.
-

Histoire de l'Europe > La France > Géographie historique de la France

Le Limousin

Le Limousin (Pagus Lemovicinus, ager Lemovicensis, regio Lemovicum, territorium Lemovicinum, Lemozinum, Limosinium, Lemodicinum [Grégoire de Tours]) est une ancienne province de France située à l'extrémité du Massif central. Capitale : Limoges

Il se situait  entre la Marche au Nord, l'Auvergne à l'Est, et la Guyenne au Sud et à l'Ouest, mais son étendue a considérablement varié. Au temps de César, le pagus Lemovicinus correspond aux trois départements actuels de la Haute-Vienne, de la Corrèze et de la Creuse, augmentés des arrondissements de Confolens (Charente) et de Nontron (Dordogne), et mesure environ 19,000 km². Il s'est perpétué dans ces limites jusqu'au Xe siècle et se retrouve à peu près tel dans l'ancien diocèse de Limoges jusqu'en 1790 ou mieux jusqu'en 1317, date à laquelle fut créé le minuscule diocèse de Tulle. On divisait cette province en Haut-Limousin au Nord-Ouest, et Bas-Limousin au Sud-Est.

La dislocation féodale au milieu du Xe siècle amena la formation successive de huit grands fiefs (vicomtés de Limoges, de Turenne, d'Aubusson, de Bridiers, de Rochechouart et de Comborn, seigneurie de Chambon, marquisat plus tard comté de Marche) relevant tous également du comté de Poitiers. A cette date déjà, une partie du Nontronnais était passé au Périgord; le Confolentais allait échoir au comté d'Angoulême et la Xaintrie aux abbés d'Aurillac; bientôt les vicomtés de Rochechouart et Bridiers et la baronnie de Peyrat-Bourganeuf furent annexés au domaine direct des comtes de Poitiers et formèrent jusqu'à la RévoIution trois grandes enclaves poitevines en plein Limousin ; la Marche primitive devint indépendante et s'augmenta au XIIIe siècle de la vicomté d'Aubusson; enfin, vers 1180, la Combraille passa par mariage à l'Auvergne. Pour répondre au terme de Limousin, il ne reste plus dès lors que les vicomtés de Limoges, Turenne et Comborn et diverses seigneuries ecclésiastiques, c.-à-d. le Haut et le Bas-Limousin, correspondant à peu près aux arrondissements actuels de Limoges et Saint-Yrieix (Route-Vienne) et à partie des arrondissements de Brive, Tulle, Ussel (Corrèze). Dans ces étroites limites, la province du Limousin est nettement représentée au XVIIe siècle par le petit gouvernement du même nom et n'a plus guère que 10,000 km².

Néanmoins, le Limousin primitif a conservé jusqu'à la Révolution, outre l'unité ecclésiastique, une réelle unité d'intérêts et de modes de vie, résultant de sa configuration géographique.

Circonscriptions.
A la fin de l'Empire romain, le Limousin se subdivisait en 18 pagi minores, au VIe siècle en 45 ou 46 vicairies administratives, au IXe siècle en 4 grands pagi (de Limoges, Nigremont, Uzerche et Turenne). Toutes ces divisions disparaissent au cours du XIe siècle pour faire place aux pagi féodaux (Guérétois, Dunois, Magnazeix, Nontronnais, etc.) et aux grands fiefs dont on a précédemment parlé. 

Ecclésiastiquement, le Limousin se partageait depuis 1317-1318 entre le diocèse de Limoges (environ 900 paroisses et 18 archiprêtrés) et le diocèse de Tulle (52 paroisses), relevant tous deux de la métropole de Bourges

Judiciairement il ressortissait depuis 1462 au parlement de Bordeaux. La sénéchaussée du Limousin, mentionnée dès le XIIIe siècle et plusieurs fois supprimée et rétablie, fut morcelée aux XVe et XVIe siècles entre les sièges sénéchaux de Limoges, Brive et Tulle, érigés plus tard en présidiaux. 

