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Histoire du droit
Les formules
Les formules sont les modèles des divers actes juridiques de l'époque franque, soit accomplis ou célébrés en présence des magistrats ou autres dignitaires civils ou ecclésiastiques, soit émanés d'eux ou de simples citoyens; quelquefois ces formules ne sont autre chose que la reproduction d'actes véritables. Dans l'un et l'autre cas, analogues aux  modèles que l'on publie encore actuellement pour l'usage des notaires, avoués, huissiers, etc, ces formules, ces formules, étant la mise en pratique du droit des Capitulaires, ont une très grande importance pour l'histoire du Droit, car elles représentent le Droit appliqué dans les divers États germaniques, auxquels elles se rapportent. Elles nous servent donc très heureusement aujourd'hui à en interpréter la législation.

Les recueils de formules que nous possédons sont nombreux pour la Gaule; et il en existe aussi, dont nous ne nous occuperons pas, pour les autres parties de l'ancien empire d'Occident. 

On présentera dans les paragraphes qui suivent : les formules de Marculf (ou Marculfe), et le recueil appelé Appendix Marculfi, placé ordinairement à leur suite; les formules de Sirmond, ou formulae veteres secundum legem Romanam; les 26 formules dites de Bignon; les formules d'Auvergne ou formulae Arvernenses, publiées par Baluze;  les formules de Mabillon ou formules d'Angers (ou d'Anjou), formulae Andegavenres; ainsi que les formules wisigothiques, qui se rapportent à l'Espagne et qui ont été publiées par de Rozière. 

Nous devons au même auteur un Recueil général des formules usitées dans l'empire des Francs du Ve au Xe siècle, formé d'actes empruntés à tous les recueils déjà connus ou inédits, et disposés par ordre de matières, ce qui rend les recherches très faciles et offre des avantages incontestables surtout pour l'histoire interne du Droit français

Nous ne mentionnons que pour mémoire, le recueil de formules de Lindenbrog, dans lequel, à un grand nombre de formules empruntées aux autres recueils, s'en trouvent joint un assez grand nombre qui lui sont propres; les formules de Baluze et plusieurs autres recueils publiés par Pardessus, de Rozières, Wyss, etc. 

A ces recueils il faut aussi ajouter encore celui des formules d'Alsace par Goldast, celui des formules lombardes, qui accompagnent les textes de la loi des Lombards.

D'époques et de lieux différents, ces textes, réunis, se complètent les uns les autres, et permettent de connaître dans toutes ses parties le Droit appliqué dans l'empire franc; c'est particulièrement le Droit germanique ou salique, mais non exclusivement, car à côté de lui était en vigueur le Droit romain, et plusieurs formules d'affranchissement, d'insinuation de donation, de testament sont rédigées d'après la loi romaine. La partie relative à l'insinuation des donations nous montre la curie exerçant sa juridiction volontaire et subsistant ainsi, avec le Droit romain lui-même, dans les parties où dominaient les Francs Saliens.

Formules de Marculf

Le plus important de ces anciens recueils, ou du moins celui qui a été le plus anciennement connu, est celui qui porte le nom de Marculf (Marculfi monachi formulae). 

Le recueil de Marculf fut édité pour la première fois par Lindembrog. Il fut ensuite réédité par Baluze. Ce dernier corrigea l'édition de Lindembrog sur la foi de deux manuscrits tirés l'un de la bibliothèque du roi, l'autre de celle des frères Pithou. Il y ajouta, sous le nom de Appendix, des formules dues à la plume d'un inconnu et qui étaient placées sans titre dans le manuscrit royal, à la suite du livre II des formules de Marculf.

