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Dieu dans l'imagerie chrétienne

Dieu, suivant le dogme chrétien, unique en essence, est triple en personnes. Bien qu'il soit un être invisible, les artistes chrétiens lui ont donné des formes diverses. Les trois personnes qui constituent la Divinité chrétienne sont le Père, le Fils et la Saint-Esprit; elles ont été représentées soit isolément soit ensemble.

La matérialisation de Dieu répugnait aux premiers chrétiens. Saint Augustin s'éleva avec force contre l'anthropomorphisme : 

« Tout ce qui peut, quand il s'agit de Dieu, réveiller l'idée d'une similitude corporelle, tu dois le chasser de ta pensée, le renier, le répudier, le fuir. » 
Aussi, dans les premiers siècles de l'Église et même jusqu'au XIIe siècle, Dieu la Père ne fut généralement figuré que d'une manière symbolique. Sa présence dans les scènes de la Bible où il joue un rôle ne se manifestait que par une main ou un bras sortant des nuages; cette main est d'ordinaire bénissante, comme sur la représentation ci-dessous :

Main de Dieu.

Des doigts s'échappent souvent des rayons dirigés vers la Terre. A partir du VIIIe siècle,  la main est parfois encadrée dans un nimbe simple ou crucifère. Nous donnons ici la reproduction d'une sculpture italienne du XIIe siècle au portail de la cathédrale de Ferrare :


Main divine appliquée sur un nimbe 
crucifère. Sculpture du XIIe s., au portail 
de la cathédrale de Ferrare.

L'idée de représenter ainsi la puissance divine trouvait son origine et sa justification dans les textes saints et dans les écrits des pères de l'Église. Les prophètes font résider dans la main de Dieu la puissance créatrice. Et au début de sa vision, Ézéchiel dit : 

« Je regardai et voilà qu'une main me fut envoyée; elle tenait un livre qu'elle déroula devant moi et qui était écrit en dedans et en dehors.  »
Saint Eucher, évêque de Lyon au Ve siècle, écrit que par la main du Seigneur on désigne la puissance suprême. Les sujets où paraît la main de Dieu soit sur les sarcophages, soit dans les peintures des catacombes, soit encore dans les mosaïques, sont : 
1° la remise des tables de la loi à Moïse. Ainsi en est-il dans un grand nombre de bas-reliefs, de fresques, etc. Partout Moïse étend sa main pour saisir les tables, mais, en général, il ne les tient pas encore. 
Livre de prières juif (ca. 1290)
Autel de Verdun (1180)
Enluminure de D. van Delft (1400).
Le sarcophage de Saint-Ambroise de Milan présente cette particularité que la main divine, après avoir livré à Moïse ce précieux dépôt, reste étendue.

2°  Moïse détachant sa chaussure, et Moïse frappant le rocher. Ces deux sujets se trouvent réunis dans une belle peinture publiée par Bosio et depuis par Perret. C'est le premier que la main domine, et elle tient lieu de la voix divine disant à Moïse (Exode. III. 5) : 

« Ote ta chaussure, car la terre où tu marches est une terre sainte. »
3° le sacrifice d'Abraham. Sur le point de frapper son fils, le  patriarche Abraham dirige ordinairement ses regards vers le lieu où la voix de l'ange se fait entendre à lui (Genèse, XXII. 11), et, à la place de cet envoyé céleste, auquel l'art chrétien primitif n'essaya jamais non plus de donner un corps, il voit la main de Dieu, qui quelquefois saisit le glaive, et le plus souvent étend l'index vers Isaac. Il faut remarquer encore que, dans presque tous les tombeaux bisomes, ces deux faits sont représentés, l'un à droite, l'autre à gauche du médaillon renfermant les bustes des deux défunts, de telle sorte que les deux mains divines se font pendant au-dessus.

4° le baptême de Jésus-Christ; un dessin d'un livre de prières du IXe siècle, conservé à la Bibliothèque nationale, représente cette scène de la façon suivante : le Christ est dans les eaux du Jourdain (Fleuve); à côté de lui, saint Jean; la Colombe, symbole du Saint-Esprit, descend sur la tête du Sauveur : au-dessus, la main divine dans un cercle constellé, image du ciel. Nous citerons, en outre, un fragment d'une ancienne mosaïque de Sainte Marie-Majeure, publiée par Ciampini : une main tenant une espèce de bouclier oblong figurant un nuage, dérobe Moïse, Aaron et probablement Hur à la fureur de la multitude qui les lapide.


