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La littérature hongroise
jusqu'en 1850
Dès le XIe siècle, la civilisation avait jeté, chez les Magyars, d'assez profondes racines pour qu'une littérature nationale pût se développer. Malheureusement, à la suite de l'établissement du christianisme en Hongrie, le latin fut substitué la langue populaire pour le culte; les procédures devant les tribunaux, la rédaction des documents authentiques et des actes légaux. Nous ne parlerons ni des écoles  et sociétés savantes, fondées et entretenues pendant plusieurs siècles par la munificence des souverains; ni des chroniques latines dont un grand nombre sont encore ensevelies en manuscrit dans les archives, et dont beaucoup d'autres ont péri au milieu des bouleversements politiques; ni des historiens Simon Von Réza, Calanus, Thomas Spalatensis, Rogerius, Jean de Kikellö, Laurent de Monacis, Bonfinius, Galeotus, Ranzanus, Tubéro, Vérantius, Ratkaï, Sambucus, Istvansi, etc.; ni des philosophes et mathématiciens Pierre de Dacie, Boscovich, Segner, Rauch, Micovinyi, etc.; ni des orateurs et des poètes, comme Janus Pannonius, Zalkan, François Hunyade, Dobner, Pallya, etc. Toute cette littérature, qui employait une langue étrangère à la plupart de la population, resta le partage exclusif d'une classe privilégiée.

La langue latine n'étouffa cependant pas complètement la langue hongroise; qui se conservait dans les relations de la vie commune, dans les camps, dans les fêtes domestiques ou populaires, dans les assemblées politiques. On a recueilli des fragments d'hymnes guerriers, de chants populaires et de sermons en hongrois. Les annales de la Hongrie parlent du Cantus jaculatorum et truffatorum. La préface du décret de Coloman dans le Corpus juris Hungariae porte qu'il a été traduit du hongrois, et on prétend que la Bulle d'or d'André II existe encore en original dans cette langue. Ce ne fut toutefois qu'au XIVe siècle, sous le gouvernement des princes de la maison d'Anjou, que la littérature nationale sortit pour quelque temps de son état de proscription et prit un plus libre essor. On rédigea en hongrois des actes publics et des lettres; de cette époque date la formule de serment en hongrois qui se lit encore dans le Corpus juris Hungariae. La Bibliothèque de Vienne possède un manuscrit de l'an 1382, renfermant une traduction de plusieurs livres de la Bible; essai qui fut suivi de traductions complètes par Ladislas Bathori en 1450 et par Bertalan en 1508. Dès 1465; Janus Pannonius composa une Grammaire hongroise, qui ne nous est pas parvenue.

Avec le XVIe siècle s'ouvre une période plus favorable pour la littérature hongroise : les mouvements politiques et religieux donnent aux esprits une vive impulsion. Bien que les princes de la maison de Habsbourg se soient efforcés de faire prédominer l'allemand, ou, à son défaut, le latin, Ferdinand Ier doit s'engager solennellement, en 1526, à respecter la langue et la nationalité des Magyars. Pour instruire le peuple, dans sa propre langue, des destinées de ses ancêtres, Székély, Temesvàri, Heltei, Bartha, Lisznyai, écrivent leurs Chroniques hongroises. Des traductions de la Bible sont publiées par Komjàti, Pesti, Sylvestre, Juhàsz, Félegyhazi, Karolyi, Molnàr, Kéldi, Komàromi, Totfalusi. Des orateurs éloquents se révélent : Gaal, Davidis, Kultsàr, Bornemisza, Telegdi et Detsi au XVIe siècle, Pazman Ketskemeti, Zvonaritz, Koptsanyi, Margitai au XVIIe. Dans la poésie sacrée se distinguent Batizi, Pétsi, Ujfalvi, Skaritzai, Fabricius, Fazékas, Gelei, Dajkà, Megyesi, etc. Jamais on ne composa plus de chants destinés à rappeler les exploits des héros nationaux, à raconter les vieilles histoires ou les vieux contes : parmi ceux qui brillèrent dans ce genre de littérature, on cite, Csàti, Tinodi, Kâkonyi, Tsanàdi, Vàlkai, Tsâktorny, Tserényi, Szegedi, Illesfalvi, Sztary, Balassa, Illisvai, Verès, Enyedi, Szöllösi, etc. La poésie épique prend aussi un grand essor avec le comte Niklas Zrinyi, Ladislas Liszti, Christophe Paskö, le comte Étienne Kohary, et Etienne de Gyöngyösi. Dans la poésie lyrique, Rimai et Benitzky se sont fait un nom célèbre. On publie une foule de Grammaires, de Dictionnaires et d'autres ouvrages de philologie.

Cette littérature hongroise, si pleine de sève, si vigoureuse dans ses développements, fut étouffée au XVIIIe siècle par les princes autrichiens, parce que la langue nationale était considérée comme la source des hérésies et des révoltes, et le latin redevint plus florissant que jamais. Toutefois, le hongrois fut encore employé dans la poésie par Faludi, Bessenyei, Paul Anyos, Kàlmar, Bàrotzi, Révai, etc. Mais les efforts de Joseph Il pour abolir la Constitution hongroise et pour imposer l'allemand comme langue des affaires publiques amenèrent une réaction violente. En 1781 Mathieu Ràth publia le premier journal en langue hongroise. En 1790, après la mort de Joseph II, la Diète hongroise rendit l'étude de cette langue obligatoire dans les écoles, et en prescrivit l'emploi dans tous les actes publics, politiques et judiciaires; des théâtres hongrois s'ouvrirent à Ofen et à Pesth ; on fonda des revues purement littéraires. Cette nouvelle période, qui commença à la fin du XVIIIe siècle, a été féconde. Dans la poésie on remarque Joseph Rajinis, Gabriel Dayka, Kasinczy, Verseghi, Csokonai, Viràg, Jean Kis, Berszenyi, Kisfaludy, Paul Szemere, Ràday, Szeutzobi, Kölesey, Witkovics, Szent-Miklosy, André Horvàth, Erdélyi, Kerényi, Lisznyai, Jean Arany, et surtout Czuzcor, Vörösmarty et Petoefi. Parmi les prosateurs nous citerons : le baron Josika, qui a pris pour modèle Walter Scott dans ses romans; les romanciers Kuthy Nagy Pàlfy, Tompa, Dobsza; les historiens Étienne et Michel Horvàth, Szalay, Jaszay; les géographes Fényes et Palugyai; les auteurs dramatiques Coetvoes, Obernyik, Gàl, Czako, Ladislas Teleki, Szigligeti. (B.).

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