Le texte original ne remonte pas, par sa date, au-delà du VIIe siècle, et il est même facile, au moyen d'une indication qui se trouve dans la préface, de fixer l'époque où il fut composé. Il fut entrepris, y est-il dit, à la demande de Landri (ou Landry), évêque de Paris, et c'est à lui qu'il est dédié  :

« In Dei nomine incipit praefatio hujus libri. - Domino sancto, meritis beatissimo et apostolico semper honore suscipiendo, omnique praeconio laude celebrando Domno ac Reverendissimo Papae Landerico, Marcuffus ultimes ac vilissimus omnium Monachorum. Utinam sancte Pater Jussionem vestram tam efficacite quam spontaneo obtemperare valuissem... »
Or, Saint Landri occupait le siège épiscopal de Paris sous Clovis II, fils de Dagobert, en l'année 660; c'est donc bien là la date du recueil telle que l'a fixée Bignon dans son édition. 

Quant au lieu où il a été composé et dont il reproduit les usages, c'est évidemment le territoire de Paris (Pagus Parisiensis); mais nous ignorons le monastère dans lequel a vécu son auteur, le moine Marculf. Quoi qu'il en soit, c'est d'après le Droit en vigueur dans le territoire de Paris qu'ont été rédigées ces formules. Le recueil se divise en deux livres. Dans le premier sont 40 formules des actes faits devant le roi ou qui émanent de lui (Cartae regales); dans le second, celles des actes qui se font dans l'assemblée du canton, devant le comte ou devant la curie (cartae pagenses), au nombre de 52. 

Son auteur avait dû, en le composant, se proposer deux buts : 

A. D'abord, mettre à la disposition des pères procureurs, des modèles qui permettraient d'apporter quelque unité dans la forme des actes passés au nom des couvents.

B. Ensuite aider à l'instruction juridique des jeunes gens que les écoles en décadence ne pouvaient plus suffisamment former aux affaires. Marculf indique lui-même cette dernière utilité de son livre : 

«  ad exercenda initia puerorum ut potui, aperte et simpliciter scripsi ut, cui libuerit, is exinde aliqua exemplando faciat. »
Il avait en cela agi comme le moine Ison, successivement directeur des écoles de Saint-Gall et de Grandfel, qui composa pour ses élèves des recueils de formules dont il ne nous est parvenu que des fragments.
Les formules de Marculf sont écrites dans un latin barbare; mais comme l'a fait remarquer Bignon, c'était le latin de l'époque.

Rédigée conformément au Droit en vigueur dans le territoire de Paris, les formules de Marculf se rapportent, d'une part, à la loi salique, comme le prouvent les formules I, 18, de Regis antrustione; I, 22, Praeceptam denariale; II, 12, Charta ut filia cum fratibus, in paterna succedat alode, car c'est surtout dans cette partie de la Gaule que s'établirent les Francs Saliens, et d'autre part, à la loi romaine, qui était, tout à la fois, la loi des Romains et celle du clergé. Les actes, dont on a conservé les formules, sont naturellement ceux qui étaient les plus fréquents. Parmi ces actes, il faut compter ceux qui renfermaient des libéralités, la concession ou la confirmation de privilèges (emunitas), de la part des rois en faveur de l'Eglise ou des monastères. En vertu de cette emunitas ou privilège, celui qui l'avait obtenu était soustrait à la juridiction ordinaire et obtenait du roi, par délégation, l'exercice d'une juridiction exceptionnelle et de tous les droits de justice.

A côté des donations émanées du roi, se rencontrent, en grand nombre aussi et sous toutes les formes, des dispositions, donation entre vifs, testament, faits par des particuliers avec ou sans précaire. Outre la donation ou cessio, le précaire se compose de deux parties, de la précaire (praecaria) et de la prestaire (praestaria). Par la première le donateur qui transmet la propriété de l'objet donné demande qu'on veuille bien lui en concéder la jouissance pendant sa vie, celle de sa femme et quelquefois même d'autres personnes. La seconde (la prestaire) renferme la concession faite au donateur par le chef de l'église ou du monastère, moyennant une reconnaissance des droits du concédant renouvelée tous les cinq ans de la part du concessionnaire, et quelquefois certaines prestations peu importantes. Voici le commencement de la première de ces formules, qui donnera une idée de l'influence que les idées religieuses exerçaient sur la libéralité des fidèles : 