La Trinité au Baptème de Jésus.
Sculpture italienne sur bois du XIVe siècle.

Dans les mosaïques, le bras divin tient souvent une couronne, récompense de la vertu, qu'il tend soit au Fils, soit à des saints. Dans le célèbre manuscrit de l'Hortus deliciarum, oeuvre d'Herrade de Landsperg, jadis conservé à la bibliothèque de Strasbourg, et qui a été exécuté au XIIIe siècle, était figurée une échelle morale allant de la terre au ciel; au dernier échelon, la main de Dieu, dans les nuages, tendait une couronne triomphale à la Charité qui avait vaincu tous les obstacles et touchait au ciel. Des monnaies de bronze frappées au IVe siècle, après la mort de Constantin, représentent ce prince dans un quadrige, au-dessus duquel s'étend la main divine. Dans la mosaïque de Sainte-Sabine, à Rome, qui date du Ve siècle, une main sortant d'un nuage tient un livre suspendu au-dessus de la tête de saint Pierre, ce qui signifie le dépôt de la loi chrétienne confié à cet apôtre. L'art grec offre souvent, et cela jusqu'au XVIIIe siècle, la représentation d'une main qui sort des nuages, à demi fermée, et contenant les âmes des justes sous la forme de petits êtres humains nus et priant; allusion à cette parole de la Bible :

 « Les âmes des justes sont dans la main de Dieu et les tourments de la mort ne les atteindront pas. »

Main divine rayonnante et non nimbée.
Miniature grecque du Xe siècle.

La figure ci-dessus, empruntée à l'Histoire de Dieu par Didron, reproduit l'apparition de Dieu au prophète Isaïe, d'après un psautier grec du Xe siècle, de la Bibliothèque nationale. Au centre de la composition se tient le prophète levant la tête vers le bras divin dont la main bénissante lance des rayons; à gauche, la figure de la Nuit; à droite, celle de l'Aurore.

Dès le Ve siècle, les sculpteurs ont figuré Dieu sous la forme d'un homme, comme ils faisaient le Christ; mais exceptionnellement. On cite deux sarcophages, l'un du cimetière de Lucine, l'autre de Sainte-Agnès où un homme barbu, vraisemblablement Dieu, assis, reçoit les offrandes d'Abel et de Caïn :

Un autre sarcophage montre ce même personnage debout et ordonnant à Moïse de délier sa chaussure. Un sarcophage, trouvé à Saint-Paul-hors-les-Murs et
conservé au musée de Latran, représente les trois personnes divines créant Eve; elles sont figurées par des hommes vêtus de longues robes, dont l'un, le Père, était assis. Mais, nous le répétons, ce sont des exceptions. Ce n'est qu'au XIIIe siècle que l'usage s'introduit de représenter d'abord le visage puis le buste du Père. Au fol. 65 des Heures du duc de Berry, nous voyons Jésus au jardin des Oliviers; la figure de Dieu le Père est encadrée dans les nuages. Encore le Père n'a-t-il pas une physionomie qui lui soit propre; souvent il est identique au Fils; il a les mêmes traits, le même costume et le nimbe crucifère. Il faut souvent qu'une inscription le désigne spécialement pour qu'on ne le confonde pas avec Jésus. A Saint-Sernin de Toulouse, un bas-relief en marbre représente le Père, imberbe, la tête entourée d'un nimbe crucifère, dans une auréole ovale, et accompagné d'un chérubin autour duquel on lit : Ad dexteram Patris cherubin stat cuncta potentis. D'autres fois, au XIIIe siècle, le Père et le Fils, représentés côte à côte, ont tous deux un visage barbu et le nimbe crucifère. C'est au cours du XIVe siècle que les deux figures se différencient et que l'idée de paternité et de filiation se dégage. Le Père a la barbe et les cheveux plus longs. Au XVe siècle, l'idée théologique d'après laquelle le Père et le Fils sont coéternels et de même âge, est abandonnée. Nous sommes à une époque de naturalisme

Voici  une miniature française du XIVe siècle où sont bien nettement distinguées les trois personnes divines; au centre le Père, couronné, tenant le globe; à sa droite, le Fils, plus jeune, mais barbu comme le Père, et tenant le livre; à gauche, le Saint-Esprit, sous la figure d'un jeune homme imberbe :
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Le Père distinct du Fils et du Saint-Esprit.
Miniature française de la fin du XIVe s.