Financièrement le Limousin se partageait entre l'élection du Haut-Limousin (chef-lieu Limoges) et celles du Bas-Limousin (ch.-l. Tulle et Brive), englobées au XVIe siècle dans la vaste généralité de Limoges qui, au XVIIIe siècle, comprenait encore, outre ces trois élections, celles de Bourganeuf et d'Angoulême.

Histoire du Limousin

Des populations primitives du Limousin on ne sait rien de certain. Les Ibères et les Ligures eux-mêmes ne paraissent pas y avoir laissé de traces. Quant à la population celtique des Lémovices, arrivée sept ou huit siècles avant l'ère chrétienne, son histoire se réduit à peu de choses. Elle fournit cependant à Vercingétorix un contingent de 10,000 hommes et lutta contre César.

Compris par Auguste dans la grande Aquitaine, plus tard par Dioclétien dans l'Aquitaine Ire, les Lémovices furent assez vite romanisés. Les ponts, les chaussées, les aqueducs, les thermes, les marchés, les arènes, les théâtres, les temples, les écoles dont se couvrirent Limoges et quelques autres localités, en sont la preuve. 

Christianisé à partir du IIIe siècle, le Limousin ne fut qu'effleuré par les invasions germaniques, et c'est seulement au VIIIe siècle que cette province fut quelque peu germanisée par les Carolingiens. Rois des Francs et ducs d'Aquitaine y furent représentés par des gouverneurs militaires appelés comtes. De 419 à 507, le Limousin appartint, au moins en droit, à l'empire des Wisigoths; de 507 à 511, au royaume de Clovis; après le partage de 544, au premier royaume de Neustrie; après le partage de 561, au second royaume de Neustrie; après la mort de Chilpéric Ier (581), au royaume aquitain de Gondovald, et bientôt à celui de Gontran; puis (594) au royaume austrasien de Childebert II (mort en 596) et bientôt après à celui de son fils Théodoric II

De 629 à 630, le Limousin fit partie du premier royaume d'Aquitaine; de 673 à 744, du premier duché d'Aquitaine; de 744 à 778, du royaume austrasien de Pépin le Bref et de Charlemagne; de 778 à 876 environ, du second royaume d'Aquitaine ; de 876 à 918, du comté de Toulouse; à partir de 918, du second duché d'Aquitaine au moins jusqu'en 1204. A dater de là, le Limousin suit la destinée tantôt du comté de Poitiers, tantôt du duché d'Aquitaine, à moins que le roi de France n'en retienne pour lui-même la suzeraineté directe. Aussi l'histoire politique de la province aux XIIIe et XIVe siècles est-elle encore fort obscure. Ce qui est indéniable, n'est qu'elle a passé à trois reprises sous la domination anglaise : l'Angleterre l'acquit par le mariage d'Aliénor d'Aquitaine avec Henri II, et la perdit lorsque Philippe Auguste l'enleva à Jean sans Terre en 1203. Saint Louis la rendit à l'Angleterre, comme fief de la couronne de France, en 1259. Elle resta anglaise jusqu'en 1286, retourna alors à la France, puis redevint anglaise de1360 à 1374. Une autre chose aussi est sûre, le Limousin a subi au cours de la guerre de Cent ans de longs et durs ravages.

A travers toutes ces mutations politiques, souvent plus nominales que réelles, le Limousin avait conservé sans trop de peine le dépôt des traditions littéraires et artistiques de la période gallo-romaine. Recueillies dans les monastères qui se fondèrent à Limoges dès le VIe siècle et plus tard dans ceux de Solignac et de Saint-Martial; ces traditions aboutirent à la brillante civilisation des XIe-XIIIe siècles qui fait oublier à l'historien l'effacement politique du Limousin à la même époque. 