« Dum fragilitatis humani Generis pertimescit ultimum vitae temporis subitanea transpositione ventura, oportet ut non inveniat unumquemque imparatum, ne sine aliquo boni operis respectu migret de saeculo, nisi dum suo jure et potestate consistit praeparet viam salutis per quam ad aeternam valeat beatitudinem pervenire. Ideoque ego in Dei nomine et conjux mea illa pro remedium anima nostrae et remissionem peccatorum nostrorum, ut veniam in futurum consequi mereamur. »
Parmi les actes les plus nombreux figurent aussi les affranchissements, et ils se présentent tous avec ce caractère particulier, qu'ils sont faits sous l'inspiration du clergé, comme un moyen de racheter ses péchés. Ils se font de plusieurs manières, et l'on en trouve trois ou quatre dans les formules de Marculf :
1° c'est d'abord l'affranchissement dans l'église en présence de l'évêque, avec toutes les formalités prescrites, affranchissement emprunté au Droit romain;

2° puis l'affranchissement devant le roi au moyen du denier, conformément à la loi salique : 

« Et quia apostolicus aut illuster vir ille servo suo nomine illo, per manum illius in nostra praesentia jactante denario secundum legem salicam dimisit ingenuum »;
 3° enfin, l'affranchissement par simple acte, que l'on nomme ingenuitas. De ces actes, quelle que soit leur forme, résulte toujours la liberté pleine et entière, ingenuitas, sans la distinction des trois degrés de liberté. A ces divers modes d'affranchissements, il faut ajouter ceux accordés dans certaines solennités, par mesure générale, à un certain nombre d'esclaves des domaines royaux.
Les actes juridiques qui méritent encore d'être mentionnés sont des actes de constitution de dot par le mari en faveur de la femme (libellus dotis), et il résulte des formules que cette constitution devait avoir lieu avant le mariage, qu'elle était même nécessaire pour que les enfants fussent légitimes, et que la femme acquérait la propriété des objets qui la composaient. Outre les formules de constitution de dot, se rencontrent encore dans notre recueil des actes de donation et de testament réciproque du mari, et de la femme, et ce qu'il y a de remarquable dans ces actes, c'est d'abord le retour des biens donnés aux héritiers du donateur, après la mort du donataire, si ce dernier n'en a pas disposé ou ne les a pas consommés; puis, c'est que le mari donne à sa femme sa part de conquêts, et que la femme, à son tour, lui donne la sienne; ce qui prouve que même dans le Pagus Parisiensis, où dominait surtout la loi salique, la femme avait droit au tiers des conquêts, comme chez les Ripuaires, mais que ce droit n'était pas un droit de survie. Dans cette dernière formule, on rappelle les formalités de la loi romaine relatives à l'ouverture et à la transcription des testaments : Ut Romanae legis decrevit auctoritas...

Nous mentionnerons aussi, comme dignes de remarque : 

1° une formule de divorce par consentement mutuel; 

2° des actes d'adoption ou d'affiliation;

3° de nombreuses dispositions dans les formules qui consacrent la distinction de l'alod ou bien venu des parents, et des acquêts et les règles de succession différentes des unes et des autres, et à ce sujet deux formules de Marculf : l'une, par laquelle un père rappelle à sa succession, pour y prendre part avec ses autres enfants, sa fille, qui en était exclue par la loi ou la coutume; l'autre, par laquelle la fille étant morte ses enfants, qui ne peuvent prendre part à la succession, de leur aïeul, soit à cause de l'exclusion de leur mère, soit parce que la représentation n'avait pas encore passé dans la pratique, sont rappelés par leur aïeul pour partager avec leurs oncles. Les expressions dont se sert Marculf dans le premier de ces actes sont caractéristiques : mais il ne faut pas oublier que c'était un moine vivant selon la loi romaine : 