Comme on le voit, Dieu le Père occupe une place d'honneur; il est la première des trois personnes.

Quels sont les attributs propres au Père? Le globe, qui lui est particulièrement réservé à partir du XVe siècle, est souvent donné au Fils avant cette époque. Le nimbe crucifère s'applique aux trois personnes. Le livre est mis indifféremment entre les mains dit Père et du Fils. Mais le nimbe triangulaire est ordinairement réservé au Père. Aux XVe et XVIe siècles on s'efforça de représenter le Père d'une manière digne de lui, et comme les artistes étaient incapables de rendre sa toute-puissance par le simple jeu de la physionomie et par son attitude, ils cherchèrent dans la société le type qui à leurs yeux était l'expression la plus haute de la puissance. Les Italiens habillèrent Dieu en pape, les Allemands en empereur, les Français en roi. Mais ces types ne furent pas exclusivement confinés dans leur pays d'origine. Au XVIe siècle, dans les oeuvres françaises, Dieu le Père est souvent représenté en pape. En même temps, les artistes italiens de la Renaissance, dépouillant le Père de sa tiare et de sa chape, en firent un vieillard dont la visage respire le sérénité et la puissance. De plus, on le traduisit dans toutes les scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament où le Moyen âge s'était contenté d'indiquer sa présence par la main symbolique. D'autre part, c'est à partir du XVIe siècle, mais surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles qu'on se contenta pour rappeler Dieu d'inscrire le nom de Yahveh en lettres hébraïques, dans un triangle placé lui même au centre d'un cercle rayonnant qui représente l'Éternité : 
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Nom de Yahveh inscrit dans un triangle
rayonnant. Sculpture en bois du XVIIe siècle.

Jésus, ou le Fils, fondateur de la religion chrétienne, est pendant le Moyen âge la personne divine a laquelle ont été rendus le plus d'honneurs. Ses images sont innombrables. Nous n'avons pas à nous occuper ici de Jésus dans les manifestations de sa vie d'humain, mais seulement de Jésus-Dieu, en tant qu'il résume en lui la Divinité tout entière. Nous ne parlerons donc ni de l'histoire des portraits de Jésus, ni de ses représentations symboliques en Bon Pasteur (Représentations d'Hermès), en Orphée ou encore sous la figure d'un Agneau, ni des symboles qui font allusion à son nom, comme le poisson, à sa passion, comme le monogramme appelé chrisme, à ses paroles, comme l'Alpha et l'Oméga
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Chrisme (église de Bossost).
Chrisme sur le tympan du portail principal de l'église de Bossost (Val d'Aran).

Avant de tracer les grandes lignes de l'iconographie du Fils, il convient de rappeler que le Fils était identique au Père. Jésus lui-même avait dit : 

« Celui qui me voit, voit celui qui m'a envoyé. [...] Moi et mon père ne sommes
qu'un. [...] Le Père est en moi comme je suis en lui. » 
C'est ce qui explique que, dans les plus anciens monuments de l'art chrétien, nous rencontrions Jésus là où l'on s'attendait à rencontrer Dieu le père, comme dans la création d'Adam et d'Eve; nous voyons encore Jésus parlant à Noé, à Moïse, à Isaïe. Il est vrai que, jusqu'au XIVe siècle, nous l'avons dit plus haut, le Père et le fils sont représentés sous les mêmes traits. Il y a cependant bon nombre de monuments où Jésus apparaît d'une façon certaine comme créateur, surtout dans l'art grec. Dans une peinture du IXe siècle, reproduite par Gori, Jésus est représenté créant Adam. Il est figuré par un buste dans une auréole circulaire, accosté des lettres grecques IC XC, abréviation de 'Ièsous Christos. La même désignation est toujours placée à côté du Tout-Puissant ou Pantocrator qui est peint au fond des coupoles dans les églises grecques.

Le Pantocrator est d'ordinaire à mi-corps, tenant de la main gauche l'Évangile ouvert, la droite bénissant, la tête barbue entourée d'un nimbe crucifère. Au Pantocrator des Grecs correspond en Occident le Dieu de Majesté qui apparaît dans l'iconographie latine au XIe siècle. Ce Dieu de Majesté est sculpté au portail principal des églises; on le peint dans l'abside; il apparaît encore dans les sacramentaires et les missels peint en tête du canon de la messe, en pendant à la crucifixion; on le voit encore sur les couvertures d'ivoire des livres d'église.

