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Le pâli
ou bâli est une ancienne langue
de l'Inde, tombĂ© Ă l'Ă©tat de langue morte, mais qui subsiste Ă
Sri Lanka comme langue liturgique et littéraire des Bouddhistes
du Sri Lanka,
et de la péninsule indochinoise (Birmanie,
ThaĂŻlande et Cambodge)
: pour ces derniers, il désigne proprement leurs livres sacrés.
Si l'on en croit la tradition, le pâli
serait l'ancienne mâgadhi ou dialecte parlé en Magadha (Bihar) au temps
du Bouddha. Kuhn veut y voir le prâcrit usité
à Oujjaïn, dans le Mà lva, vers 250 avant notre ère. Selon Oldenberg,
il aurait déjà été en usage dès 400 av. J.-C., dans le Sud de la péninsule,
d'où il aurait naturellement passé au Sri Lanka; mais il faudrait supposer
en ce cas que l'Inde
méridionale ne parlait pas encore de langues
dravidiennes; car s'il est vrai que le tamoul,
langue de la côte voisine du Coromandel, fait aujourd'hui dans l'île
mĂŞme concurrence au singhalais, du
moins n'a-t-il jamais eu de rapport avec le pâli. Il paraît donc plus
vraisemblable d'admettre que le pâli a été introduit au Sri Lanka, en
même temps que le bouddhisme, par des immigrants venus de l'Inde aryanisée
et partis, soit des ports de l'Orissa, soit de ceux du Konkan.
Quoi qu'il en soit de la question de son
origine, le pâli est une langue étroitement apparentée au sanscrit.
Comme on l'a souvent remarqué, il présente, avec le sanscrit védique,
les seules différences caractéristiques qui séparent l'italien du latin.
Le pâli abrège les voyelles longues du
sanscrit, et tend, par une sorte de compensation,
à redoubler les consonnes. Il opère aussi de fréquentes contractions.
Il conserve les cas du sanscrit, et n'altère les terminaisons de la déclinaison
et de la conjugaison que quand elles offrent des alliances de lettres qu'une
prononciation affaiblie ne peut plus articuler. II a rejeté le nombre
duel, mais gardé les trois genres, ainsi que le système à peu près
complet des pronoms. L'emploi de la voix passive est devenu rare, la voix
moyenne a disparu, et aussi les modes précatif et conditionnel.
C'est le même procédé d'oblitération
ou d'assimilation des groupes de consonnes pour faciliter ou adoucir la
prononciation des sons trop difficiles ou trop durs; c'est aussi la mĂŞme
recherche des terminaisons vocaliques ou nasales, au point qu'un mot pâli
ne peut se terminer par une consonne. Disons encore que le pâli a deux
voyelles et deux diphtongues de moins que le sanscrit, qu'il n'a pas de
duel, que les lois de son euphonie sont irrégulières, etc. Il en existe
une ancienne grammaire sous le nom de Kaccâyana. Les manuscrits,
selon leurs provenances, sont écrits en caractères singhalais, birmans
ou cambodgiens.
Il existe, pour écrire le pâli, plusieurs
alphabets : les Birmans se servent d'un caractère carré; les Thaïlandais
ont le caractère khohmen, formé de petites lignes disposées entre elles
angulairement, et un autre alphabet plus cursif. Ces diverses Ă©critures
paraissent dériver d'un ancien alphabet bouddhique, formé sur le modèle
du dêvanâgari brahmanique, et dont quelques éléments ont disparu, tandis
que d'autres lettres ont été chargées d'accents pour représenter les
nuances de la prononciation usitée en Indochine.
Histoire
de la philologie pâlie.
Le premier Européen à avoir mentionné
le pâli serait Laloubère, dans sa Relation du Siam, à la fin
du XVIIe siècle. En 1824, B. Clouguh en
publiait Ă Colombo
une grammaire, mais qui n'Ă©tait pas encore parvenue en Europe quand, deux
uns plus tard, Burnouf et Lassen publiaient leur fameux Essai sur le
pâli, complété l'année suivante par des Observations grammaticales
sur le mĂŞme sujet. C'est encore Ă Paris que parurent, en 1874, l'excellente
étude de E. Senart sur Kaccâyana et la littérature grammaticale
du pâli, et, en 1874, la traduction française par St. Guyard de la Grammaire
pâlie de Minayen. De 1867 à 1869, F. Muller avait publié à Vienne
trois volumes de Beitrüge zur Kenntniss der Pâli Sprache, et E.
Kuhn donnait à son tour à Berlin, en 1875, ses Beiträge zur Pâli
Grammatik. La même année paraissait enfin à Londres le Dictionnary
of the Pâli language de R.-C. Childers, travail excellent, mais que
les progrès des études ont vite rendu insuffisant. Après cette époque
ne cessent en effet de se multiplier, en mĂŞme temps que se publient les
catalogues des manuscrits conservés dans les diverses bibliothèques européennes,
les éditions et les traductions des textes pâlis. Enfin la Pâli text
Society, établie à Londres, a été fondée sous les auspices de savants
appartenant à diverses nationalités pour faciliter la publication intégrale,
en lettres latines, de toute cette littérature.
II existe beaucoup de livres bouddhiques
en pali. Les Européens ont lu et expliqué plus ou moins complètement
divers poèmes désignés sous le nom de Tcheritas; le Rasavahini,
recueil de légendes; une chronique intitulée Mahâvansa, composée
par Mahanama et continuée par Dhammakitti; le Boromat, traité
de théologie et de philosophie; le Divapansa et le Dhaladhatuvansa,
ouvrages historiques en vers; le Kammouva, code des cérémonies
à observer pour élever un prêtre de Bouddha aux ordres supérieurs;
le Kammawakya, rituel du culte bouddhique, publié par Spiegel,
Bonn, 1841; le Phatimukkha, corps des règles à suivre pour arriver
au salut. (A. Foucher / A19). |
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