« Dulcissima filia mea illa, ego, ille. Diuturna sed impia inter nos consuetudo tenetur, ut de terra paterna sorores cum fratribus non habeant Sed ego perpendens hanc impietatem, sicut mihi a Deo aequaliter donati estis filii, ita et a me sitis aequaliter diligendi et res meas post meum discessum aequaliter gratuletis. Idcirco... »
Dans d'autres actes, au contraire, le père fait un avantage en faveur de l'un de ses enfants , et rompt ainsi l'égalité qui doit exister entre eux :
 « Quicquid pater unumquemque de filiis vel nepotibus plus habere voluerit, hoc sibi secundum legis ordinem sine consortis repetitione defendat, nec praesumat aliquis contra voluntatem patris agere. »
Ce principe, posé par la formule, est contraire à la loi des Ripuaires, sinon à la loi salique. Le testament a aussi sa formule, mais il est facile de reconnaître l'origine romaine de cet acte dans ses clauses et ses formalités, dans l'institution d'héritier et l'exhérédation, dans l'insinuation devant la curie.
Plusieurs actes de vente ou d'échange ont cela de particulier que, pour la perfection des uns comme des autres, la tradition ou même la transmission de la propriété est nécessaire, et pour les premiers la numération du prix : 
« Licet empti venditique contractus, lit-on dans une formule de vente (II, 19), sola pretii adnumeratione et rei ipsius traditione consistat, ac tabularum aliorumque documentorum ad hoc tantum interponatur instructio ut fides rei factae et veri ratio comprobetur... » 
Les actes synallagmatiques, comme l'échange, sont rédigés en double original, et toujours accompagnés d'une stipulation pour garantie de l'exécution du contrat. Voici ce que porte, à ce sujet, un acte d'échange à la fin : 
« Illud vero addi convenit, ut si aliqua pars ex ipsis aut heredes vel successores eorum, hoc emutare vel refrangere voluerit, rem quam accepit amittat et insuper inferat pari suo qui hoc facere praesumpserit auri libras tantas, argenti pondera tanta, et quod repetit vindicare non valeat, sed praesens commutatio unde duas inter se uno tenore chartas conscripserunt, firma et inviolata permaneat, stipulatione subnexa. Actum ».
Dans une formule un débiteur s'oblige, ne pouvant payer son créancier, de le servir comme esclave (II, 28, Qui se in servilio alterius obnoxiat); dans d'autres, sous le nom de securitas, est constaté le traité fait entre celui qui a commis un crime et la victime ou ses parents, et par lequel ces derniers renoncent à la poursuite du coupable et à la vengeance, moyennant certaines conditions portées dans l'acte.

Un assez grand nombre de formules renferment, enfin, des circulaires adressées par le roi au comte ou à tout autre fonctionnaire civil ou ecclésiastique, soit pour lui tracer ses devoirs, soit pour lui recommander quelqu'un (des envoyés), soit pour l'élection ou la confirmation d'un évêque. On y trouve aussi des modèles de lettres d'évêque ou d'abbé au roi ou a un autre évêque ou abbé.

Quelques-uns de ces actes ont une véritable importance pour l'histoire du Droit et des institutions existant alors en France; telle est la formule d'élection des évêques, celle de circulaires adressées aux comtes ou autres fonctionnaires, et enfin la formule d'acte par lequel un individu se fait recevoir comme anstrustion du prince. Voici ce que porte cette dernière :

« Rectum est ut qui nobis fidem pollicentur inkesam, nostro tueantur auxilio. Et quia ille fidelis, Deo propitio, noster veniens ibi in palatio nostro una cum arimania sua; in manu nostra trusteur et idelitaiem visus est conjurasse, propterea per prresentem prmceptum decernimus ac  jubemus ut deinceps memoratus ille in numero anstrutionuni computetur. Et si quis fortassè eum interficere pra sumpserit, noverit se wirigildo suo solidos sexcentis esse culpabilem judicetur ».
En général, les formules de Marculf, sauf celles qui sont faites conformément au Droit romain, se rapportent à la loi salique, et l'on peut y joindre, comme afférentes aussi à la même loi, les formules de ce que l'on a nommé l'Appendix, au nombre de cinquante-huit. Quelques indications éparses çà et là font connaître la date de quelques-uns des actes reproduits, le règne de Charlemagne et de Louis le Débonnaire, et le territoire où elles furent composées, les cités de Sens et de Bourges, c'est-à-dire le centre de la France.