C'est le Christ, imberbe ou barbu, assis sur un trône, vêtu d'une robe longue et d'une chlamyde, la tête entourée du nimbe crucifère, bénissant de la main droite, tenant de, la main gauche le livre, ou encore comme sur un ivoire du XIe siècle à la Bibliothèque nationale le volumen, qui signifie la demi-science, le livre carré, symbole de la science entière, posé dans son giron; ce Dieu est entouré d'uns auréole amygdaloïde appelée encore vesica piscis, plus rarement ronde, aux quatre coins de laquelle sont représentés les animaux des Évangélistes. Il y a des variantes à cette représentation. Le vêtement laisse à découvert le flanc pour permettre de voir la blessure. Jésus est assis sur un arc-en-ciel. Il tient le globe du monde au lieu du livre. A Moissac (XIe s.), sur le tympan de la porte, au-dessous du Dieu de Majesté sont disposés sur trois rangs les vingt-quatre vieillards de l'Apocalypse, la couronne en tête, tenant d'une main la coupe remplie de parfums et de l'autre la harpe sur laquelle ils célèbrent la gloire du Très-Haut. Parfois, l'Agneau, symbole de Jésus, est assis sur le trône. Jésus comme juge, dans les représentations du jugement dernier, est représenté également assis dans une auréole; ou bien il tient le livre ouvert, ou bien, comme à Autun (XIe s.), il étend les mains à droite et à gauche.

Les Grecs ont souvent, eux aussi, représenté Jésus juge au portail principal des églises, mais ils empruntent leurs représentations à l'Apocalypse; au glaive à deux tranchants sort de la bouche de Jésus; un fleuve de feu jaillit sous ses pieds pour engloutir les méchants; il tient dans sa droite le glaive de la justice. Ces sortes de représentations sont rares en Occident. Toutefois, sur un vitrail de la cathédrale de Bourges, Jésus semble tenir entre ses dents un glaive à deux tranchants; à Notre-Dame de Paris, une sculpture du mur méridional le représente avec deux glaives. Une miniature allemande du XIe siècle montre le Christ assis et terrassant avec la croix Satan qu'il tient enchaîné et qu'il foule aux pieds. D'ordinaire, le Christ terrassant les esprits du mal, l'aspic (Serpent) et le basilic, est debout. La vision de saint Jean, rapportée dans l'Apocalypse, a fourni le thème d'une représentation du Christ triomphant.

« Je vis le ciel ouvert. Il parut un cheval blanc et celui qui le montait s'appelait le fidèle et le véritable qui combat et qui juge avec justice. »
Telles sont les paroles qu'un peintre du XIIIe siècle a traduites sur la voûte de la crypte de la cathédrale d'Auxerre. Le tableau est partagé par une croix rehaussée de pierreries feintes; au centre de la croix, le Christ sur un cheval blanc, tenant d'une main la bride, de l'autre une verge noire; la croix est entourée de quatre anges également à cheval. Un triomphe. d'un type rare est celui qui a été peint à la fin du XVe siècle sur une verrière de Notre-Dame de Brou. Le Christ est précédé d'Adam et d'Eve, d'Abel, de Noé, d'Abraham, de Moïse, de Jonas, de David; dans la foule, Samson, Gédéon, Élie, Salomon, Ezéchias; un groupe de femmes et d'hommes, les sibylles et les prophètes, en un mot tous les précurseurs de Jésus; Jésus apparaît assis sur un char découvert et à quatre roues, assis au sommet du globe du monde; le char est traîné par les quatre animaux symboliques des Évangélistes. Derrière le char, les apôtres, les martyrs, les confesseurs, les ordres religieux. Jésus triomphant est donc le centre et le lien de l'ancien et du nouveau monde.

