|
. |
|
Les vignes de Montmartre | ![]() |
![]() | La présence de vignes sur la Butte Montmartre (XVIIIe'arrondissement de Paris ) est très ancienne, même s'il est difficile de dire à quand elle remonte exactement. Au moins sait-on que la vigne![]() - ![]() La vigne de Montmartre : 2000 ceps. Il convient aussi de noter la coïncidence qui existe entre la réapparition de la viticulture dans nos contrées et la tradition essentiellement montmartroise du martyre de Saint-Denis et de ses deux compagnons, Rustique et Eleuthère; il y a de remarquables conformités aperçues par différents auteurs, entre la légendaire histoire du soi-disant premier évêque de Paris et le mythe païen de Bacchus, ce dieu du vin et de la vigne, que les Grecs appelaient Dionysos, ou bien Eleutheros, et dont les Latins célébraient les mystères, le 19 août, dans les fêtes des vendanges nommées Rustica ou Vinalia rustica ( Quoi qu'il en soit, d'après un témoignage, bien souvent évoqué de l'empereur Les vignes de Montmartre au Moyen âge. En 1133, dans la cession que les moines de Saint-Martin-des-Champs firent au roi Louis VI, de l'église de Montmartre avec ses dépendances et la chapelle du Martyre, les vignes qui attenaient à celle-ci furent comprises : cette particularité est mentionnée dans les deux bulles apostoliques des papes Eugène III (Juin 1147) et Alexandre III (1164), portant, l'une et l'autre avec l'institution de l'abbaye de Montmartre, la confirmation de ses privilèges et propriétés. En 1304, lors de l'établissement d'une seconde chapellenie dans la chapelle du Martyre par l'écuyer Hermer, une pièce de vigne, appelée la Gonchiéres, sise au lieu dit la Carrière, fut affectée à la nourriture du nouveau chapelain. L'abbesse Isabelle de Rieux, que Cheronnet cite pour sa sévérité sur le chapitre Sur l'état du monastère et de ses propriétés en 1333, figurent cinq arpents et Dans les comptes des confiscations faites à Paris, au profit des Anglais ( Par accord du 9 novembre 1451, le curé de Montmartre, Anceau-Langlois, obtint, avec une amélioration de traitement fixe, la remise d'une rente de vingt-huit sols parisis, qu'il devait annuellement pour deux arpents de vigne, dont il avait, la jouissance dans une culture des dames de l'abbaye. Il est bon d'ajouter que cet accord eut lieu à la suite d'un procès; que ledit Anceau-Langlois perdit contre l'abbesse Agnès Desjardins, qui le lui avait intenté, parce qu'il avait tenté de s'affranchir de sa dépendance on s'appropriant indûment les dîmes de la paroisse. Seigneur de Montmartre, et, par le droit, de sa fondation, curé primitif, et en légitime possession de tous les revenus de la paroisse, l'abbesse en nommait elle-même le pasteur, qui n'était, à proprement parler, que son vicaire perpétuel. Avec le récit des guerres qui désolèrent si souvent les campagnes de la banlieue parisienne, on pourrait établir aussi le martyrologe des vignes de Montmartre. Sans remonter aux temps de l'invasion des Vikings, ni à celle des Anglais, non plus qu'aux luttes intestines des Armagnacs et des Bourguignons, voici ce qu'on-lit dans la Chronique de Louis XI à l'an 1475 : « Le lundi 9 septembre, les Bretons et les Bourguignons furent ès terrouers de Clignencourt, Montmartre, la Courtille et autres vignobles d'entour Paris, prendre et vendanger toute la vendange qui y étoit, jaçoit ce qu'elle n'étoit point meure.» (ChroniqueScandaleuse).Les vignes de Montmartre à la Renaissance. En 1577, le pape Grégoire XIII, dans le but d'aider Henri III dans ses entreprises contre les protestants ( ![]() Parmi les nombreux et importants travaux de restauration que nécessita l'état Les vignes de Montmartre au XVIIe siècle. Dans l'État des revenus, créances et dettes de l'abbaye de 1763, la dîme de Montmartre figure pour sept