Plusieurs de ces formules sont évidemment plus anciennes que celles que nous venons de mentionner, et elles ont pour nous un grand intérêt en ce qu'elles nous révèlent l'organisation judiciaire et la procédure de leur époque dans des actes se rapportant à des procès pour des esclaves ou des colons revendiqués qui se prétendent ingénus, pour un bien usurpé, un objet volé.

Ainsi nous voyons siéger, pour juger ces procès, in mallo publico, sous la présidence du missus ou du comte, les rachimbourgs, praesentibus viris venerabilibus Rachimburgis qui ibidem ad universorum causas audiendum... residebant vel adstabant, de même nous y voyons figurer comme conjurateurs des Francs Saliens, bene Francos Salicos, et rappeler la festucatio ou les délais de 40 nuits de la loi salique, le pagus et la graphia, la carta denarialis, affranchissement par le denier.

Formules de Sirmond

Le recueil des formules de Sirmond,  Formulae Sirmondicae, ainsi nommé du nom de son premier éditeur ou du droit qui s'y trouve appliqué, se compose de quarante-six formules, et fut rédigé dans la ville de Tours et dans son territoire, comme l'attestent plusieurs indications. Cette ville est ainsi nommée dans les formules 3, 28, 29. La basilique de Saint-Martin est citée dans la formule 1. Une autre mentionne Joseph, archevêque de Tours, et Frédégise, abbé de Saint-Martin. Aussi diverses chartes de l'abbaye de Saint-Martin conservées à la Bibliothèque nationale sont-elles rédigées d'après les formules de Sirmond.

L'époque de sa rédaction n'est pas bien déterminée. Hubé semble ne pas trop s'éloigner de la vérité lorsqu'il dit  que la première portion du recueil, embrassant les 29 premières formules, a été rédigée au VIe siècle, époque à laquelle la ville de Tours était romaine et son organisation municipale complète; car les formules 20, 22, 24,25, 29, mentionnent la loi romaine, et les formules 2, 3, 28 parlent de la curie, des honorati et du defensor civitatis.

La deuxième portion, comprenant les formules 30-33, a été composée à une époque où les tribunaux francs étaient organisés en Touraine, puisqu'ils y sont mentionnés; mais antérieurement à l'an 650, puisque Marculfe l'a insérée dans son recueil rédigé cette année-là. 

Enfin la troisième portion, embrassant les formules 34-46, a été composée seulement au IXe siècle, car le titre final y parle de Joseph qui fut évêque de Tours à partir de l'année 792, et de Frédégise qui lui succéda en 807.

La copie de ces formules, que Sirmond avait fait prendre dans le manuscrit de Langres, fut éditée pour la première fois par Bignon sous le titre de Formulae antiquae secundum legem romanam, parce que la plupart d'entre elles avaient été dressées pour les gens soumis au droit romain.

Baluze réédita à son tour ce recueil en le corrigeant sur le manuscrit original de Langres rapproché de la copie de Sirmond et de deux nouveaux manuscrits appartenant alors l'un au roi, l'autre aux frères Pithou et devenus aujourd'hui les n° 4409 et 2123 de la Bibliothèque nationale. Il intitula son oeuvre Formulae Sirmondicae, et le nom resta.