La troisième personne divine, le Saint-Esprit, a été représenté exclusivement sous la forme d'une colombe jusqu'au Xe  siècle; on ne pourrait guère citer qu'une exception, le sarcophage de Saint-Paul-hors-les-Murs cité plus haut. Il était dit en effet dans l'Evangile de saint Mathieu, à propos du baptême de Jésus : 
« Voici que les cieux s'ouvrirent et on vit l'esprit de Dieu descendant sous la forme d'une colombe. » 
Vers le Xe siècle, l'Esprit saint commence à revêtir la forme humaine, tout comme le Père et le Fils. Souvent, ainsi que nous l'avons dit, les trois personnes ont la même apparence; on ne reconnaît le Saint-Esprit qu'à sa place par rapport au Père, car il est ordinairement à sa gauche; ou bien parce qu'il tient une colombe ou un livre, symbole de l'Intelligence dont il est le principe. Quand, aux XVe et XVIe siècles, les artistes établissent une différence d'âge entre les trois personnes divines, l'Esprit saint est toujours le plus jeune. Une miniature du XIVe siècle nous le montre porté sur les eaux sous forme d'un petit enfant nu, au moment où Dieu sépare la lumière des ténèbres. Au cours du XVIe siècle la colombe reprit peu à peu ses droits à représenter l'Esprit saint. Les scènes de l'histoire sacrée dans la représentation desquelles figure le Saint-Esprit sont: d'abord la Genèse; l'Esprit de Dieu était porté sur les eaux; puis, la traduction par l'image du début du psaume CIX
« Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Assieds-toi à ma droite »;
L'Esprit plane au-dessus du Père et du Fils, ou bien, s'il a forme humaine, il prend place à la gauche du Père. Le Saint-Esprit apparaît encore au baptême de Jésus-Christ; dans la scène de la Pentecôte (ici il devient une langue de feu qui se pose sur la tète de chaque apôtre); dans la scène du retour du Christ auprès de son père après l'achèvement de son pèlerinage terrestre; à l'Assomption (XVe et XVIe s.). Le Saint-Esprit s'échappe du bâton fleuri de Joseph. Il inspire David. Il se pose sur l'épaule du pape saint Grégoire le Grand. Il a le même attribut que les deux autres personnes divines, c.-à-d. le nimbe crucifère. Peu dont la période gothique, les artistes ont souvent représenté les sept dons du Saint-Esprit sous la forme de sept colombes. D'ordinaire, ces colombes volent en cercle vers l'enfant Jésus porté par la Vierge. Il arrive que les dons du Saint-Esprit ne sont pas tous représentés; c'est ainsi que sur un vitrail de la cathédrale de Chartres, du XIIIe siècle, on ne voit que six colombes; sur un autre vitrail de la même cathédrale, il n'y en a que quatre, mais elles ont été figurées toutes sept sur le vitrail d'une fenêtre du portail occidental.

La Trinité, c.-à-d. la réunion des trois personnes divines, n'apparaît pas une seule fois dans l'Ancien Testament. Les commentateurs l'y ont cependant trouvée et les artistes se sont fait leurs interprètes. Dans la Genèse, Dieu dit : 

« Faisons l'homme à notre image. » 
Ce pluriel parut révéler la coopération des trois personnes à l'oeuvre de la création de l'homme. Rappelons le sarcophage de Saint-Paul-hors-les-Murs. C'est l'un des plus anciens monuments ou apparaissent les trois personnes divines, et c'est le premier où elles président à la formation de l'homme. Cette tradition s'est perpétuée pendant tout le Moyen âge; elle a surtout été en honneur à l'époque gothique. Dieu apparut à Abraham sous la figure de trois anges; ce sujet a été reproduit dès le Ve siècle sur une mosaïque de Sainte-Marie-Majeure. Dans une miniature italienne du XIIIe siècle, trois anges combattent Béhémoth et Léviathan; ils figurent les trois personnes divines; l'un de ces anges porte le nimbe crucifère qui n'appartient qu'à Dieu. On a encore vu une révélation de la Trinité dans les trois compagnons de Danielque Nabuchodonosor fit jeter dans une fournaise (Livre de Daniel). Dans le Nouveau Testament, la Trinité apparaît d'une façon incontestable. La Trinité se manifeste d'abord dans le baptême de Jésus. Nous avons déjà dit la façon dont cette scène est représentée; le Christ est dans le Jourdain; l'Esprit saint s'incarne toujours en une colombe qui descend sur la tête de Jésus; le Père trône dans le ciel, symbolisé par une main bénissante ou bien sous la figure d'un personnage à mi-corps et bénissant.

