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Histoire de l'art > La peinture
L'histoire de la peinture
La peinture française au XVIIIe siècle
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Le XIXe siècle : Néo-classicisme, Romantisme, Paysage, Réalisme, Impressionnisme
L'art qui caractérise par excellence les goûts, les tendances de la société du XVIIIe siècle, c'est la peinture. Elle a traduit exactement, avec une singulière souplesse, les diverses et contradictoires physionomies de ce monde bigarré, mouvementé, à la fois sérieux et frivole, primesautier et raisonneur, dans lequel on aperçoit des grands seigneurs et des comédiennes, des financiers et des philosophes, des marquises déguisées en bergères et des maltôtiers habillés comme des ducs. La peinture offre le vivant tableau de leurs moeurs. Elle raconte leurs fêtes et dit leur caractère; elle nous initie aux moindres détails, nous fait pénétrer dans tous les milieux. Elle n'est pas seulement historique et mythologique, dans les appartements officiels et dans les palais royaux, comme durant le grand règne; voici que les peintres des fêtes galantes la font descendre du sévère Olympe et l'animent de leurs grivoises fantaisies. Elle s'humanise, devient familière, cherche moins à être imposante qu'à plaire et amuser. Puis, la voici encore sous un autre aspect, dans les pastorales que compose Boucher. Les encyclopédistes signalent-ils l'avènement de la bourgeoisie, la peinture célèbre le rôle de ces nouveaux venus sur la scène politique, que jusque-là elle avait dédaignés, et l'on voit Chardin représenter les modestes logis, Greuze s'intéresser aux drames domestiques. Les paysagistes sont en plus grand nombre qu'à l'époque précédente; mais la nature reste encore pour eux un livre fermé; ils n'en rendent pas la poésie, et ne voient en elle qu'un décor tout au plus digne de servir de fond à une scène mythologique ou à des ruines de monuments antiques. Les marines de Joseph Vernet, pas plus que les tableaux de Lantara, de Hubert Robert ou les chasses d'Oudry, ne sauraient prétendre au titre de paysages. On comprend que nous ne puissions faire ici en détail l'histoire de chacun de ces genres de peinture. Force nous est de nous en tenir à des indications générales. La tradition décorative de ce que l'on nomme le genre historique fut représentée en France, au commencement du XVIIIe siècle par François Lemoyne, l'auteur de ce plafond de Versailles, l'Apothéose d'Hercule, qui excita l'admiration de Voltaire; puis vint la famille des Coypel qui a exercé sur l'école française une si longue influence. Noël Coypel fut le premier en date, mais n'arriva pas à la célébrité de son fils Antoine, qui, avec ses compositions théâtrales, son dessin maniéré qu'on trouvait puissant, sa couleur d'éventail qui plaisait aux dames de la cour, fut chargé d'une quantité de travaux, et dont les oeuvres se trouvent dans la plupart des grands hôtels de l'époque.

Que d'autres artistes il faudrait mentionner à la suite de celui-ci : Jean-Baptiste et Carle Vanloo, que les contemporains présentaient comme l'égal de Titien, puis Lagrenée et Doyen, Vien, qui se mit à la tête du mouvement que devait précipiter son élève Louis David, etc. La peinture des fêtes galantes, celle où revit le mieux dans sa grâce et son esprit le XVIIIe siècle, peut se personnifier en un artiste de premier ordre, Antoine Watteau, qui « tombait du ciel des féeries », comme l'a dit Paul Mantz, et apporta véritablement un idéal nouveau, donna la vie à un monde chimérique et enchanteur avec ses perspectives élyséennes, ses inventions de poète, ses inépuisables créations de caprices et de costumes, ses singeries comiques, ses curieuses scènes d'opéra. Son maître, Claude Gillot, l'avait précédé dans cette voie de fantaisie et de modernité; Lancret et Pater l'y suivirent, mais jamais il n'a été égalé. 
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L'Embarquement pour Cythère (détail), de Watteau.
L'Embarquement pour Cythère (détail), par Watteau.

Quant au genre des pastorales, il est tout entier dans Boucher, l'artiste prodigieusement fécond, admirablement doué, décorateur hors pair, qui se vantait lui-même de n'avoir pas composé durant sa vie moins de dix mille dessins et de n'avoir pas peint moins de mille tableaux. Adulé, fêté par ses contemporains qui s'arrachaient ses ouvrages, il a touché à tout; il a peint des plafonds, décoré des hôtels, fait des portraits, exécuté des modèles de tapisserie, d'éventails, de pendules, et cela aux applaudissements du public, que charmaient ses compositions gracieuses, sa couleur arbitraire, mais admirablement choisie pour faire valoir les étoffés des appartements et les carnations des femmes.

