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La fin de domination
romaine sur l'Espagne ( L'Espagne
antique) s'amorça à partir de 409
de notre ère, quand les populations (la plupart) germaniques
qui s'étaient infiltrées dans l'Empire romain passèrent
les Pyrénées. Les Suèves
sous Emmeric, les Alains sous Atace, les
Vandales sous Gunderic, chaque bande avec
son chef séparé, se répandirent dans la Péninsule
et mirent tout à feu et à sang. Les Asturies,
la Galice, la Lusitanie
et une partie de la Bétique furent
surtout dévastées; les autres provinces cherchèrent
à se défendre, et, dans les provinces orientales, quelques
cantons et surtout les villes se maintinrent nominalement sous la domination
de Rome. Cependant, tandis que les chefs barbares se disputaient et se
partageaient une partie de l'Espagne, le roi des Goths,
Ataulf, successeur d'Alaric,
évacua volontairement l'Italie et,
par un traité avec Honorius, se contenta
du gouvernement de la Gaule Narbonnaise
et de l'Espagne Tarraconaise (412);
il combattit comme tant d'autres princes barbares pour le compte de l'Empire,
occupa avec ses Goths la partie de l'Espagne qui lui avait été
cédée, s'empara de Barcelone
et fut, comme disent quelquefois les historiens, le premier roi goth de
l'Espagne.
Les
premiers rois wisigoths
Sigeric, puis Wallia, qui furent élus
pour ses successeurs, furent d'abord hostiles aux Romains, mais le dernier
se réconcilia avec eux et marcha contre les autres barbares qui
occupaient l'Espagne. Il força, après plusieurs batailles,
les Vandales à se réfugier dans les montagnes de la Galice,
extermina presque les Alains qui disparaissent, dès lors, de l'histoire,
et n'épargna les Suèves que parce qu'ils s'étaient
reconnus tributaires de Rome. Partout vainqueur, il céda aux Romains
les provinces qu'il avait conquises en Espagne, recevant en échange
la deuxième et la troisième Aquitaine
et mourut à Toulouse, dont il avait fait sa capitale, en 420.
A cette époque si troublée, le caractère qui domine,
c'est la confusion, le chaos, la mobilité des populations et des
gouvernements; les barbares se déplacent au moindre motif; des guerres,
sans autre cause que l'appât du butin, des traités de paix
qui ne durent pas, des renversements continuels des alliances, nulles limites
un peu précises, nul droit des gens. Tout ce qu'on peut dire, c'est
que trois peuples envahisseurs avaient réussi à s'établir
à peu près en Espagne; au Nord-Est, dans la vallée
de l'Ebre, les Wisigoths;
dans la Lusitanie, les Suèves; vers l'Océan et dans la Bétique,
les Vandales; le reste du pays tenait encore pour les Romains et était
de fait à peu près indépendant et livré à
lui-même, souvent dévasté par des bandes barbares.
Un premier soulagement aux maux dont souffrait
la péninsule, ce fut le départ des Vandales
en 429; ces pillards, qui avaient organisé
la course sur la côte européenne de la Méditerranée,
appelés par le comte Boniface, allèrent
exercer cette industrie sur le littoral africain; ils ne laissèrent
comme trace de leur passage en Espagne que le souvenir de leurs dévastations
et leur nom appliqué à la belle province de Bétique
qu'ils avaient si longtemps ravagée et que l'on a appelée
depuis Vandalusia ou Andalousie.
A l'annonce de ce départ, les Suèves
accoururent pour occuper la province, et leur roi, Réchilan, après
trois ans de luttes, parvint à réunir sous son pouvoir la
Galice, la Lusitanie et la Bétique. Il s'efforça d'adoucir
les manières farouches de ses Suèves, de se concilier les
populations romaines par la justice de son gouvernement, et quand il mourut
à Mérida, en 448, il
laissa à son fils une autorité bien établie sur tout
l'Ouest de la péninsule, tandis que les Romains avaient l'Est et
le Nord-Est. Ceux-ci étaient alors trop occupés en Gaule
pour s'occuper de ce qui se passait au delà des Pyrénées
: Attila avait paru. Théodoric,
roi des Wisigoths, le plus sûr
défenseur de l'empire romain en décadence, donna même
sa fille en mariage au fils de Réchilan, Réchiaire, qui se
convertit au christianisme ,
puis il ne pensa plus qu'à combattre avec Aétius
l'invasion des Huns. On sait qu'il trouva
la mort dans la formidable mêlée des Champs
Catalauniques en 451 et de son
fils aîné, Thorismond, qui lui succéda, fut, au bout
d'un an, étranglé par ordre de ses frères.