Le dogme de la Trinité n'a pas été, qu'on sache, traduit par la sculpture ou la peinture avant Ie IVe siècle. A l'abside de la basilique de Saint-Félix, bâtie à Dôle par saint Paulin, cet évêque avait fait exécuter la Trinité en mosaïque; le Christ était en agneau, l'Esprit en colombe; quant au Père, saint Paulin, qui nous a donné de cette mosaïque une description versifiée, ne nous dit pas comment il l'avait fait peindre. Sur la mosaïque de l'église des Saints-Côme et Damien à Rome, le Christ enseigne sur la montagne; au-dessus de lui une main tient une couronne; vers lui vole une colombe. Des mosaïques analogues furent exécutées au VIIIe siècle à Saint Marc de Rome et à la cathédrale de Padoue; à Sainte-Praxède de Rome en 818. Encore à la fin du XIIIe siècle, le pape Nicolas IV fit décorer l'abside de Saint-Jean de Latran d'une mosaïque qui offre une représentation de la Trinité dans le genre de celles des mosaïques des VIIIe et IXe siècles. Une croix s'élève au sommet d'une montagne; l'Esprit en colombe plane sur la croix et l'enveloppe dans un torrent de rayons; en haut, le Père sort des nuages et montre son buste et sa tête nue, cernée d'un double nimbe circulaire et carré. Au Xe siècle, les artistes commencèrent de représenter les trois personnes divines sous forme humaine. Un manuscrit de saint Dunstan, archevêque de Canterbury, mort en 908, nous montre le Père et le Fils habillés en rois : ils ont le même âge; le Saint-Esprit est plus jeune. Un chapiteau de l'église de Saint-Révérien, en Nivernais (XIIe s.), est orné d'un édicule abritant deux personnes assises, au-dessus desquelles paraît une troisième tête; c'est là une figuration de la Trinité. Dans le manuscrit de l'Hortus Deliciarum, qui est de la fin du XIIe siècle, les trois personnes divines, toutes trois identiques comme costume et comme visage, sont assises sur le même banc. Dès le XIIe siècle, le triangle devient le symbole de la Trinité. Au XIIIe siècle, nous voyons apparaître un nouveau type de la Trinité, qui sera le plus fréquemment employé par les artistes du XVIe siècle : les trois personnes ne font qu'un seul corps à trois têtes soudées entre elles. 
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Les trois visages de la Trinité sur une seule tête
et sur un seul corps. Image française du XVIe siècle.

Nous donnons ci-dessus une image qui se trouve en tête d'un livre d'heures imprimé à Paris en 1524. On y voit la représentation de la Trinité aussi complète que possible : un personnage à triple visage tenant un triangle dont chaque angle est orné d'un cercle. Une légende inscrite dans ces cercles sur les côtés du triangle et sur des lignes qui, des angles de cette figure géométrique, convergent vers le centre, sert de glose et exprime la différence en même temps que l'égalité des trois hypostases. La différence se lit sur les côtés du triangle et l'égalité sur les lignes qui aboutissent au centre où est écrit le mot Dieu. On lit sur les côtés :

« Le Père n'est pas le Fils. Le Père n'est pas l'Esprit Saint. L'Esprit Saint n'est pas le Fils. »
 Des angles au centre, on lit :
 « Le Père est Dieu. Le fils est Dieu. L'Esprit Saint est Dieu. »
En 1628, le pape Urbain VIII défendit de représenter la Trinité sous la figure d'un homme avec trois bouches, trois nez; il ordonna de brûler toutes les images de ce genre. Dans un bref de 1745, Benoît XIV rappela et confirma la condamnation portée par son prédécesseur. Dès le XIIIe siècle avaient apparu deux autres types de Trinité qui eurent, surtout le second, une grande vogue au XVIe siècle : le Père, portant le globe, le Fils, portant la croix, et entre eux, le Saint-Esprit en colombe, le Père et le Fils généralement couverts d'un seul manteau. Dans l'autre type, le Père assis tient devant lui le Fils sur la croix; de la bouche du Père s'échappe la colombe, symbole de l'Esprit, qui descend sur le Fils; quelquefois la colombe est perchée, simplement sur la croix. (Maurice Prou).

En bibliothèque - Didron, Iconographie chrétienne, 1843. Le même : Histoire de Dieu; Paris, 1848, in-4 (Documents inédits). - Martigny, Dictionnaire des Antiquités chrétiennes, aux mots Dieu et Trinité; - Kraus, Real-Encyclopädie der christlichen Alterthümer, au mot Gott.
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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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