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L'École d'Elis et d'Erétrie

Après la mort de Socrate, un de ses disciples préférés, Phédon d'Élis (Péloponnèse), le même dont Platon a donné le nom à un de ses dialogues, réunit autour de lui un certain nombre de disciples et fonda une école qui s'appela l'école d'Elis. Phédon eut pour successeur Plistanus, et celui-ci fut remplacé par Ménédème. Ménédème, avec Asclépiade, transporta l'école à Erétrie (Eubée), sa cité d'origine, si bien que c'est une seule et même école qu'on désigne sous le nom d'école d'Elis et d'école d'Erétrie. Il y a eu changement de théâtre sans changement d'esprit.

Ménédème d'Érétrie, qui florissait dans la seconde moitié du IVe siècle avant notre ère, fit de sa cité la siège de l'école dont il était le chef. Ainsi naquit non une nouvelle école, mais un nom nouveau. Ménédème, en effet, n'a pas innové en philosophie, et sa doctrine n'est que celle de ses devanciers. 

Sa doctrine présente d'assez grandes analogies avec celle d'Antisthène. Les principales idées défendues dans son école sont les suivantes : rejet de toutes les propositions négatives, toutes les propositions composées (seules sont admises les propositions simples et identiques); le principe étant que nulle chose ne peut être affirmée d'aucune autre (principe et conséquences, tout sa trouve déjà dans le mégarique Stilpon); négation, comme chez les Cyniques, de la réalité des qualités sensibles en dehors des individus; nominalisme. Voilà pour la dialectique.

Mais, en même temps qu'elle soutenait ces idées, si directement opposées à celles de Platon, l'école d'Elis et d'Erétrie, à l'exemple encore des Cyniques, attribuait une plus grande importance aux questions morales. Elle soutenait que le souverain bien est un,  et que c'est la sagesse - l'intelligence, dans cette pénétration de l'esprit qui discerne le vrai du faux -, qu'il n'y a qu'une vertu unique, désignée sous différents noms : prudence courage, justice (Cicéron, Académiques, lib. II, c. LXII).  Elle ne fut peut-être pas sans influence sur Pyrrhon, né à Elis, et elle forme en quelque sorte la transition entre l'école d'Elée et le pyrrhonisme.

Assurément Ménédème n'avait pas inventé cette doctrine (c'était celle de l'école de Mégare, à partir d'Euclide); seulement il l'exposait, dit Cicéron, avec plus de grandeur et d'éclat (uberius et ornatius).

De tels emprunts s'expliquent. Le fondateur de l'école d'Élis, réfugié à Mégare avec les autres socratiques, y avait suivi les leçons d'Euclide. Un enseignement qui a influé sur Platon lui-même pouvait subjuguer à jamais toute autre intelligence. Ménédème, qui a entendu Platon et Xénocrate, n'a pour eux que mépris. Stilpon, son autre maître, est l'objet de son enthousiasme. « C'est un homme libre »,  dit-il, et pour lui cela renferme tout.

Comme Phédon avait répété Euclide, et Ménédème Phédon, les derniers érétriaques répètent Ménédème, représentants ignorés d'une école obscure, qui ne valent que par le nombre, et dont les noms ne sont plus cités. Aux regard de l'histoire de la philosophie, l'école d'Élis et d'Érétrie se confond avec l'école de Mégare, dont elle n'est qu'un appendice. (V. Br. / D. H.).

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