muids de vin, évalués à cent quarante livres. Suivant la coutume féodale, l'abbaye possédait un pressoir banal, ou les habitants de la localité étaient tenus de faire pressurer leur vendange, moyennant redevance en nature ou en deniers. Ce pressoir était situé près de l'église, contre la maison du baillage de l'abbaye, dans une cour, devenue, par la suite, l'impasse du Pressoir; aujourd'hui, c'est la rue Saint-Eleuthère. C'est au profit du pressoir abbatial que, en 1312, sous le règne de, Philippe IV le Bel, le parlement rendit, en appel, un décret donnant gain de cause à l'abbesse et aux religieuses de Montmartre, contre un certain Roger de Clichy, fruitier du roi, qui avait saisi de vive force le marc d'une grange appartenant auxdites dames, sous prétexte que les vignes, dont provenait ce marc, étaient bannières du pressoir dudit Roger. Une sentence, prononcée suivant cette interprétation par le prévôt de Paris, avait absous de ce fait. Les vignes de Montmartre au XVIIIe siècle. Quelques années plus tard, c'est-à-dire vers 1789, le plan de Verniquet nous montre en détail les différentes pièces de vigne qui sont situés dans l'enclos même de l'abbaye. A l'aide des indications du plan moderne de restitution de Carles, nous en avons relevé la nomenclature et les diverses contenances : ce sont d'abord deux grandes vignes, l'une dite du Haut Coteau, mesurant 1 arpent quarante-six perches, un peu au-dessus de l'emplacement actuel de la Place Saint-Pierre; l'autre celle du Bas Coteau, de 2 arpents 10 perches, longeant la précédente, mais en étant séparée par une allée dont l'extrémité aboutit à une issue nommée la porte des Coteaux et placée, par rapport à l'état actuel des choses, à l'angle des rues Ronsard et Charles Nodier; puis un plus bas, dans l'espace compris aujourd'hui entre la rue Tardieu et la place Charles Dullin, une autre vigne de 1 arpent 37 perches, dite de la Rochefoucauld; enfin, vers le haut de la Butte, deux petites pièces, l'une un peu, en avant de l'église paroissiale, où il y a maintenant un réservoir, nommé vigne de Montaigu, et ne mesurant que 86 perches et demie; l'autre à quelques pas en arrière du Choeur des Dames, de 51 perches, dite vigne de l'Église; puis une dernière celle du Bel-Air, de 24 perches et demie vers le haut du Vieux-Chemin (rue de Ravignan). En 1789, l'article II du Cahier des plaintes et doléances de Montmartre réclame, Les vignes de Montmartre au XIXe siècle. Les soldats, répandus dans les maisons, y commirent toutes les spoliations assez ordinaires en pareille circonstance. Le mois de septembre arrivé, ils s'empressèrent d'imiter les Bretons et les Bourguignons de 1475, en se jetant avec avidité dans les vignes de Montmartre et de Clignancourt. Ce fruit, nouveau pour des hommes d'outre-mer, était à leur goût si attrayant, qu'ils le dévoraient même avant qu'il fût mûr. Ils épargnèrent de la sorte, aux habitants, la peine de vendanger leurs vignes. Mais on assure que l'acerbité des raisins, encore aigres, vengeait journellement ces malheureux habitants de leurs hôtes incommodes. Mais, avec la Révolution, une ère funeste avait commencé pour les vignobles de Montmartre. D'immenses travaux de terrassements, entrepris à deux reprises différentes, en 1789 et 1814, pour faire de la Butte une position fortifiée, bouleversèrent le sol de fond en comble; de nombreuses ouvertures de carrières à gypse entamèrent ses flancs de tous cotés; ce qui resta de terrain fut bientôt envahi par le flot toujours montant des maisons qui debordaient de Paris. Après 1830, quelques vignes, subsistant sur le revers septentrional de la colline, résistèrent encore pendant quelques années à cet impitoyable assaut ; mais ce fut la fin. Plus que jamais, on continua cependant à venir là-haut boire le