Les formules qu'il contient sont rédigées d'après le Droit romain, du code Théodosien ou mieux du Bréviaire d'Alaric, dont les passages sont même textuellement reproduits. Ainsi, dans la formule 11, Epistola collectionis, est citée et reproduite, comme appartenant au Code Théodosien, cette disposition : 

« Secundum illam sententiam quae data est ex corpore Theodosiani libri quinti, dicens : si quis infantem a sanguine emerit, si nutritum dominus vel pater eum recipere volverit, aut ejus meriti mancipium, aut pretium nutritor quantum valuerit consequatur. »
Ce qui prouve bien que la Lex Romana Wisigothorum devint la loi générale des Romains dans le royaume et dans l'empire franc.

Le recueil de Sirmond s'ouvre par une formule de donation à l'église, avec tous les actes qui s'y rattachent : mandat, insinuation, etc. ; puis viennent des actes relatifs à l'état des personnes, de vente de sa propre personne, d'affranchissement devant l'église, de donation entre fiancés avec reproduction des règles concernant le mariage, de donation entre mari et femme avec réserve de la quarte légitime en faveur des héritiers de l'un et de l'autre, quartam vero legitimis heredibus meis reservo (form. 17), de divorce par consentement mutuel de mandat au mari pour l'administration des biens paraphernaux de sa femme : 

« Lex Romana exposcit., porte à ce sujet la formule 20, ut quicumque uxoris suae negotium fuerit prosecutus, quamvis maritus sit, nihil aliud agat nisi quod ei  agendum per mandatum illa commiserit  »;
Viennent enfin des actes d'adoption devant la curie, de dation de tuteur, d'actes divers de vente, de tradition, d'obligation, de précaire, de gage; de jugement en matière criminelle, rendu non par la curie, mais par le comte, les rachimbourgs ou leurs hommes, Judex veniens in loco nuncupante illo cura bonis hominibus (form. 30 et suiv.), avec les conjurateurs; de traité pour homicide, securitas de homicidio.

Formules de Bignon

Le troisième recueil est celui qu'on appelle Formulae Bignonenses parce qu'il a été publié pour la première fois par Bignon, d'après un ancien manuscrit ayant successivement appartenu, à Pierre Daniel, puis à Jacques Dongars, enfin au savant jésuite Philippe Labbe, à la mort duquel (25 mars 1667) il disparut. 

Baluze réédita ce recueil comme les précédents, mais sans avoir pu, et pour cause, ainsi qu'il le déclare, le rapprocher du manuscrit original désormais perdu. 

Les formules qu'il renferme paraissent appartenir au VIIe siècle. D'Espinay a cru même pouvoir les reporter exactement à l'année 881 qui est la troisième du règne de Thierry III, roi d'Austrasie.

Formules d'Auvergne

Le recueil connu sous le nom de Formules d'Auvergne ou Formulae Arvernenses, parce que dans certains actes il y est question de la ville de Clermont. On les appelle encore Formulae Baluzianae minores, parce qu'elles ont été publiées pour la première fois par Baluze dans ses Miscellanea (Paris 1713), d'après un manuscrit de la collection Colbert.

Ce recueil est, avec raison, considéré comme le plus ancien que nous possédons. Quelques auteurs le font même remonter au commencement du Ve siècle, à cause de la mention qui se trouve faite dans une formule du consulat d'Arcadius et d'Honorius. Mais comme dans le même acte il est parlé de ravages causés et de titres détruits par les incursions des Francs, Savigny a remarqué qu'il était impossible de lui assigner une origine aussi ancienne, et qu'en s'en rapportant à ces dernières, qui n'avaient pu avoir lieu avant le commencement du VIe siècle, il fallait reculer jusque-là tout au moins la composition de quelques-unes de ces formules, admettant pour les autres la date du consulat d'Arcadius et d'Honorius.