L'aîné de ceux-ci, proclamé
roi, s'allia aux Romains, d'abord à l'empereur Valentinien
III, puis à Avitus, et, tranquille
du côté de la Gaule, il voulut reprendre l'Espagne aux Suèves.
En 456, il poursuivit leur roi Réchiaire
qui venait de faire une incursion en Catalogne,
prit d'assaut la ville de Bracara Augusta, fit mettre à mort Réchiaire
qui était en son pouvoir, et, en une campagne heureuse, soumit la
plus grande partie des Suèves. Il marchait en Lusitanie, en 457,
pour détruire leurs bandes qui tenaient encore la campagne, quand
la nouvelle de la mort d'Avitus vint lui inspirer des craintes pour la
sécurité de ses possessions en Gaule et le forcer à
repartir avec une partie de son armée pour Toulouse, tandis que
le reste continuait à combattre les Suèves. Les années
qui suivirent furent marquées par des luttes continuelles et obscures
entre les Goths et les Romains alliés d'une part et les Suèves
de l'autre; même ceux-ci se divisèrent en plusieurs partis
et se firent la guerre de tribu à tribu il fallut cinq ans pour
que la lassitude générale amenât une trêve entre
ces divers éléments turbulents et ennemis. Théodoric
II, cependant, se détachait de l'alliance des Romains, étendait
ses États dans la Gaule et les administrait avec sagesse, se faisait
reconnaître comme suzerain par le roi des Suèves qui avait
enfin réuni sous son pouvoir les diverses tribus, et jetait les
fondements d'une grande puissance wisigothique
quand il fut assassiné à Toulouse par son frère Euric
(466). Celui-ci continua, on peut dire,
l'oeuvre commencée par son prédécesseur; il s'allia
aux Suèves pour enlever aux Romains la plupart des places qu'ils
tenaient encore dans la péninsule, étendit ses possessions
de Gaule jusqu'à la Loire, fit fleurir les arts dans ses États,
laissa aux catholiques
d'Espagne, quoiqu'il fût arien ,
le libre exercice de leur culte et prépara un recueil de lois pour
ses sujets. A sa mort, en 484, son
fils Alaric II fut nommé roi, qui fit continuer
le code commencé par son père et se fit battre et tuer par
Clovis, en 507,
à la bataille de Vouillé.
Les
rois de Tolède
Quelques Wisigoths
proclamèrent alors le fils bâtard d'Alaric
et déjà homme, Gésalric, tandis que la majorité
reconnut son fils légitime, Amalric,
qui n'avait que cinq ans et qui fut soutenu par le grand Théodoric,
roi des Ostrogoths. Theudis fut désigné
comme régent, puis, comme il ne paraissait pas assez docile aux
ordres du roi d'Italie ,
il fut rendu à la vie privée. Quant à Amalric, il
épousa une fille de Clovis; mais, comme
il voulait la forcer à embrasser l'arianisme, elle se plaignit à
ses frères qui marchèrent contre le roi des Goths; il périt
assassiné en 531, soit par les
Francs, soit par ses soldats. Theudis, dont on avait apprécié
l'habileté comme régent, fut alors proclamé roi, obtint
quelques succès sur les Francs et fut tué par un exalté
en 548. Son principal général,
Theudégisil, fut élu roi, mais bientôt poignardé
par des grands dont il avait outragé les femmes. Il y eut ensuite
deux compétiteurs, Agila et Athanagild
(Athanagislde) : celui-ci s'allia à l'empereur Justinien
qui s'efforçait alors de restaurer l'empire romain, lui promit des
villes du littoral, et, avec les secours qu'il en obtint, battit son rival,
qui fut bientôt poignardé par ses partisans; en 554,
Athanagild fut reconnu roi par tous les Wisigoths. Il établit sa
résidence à Tolède, où il eut une cour brillante,
chercha des alliances avec les Francs, en mariant ses filles Galsuinthe
et Brunehaut avec Chilpéric
et Sigebert, chassa les Byzantins
de quelques places qu'ils avaient prises et montra un remarquable esprit
de modération et de justice.