vin clairet ou le petit bleu; mais cette mixture d'importation, n'avait plus rien de commun avec l'ancien produit du crû, totalement disparu. Les quelques Montmartrois, très âgés, qui s'en souvenaient encore à la fin du XIXe siècle, n'en parlaient que l'eau à la bouche. « C'étaient, disaient-ils, un jinglet très fier, d'une saveur à faire danser les chèvres, mais si désaltérant, qu'on le buvait comme du petit lait. »A dire vrai, on a bien médit un tantinet du vin de Montmartre. Ses détracteurs ne manquaient pas de faire valoir ses vertus diurétiques; célébrées d'ailleurs, par le dicton grivois, que Sauval enregistrait, il y a déjà plus de trois siècles, avec son orthographe spéciale : C'est du vin de MontmarteIl paraît aussi que les vignes de Montmartre, surtout celles situées sur l'emplacement actuel de la rue Rochechouart, comme les vignes de Belleville et de la Courtille, produisaient beaucoup de raisins qui ne mûrissaient pas. D'où serait résulté ce proverbe parisien ( ![]() Belle montre, peu de rapport.Malgré tout le mal qu'on a pu dire du vin de Montmartre, quelques clos sur les versants de la Butte avaient une réputation méritée. S'il est permis d'ajouter foi à la Légende de la Chappelle de Firmin Leclerc, le vin de la Goutte d'Or était si celèbre au Moyen âge que la Ville en offrait quatre tonneaux au roi de France à chaque anniversaire de son couronnement. Son nom emprunté à sa couleur servit longtemps d'enseigne à un cabaret de l'endroit. Les titres, seigneuriaux de Saint-Lazare, au XVIIIe siècle, font mention d'une maison dite de la Goutte d'Or, située dans le haut du quartier de la Nouvelle-France, vers l'extrémité du chemin des Poissonniers, qui conduisait à La Chapelle. Vers le milieu du XIXe siècle, on voyait encore, a droite en descendant de la rue de la Fontaine du But, une pièce de vigne qui appartenait à une certain Lécuyer, adjoint au maire de Montmartre; on y apercevait quelques masses informes de maçonnerie datant de l'époque gallo-romaine et signalées, un siècle auparavant par quelques auteurs, notamment par l'abbé Lebeuf et le comte de Caylus : celui-ci crut y voir les restes d'une fonderie, l'autre les ruines des thermes d'une villa. De plus, l'abbé Lebeuf avait remarqué qu'une vigne était plantée sur la partie méridionale de ces ruines). Dans l'espérance d'y découvrir des trésors, Lecuyer fit entièrement fouiller le sol et abattre les ruines, si bien que les vignes qui les couronnaient y passèrent aussi. Le plan de Carles, de 1848 à 1858, nous montre encore deux pièces de vigne en haut du Chemin Vieux (rue Ravignan) : l'une entourant le Réservoir des eaux, l'autre occupant l'espace compris ente le Chemin Neuf (rue Lepic), la petite rue de la Mire et le Chemin Vieux. L'oraison funèbre de la dernière vigne de Montmartre a été prononcée par Gérard de Nerval : il fallait s'y attendre. Son aimable intervention est toujours précieuse dans l'évocation des souvenirs si pittoresquement agrestes de la butte d'autrefois. Cette vigne, située dans le voisinage du Château des Brouillards, lui souriait tellement, qu'il avait, un instant, rêvé de la posséder (La Bohème galante « C'était, dit-il, la dernière du cru célèbre de Montmartre, qui luttait, duPuis des visions de l'Antiquité se mêlant à ses regrets, il termine ainsi : « J'aurais fait faire dans cette vigne une construction si légère! ... Une petite villa dans le goût de Pompéi, avec un impluvium et une cella, quelque chose comme la maison du poète tragique. Le pauvre Laviron, mort depuis, sous les murs de Rome, m'en avait dessiné le plan. »Des dernières vignes de Montmartre, quelques ceps abandonnés, survécurent quelque temps dans une pièce attenant aux Moulins Debray ( ![]()
Une vigne pour mémoire. |
. |
|
| |||||||||||||||||||||||||||||||
|