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Histoire de l'art > La peinture
L'histoire de la peinture
La peinture française au XIXe siècle
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Le XIXe siècle : Néo-classicisme, Romantisme, Paysage, Réalisme, Impressionnisme
Avec Prud'hon et les élèves de David se termine ce qu'on peut appeler la période classique. La période qui va lui succéder s'annonce comme une poussée révolutionnaire aussi bien politique que littéraire et artistique, et, comme on doit s'y attendre, cette poussée ne se fera pas tout d'un coup. Peu à peu se manifeste le besoin de traiter d'autres sujets que ceux de Plutarque et de la mythologie. Voici que Jupiter et Hercule vont être détrônés, et que les colonnades, les stèles et les temples antiques vont être détruits. Déjà des tableaux bien inconnus aujourd'hui (Duperreux, Richard Fleury) montrent des costumes du Moyen âge et des chevaliers. Les peintres comme les littérateurs vont emprunter des anecdotes, plus ou moins truculentes à nos vieux chroniqueurs, empanachent leurs personnages, meublent leurs toiles d'un insensé bric-à-brac (de Fourcaud). Les artistes s'émancipent. Ils se déclarent libres. Voici en somme peut-être la meilleure définition du romantisme, nom qu'on a donné à cette période : une renaissance de l'amour pour la liberté.

« Qui nous délivrera des Grecs et des Romains? »
En France, pour ce qui concerne la peinture, le mouvement romantique,  a trouvé son chef dans Géricault (1791-1894). Son Radeau de la Méduse, qui traitait avec réalisme et non sans déclamation un épisode contemporain, porta un premier défi au classiques. Son rêve : produire dans le sens de Gros, mais avec plus de courage et de largeur, sans concession, faire affluer l'humanité dans un art vraiment nourri de nature. Mais il mourut jeune, sans pouvoir donner sa mesure entière. C'est peut-être au reste dans Gros (les Pestiférés de Jaffa) qu'il faut voir le premier indice de la révolution où devaient périr les doctrines classiques. Ce fut grâce à Gros que les jeunes artistes sentirent le besoin d'abandonner les héros tragiques de l'Antiquité pour exprimer à leur tour des passions vivantes, des sentiments vrais. Géricault, plus qu'aucun autre, la ressentit, cette impression, et il la communiqua à ses contemporains, dans le peu d'années qu'il vécut. 

Géricault.
Le Radeau de la Méduse, le Chasseur de la garde, dans deux notes toutes différentes, d'abord, l'énergie, la force et la douleur, puis la fière élégance, la mâle allure, semblent résumer le talent de Géricault : fougue de l'exécution, hardiesse des mouvements, énergie du coloris, vigueur de l'expression et originalité de la conception. Citons encore le Cuirassier blessé, la Charge de cuirassiers, le Lancier rouge de la garde impériale, etc. Nous ne parlons pas des innombrables animaux qu'a peints Géricault; il adorait les chevaux de courses, et nul mieux que lui n'a rendu leurs jambes nerveuses. Non seulement Géricault fut un grand artiste, mais encore nous devons lui être reconnaissants de son influence sur l'autre grand représentant du mouvement romantique, Eugène Delacroix. Au reste, leurs deux natures indépendantes se ressemblaient et étaient faites pour se comprendre et s'aimer.
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Géricault : Le Radeau de la Méduse.
Le Radeau de la Méduse, par Théodore Géricault (1819).

Delacroix.
Eugène Delacroix (1799-1863), a dit Théophile Sylvestre, est un caractère violent, sulfureux, mais plein d'empire sur lui-même. Voilà pour l'homme. Ce qui frappe dans sa peinture, a dit Théophile Gautier, c'est l'unité profonde de l'oeuvre; sa création intérieure ne dépend pas, pour ainsi dire, de sa création extérieure, et il en tire ce qu'il faut pour les besoins du sujet qu'il traite, sans rien copier autour de lui. Une figure de Delacroix ne peut s'isoler; elle ne pourrait vivre dans un autre milieu; elle forme un tout avec le tableau dont elle fait partie.

