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La faction des Armagnacs

Bernard VII d'Armagnac s'était attaché, dès 1403, à la fortune du duc d'Orléans, Louis Ier. Lorsque le duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur, eut fait assassiner celui-ci par des affidés, ce crime troubla tout le royaume. Le fils de la victime, Charles d'Orléans, dans le dessein de venger son père, suscita partout des ennemis au duc de Bourgogne; pourtant, en 1409, une paix conclue à Chartres semblait arrêter les hostilités. Mais, Charles d'Orléans ayant épousé la fille de Bernard VII d'Armagnac, il se forma à Gien, à l'occasion de ses noces, contre le duc de Bourgogne et ses partisans, une ligue dans laquelle entrèrent, outre le duc d'Orléans et son beau-père, les ducs de Berry, de Bourbon et de Bretagne, les comtes d'Alençon et de Clermont (15 avril 1410). 

Bernard VII recruta dans le Midi des bandes qui firent la guerre avec une férocité inouïe : ce furent les Armagnacs. A leur tête il ravagea les environs de Paris et s'avança jusqu'au faubourg Saint-Marcel. Un nouveau traité, signé à Bicêtre le 2 novembre 1410, suspendit les hostilités, mais dès le printemps 1411 les partis reprirent les armes. Les Armagnacs se répandirent dans le Beauvaisis et la Picardie "en mengeant le povre peuple suivant la coustume de adonc" (Monstrelet). Paris, livré aux Cabochiens, s'était prononcé pour le duc de Bourgogne qui, revenu à Paris, fit déclarer les Armagnacs ennemis de l'État; il conduisit Charles VI prendre l'oriflamme à Saint-Denis, et à la tête de l'armée royale tous deux allèrent assiéger les princes dans Bourges

Au bout de deux mois de siège, des conférences furent ouvertes; elles aboutirent à un traité qui remit en vigueur la paix de Chartres (Paix de Bourges, 16 juillet 1412, sanctionnée le 22 août à Auxerre). On interdit les noms d'Armagnacs et de Bourguignons; Jean-sans-Peur et Charles d'Orléans rentrèrent à Paris sur un même cheval. Pendant une année Paris fut livré aux Cabochiens, mais leurs excès et surtout l'ordonnance de réforme du 25 mai 1413 remirent les armes aux mains de leurs adversaires et le parti Armagnac devint maître dans Paris. Le duc de Bourgogne fut à son tour déclaré ennemi public et poursuivi par l'armée royale et les bandes des Armagnacs. Assiégé dans Arras, il demanda la paix, qui lui fût accordée à condition qu'il ne rentrerait pas dans Paris (Traité d'Arras, septembre 1414). Sur ces entrefaites le roi d'Angleterre, Henri V, déclara la guerre à la France, débarqua en Normandie; contre lui les deux partis se réunirent et lui livrèrent la funeste bataille d'Azincourt (25 octobre 1415). Bernard VII d'Armagnac fut nommé connétable à la place du comte de Saint-Pol, tué à la bataille, et se hâta de rentrer dans Paris, où il montra une grande activité pour organiser la défense. Jean-sans-Peur, au contraire, traita avec les Anglais.

Le 29 mai 1418, grâce à la trahison de Perrinet Leclerc, Paris fut livré au sire de l'Isle-Adam, l'un de ses partisans, et le 12 juin suivant les Armagnacs furent massacrés par la populace. Le comte Bernard VII fut l'une des victimes. Maître de Paris, Jean-sans-Peur entra en négociation avec les Anglais et se montra disposé à accueillir les prétentions du roi d'Angleterre au trône de France. Au contraire, les Armagnacs, ayant à leur tête le dauphin Charles, devinrent, à partir de ce moment, le parti national. Après le meurtre de Jean-sans-Peur à Montereau (10 septembre 1419), après le traité de Troyes (21 mai 1420), la résistance à l'étranger fut plus que jamais compliquée de guerre civile, Anglais et Bourguignons, contre Français et Armagnacs. Cela dura jusqu'à la paix d'Arras (21 septembre. 1435). Alors, dit Monstrelet, "ne fut plus nouvelle des Armagnacs ne de leur nom qui avait longuement duré".

Mais le chroniqueur se trompe : les bandes, pour lesquelles la guerre était devenue une industrie, ne voulurent pas cesser leurs sinistres exploits. Il se produisit alors une sorte d'alliance entre les compagnies jusque-là à la solde de la France, qui s'entendirent pour aller vivre sur les pays qui jusqu'alors avaient le moins souffert des maux de la guerre. En France, ces bandits furent depuis lors plus souvent nommés écorcheurs ou routiers (La Criminalité au Moyen Âge). Mais dans l'Est, et particulièrement dans les pays de langue allemande, on continua à les nommer Armagnacs (Erminaques). Ces bandes réunies constituaient une armée telle qu'aucun souverain d'Europe n'aurait pu alors en mettre sur pied; celui de leurs chefs qui aurait eu l'étoffe d'un conquérant aurait pu en tirer le plus grand parti; mais l'ambition d'aucun d'eux n'allait au delà du pillage. Ils s'épuisèrent peu à peu en petites expéditions; et, au bout d'une dizaine d'apnées, finirent par disparaître. (Y.).



Bertrand Schnerb, Armagnacs et Bourguignons
La maudite guerre - 1407-1435, Perrin, 2009.

Le conflit entre Armagnacs et Bourguignons, qui revêt d'abord la forme d'une querelle entre les deux princes les plus puissants de la cour de France et dégénère ensuite en une guerre civile, paraît difficilement compréhensible. Ses motifs semblent obscurs. Son déroulement est souvent masqué par les péripéties de la guerre de Cent Ans. En fait, ces événements constituent les signes extérieurs d'une des crises les plus profondes que l'Etat monarchique ait eu à surmonter au Moyen Age. Ce sont deux conceptions de l'Etat qui s'affrontent. Le royaume de France tout entier se partage en deux camps. Le personnage même de Jeanne d'Arc ne peut être évoqué en dehors de ce contexte de guerre civile dans lequel notre "héroïne nationale" a grandi et s'est forgé ses propres convictions. Bertrand Schnerb montre de manière saisissante ce qu'est une guerre à la fin du Moyen Age. L'ensemble constitue un tableau très éloquent de la France au début du XVe siècle. (couv.).

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