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Paléontologie

La paléontologie zoologique ou Paléozoologie est l'histoire des animaux éteints dont on trouve les débris, à l'état fossile, enfouis dans les couches géologiques du globe. Au mot Fossile, on a indiqué les conditions qui ont permis à ces débris de se conserver jusqu'à nos jours et l'aspect qu'ils présentent. Il nous reste à indiquer ici les rapports que ces formes éteintes présentent avec les animaux qui vivent actuellement, les enseignements que l'on en peut tirer au point de vue de la zoologie générale et le secours que l'étude des fossiles peut prêter à la géologie proprement dite. La paléontologie est une science relativement moderne : nous dirons seulement quelques mots de son histoire.

Aperçu historique.
Dès l'an 614 av. J.-C., le philosophe grec Xénophane, fondateur de l'école d'Elée, parlant des coquilles pétrifiées que l'on trouve loin de la mer et des empreintes de Poissons des carrières de Sicile, en conclut que la mer a recouvert autrefois les continents. Hérodote, Strabon et d'autres sont du même avis, mais les ossements fossiles des grands animaux étaient généralement attribués à une race de géants disparus.

Le Moyen âge n'ajouta rien à ces notions primitives, sauf que la présence de ces fossiles sur les hautes montagnes fut citée par les théologiens comme une preuve du Déluge universel. 

A la Renaissance, Léonard de Vinci (1452-1549) fut le premier à chercher à déraciner les ridicules légendes qui faisaient naître les coquilles sur les montagnes « par l'opération des étoiles », et à expliquer leur présence par des causes géologiques naturelles. Mais les préjugés subsistaient dans l'esprit des philosophes de cabinet et l'on préférait considérer les fossiles comme des jeux de la nature (lusus naturae) plutôt que d'accepter une explication raisonnée et scientifique. 

Au XVIIIe siècle encore, à l'exemple d'un écrivain plus célèbre par sa verve sarcastique que par ses connaissances en histoire naturelle, on admettait volontiers que les coquilles fossiles avaient été apportées par des pèlerins revenant de la terre sainte, ou que les ossements d'éléphants, si communs dans le Nord de l'Italie, étaient les débris de ceux qu'Hannibal y avait amenés, avec son armée, en l'année 218 avant notre ère.

Cependant dès le XVIIe siècle on peut citer Colonna (1626) et Steno (1669) comme des précurseurs de la géologie et de la paléontologie modernes : tous deux distinguèrent les fossiles terrestres et d'eau douce des fossiles marins. Mais la connaissance des Vertébrés fossiles était si peu avancée que Scheuchzer, de Zurich, put présenter comme un homo diluvii testis le squelette presque entier d'une Salamandre gigantesque trouvée à Oeningen. Buffon, mieux inspiré dans ses Epoques de la nature, professe ouvertement la doctrine des périodes géologiques et cite le Mastodon et d'autres grands animaux comme des espèces éteintes. G. Cuvier, efin, fait pour les Vertébrés ce que Lister, Knorr, Walch, Gessner, Brongniart et d'autres avaient fait pour les Invertébrés, et dans son magnifique ouvrage sur les Ossements fossiles (1812), dans le Discours sur les révolutions du globe, qui lui sert en quelque sorte d'introduction, démontre la loi de la corrélation des formes et fonde sur des bases solides la paléontologie stratigraphique. Avec lui commence l'ère moderne de cette science; et lorsque nous aurons rappelé le nom de Darwin et l'impulsion que la théorie évolutionniste a imprimé aux études spéculatives des géologues, en leur donnant un but philosophique et une portée incalculable pour les progrès de la zoologie, nous pourrons aborder l'examen des différentes questions que soulève l'étude des animaux fossiles et qui toutes convergent vers la solution de ce problème : l'évolution du règne animal à la surface du globe terrestre.