A la mort d'Athanagild,
en 567, il y eut plusieurs mois de
désordres. Les grands, prétendant qu'ils ne trouvaient personne
digne de la couronne, se rendirent indépendants dans leurs domaines;
profitant du désordre, les impériaux étendirent leurs
conquêtes, et quelques chefs suèves se reprirent à
piller. L'excès du mal amena le remède, et les grands, cédant
à la voix de l'opinion, élurent pour roi Liuwa, gouverneur
de la Gaule gothique. Au bout d'un an, celui-ci, que les événements
retenaient au delà des Pyrénées, demanda qu'on lui
adjoignit, pour gouverner l'Espagne, son frère Leuwigild. Celui-ci,
pour affermir son autorité, épousa la veuve d'Athanagild,
reprit aux Byzantins Medina Sidonia et Cordoue
et presque toutes les places qu'ils occupaient, et, en 572,
par la mort de Liuwa, devint chef de toute la Wisigothie. Il voulut même
rendre le trône héréditaire et ne trouva pas d'opposition
pour faire déclarer héritiers du titre de roi ses deux fils
Herménegild et Récared (Récarède). Il soumit
ensuite les Vascons et les gens de l'Orozpeda (sierras de Cazorla et d'Alcarraz),
qui jusqu'alors étaient demeurés indépendants, et
ayant marié son fils Herménegild à une fille de Brunehaut,
il lui attribua une portion de ses vastes États avec Séville
pour capitale.
Ce fut pour le monarque jusque-là
si heureux l'occasion de bien des soucis et des malheurs. Son fils se fit
catholique
et leva les armes contre lui, comptant sur l'appui de tous les mécontents,
Romains, impériaux, Vascons à peine soumis. Leuwigild réprima
la révolte de ces derniers et prit son fils qu'il envoya prisonnier
à Tolède (581); le jeune
prince s'échappa, s'allia à un chef des Suèves, mais
fut repris dans Cordoue; une deuxième
fois il peut s'enfuir et fomenter une révolte, mais, bientôt
abandonné par les siens, il est forcé de se rendre. Son père
voulant l'obliger à renier le christianisme ,
il insulte l'évêque arien chargé de le convertir et,
sur un ordre de son père irrité, est mis à mort (585).
L'année suivante, le vieux Liuwa, après avoir détruit
pour toujours ce qui restait de l'indépendance des Suèves
et avoir soutenu une guerre heureuse contre les Francs, s'éteignait,
laissant la réputation d'un habile politique et d'un sage administrateur.
Le premier, parmi les rois goths, il se fit représenter sur ses
médailles la tête couronnée et parut dans les assemblées
solennelles sur un trône, le sceptre en main. Il avait montré
des dispositions peu favorables aux catholiques, au temps des révoltes
de son fils, et exilé plusieurs évêques; il laissa
toutefois aux dissidents une réelle liberté, ce que démontre
la fondation sous son règne de nombreux couvents et aussi ce fait
que la tradition, d'ailleurs peu vraisemblable, le représente comme
s'étant converti au catholicisme avant de mourir.
-
Récared, fils de Liuwa, fut reconnu
roi en 586 sans difficulté;
les grands talents qu'il avait montrés à la guerre plaidaient
pour lui. Il commença son règne par un acte important; converti
secrètement au catholicisme, à ce que disent les chroniqueurs,
peut-être aussi par raison politique et pour s'attacher les indigènes
et les Romains qui étaient catholiques, il convoqua à Tolède
un synode de tous les évêques, ariens
ou orthodoxes d'Espagne, et, après avoir écouté les
arguments des deux partis, il abjura solennellement l'arianisme. Sa conversion
entraîna celle de la plupart des Goths qui n'étaient pas grands
théologiens. Seuls, les évêques ariens et l'aristocratie
des Goths furent mécontents et quelques complots, ceux notamment
de Sisbert, de Sunna, furent tramés contre Récared; Athalocus,
évêque arien de Narbonne, aidé
de Didier, duc des Francs de Toulouse, essaya vainement de soulever la
Septimanie (588).
Gontran, roi des Burgondes,
que les insurgés avaient appelé, envoya pour les soutenir
le général Boson, mais il fut défait par Claudius,
gouverneur de la Lusitanie, et Récared régna tranquillement
jusqu'à sa mort, survenue en 601.