Cette opinion, exacte pour la première partie, ne saurait l'être pour la seconde, car c'est dans la même formule qu'il est fait mention et des incursions des Francs et du consulat d'Honorius et de Théodose. Cette dernière indication pourrait être celle d'une loi d'Arcadius et d'Honorius, relative à la manière dont on devait procéder dans le cas de pertes de titres de créance ou de propriété, à la suite d'événements de force majeure, très fréquents, sans doute, à cette époque. Les modèles des actes qui devaient être rédigés dans ces circonstances et qui sont assez nombreux dans les recueils sont intitulés : Apennis, et c'est par un acte de ce genre, et avec les indications précédentes, que s'ouvre le recueil des formules d'Auvergne. 

Ce recueil daterait donc de la fin du Ve ou du commencement du VIe siècle et aurait été composé dans le royaume des Wisigoths, dont l'Auvergne faisait alors partie. Des actes de donation avec insinuation, d'affranchissement avec la distinction des trois espèces d'affranchis : citoyens, latins, déditices; un acte curieux par lequel un débiteur, qui ne peut payer ses dettes, s'oblige à servir pendant toute sa vie celui qui les a payées pour lui et l'a racheté de la prison; un acte de vente, forment le contenu de notre recueil.

Formules d'Anjou ou de Mabillon

Le recueil des formules d'Angers ou d'Anjou se compose de cinquante-neuf formules. La mention qui s'y trouve plusieurs fois répétée, de la ville d'Angers, Andecavis civitate, leur a fait donner le nom de Formulae Andegavenses. Le territoire auquel elles se rapportent faisait partie du royaume des Francs, même avant que ces derniers se fussent emparés des provinces occupées par les Wisigoths et les Bourguignons

On appelle aussi ce recueil  formulae Mabillonis (formules de Mabillon) parce qu'elles été publiées pour la première fois par Mabillon, d'abord dans ses Analecta, et ensuite dans son ouvrage sur la diplomatique. Mabillon les avait puisées dans un manuscrit qui était alors au couvent de Weingarten en Souabe, ou il passa deux jours seulement, en sorte qu'il ne put pas en prendre copie lui-même, et que le moine chargé de ce soin s'en acquitta fort mal. Ces formules ont été depuis ce temps-là reproduites successivement par D. Bouquet, par Canciani et par Walter.

L'édition de Mabillon avait déjà été jugée très défectueuse par Pertz. Le monde savant s'en plaignait avec d'autant plus de raison que ces formules reproduisaient le droit de l'Anjou sous la période mérovingienne, droit qui a servi de base aux Établissements de saint Louis, et qu'elles présentaient de la sorte une importance particulière. Charles Giraud eut heureusement la pensée de collationner de nouveau le texte du manuscrit pour en donner une édition exacte, qui parut dans le deuxième volume de son Histoire du droit français . Cette édition a d'ailleurs été reproduite en 1845, par Rozière, dans sa collection si complète des formules.

La date du recueil se place entre la fin du VIe et le VIIe siècle. Il ne peut pas être postérieur à l'année 681, qui se trouve mentionnée dans une formule avec supputation du temps écoulé, depuis la création du monde et la naissance de Jésus, et, d'un autre côté, il est fait mention de Childebert; mais comme des trois Childebert deux seulement, le premier et le troisième, ont possédé Angers, et que le premier seulement est antérieur à l'an 681, c'est sous le règne de ce dernier, pendant le VIe siècle, à partir de l'année 515, que plusieurs des formules, sinon la totalité, auraient été rédigées.

Les actes dont ont trouve les formules dans ce recueil sont fort nombreux, et ils nous représentent, fonctionnant dans le même territoire, l'organisation municipale des Romains et l'organisation judiciaire des Francs. Ainsi, à côté de la curie, avec le defensor, le curator, le principalis, le magister militia, exerçant la juridiction volontaire dans les actes d'insinuation, de donation ou de constitution de dot (form. I), nous trouvons le tribunal germanique composé d'un délégué du prince, abbé, comte ou autre, selon que le territoire jouit ou non de l'immunité, assisté des rachimbourgs ou de bons hommes, vel reliquis quamplurimis bonis hominibus qui eum eo aderant, recevant le serment des douze conjurateurs et appliquant la loi salique ou la loi romaine.