Le chef-d'oeuvre de Delacroix est peut-être l'Entrée des Croisés à Constantinople; la Barricade et la Bataille de Taillebourg, quoique moins grandioses, sont aussi d'admirable pages, mais la première est d'une couleur un peu bitumineuse, et la seconde semble manquer d'une conception lente et réfléchie. Citons surtout : les Côtes du Maroc, Médée, Tigre hurlant, Sardanapale, le Roi Jean à la bataille de Poitiers, Choc de cavaliers, Un Lion déchirant un Arabe, etc. Delacroix a traité tous les genres avec un égal succès, même dans la caricature, et il y a de lui des fleurs et des bouquets plus remarquables que ceux de Van Huysum. L'année 1827 sera la date triomphale de l'école romantique. Ne pourrait-on grouper autour du nom de Delacroix tout un état-major que, faute d'espace, nous ne pouvons étudier en détail : Louis Boulanger, Champmartin, Ary Scheffer, Decamps, Roqueplan, Delaroche, Devéria, Chassériau? 
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« Le romantisme, c'est une bataille. »
Mais avant de s'imposer, les Romantiques ont dû combtattre. Il leur a fallu se confronter avec les maîtres du moment, les Néo-Classiques, ou du moins les successeurs de David. La grande bataille s'était déroulée au Salon de 1824 entre les chefs des deux écoles : Ingres et Delacroix. L'un exposait le Voeu de Louis XIII, l'autre les Massacres de Scio. La querelle ne portait pas précisément sur les thèmes d'inspiration; elle avait même quelque chose de paradoxal. Ingres n'a pas été tellement sous la dépendance de l'Antiquité; il a pris ailleurs la plupart le ses sujets; même dans ce Moyen âge cher à ses adversaires, il a aimé les primitifs italiens; la pose de ses personnages n'est pas calquée sur celle des statues antiques; ses nus féminins accusent de tendances naturalistes et ses portraits sont réalistes. Delacroix est bien plus idéaliste; tout au moins en littérature, il chérissait les classiques; il avait peu de sympathie pour Hugo et son groupe, quoi que dirigeant un mouvement parallèle au leur.

Le différend visait principalement la prépondérance de la ligne ou de la couleur. Naturellement, les ingristes, en héritiers de David, antiquisants et raphaélistes, tenaient pour le dessin. Au contraire, Delacroix et les romantiques préconisaient la couleur qui engendre le relief. A cette première question se rattache une seconde : les classiques voulaient des poses calmes, les coloristes recherchaient le mouvement, voire l'agitation.
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Delacroix : L'Entrée des Croisés à Constantinople.
L'Entrée des Croisés à Constantinople, par Eugène Delacroixt (1840).

La guerre dura plus de vingt ans, avec, pour théâtre, les expositions où se manifestait la partialité du jury en faveur des classiques. Ceux-ci avaient pour eux les vieilles gens, le monde officiel, l'Institut. Delacroix entraînait la jeunesse. Il convient de le dire, la scission et l'antipathie subsistèrent surtout entre les deux chefs. Entre leurs partisans, les échanges se produisirent dès le début. Ingres conserva des disciples irréductibles comme Hippolyte Flandrin (1809-1864), Gleyre (1806-1874), Mottez (1809-1897); mais d'autres, plus avisés et plus conciliants, cherchèrent un compromis entre les conceptions de leurs maîtres. Paul Delaroche (1797-1856) agit comme Casimir Delavigne, qui servait de trait d'union entre classiques et romantiques littéraires. Tous deux traitèrent le sujet des Enfants d'Édouard avec le même esprit. En définitive, ce compromis sera adopté par la majorité des peintres qui, pendant le XIXe siècle, connaîtront la faveur du public et les succès officiels.

Dans cette combinaison, l'influence d'Ingres dominera. Ingres a été, avant tout, un artiste visuel rendant avec le crayon ou le pinceau ce que ses yeux avaient enregistré et amoureux de réalité et de précision. Chez Delacroix, par contre, la prépondérance revient à l'imagination. La part de la littérature, et particulièrement de la littérature . étrangère, est considérable dans sa formation. Il est poète et musicien presque autant que peintre. Avec des couleurs, au lieu de mots ou de notes, il traduit ses rêves ou ses interprétations littéraires. Aussi conçoit-on que l'influence de Delacroix ait été éphémère et peu profonde sur les autres artistes dont la culture intellectuelle était, en général, peu étendue. On retrouve fort peu de lui-même chez ses compagnons de lutte : Eugène Devéria (1805-1865), Boulanger (1806-1867), les illustrateurs Tony Johannot (1803-1852), Célestin Nanteuil (1813-1873), qui s'attachent à représenter un décor et des figurants amusants et pittoresques.

Par certains côtés, Delacroix retrouve un fils spirituel en Chassériau (1819-1856), qui possède, comme lui, une intelligence raffinée et nourrie de lettres, interprétant son rêve intérieur et traduisant picturalement Shakespeare. Mais, par sa technique, Chassériau se rapproche davantage d'Ingres.

La lutte avait été vive entre le classicisme et le romantisme; celui-ci avait remporté la victoire, et il allait bientôt céder la place à un nouvel ennemi, le réalisme. Avons-nous besoin d'ajouter que nous n'avons pu nommer tous les combattants qui, de part et d'autre, prirent part à la bataille? Mais certains noms viennent sous notre plume qu'il faut cependant citer : c'est l'attendrissant et tragique Charlet dont les soldats et les scènes militaires sont populaires; Raffet, dont la fortune dans le même genre fut moins brillante, mais à qui, après l'exposition récente de ses oeuvres, on a enfin rendu justice; c'est Decamps, spirituel dans ses peintures de genre, éblouissant avec ses souvenirs d'Orient; Fromentin; Horace Vernet, etc. 

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