Au concile
de Tolède (en 589) il avait
renouvelé son abjuration et dès lors l'Espagne était
rentrée dans le sein de l'Église orthodoxe; de nouveaux conciles,
à Narbonne (589), à Séville
(590), à Saragosse
(592), à Barcelone
(599), avaient confirmé ce changement,
et le roi avait entretenu des relations excellentes avec le pape. Les chroniqueurs
espagnols, par suite, le louent sans réserve, mais la postérité
lui reproche d'avoir fait brûler tous les livres ariens qu'on avait
pu trouver.
-
Sou
d'or wisigoth (à gauche)
et
monnaie d'argent de Récarède.
Liuwa II, fils aîné et successeur
de Récared, ne fit que passer sur le trône (601-603);
Viteric, un grand qui l'avait tué et qui s'était fait proclamer
roi, mécontenta tout le monde et fut tué dans un banquet
par ses officiers, et son corps traîné ignominieusement dans
les rues de Tolède (610); Gondemar,
qui fut élu ensuite, se signala dans des guerres contre les Vascons
et les impériaux, mais mourut peu après (612).
Un règne plus remarquable est celui de Sisebuth : il combattit d'abord
les Asturiens et les gens de la Rioja révoltés,
puis battit les impériaux qui occupaient encore de nombreuses places
sur la opte méridionale et les força à demander la
paix. L'empereur Héraclius consentit
à ne garder sur la côte d'Espagneque le petit territoire des
Algarves, mais il mit pour condition que les Juifs,
qu'une crainte superstitieuse
lui avait fait prendre en horreur, fussent tous chassés d'Espagne.
Ils furent en conséquence traités avec la dernière
rigueur; un grand nombre furent déclarés esclaves, virent
leurs biens confisqués; 90 000 acceptèrent le baptême,
mais gardèrent au coeur la haine de la religion imposée;
beaucoup enfin s'exilèrent vers la Gaule. Ce fut un malheur pour
le pays. Sisebuth termina son règne par une expédition couronnée
de succès contre les pirates barbaresques,
leur prit Ceuta
et Tanger qu'il fortifia et mourut peu après, en 621,
sans qu'on sache de quelle manière.
Son fils Récared II ne régna
que quatre mois. Swinthilla (de 621
à 634) fut d'abord habile et
heureux; il acheva la soumission des Vascons, conquit sur les impériaux
leurs dernières possessions dans les Algarves, mais il mécontenta
ses sujets en voulant assurer le trône à son fils Racimir.
De nombreux révoltés ayant à leur tête Sisenand,
gouverneur de la Gaule gothique, appelèrent Dagobert
et par de riches présents le décidèrent à intervenir.
Quand Swinthilla marcha contre les envahisseurs, il fut abandonné
par ses soldats et dut chercher le salut dans la fuite, tandis que Sisenand
était proclamé roi. Il mourut en 636,
après un règne de cinq années qui n'est marqué
que par la réunion du IVe concile
de Tolède, assemblée nationale plutôt que synode religieux,
où de nombreuses lois politiques et civiles furent votées.
Chintilla (de 636 à 640)
confirma et promulgua les décisions du concile de Tolède
et recommença les persécutions contre les Juifs, à
l'instigation des évêques qui, reconnaissants, firent à
sa mort proclamer roi son fils Tulga. Ce n'était qu'un enfant; au
bout de deux ans, les nobles le firent raser et enfermer dans un couvent,
et élurent, pour faire cesser l'anarchie que cette minorité
avait causée, un vieux guerrier nommé Chindaswinth. Par son
énergie, il ramena l'ordre et effraya les fauteurs de troubles et
parvint en 649 à faire associer
à son pouvoir et désigner pour son successeur son fils Receswinth;
puis, laissant à celui-ci le soin des affaires publiques, il vécut
jusqu'en 652 dans la retraite et le
culte des lettres. Receswinth ne fut pas reconnu de suite et par tous les
grands; il lui fallut comprimer une révolte de ceux-ci, dirigée
par Froja. Après avoir vaincu les rebelles, il usa de la victoire
avec modération, écouta les plaintes des villes et convoqua
en 653 le VIIIe
concile de Tolède, une des plus importantes assemblées nationales
de l'époque des Goths. On y fixa le mode d'élection des rois;
on rendit le code wisigothique commun aux Romains et aux Goths; on décida
l'inaliénabilité des biens de la couronne et on donna au
souverain le droit de grâce en matière de crimes d'Etat; enfin,
on commença à délimiter les diocèses et les
circonscriptions judiciaires.
