l'Angleterre succède officiellement à la Hollande dans l'administration du pays, les Boers se rebellent contre cette nouvelle autorité. Plusieurs raisons à cela : d'abord une forte immigration britannique amorcée depuis 1820, ensuite la "Charte hottentote", un décret promulgué en 1828, qui abolit toute discrimination entre Blancs et Noirs (ou Non-Blancs, comme on dira longtemps en Afrique du Sud), et enfin l'abolition de l'esclavage en 1833, qui permet la libération de 30 000 personnes, mais mène à la ruine de nombreux Boers.

Conduits par six chefs, Potgieter, Uys, Trichardt, Maritz (= Marais), Retief et Pretorius, ils vont bientôt entamer ce que l'on a appelé le Grand Trek, c'est-à-dire une migration, dont l'apogée se situe entre 1834 et 1838, vers l'intérieur des terres. Ils s'y établiront pour fonder deux républiques, celle de l'Orange (1852), et celle du Transvaal (1853). Celles-ci seront intégrées à l'Afrique du sud britannique à l'issue de plusieurs guerres. La première guerre contre le Transvaal dirigé par Paul Kruger, entre 1877 et 1881, se solde par une victoire des Boers. La seconde, appelée guerre des Boers, concerne le Transvaal et l'Orange unis contre les Britanniques. Elle commence fin 1899,  se termine en 1902 et se solde cette fois par une victoire Britannique.

Les Zulu (= gens du Ciel).
Les Zulu (Zoulous), qui sont à l'origine des Nguni du Natal, se sont érigés en tant que nation à partir de 1807 sous l'autorité d'un chef de guerre : Chaka (Tchaka). Celui-ci met en place un pouvoir autoritaire, fondé sur la terreur à l'intérieur, agressif et conquérant à l'extérieur. L'armée qu'il met sur pied n'a rien de comparable avec les bandes indisciplinées auxquels les Nguni recourraient auparavant dans leurs conflits. Chaque régiment comptait un millier d'hommes soumis à une discipline impitoyable. La sagaie, qui obligeait au corps à corps remplace le javelot à lancer. Quand une armée n'avait pas remporté la victoire, tout combattant revenant sans sa sagaie était exécuté. On arrachait les yeux à ceux qui pleuraient. Les jeunes gens des pays conquis étaient incorporés dans l'armée, les autres étaient massacrés. Swazi, Sotho, Xosa sont soumis et doivent payer un tribut  aux Zulu. Chaka tente également, mais sans succès, de s'allier avec les Britanniques (dont il espère des armes à feu) pour combattre les Boers. 

Dès le début de son règne, les excès de Chaka avaient fait fuir nombre de ses lieutenants, qui accompagnés de troupe armées, se sont acheminés vers le Nord. Ils s'y sont confrontés aux populations placées sur leur route. Bien mieux organisés militairement, ils les ont soumises le plus souvent. Tel sera ainsi le sort des Matabélé, des Makololo et des Nyassa. Certaines groupes s'installent au sud du Tanganyika où elles sont connues sous le nom de Ngoni. Quelques bandes de guerriers atteindront même le lac Victoria. Mais finalement, Chaka sera la victime de la spirale sanguinaire dans laquelle il a entraîné pendant douze ans son peuple. En 1828, Chaka est assassiné par  Dingaan (= Dingane), l'un de ses frères, qui accède ainsi au pouvoir. Le grand affrontement avec les Boers aura lieu sous la conduite de Dingaan dix ans plus tard et se soldera par la défaite zulu de Blood River (= la rivière du Sang).

La bataille de Blood River - L'ironie veut que les Boers aient pu facilement s'installer à partir de 1834, sur les plateaux de l'intérieur (Orange, Transvaal)  grâce à la politique belliqueuse des Zulu qui avaient vidé ces terres de leurs populations. En 1838, désireux de pouvoir disposer d'un accès à la mer, les Boers vont devoir se confronter aux Zulu eux-mêmes. Dans un premier temps, un accord semble pouvoir se faire entre Dingaan et le chef Boer Retief. Mais la situation dérape, Dingaan fait massacrer en février 700 Boers qui commençaient à s'installer sur ses terres. Mais en décembre, Pretorius lance une nouvelle attaque. La confrontation aura lieu le 18 sur les rives de la Blood River. Trois mille guerriers zulu sont tués. Après cette défaite, Dingaan, contesté par les siens, est assassiné. 
Le pays zulu est ensuite placé sous protectorat boer. Quelques révoltes auront lieu au cours des décennies suivantes, ainsi qu'un forte résistance à la tentative d'invasion par l'armée en janvier 1879.  Conduits par le chef Cettiwayo, les Zulu sortent vainqueurs de la bataille d'Isandlwana, mais ils seront défaits la même année, à celle d'Ulundi. Le pays zulu est finalement rattaché au Natal en 1897. Les troubles ne cessent qu'à partir de 1906.
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Photo du Cap.
Addesley street, au Cap (début du XXe siècle).