Les débats conciliaires de 1031 sur l'apostolat de saint Martial, la fondation de nouveaux monastères (Meymac, Grandmont, Aureil, l'Artige, etc.), l'accroissement pris par Limoges comme centre ecclésiastique et entrepôt commercial, les premières productions des troubadours, des hymnologues et des orfèvres-émailleurs sont les principaux faits à retenir à ces débuts de la période féodale.

La fondation d'hôpitaux, d'écoles, de confréries de tout genre, l'apparition des premières communes (Limoges, Saint-Léonard, Saint-Junien, Brive) en sont d'autres, qui appartiennent plus particulièrement aux XIIIe-XIVe siècles. Enfin on ne peut oublier, comme dernière manifestation de la vitalité du Limousin à cette époque, les vingt-deux cardinaux et les trois papes (Clément VI, Innocent VI et Grégoire XI) qu'il donna à la cour d'Avignon.
-

Des Limousins illustres...

Outre ceux qui ont été nommés à la page de ce site consacrée à Limoges, on peut encore citer comme appartenant au Limousin proprement dit : saint Eloi, ministre de Dagobert, VIIe siècle; le chroniqueur Bernard Guy, XIVe siècle; les troubadours Eble et Bernard de Ventadour, XIIIe siècle; Pierre-Roger, devenu Clément VI, mort en 1352; autre Pierre-Roger, devenu Grégoire XI, neveu du précédent, mort en 1378; Etienne Aubert, devenu Innocent VI, mort en 1362; les frères Antoine-François et Gilles de Noailles, ambassadeurs du roi au XVIe siècle; l'humaniste Marc-Antoine Muret, mort en 1585; Etienne Baluze, mort en 1718; le cardinal Dubois. mort en 1723; le littérateur Saint-Aulaire, mort en 1742; Marmontel, mort en 1799; le médecin Cabanis, mort en 1808; Treilhard, mort en 1810; Gay-Lussac, mort en 1850, etc.

Mais à partir du milieu du XIVe siècle, sous l'influence du désastre de Poitiers, de la peste de 1348 et de l'épuisement amené par l'exode des clercs à la cour d'Avignon, le Limousin entre dans une période d'inertie qui dure jusqu'à la Révolution. Cependant, à travers ce long effacement, il y a quelques sursauts de vie dont témoignent les Etats provinciaux de 1418 à 1454, la formation de nouvelles communes au XVe siècle, l'activité des peintres-émailleurs au XVIe la restauration catholique au XVIIe, le mouvement d'études et de recherches dont la Société d'agriculture fut le centré à partir de 1759, le développement de la grande industrie à dater de 1740 environ. Les compétitions épiscopales du XVe siècle, les guerres religieuses du XVIe, les misères du commencement du XVIIIe arrêtèrent trop souvent les conséquences qu'on pouvait attendre de ces reprises d'action.

Le véritable intérêt de cette période est dans l'histoire des progrès du pouvoir royal. Reconquis par Charles V en 1371, le Limousin voit peu à peu toutes ses libertés annulées par les agents du roi. Les Etats provinciaux perdent en 1452 le droit de voter l'impôt, les consuls de Limoges en 1470 le droit de se renouveler par cooptation. Il n'y a plus désormais de communes que celles qu'autorise la royauté. L'institution à Limoges d'une généralité de finances, d'un présidial, d'un gouvernement militaire, d'une intendance, l'annexion de la vicomté de Limoges et de la vicomté de Turenne au domaine royal (1589 et 1738) font passer tous les pouvoirs aux mains de la royauté, qui trop souvent s'en servit dans son intérêt particulier plutôt que dans celui de la province. Pour tirer le Limousin du profond abaissement où il se trouvait réduit, comme la plupart des provinces du Centre et du Massif Central, il faudra la longue intendance de Turgot (1761-1774). Avec lui commence réellement la période moderne de l'histoire de cette province. (A. Leroux).

.


Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2007 - 2016. - Reproduction interdite.