Relations des fossiles avec les animaux vivants dont ils se rapprochent par leurs caractères. 
L'étude des espèces fossiles est beaucoup plus difficile que celle des espères vivantes, en raison de l'état fragmentaire dans lequel se présentent ces fossiles lorsqu'on les découvre dans le sol : les Mollusques ne sont plus représentés que par leur coquille dont la forme est souvent commune à plusieurs groupes très différents par l'organisation de l'animal qui remplissait cette coquille, mais dont toutes les parties molles ont disparu. Chez les Vertébrés, le squelette interne seul s'est conservé, mais les os qui le constituent sont le plus souvent dispersés ou brisés de manière à les rendre méconnaissables : certaines parties, notamment les mâchoires et surtout les dents, se conservent mieux que les os des membres ou du tronc. C'est sur cette dernière particularité que G. Cuvier a fondé sa loi de la corrélation des formes, en affirmant que « l'on peut déduire de la forme d'une seule dent l'organisation de l'animal entier » et sa place dans les classifications méthodiques. Bien que les progrès de la paléontologie aient montré que cette loi était, tout au moins prématurée, elle n'en est pas moins restée acceptable moyennant ce corollaire : « lorsqu'il s'agit de formes très voisines de celles qui sont déjà bien connues dans toute leur organisation  ».

De la même façon qu'avec les animaux, les plantes peuvent se rencontrer dans les couches paléontologiques. Elles se présentent soit sous formes d'empreintes reproduisant la structure de leurs parties extérieures, soit à l'état de charbon ne donnant qu'assez rarement des renseignements utilisables sur les plantes qui le composent. D'autres fois, les tissus végétaux ont été remplacés molécule à molécule par des particules inorganiques, et ce mode particulier de fossilisation permet de déterminer la structure intime des tissus. 

La connaissance approfondie des formes vivantes est donc le fondement indispensable de la Paléontologie : en d'autres termes le paléontologiste doit être à la fois anatomiste, zoologiste et botaniste, ce qui ne le dispense pas d'être géologue. A ces connaissances multiples, il doit joindre un certain tact qui s'acquiert par l'habitude et lui permet de faire de sa science acquise une application judicieuse aux cas difficiles qui se présentent dans la pratique, par exemple lorsqu'il s'agit de reconstituer le squelette d'un animal dont les os sont épars et souvent mélangés à ceux d'autres animaux d'espèces différentes. Dans ce cas, il est aussi dangereux de trop séparer que de trop réunir, et bien que le premier procédé soit le plus généralement suivi et paraisse au premier abord le plus rationnel, surtout lorsqu'il s'agit de types absolument nouveaux, des exemples nombreux ont montré qu'il n'était pas toujours le plus légitime. C'est ainsi que les os des membres du Macrotheriurn de Sansan ont été longtemps attribués à un Edenté gigantesque, tandis que les dents et le crâne du même animal, trouvés dans le même gisement, étaient décrits comme ceux d'un Ongulé sous le nom d'Anisodon jusqu'au moment ou un squelette presque complet, trouvé avec les os en place, ait démontré que ces membres et ces dents appartenaient à un seul et même animal, c.-à-d. à un Ongulé ayant les membres conformés comme ceux de certains Edentés.

Au premier abord il semble que les espèces fossiles viennent simplement remplir des vides depuis longtemps signalés dans la nature actuelle. C'est ainsi que les Ongulés, dont les débris abondent dans l'éocène supérieur du gypse parisien, et qui ont été si habilement reconstitués par Cuvier (Palaeotherium, Lophiodon, Anoplotherium, etc.), paraissaient s'intercaler très heureusement dans son ordre des Pachydermes, formé d'éléments hétérogènes, et présentant par suite de nombreuses lacunes. Mais bientôt il fallut renoncer à cette notion trop simple et par suite inexacte en face des facteurs multiples et compliqués dont se compose l'oeuvre de la nature. Sans doute beaucoup de formes ont disparu sans laisser de descendants, mais il en est d'autres, non moins nombreuses, qui peuvent et doivent être considérées comme les ancêtres des formes qui vivent actuellement.

