| L'Austrasie, de l'all. Östreich, c.-à.-d royaume de l'Est, est un ancien Etat qui correspond à la région de Est de la Gaule pendant la période mérovingienne. Après les premières invasions des Francs en Gaule, les pays occupés par eux reçurent le nom de Francia, et naturellement la signification de ce mot subit des variations en raison de leurs conquêtes. Toutefois ce terme ne fut jamais d'un usage commun pour leurs acquisitions faites depuis Clovis dans la Gaule méridionale. Lors des partages de l'Empire franc entre les princes mérovingiens, le nom de Francia ne suffit plus à désigner les divers royaumes comprenant l'ensemble des pays qu'ils avaient colonisés, et l'on distingua la France orientale ou Austrasie (Austria) de la France occidentale ou Neustrie (Neustria). C'est dans les écrits de Grégoire de Tours qu'il est pour la première fois question des Austrasiens ou habitants de l'Austrasie. Rois d'Austrasie : Thierry, 511-534; Théodebert, 534-547; Théodebald, 547-553; Clotaire Ier, 553-561; Sigebert Ier, 561-575; Childebert II, 575-596; Théodebert II, 596-612; Thierry II, 612613; Clotaire II, 613-622; Dagobert Ier, 622-638; Sigebert II, 638-656; Childéric II, 660-673; Dagobert II, 674-678 ou 679. Lors du partage accompli en 511 entre les fils de Clovis, Thierry Ier, qu'il avait eu d'une première femme, avant d'épouser Clotilde, eut dans sa part cette région orientale de la Gaule. Elle comprenait les pays qui furent plus tard la Champagne, la Lorraine, l'Alsace, et toute la rive droite du Rhin jusqu'à son embouchure. Les villes principales étaient : Reims, Châlons, Troyes, Metz, la capitale, Toul, Verdun, Bâle, Strasbourg, Spire, Worms, Trèves, Mayence, Zulpich et Cologne. Ce royaume subsista de 511 à 553, gouverné successivement par Thierry Ier (511-534), par son fils Théodebert Ier (534-547) et par Théodebald, fils de Théodebert (547-553). Il s'était accru considérablement pendant cette période, d'abord par les conquêtes de Thierry Ier au delà du Rhin et notamment en Thuringe, puis, par l'annexion de contrées de la Bourgogne et de la Provence accomplie par son successeur; mais il faut remarquer que le nom d'Austrasie ne s'est jamais appliqué qu'au groupe primitif et à ses dépendances de la rive droite du Rhin, à l'exclusion. des possessions en Aquitaine, en Bourgogne et en Provence. Ce premier royaume d'Austrasie cessa d'exister en 553 et fut réuni aux autres royaumes de l'Empire franc sous le sceptre du dernier survivant des fils de Clovis, Clotaire Ier. Il fut reconstitué à sa mort, en 561, au profit de son fils Sigebert Ier. Le premier démembrement de la Francia n'avait été qu'un partage temporaire de domaines et n'avait pas suffi à constituer des royaumes ayant des tendances particulières et des intérêts opposés. Il n'en fut pas de même de celui de 561. Des discordes de famille et des guerres intestines ne tardèrent pas à mettre aux prises les peuples eux-mêmes et à produire des nationalités bien distinctes qui ne se fondirent plus lorsque le sort des armes ou le hasard des successions réunirent pour un temps les deux pays sous la domination d'un seul roi. Ce n'est pas ici le lieu de raconter les luttes auxquelles donna lieu la rivalité de Frédégonde et de Brunehaut; il suffit de rappeler que Sigebert accrut à diverses reprises son royaume d'une partie considérable du royaume de Paris et notamment, en 564, de Soissons qu'il conquit sur Chilpéric, et en 567 d'une partie des cités de Senlis, de Paris et de Meaux qu'il enleva au royaume de Caribert, pour ne parler que des possessions qui se rattachèrent au groupe principal de l'Austrasie proprement dite. Après la mort de Sigebert, en 575, son fils Childebert II, âgé de cinq ans, lui succéda sous la tutelle de sa mère Brunehaut, mais il fut bientôt dépouillé par son oncle Chilpéric de toute la partie du royaume de Paris réunie à l'Austrasie en 567 et plus tard de la cité de Soissons. Son fils Théodebert II lui succéda en Austrasie en 596; mais le royaume fut alors diminué des cités de Strasbourg, de Bâle et de Constance et de la partie méridionale de la cité de Toul, réunies au royaume de Bourgogne laissé à son second fils Thierry. Par contre, Théodebert réunit à son royaume la cité de Soissons et le duché de Dentelin formé des cités de Tournai, Cambrai, Noyon, Arras, Térouane et Boulogne qui restèrent annexées au royaume d'Austrasie jusqu'en 634. En 610, il se fit rétrocéder l'Alsace et la rive gauche du Rhin jusqu'à Constance. A la mort de Théodebert II (612), son frère Thierry II réunit un moment l'Austrasie à son royaume de Bourgogne, mais il mourut à Metz en 613, et Clotaire Il réunit sous sa main la totalité de l'Empire franc. Cette réunion ne fut, du reste, que nominale. Depuis un demi-siècle il s'était créé en Austrasie un état social assez particulier : le gouvernement du pays appartenait, en réalité, à une aristocratie dont les chefs étaient alors l'évêque de Metz, Arnoul, et son frère Pépin. Cette aristocratie ne tarda pas à affirmer ses tendances séparatistes, et à exiger du roi Clotaire un roi particulier. En mars 623, le royaume d'Austrasie fut