Les Ndebele.
Les Ndebele (= Matabele = Amandebele) étaient au départ de leur histoire un groupe zulu dissident. Ils étaient dirigés par un certain Mzilikazi (= Moselekatse), qui après être entré en conflit avec Chaka, quittera le Natal en 1822 accompagné de quelques centaines de guerriers, en direction du Nord-Ouest.  Les Ndebele atteignent le territoire Shona au tout début des années 1830 et imposent leur domination sur la partie orientale. Une première capitale (en fait un très grand campement appelé kraal) est établie dans la vallée d'un affluent du Limpopo, le Marico, et se maintient  jusqu'en 1836. Les attaques des troupes de Dingaan, le successeur de Chaka, puis en janvier 1837, celles des Boers, alliés aux Griqua, un des peuples victimes des Zulu, conduisent les troupes de  Mzilikazi, qui sont désormais plus de dix mille, à s'installer plus au Nord, dans la région de Bulawayo, où vivent encore aujourd'hui les Ndebele. Le kraal de Bulawayo, avec sa double enceinte et sa place centrale destinée à l'entraînement militaire, mérite cette fois le nom de ville.

Au long des années 1840, d'autres kraals seront battis sur le même modèle sur les territoires environnants, administrés par les lieutenants de Mzilikazi. Ce sont les troupes de Mzilikazi mis fin à ce qui restait du royaume du Butua. Les Ndebele s'organisent et mènent la guerre selon les principes qu'avaient instaurés Chaka. Ils mènent des raids contre les Shona, s'emparent de leur bétail et intègrent à leur armée les jeunes gens capturés. Un conflit contre les Boers sera gagné en 1847. L'histoire des Ndebele ressemblent à celle des zulu. Les populations qu'ils délogent de leur territoire migrent et conquièrent de nouvelles terres par la force. Ainsi un groupe de Sotho, les Kololo, qui après avoir fuit vers le lac Ngami (delta de l'Okavango), puis jusqu'au Haut-Zambèze s'empare temporairement du royaume Lozi (= Barotse). A la mort de Mzilikazi, en 1868, son fils Lobengula accède au pouvoir. Selon les termes d'un traité signé avec l'homme d'affaires, puis politicien, Cecil John Rhodes (1853-1902), Lobengula permettra aux Européens d'exploiter les mines en zone shona. Après sa mort en 1893. La  British South Africa Company (BSAC), qui a obtenu en juillet 1889 de la reine Victoria une forme de droit de souveraineté sur le pays, en prend le contrôle.  Une rébellion en 1896 sera matée dans le sang. Et les Ndbele perdront ainsi définitivement tout pouvoir politique. Le protectorat instauré sur le pays par la BSAC jusqu'en 1923, se transformera dans sa partie méridionale en un nouveau pays, la Rhodésie (aujourd'hui Zimbabwe).
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Photo d'un kraal.
Un kraal (village) sotho.

Les Sotho.
Les Sotho (= Southo) du Sud ont constitué au début du XIXe siècle dans les montagnes du Drakensberg un État militaire à la suite des troubles instaurés par les Boers et les Zulu.  Son premier roi en a été Moshesh (Mosheshoe Ier). Les Boers ont commencé à convoiter les terres fertiles du royaume sotho dès les années 1857. En 1867, ils envahissent le pays. Les Sotho en passe d'être exterminés demandent l'aide des Britanniques qui chasseront les Boers, mais feront du Basutholand (Basoutoland) une colonie britannique. Des prérogatives seront cependant accordées à Moshesh et à ses descendants, permettant à la dynastie de rester en place tout au long du XXe siècle.

Les Swazi.
Les Swazi ont fait leur irruption dans l'histoire au XVIIIe siècle quand le chef d'un clan nguni dont le chef se nommait Sobhuza est entré en conflit avec un clan voisin. Sobhuza et les siens ont dû partir et s'établir plus au Nord, au pied des montagnes Mdzimba où, soumettant les populations locales (Nguni et Sotho), ils ont instauré un petit royaume. Le roi Mswati, successeur de Sobhuza, instaure une armée sur le modèle zulu et lance une politique de conquêtes, dont les vaincus ne sont pas complètement détruits selon la pratique des Zulu, mais incorporés au réseau de souveraineté qui finit par constituer l'État swazi.  Après la mort de Mswati, en 1858, le royaume déstabilisé par des luttes de clans est également confronté aux ambitions  Boers en quête de nouveaux territoires agricoles et des Britanniques qui s'intéressent de plus en plus aux richesses minières du pays. De l'or y sera découvert en 1882, et en 1894, Boers et Anglais décident l'annexion d'un Swaziland qui n'a plus les moyens de s'y opposer. 



Thomas Mofolo, Chaka, une épopée bantoue, Editions Gallimard, 2010. -
Chaka est le livre le plus célèbre de l'écrivain de langue souto, Thomas Mofolo. C'est une épopée inspirée de la vie réelle de Chaka (1786-1828) qui fonda un véritable empire en Afrique australe avant d'être assassiné par ses frères. Voici ce qu'écrit JMG Le Clézio de ce livre où l'épopée est faite de la naissance d'un peuple : "L'on entend ici la voix des pasteurs bassoutos, leurs paroles à la fois cérémonieuses et pleines d'humour; l'on entend la voix des conteurs, des guerriers, des féticheurs, comme autrefois, dans les chansons de geste, la voix des soldats et des ménestrels. Ce livre tragique et violent est aussi un livre d'images, un conte fabuleux, et un document sur la vie du peuple zoulou à la veille de l'arrivée des Oum'loungou, les Hommes Blancs. C'est bien là la force des grands poèmes épiques. Ils sont à la fois les livres d'un peuple, pleins de la vérité terrestre, et les messages secrets de l'au-delà. Chaka, symbole de la grandeur et de la chute de l'empire zoulou, par son aventure exemplaire nous révèle un autre monde où les vérités essentielles sont encore vivantes. Alors, écoutant cette parole pleine de force, nous reconnaissons notre propre aventure, qui va du réel au magique ". (couv.)
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