« De triomphe en triomphe, ainsi que le disent les frères de Goncourt, son imagination se déroule en souriant. De ses pinceaux, de ses crayons, qui ne se lassent point, sort la mythologie du XVIIIe siècle [...] La Volupté, c'est tout l'idéal de Boucher; c'est tout ce que sa peinture a d'âme. Ne lui demandez que les nudités de la Fable; mais aussi quelle main preste, quelle imagination fraîche dans l'indécence même, quelle entente de l'arrangement, pour jeter de jolis corps sur des nuages arrondis en cous de cygnes! Quel heureux enchaînement dans ces guirlandes de déesses qu'il dénoue dans un ciel! Quel étalage de chair fleurie, de lignes ondulantes, de formes qu'on dirait modelées par une caresse ! » 
Boucher, malgré ses qualités, reste loin cependant de Watteau et n'a ni son dessin, ni sa distinction. On peut, avec plus de raison, mettre à côté de lui Jean-Honoré Fragonard, talent moins abondant, mais qui a peint avec une délicatesse infinie, d'une touche grasse et savoureuse, les chairs de femme.
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Chardin : Benedicite.
Le Benedicite, par Jean Siméon Chardin (1740).

La série des grands peintres du XVIIIe siècle se clôt avec Chardin et Greuze. Encore convient-il de mettre à part Jean-Siméon Chardin, qui, par la franchise de son exécution, la sincérité de son observation, la vérité de son dessin, échappe à la manière fausse de son siècle.

« C'est celui-ci qui est un peintre; c'est celui-ci qui est un coloriste! », s'écriait Diderot, en parlant de cet artiste.
Greuze partageait avec le premier l'admiration du critique qui se plaisait à voir en lui un réformateur, un moralisateur de la peinture. Ses tableaux, où il représentait la bourgeoisie, le Paysan qui lit l'Ecriture sainte à sa famille, le Paralytique, le Fils puni, la Malédiction paternelle, lui semblaient des pages admirables. C'est le philosophe qui prenait le pas alors sur le critique d'art. La postérité n'a pas ratifié ce jugement, et les meilleures pages de Greuze sont celles où il a laissé de côté les théories des encyclopédistes, sa Petite Fille au chien, la Cruche cassée, le Favori, simples et délicieuses têtes, d'une création charmante. Il serait injuste d'oublier, à la suite des peintres qui viennent d'être cités, toute une pléiade de portraitistes. Le pastelliste La Tour s'est montré un maître dans ce genre. Et en plein règne de Louis XV, comme aux approches de la Révolution, alors que David prenait la direction des arts et leur donnait une orientation nouvelle, c'étaient encore des portraitistes, Nattier, Tocqué, Perroneau, Elisabeth Vigée-Lebrun, etc., qui, avec de rares qualités de précision, de sobriété et de finesse, sauvegardaient le mieux, dans l'effondrement général, la peinture française à l'aube de la Révolution.

La « Génération de 1789 ».
Comme on doit s'y attendre, une époque ne se termine pas brusquement pour faire place à une autre; il se passe à de tels moments une sorte de phénomène crépusculaire, pour ainsi dire; ce n'est pas encore la fin d'une époque et déjà la suivante se fait pressentir; la transition, en un mot, se signifie de par des oeuvres spéciales, s'opère grâce à de certains artistes qui sont à cheval sur deux siècles, tant à cause des dates matérielles que grâce à leur caractère. Ainsi, pour l'histoire de la peinture en France, le "XIXe siècle" peut-il déjà se commencer à la Révolution de 1789, comme le "XVIIIe siècle" peut se poursuivre jusque 1830, avec des peintres - appellons-les faute de mieux, la «-Génération de 1789- » - qui annoncent, sans en faire encore partie, le Néo-classicisme, dont le porte-flambeau, en France, sera un autre enfant de la Révolution, leur contemporain Louis David.

Parmi ces peintres qui font la transition entre la période de la révolution et le XIXe siècle, citons d'abord Boilly (1761-1845), dont les toiles sont précieuses à consulter au point de vue de l'histoire anecdotique de son époque. A noter la façon vraiment magistrale dont il traite les draperies. Les plus connus de ses tableaux sont : les Petites Coquettes, la Toilette, l'Amant favorisé, etc., petites toiles, et, parmi les grandes compositions, le Départ des conscrits de 93 (musée Carnavalet). Citons maintenant Isabey (1767-1855), dont les dessins, le Départ pour l'armée, la Revue passée par le premier consul, ont non seulement un intérêt historique, mais sont de véritables oeuvres d'art. Debucourt, enfin (1751-1832), le célèbre graveur en couleurs, est intéressant, car dans les deux phases successives de sa manière, il reflète assez fidèlement l'époque qui finit et celle qui commence. Plus célèbre, au reste, comme graveur que comme peintre. Quelques noms de toiles : les Voyageurs, la Danse des paysans, Une Fête de village, etc.

