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Antithèse
Antithèse (du grec antithesis, opposition), figure de rhétorique, qui oppose les mots aux mots, les pensées aux pensées. On en trouve de bons exemples dans ce vers de Corneille (Cinna, II, 1) :
Et monté sur le faîte, il aspire à descendre. 
Et celui-ci de Racine (Athalie, II, 5) : 
Pour réparer des ans l'irréparable outrage.
Lessing, parlant d'un ouvrage, fait cette antithèse assez ingénieuse : 
Ce livre contient beaucoup de bonnes choses, et beaucoup de choses nouvelles; mais ce qu'il y a de fâcheux, c'est que les bonnes choses qu'il renferme ne sont pas nouvelles, et que les nouvelles ne sont pas bonnes. 
Comme antithèse de pensée, nous citerons l'exemple suivant de Corneille : Phocas, voyant Héraclius et Martian se disputer le titre de fils de Maurice, et ne vouloir ni l'un ni l'autre être regardés comme fils de Phocas, s'écrie avec douleur (Héraclius, IV, 3) :
Ô malheureux Phocas! ô trop heureux Maurice! 
Tu recouvres deux fils pour mourir après toi, 
Et je n'en puis trouver pour régner après moi!
On peut encore regarder comme une antithèse de pensée ce vers d'une épigramme de J.-B. Rousseau (11,3) :
Vos abrégés sont longs au dernier point.
Quelquefois l'antithèse est en même temps dans les mots et dans la pensée; Henri IV, présentant Biron à l'ambassadeur d'Espagne, lui dit : 
« Monsieur l'ambassadeur, voilà Biron; je le présente volontiers à mes amis
et à mes ennemis. » 
Autre exemple : 
« La jeunesse vit d'espérance, la vieillesse vit de souvenir. »
Il y a encore une antithèse dans les vers suivants de J.-B. Rousseau (III, ode 2) :
Le Temps, cette image mobile 
De l'immobile Éternité.
Et dans celui-ci de M.-J. Chénier (Essai sur la satire) : 
Ont un grand amour-propre et de petits succès.
Louis Racine a dit (La Religion, ch. 11), par une antithèse parfaite :
Ver impur de la terre, et roi de l'univers,
Riche, et vide de biens; libre, et chargé de fers, 
Je ne suis que mensonge, erreur, incertitude.
Et La Rochefoucauld (Pensées, 294) : 
« Nous aimons toujours, ceux qui nous admirent, et nous n'aimons pas toujours ceux que nous admirons. »
On lit aussi dans Fléchier, Oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche
« La reine était humble sans bassesse, simple sans superstition, exacte sans scrupule, sublime sans présomption. »
Il est une variété de l'antithèse que les rhéteurs anciens appelaient antimétabole, c.-à-d. en grec changement par contraste, et qui consiste à renverser certains mots, à les répéter dans deux phrases opposées l'une à l'autre et exprimant deux choses contraires. Exemple :
« Il faut manger pour vivre, et non vivre pour manger. » 
Corneille a dit du cardinal de Richelieu :
« Il m'a fait trop de bien, pour en dire du mal; Il m'a fait trop de mal, pour en dire du bien.-» 
Quand la répétition a lieu par le simple renversement de la pensée, sans la répétition des mêmes termes, on a ce que les Anciens nommaient une antimétalepse (c.-à-d. en grec, action de prendre dans un sens opposé, dans un ordre contraire). Ainsi Boileau disait du P. Lemoine :
« Il est trop fou pour que j'en dise du bien, il est trop poète pour que j'en dise du mal. » 
Les antithèses bien ménagées plaisent dans les ouvrages de l'esprit; elles y font à peu près le même effet que, dans la peinture, le contraste des ombres et de la lumière, et, dans la musique, celui des sons graves et des sons doux. Mais, quelque brillante que soit cette figure, il faut l'employer avec réserve : trop multipliée, elle dorme au style un air maniéré qui fatigue; c'est le défaut de Fléchier. L'esprit aime les contrastes, mais il y faut une juste mesure; le contraste perpétuel devient symétrie, et l'opposition toujours recherchée devient uniformité. L'antithèse ne produit un bon effet qu'autant qu'elle hait du sujet, qu'elle porte sur un fond vrai et solide, et qu'elle ne roule pas sur des mots vides de sens. (G.).
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