reconstitué, mais notablement diminué, au profit de Dagobert Ier, âgé de quinze ans, qui fut un instrument entre les mains d'Arnoul et de Pépin. Bientôt il réclama les anciennes dépendances du royaume que son père s'était réservées; elles lui furent attribuées à la suite d'un arbitrage, en 625. En 629, Dagobert devint maître des autres royaumes francs, ne laissant qu'un petit royaume au Sud-Est à son frère Caribert, qui mourut en 630. Mais, cette fois encore, les grands d'Austrasie ne tardèrent pas à réclamer un roi particulier. Il leur fut donné, en 634, en la personne du fils de Dagobert, Sigebert III, âgé seulement de trois ans. Le duché de Dentelin, que Théodebert II avait réuni à l'Austrasie, en fut détaché à cette époque. Sur la rive droite du Rhin, le duc de Thuringe, Rodolphe, se rendit indépendant vers 640, et, dès lors, la Thuringe cessa d'être comprise dans les dépendances de l'Austrasie. Sigebert III étant mort en février 656, ne laissait qu'un fils, Dagobert, âgé de quatre ans. Le maire du palais, Grimoald, fils de Pépin, crut le moment venu de placer sur le trône un de ses enfants. Le jeune Dagobert fut enlevé, conduit en Ecosse et Grimoald fit roi son fils Childebert. Mais les grands d'Austrasie se soulevèrent et les chassèrent l'un et l'autre (657). L'Austrasie passa alors au second fils de Clovis II, roi de Neustrie, Childéric II (663) qui, une fois encore, réunit sous un même sceptre les divers royaumes francs (673). Après l'assassinat de Childéric II (675), les grands firent revenir d'Ecosse le fils de Sigebert II, Dagobert Il, pour le placer sur le trône d'Austrasie (675); il n'y resta pas quatre ans et périt poignardé à l'instigation des neveux de Grimoald, Martin et Pepin d'Héristal (679). Ceux-ci s'emparèrent alors du pouvoir; ils reconnurent sans doute encore l'autorité nominale des princes mérovingiens, mais de fait le duché d'Austrasie devint, sous leur gouvernement, un Etat politique indépendant, héréditaire dans la famille de l'évêque Arnoul. Le duché d'Austrasie comprenait alors l'ancienne Austrasie franque et l'Alsace. Le duc Martin périt assassiné vers 680, par ordre d'Ebroïn, et son frère Pépin d'Héristal gouverna seul désormais. Jusqu'en 687, il lutta contre les maires neustriens; à cette époque, la victoire de Testry le rendit maître du roi Thierry III. L'Austrasie avait vaincu la Neustrie. Le duc d'Austrasie fut l'arbitre des destinées de l'Empire franc; il laissa régner les princes mérovingiens, mais ce fut lui qui, sous leur nom, eut le véritable pouvoir jusqu'à sa mort (714). Son fils Théobald, encore enfant, lui succéda d'abord sous la tutelle de sa mère Plectrude, mais les grands ne tardèrent pas à l'abandonner, et choisirent pour chef un bâtard de Pépin d'Héristal, Charles-Martel. Celui-ci, à la mort du roi Thierry IV, en 737, jugea inutile de lui donner un successeur, et, sans prendre lui-même le titre de roi, il continua à gouverner le royaume. Son fils aîné, Carloman, lui succéda en 741 comme duc d'Austrasie; l'année suivante, de concert avec son frère Pépin, il jugea à propos de placer sur le trône un prince mérovingien; mais les deux frères continuèrent à exercer le pouvoir comme maires du palais. Quelques années plus tard, Pépin, que la fuite de son frère Gripon, et la retraite de son autre frère Carloman au mont Cassin, avaient laissé seul détenteur de l'autorité, se décida à prendre le titre de roi. Le duché mérovingien d'Austrasie cessa depuis lors d'exister; dans les partages carolingiens il ne fut plus tenu compte de l'ancienne division en Neustrie et en Austrasie. Le mot Austrasie ne tomba pas cependant en désuétude, mais son acception ne fut plus la même. Lors du partage de l'empire de Charlemagne, en 806, l'Austrasie comprise dans le royaume de Charles ne désigne guère que les territoires des cités de Mayence, Worms et Spire; elle fit partie en 843 du lot de Louis le Germanique. Le coeur de l'ancienne Austrasie mérovingienne, les cités de Laon, Reims, Verdun, Metz et Trèves furent alors com-prises dans la Francia. L'Austrasie devint la Francia orientalis et c'est par ce nom de France orientale, (Ostfränkisches Reich) que les historiens français et allemands ont coutume de désigner l'Austrasie carolingienne. Ajoutons que ce terme d'Austrasie a été appliqué également, au VIIIe et au IXe siècle, à l'une des cinq provinces de la Lombardie. L'Austrasie lombarde formait la partie orientale du royaume et était comprise entre les Alpes au Nord, le Pô et l'Adriatique au Sud, le Mincio et le lac de Garde à l'Ouest, et les Alpes Juliennes à l'Est; elle correspondait par conséquent aux pays que l'on a nommés plus tard la Vénétie, le Frioul et l'Istrie. C'est enfin le même nom qui a servi à désigner la Marche orientale de l'Allemagne qui est devenue l'Autriche. Nous avons cru devoir nous attacher dans cette page à l'histoire purement territoriale de l'Austrasie; on trouvera le détail des faits dont cette région a été le théâtre, d'abord aux pages consacrées aux différents personnages nommés, et surtout aux articles Carolingiens et Mérovingiens (V. aussi la page sur la Neustrie). (GE). | |