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L'Oriflamme,
Auriflamma,
était une bannière de l'abbaye
de Saint-Denis, qui la conservait
pendue sur le tombeau de son patron, et prétendait la tenir du roi
Dagobert.
Si l'origine exacte de l'oriflamme est inconnue, on ne connaît pas
mieux sa nature matérielle. Ce semble avoir été une
pièce de forte toile de soie ou cendal rouge feu, dont le champ
fut, suivant les époques, couvert de flammes et d'étoiles
d'or, et qui se portait soit fixée à une longue hampe dorée,
soit attachée au cou du porte-étendard. Celui-ci fut, de
droit, jusqu'au XIIe siècle, le
comte du Vexin, avoué de l'abbaye de
Saint-Denis et chargé comme tel d'en défendre les biens temporels.
Mais, lorsqu'au commencement du XIIe siècle,
le roi Louis le Gros acquit le comté du
Vexin, il se trouva, de fait, porte-étendard de Saint-Denis dont
il fit porter l'oriflamme à la bataille, avec la bannière
de France. Cet usage demeura en vigueur
sous ses successeurs, et c'est ce qui explique en partie le cri d'armes
des gens du roi : Montjoye Saint-Denis! sans que l'on soit porté
à considérer comme exactes les figurations des manuscrits
médiévaux où l'on voit ce cri écrit en grands
caractères sur l'oriflamme.
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L'Oriflamme
(copie exposée à la basilique Saint-Denis).
©
Photo : Serge Jodra, 2011.
L'oriflamme est signalée dans la
Chanson
de Roland
(CCXXIII)
comme une bannière royale d'abord appelée Romaine,
puis Munjoie. Sans doute cette oriflamme carolingienne,
qui aurait été donnée à Charlemagne
par le pape de Rome,
était fabuleuse.
Quoi qu'il en soit, on est porté
à croire que, plus les oriflammes étaient d'un type ancien,
plus elles avaient de queues; leur coupe était quadrangulaire et
le bord libre, opposé à la hampe, déchiqueté
en double lambel, tandis que les oriflammes des XIVe
et XVe siècles sont à deux
queues. Il a dû exister des confusions chez les auteurs anciens entre
l'oriflamme, le gonfanon du roi et la bannière royale bleue, fleurdelisée
d'or; cette dernière, qui semble avoir été l'image
de la cape relique de Saint-Martin
de Tours, était à l'origine montée sur une grande
hampe dorée, dressée sur un chariot bardé de fer que
traînaient des boeufs, tandis que le gonfanon du roi était
son drapeau personnel, dont les couleurs variaient jusqu'au noir complet
sous Charles VII; il devint plus tard le drapeau
royal.
Dans le rituel féodal
et chevaleresque, le « roy », premier vassal de l'abbé
de Saint-Denis, en tant que comte du Vexin, fait hommage au saint avant
que de prendre l'oriflamme qui, en temps de paix, ne quitte pas le tombeau
du saint. La cérémonie a un caractère
avant tout symbolique. Tête nue, la robe non ceinte, le roi a dû,
à jeun, faire ses dévotions à Notre-Dame
de Paris, puis à Saint-Denis même. La sainte bannière
est alors remise au porte oriflamme qui doit communier avant que de la
recevoir et jurer de la défendre fidèlement. Mais celui-ci
doit garder le précieux dépôt roulé dans une
custode pour ne l'en sortir qu'au moment de la charge. La pièce
de cendal vermeil, ornée, bordée de houppes de soie verte,
est alors fixée au bout d'une lance, ou bien le roi l'attache à
son cou et elle lui forme comme une robe d'armes. Cet usage s'accorde avec
celui de ne mettre les cottes armoriées et de ne déployer
les bannières qu'au moment de l'action, coutume qui fut observée
toujours pendant le XIVe siècle.
Si on connaît mal la nature exacte
de l'oriflamme, on connait mieux son histoire, à partir du XIIIe
siècle. On la voit, en 1328, portée à la bataille
de Cassel par le sire Miles de Noyers qui « estoit monté sur
un grand destrier couvert de haubergerie, et tenait en sa main une lance
à quoi l'oriflamme estoit attachiée, d'un vermeil samit,
en guise de gonfanon, à trois queues, et avoit entour houppes de
verte soye. » (Chronique de Flandres, LXVII).
On remarquera que l'oriflamme du XIVe
siècle est bien différente de celle du XIIIe
que Guillaume le Breton dépeint
comme une simple pièce de soie rouge, pareille à celles dont
on se sert pour les processions de l'église. Au reste, la forme
de l'oriflamme a beaucoup changé, elle posséda deux, trois
et même quatre queues suivant les temps, car bien qu'elle eût
le privilège de marcher, à la bataille, avant toutes les
autres bannières, elle n'avait pas ses bords libres entiers comme
ceux de la bannière royale. Sans doute, l'oriflamme primitive fut
souvent remplacée par des pièces plus neuves, elle subit
d'ailleurs des fortunes diverses et fut prise maintes fois à la
guerre.
On a prétendu qu'elle disparut en
1382 à la bataille de Rosebecque; elle tomba aux mains des Anglais
à la journée de Poitiers,
en 1356, où le porte-oriflamme Geoffroy de Charny périt aux
côtés du roi Jean. Elle semblé
avoir eu une pareille fortune en 1415, à Azincourt,
où elle était tenue parle sire Martel de Bacqueville. On
en trouve encore des mentions plus tard; ainsi les Registra Delphinalia
(1456) citent « l'auriflambe en guise d'un gonfanon à deux
queues, et tout autour houppes de soie verte », etc.
Une des dernières traces est fournie
par l'inventaire du trésor de Saint-Denis fait en 1536 par la chambre
des comptes; on y lit :
«
un étendard de cendal fort épais, fendu par le milieu, en
façon d'un gonfanon, fort caduque, enveloppé autour d'un
bâton couvert d'un cuivre doré, et un fer longuet aigu au
bout.
»
L'oriflamme était déjà
une relique. Il n'en est plus fait mention après le règne
de Charles VI. Tout porte à croire qu'elle
disparut des champs de bataille après la guerre
de Cent ans. (Maurice Maindron). |
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