La science qui s'occupe de reconstituer, d'après l'étude des fossiles, l'arbre généalogique des formes animales porte le nom de Phylogénie, et les tableaux ou l'on figure cette généalogie sont appelés tableaux phylogénétiques. Fondée sur
la théorie évolutionniste, la phylogénie paléontologique apporte à cette théorie un solide et brillant appui : on peut dire qu'elle a régénéré la zoologie en lui apportant la démonstration des faits que l'anatomie et l'embryologie nous révèlent sous une forme concrète, mais qui se sont développés lentement à travers la longue période des temps géologiques.

Théorie du développement progressif, opposée à la théorie des créations, successives.
La géologie nous apprend que les animaux qui vivent actuellement n'ont pas toujours existé, au moins avec leurs caractères actuels, et que les formes les plus élevées du règne animal, les Vertébrés, par exemple,. n'ont apparu qu'à une époque relativement tardive, les Mammifères, qui sont les plus parfaits des Vertébrés, se montrant après les Poissons et les Amphibiens.

Les anciens naturalistes expliquaient ce fait simplement par l'hypothèse des créations successives que l'on prétendait faire accorder avec le texte même de la Genèse, mais qui n'a plus guère de partisans depuis longtemps, même parmi les théologiens. 

La notion du développement progressif, en faisant dériver les formes vivantes des formes éteintes qui les ont précédées, semble au premier abord en contradiction flagrante avec les faits sur lesquels reposent nos classifications méthodiques et particulièrement avec les données sur lesquelles se base la définition de l'espèce, telle que l'ont établie Cuvier et les naturalistes de son école. En réalité, cette contradiction est plus apparente que réelle : elle montre simplement que cette definition elle-même cesse d'être exacte lorsqu'on l'applique aux formes fossiles envisagées dans leurs rapports avec les espèces actuelles. Darwin a démontré que, même à notre époque, l'espèce est beaucoup plus variable que ne l'admettait Cuvier, de telle sorte que toutes nos classifications pêchent par leur base qui est précisément cette définition de l'espèce. 

Ce que nous appelons espèce, par une abstraction de l'esprit qui facilite l'étude des organismes vivants, n'est qu'un groupe aussi artificiel dans la nature que les groupes supérieurs de genres, de familles. d'ordres, de classes, etc. Si un paléontologiste non prévenu découvrait, dans une même couche géologique, le squelette d'un Chien havanais à côté de celui d'un Lévrier ou d'un Bouledogue, il n'hésiterait pas à les considérer comme d'espèces différentes. Pourquoi dès lors refuser à la nature, agissant avec ses seules forces, sous l'influence des conditions variables du milieu ambiant, ce que l'homme n'a pu réaliser, ne l'oublions pas, qu'en utilisant ces forces même de la nature? Et, dès lors, la transformation de l'Hipparion ou du Protohippus tridactyles en Cheval monodactyle, est-elle plus surprenante que celle du Levrier ou du Bouledogue en Chien de manchon?

Est-ce à dire, dès lors, que la notion de l'espèce doive disparaître comme fausse ou inutile. Aucun paléontologiste n'a jamais avancé cette énormité; mais on peut dire que la définition de l'espèce doit être entendue conformément aux notions que nous venons d'esquisser, et nous formulerons cette idée, sous forme de corollaire, en disant que l'espèce n'a qu'une fixité relative dans le temps et dans l'espace, définition qui s'applique aussi bien à la paléontologie (Phylogénie), qu'à la zoologie (formation des sous-espèces et des variétés locales par ségrégation ou sélection).

D'après les théories évolutionnistes le développement de l'individu (Ontogénie), n'est que l'abrégé ou la récapitulation rapide de son histoire paléontologique (Phylogénie). Si cette assertion est exacte, les membres les plus anciens d'une souche en sont en même temps les plus inférieurs, et la succession des faunes géologiques ne fait que reproduire, dans son ensemble, l'échafaudage de nos classifications zoologiques. Un coup d' oeil jeté sur l'histoire paléontologique du règne animal nous montre, qu'en faisant la part de certaines divergences qui s'expliquent d'elles-mêmes, il en est réellement ainsi. (GE).

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