La
fin du royaume wisigothique
Après un règne calme et qui
contribua beaucoup à la fusion des éléments divers
de la population, Receswinth mourut près de Palencia en 672.
Wamba, son successeur, est peut-être le plus remarquable des princes
goths; il refusa longtemps la couronne et ce ne fut que par la violence
qu'on l'amena à accepter, et, dès son avènement, il
eut à soutenir deux guerres difficiles que, malgré son grand
âge, il mena avec vigueur. La première fut contre les Vascons;
ces montagnards, à chaque nouveau règne, tentaient de recouvrer
l'indépendance. Wamba les poursuivit de retraite en retraite et
les força à payer tribut. Pendant ce temps, quelques ambitieux,
à Nîmes, avaient levé l'étendard
de la révolte, et le comte Paul, envoyé contre eux, avait
séduit ou forcé les gens de la Narbonaise
à le reconnaître lui-même pour roi, au lieu de Wamba
qu'il déclarait vieux, sans force et mécontent d'être
roi. Wamba soumit les villes soulevées de Catalogne,
passa les Pyrénées
avec trois corps d'armée, enleva d'assaut Narbonne,
Béziers, Agde,
Nîmes où le comte Paul fut pris
dans les arènes, répara les maux causés par la guerre,
remédia aux vices de l'administration et revint faire une entrée
triomphale à Tolède. Il avait pardonné à tous
les rebelles, sauf à vingt-neuf des plus coupables qu'il fit comparaître
devant leurs pairs, mais il commua leur condamnation à mort en une
détention perpétuelle.
Après cette brillante campagne de
six mois, le principal souci de Wamba fut de bien administrer. Tolède
fut embellie, les voies romaines et les ponts ou aqueducs
réparés; l'agriculture, le commerce, l'industrie encouragés;
l'Espagne fut divisée en six archevêchés et six provinces;
l'évêché de Tolède
eut la primatie. Ce règne heureux prit fin d'une façon bizarre;
un ambitieux, officier de Wamba, donna à celui-ci un breuvage qui
le fit tomber en léthargie, et, pendant son sommeil, le rasa et
lui mit une robe de moine. Au réveil, Wamba comprit qu'il ne pouvait
plus être roi, selon la loi wisigothique, et, pour ne pas amener
une guerre civile, désignant l'ambitieux qui l'avait si maltraité,
Erwich, pour son successeur, il entra dans un couvent en 680.
Erwich paraît avoir été toute sa vie tourmenté
par le remords de son action; il réunit d'abord un concile à
Tolède pour justifier sa conduite, s'efforça de discréditer
les actes de son prédécesseur, amnistia tous les rebelles
et enfin prit pour gendre un neveu de Wamba, Egica, après lui avoir
fait promettre de défendre sa famille envers et contre tous. Sentant
la mort venir en 687, il prit l'habit
de moine et abdiqua en faveur d'Egica qui fut aussitôt reconnu roi.
Egica, avec l'assentiment d'un concile,
vengea Wamba et ses partisans, eut à réprimer une conspiration
redoutable de l'archevêque de Tolède, Sisebert, qui fut déposé
en 693 et exilé, et fit prendre
des mesures rigoureuses contre les Juifs qu'on disait prêts à
se soulever en 697, vieillissant, il
obtint de s'associer son fils Witiza, qui gouverna la Galice et résida
à Tuy; des médailles de ce temps portent les noms et les
attributs des deux rois. On ne sait presque rien des dernières années
d'Egica qui mourut en 701. Le règne
de Witiza, son successeur, est encore moins connu; certains chroniqueurs
ont vanté sa justice et sa clémence, tandis que d'autres,
il est vrai plus modernes, nous l'ont représenté comme adonné
aux femmes et impie, comme un monstre chargé de tous les vices et
qui prépare pour l'Espagne la vengeance
divine. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il rencontra une vive opposition
chez les Hispano-Romains, et que ceux-ci, dans une assemblée tumultueuse,
autre que celle qui élisait ordinairement les rois goths, élurent
pour roi Roderic, en l'an 709. L'histoire
vraie de celui-ci n'est pas moins obscure; la légende seule subsiste
qui dit que le gouverneur de Ceuta, le comte Julien, dont il avait outragé
la fille Florinda, appela contre lui les Arabes et donna ainsi occasion
à l'asservissement de l'Espagne par les musulmans (711)
( L'Espagne
musulmane). (G. Pawlowski). |
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