Au moment de la Révolution naissait une petite école paysagiste qui atteignit son apogée sous l'Empire et devait s'éteindre en 1830. Cette petite école a pour maîtres : Peyron, Vien et David, qui sont les initiateurs d'un mouvement de retour vers l'Antiquité, puis Victor-Jean Bertin qui crée le paysage historique, et Louis Demarne, le chef de l'école qu'on pourrait appeler, par opposition, celle du paysage indépendant. Avec ces deux derniers peintres, les procédés changent tout d'un coup : ils abandonnent la grâce moelleuse et mièvre de Joseph Vernet, de Casanova, etc. Le paysage historique ou héroïque est très en faveur de 1789 à 1830. L'école de Bertin reprend les traditions de Nicolas Poussin, du Dominiquin et des Carrache, se faisant un devoir, comme on l'a dit, de ne traiter que les points de vue les plus majestueux, les sites les plus riches en monuments, et de n'y introduire que des scènes d'un style relevé. L'école de Demarne (1744-1829), procède plus directement des Hollandais, Dujardin, Wouvermans, etc. Sans aller aussi loin que Paul Marmottan, dont l'ouvrage est rempli de précieux documents, on peut dire que l'école du paysage (1789-1830) avait pour qualité maîtresse le dessin et la conscience à traiter les sujets, qu'on ne peut guère rencontrer que dans l'école hollandaise. Ce qui caractérise le talent de Demarne, dit Armand Dayot, c'est l'heureux arrangement de ses compositions, la précision quelquefois un peu sèche de son dessin et l'allure vraiment magistrale de ses animaux. A citer comme toiles les plus connues : la Route de Saint-Denis, le Charlatan de village et la Prédication de campagne.  Nous nous sommes un peu arrêtés à ce peintre à cause de sa grande influence sur les peintres de son époque. Parmi ses élèves les plus connus, notons : Paul de Saint-Martin, Budelot, Langlacé et le célèbre Taunay dont nous parlerons plus loin.

Le plus prodigieux artiste de ce temps, tout au moins comme facilité de production et qualités, est Carle Vernet (1758-1835). Les chasses, les courses, les batailles, les moeurs élégantes, les sujets religieux ou héroïques, il a tout touché, et, si l'on peut ne pas goûter ses sujets bibliques, on ne peut rester indifférent devant ses amusantes séries d'incroyables et de merveilleuses, qui nous rappellent, avec une notation fidèle, les moeurs et les ridicules du Directoire. Mais où Carle Vernet est particulièrement intéressant, c'est dans ses tableaux de batailles, remplis d'action et de vie. Voyez la Bataille de Marengo et la Prise de Pampelune. A citer de lui comme peintures plus spéciales, ses nombreuses séries de chevaux : la Chasse au daim à Meudon et le Départ de la calèche. Carle Vernet, ne l'oublions pas, fut aussi un caricaturiste amusant et un lithographe habile. 
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Vernet : Arrivée d'Emigrés et de la duchesse de Berry en France.
Arrivée d'Emigrés et de la duchesse de Berry en France, par Carle Vernet.

A côté des Demarne et des Carle Vernet, gravitent toute une suite de petits peintres militaires , tels que Loutherbourg, Sweebach , Adolphe Roehn qui voient surtout dans la peinture militaire le côté anecdoctique, mais qui en tout cas sont plus intéressants que les paysagistes du convenu, Michallon, Wattelet et Bidault. Chez ceux-ci les bois, le ciel, les rochers, les eaux ne sont que des accessoires qu'ils inventent la plupart du temps dans l'atelier, pour servir de décors à une scène d'histoire profane ou sacrée et encadrer les ruines d'un temple.

Taunay fut un peintre de genre plus intéressant; ses combats et ses pastorales, qui sortent de sa propre imagination, qu'il crée avec sa faculté propre d'inventions, selon son caprice ou sa fantaisie, il les fait évoluer dans des paysages subtilement interprétés d'après nature. Ce n'est peut-être pas trop de le comparer à Nicolas Poussin, à un Poussin « petit modèle ». Ses contemporains au reste, ne l'ont-ils pas surnommé le Poussin des petits tableaux? Moins célèbres et pourtant intéressants sont : Xavier Leprince , mort tout jeune; Mme Haudebourg-Lescot, auteur de scènes villageoises; Hubert Robert, le peintre des ruines; Martin Drölling, que hantent les Hollandais dans ses scènes d'intérieur, ses cuivres de casseroles brillants, ses marmitons goguenards et gais; et François Granet, le peintre des cloîtres et des moines en prière.

Le paysagiste Lazare Bruandet (1754-1813) est intéressant parce que d'aucuns, peut-être d'une opinion exagérée, au surplus, l'ont considéré comme un précurseur. II se dégage de la manière conventionnelle de Boucher et l'on peut peut-être l'appeler l'un des premiers peintres de Fontainebleau. Ecoutons Charles Blanc : 

« Tous ses dessins, tous ses tableaux exhalent la senteur des bois. Le feuillage y frémit, l'air y frissonne. Il s'intéresse et il sait nous intéresser à une touffe de buissons épineux, à un vieux tronc de saule, à un fragment de roc éboulé. »
Il peignait volontiers le paysage d'automne lorsque le temps est tranquille, un peu couvert, et que les feuilles rousses commencent à tomber. Il a mis dans ses tableaux non seulement la vérité frappante de l'aspect, mais un sentiment naïf et profond des choses rustiques et de la poésie des bois. Remarquons une preuve de conscience peut-être trop rare : Bruandet se sait surtout paysagiste, et il n'hésite pas, lorsqu'il veut peupler toiles, à demander l'aide d'amis plus habiles à peindre les ses personnages. (Victor Champier).
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