Ailleurs, c'est un mélange de formules d'actes d'après le Droit romain ou le Droit germanique, d'affranchissement, de vente, d'échange, de traité pour la composition d'un crime, de rachat d'individu condamné, de vente comme esclave, de dot, de donation entre mari et femme, de divorce par consentement mutuel. Les premiers mots de cette dernière formule méritent, par leur singularité, d'être rapportés ici :

 « Domino non dulcissimo sed amarissimo et exsufflatissimo jocali meo illo. Dum non est incognitum, qualiter faciente inimico et interdicente Deo, ut insimulesse non potemus; proindè convenit nobis ante bonis hominibus, ut ad invicem nos relaxare deberemus. Ubicumque jocalis meus mulierem ducere voluerit licentiam habeat faciendi, similiter et illa convenit ut ubicumque ipsa femina superius nominata sibi marito accipere voluerit, licentiam habeat faciendi. » (Form. 56).
Nous citerons encore la formule de l'acte par lequel, lorsqu'un enfant nouveau-né est exposé devant la porte d'une église, les marguilliers qui le recueillent ont le droit de le vendre à un tiers, qui se charge de le nourrir, de l'élever, mais qui, par cela même, acquiert, à son tour, le droit d'en faire un homme libre ou de le traiter en esclave, jusqu'à ce qu'il soit racheté par le remboursement des frais qu'on a faits pour lui. Cet acte est rédigé conformément à la loi romaine.

Formules wisigothiques

Les formules wisigothiques dont il nous reste à parler ne se rapportent pas à l'empire franc, mais au royaume des Wisigoths d'Espagne; c'est ce que nous attestent plusieurs passages où il est question des Goths, de la curie de Cordoue, du règne de Sisebut :
« Ter voluto Domini faeliciter anno gloriosi merito Sisebuti tempore regis ». 
Cette indication relative au règne de ce prince, et qui mentionne la troisième année, permettrait même de fixer la date du recueil à l'année 615. 

A cette époque, dans le royaume des Wisigoths, étaient en vigueur tout à la fois le Droit romain, la Lex Romana Wisigothorum et la loi nationale des Wisigoths, car le Droit romain n'avait pas encore été abrogé en Espagne; il ne le fut que plusieurs années plus tard, sous le règne de Chindassuinde et de Recessuinde. Ainsi s'expliquent les dispositions de ces formules qui nous représentent le Droit romain comme pleinement en vigueur. Telles sont les formules d'affranchissement qui montrent l'affranchi devenu citoyen romain, estote ingenui civesque romani (form. I, 7), et supposent encore subsistante la distinction des deux nationalités gothe et romaine, de donation ante nuptias, de dot, de donation entre époux, de testament, de testament mutuel, d'insinuation dans les actes de la curie, d'émancipation. Parmi les actes faits d'après la loi romaine s'en rencontrent aussi quelques-uns conformes au Droit germanique, tels que la constitution de dot (15 et suiv. et surtout 20) et la formule d'abdication de la liberté, faite par un individu sous le nom d'objurgatio. (Cartula objurgationis, 32).

Bien qu'on pût élever quelque doute sur l'authenticité de ces formules, à cause de leur origine, car elles ont été découvertes dans la bibliothèque de Madrid, dans un recueil manuscrit de pièces émanées de Pélage, évêque d'Oviedo, qui vivait vers l'an 1101, au commencement du XIIe siècle, et qui a la réputation d'être l'auteur d'un grand nombre de pièces apocryphes, l'opinion de Rozière, leur éditeur, en faveur de leur authenticité doit être d'autant plus adoptée que l'évêque d'Oviédo n'avait aucun intérêt, ce semble, à représenter comme faits au VIIe siècle des modèles d'actes du XIIe, sans cette intérêt qui lui avait fait fabriquer de faux documents en faveur de son Église. (C Ginoulhiac / J.-E. Guétat ).

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Dictionnaire Le monde des textes
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