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Les Touareg
Les Touareg (au singulier Targui, féminin Targuiya) sont une population berbère du Sahara central, qui conserve encore aujourd'hui largement ses modes de vie traditionnels, principalement nomades. Quelques lettrés font dériver ce nom de la racine taraka, être abandonné (de Dieu); d'autres de tharaga, faire une incursion de nuit; mais, dans le premier cas, il faudrait écrire Touarek, et dans le second, Thouareq ou Thouareg. Il est plus probable que ce nom est celui d'une ancienne tribu de voilés, les Targa, cités par Ibn Khaldoun comme habitant, de son temps, au delà du Sahara tunisien, et que l'on a étendu à tous les porteurs de voile. Les anciens historiens arabes désignent ces Berbères sous les noms de Mouletteminn et de Ahel el litham (les voilés et les gens du voile); eux-mêmes s'appellent Imoucharh, au singulier, Amacherh, nom national des Berbères

La société traditionnelle des Touareg.
Au cours de l'histoire, on les trouve regroupés en quatre confédérations ayant chacune pour centre un massif montagneux, abri de ses troupeaux et de ses tentes, et d'où ils rayonnent dans le désert et sur les routes qui mènent aux pays on ils se ravitaillent Touât au Nord-Ouest, Ghadamès et Ghat au Nord-Est, Tombouctou au Sud-Ouest, Zinder au Sud-Est. Les Touareg du Nord, les moins nombreux parce qu'ils n'accèdent qu'aux oasis et non comme ceux du Sud aux fertiles terres légères du Sahel, sont répartis entre les confédérations des Azdjer (Azgar) à l'Est, du Hoggar (Ahaggar) à l'Ouest. Les Azdjer, commerçant avec Ghat et Ghadamès, ont une certaine tendance à se fixer; ils possèdent un faubourg de Ghadamès, la seule zaouia touareg à Temassinin, quelques-uns se sont établis au Fezzan et à Ghat. Ils ont un cheikh héréditaire, l'amrhar. La famille des Imanàn a à sa tête l'amenokal, suzerain nominal de tous les Touareg du Nord; son pouvoir a été abattu il y a environ trois siècles avec le concours de la tribu des Aouraghen, et les deux confédérations sont morcelées en tribus qui, de fait, sont autonomes. Ces tribus sont, les unes nobles (ihaggaren), les autres serves (imrhad); il faut ajouter à coté des nobles les tribus maraboutiques et certaines tribus mixtes. Chez les Azdjer, les tribus nobles sont les Imanan, anciens chefs religieux et politiques, les Aouraghen, issus des Awrigha, tribu berbère refoulée du littoral dans le désert par les Arabes et qui a peut-être donné son nom à l'Afrique; les Imanrhasaten, les Kel-Izhabân, les Imettrilalen et les Ihaddaren; les tribus maraboutiques sont les Ifoghas et les lhehaouen. 

Les Hoggar, divisés des Azdjer par la dépression de l'Igharghar ne comprennent que des tribus nobles et des serfs; ils sont très morcelés; leur centre est, dans le massif Hoggar, la région d'Idelès; ils furent les plus hostiles à la colonisation française. A l'Ouest, il s'est détaché de leur confédération un groupe établi dans le massif de l'Ahenet et formé de la tribu des Taïtoq, de celle des Tedjeké Nousidi et de dix-neuf tribus serves ou alliées; ils nomadisent au Sud jusqu'à Taodeni et au Sahel; les Azdjer et Hoggar ne dépassent guère au Sud-Est Asiou, qui forme, avec le point plus occidental de Timissao, la limite coutumière entre eux et les Touareg du Sud. 

Ceux-ci sont beaucoup plus nombreux. Les Keloui sont à l'Est, les Aouelimmiden à l'Ouest. Les Keloui vivent dans l'oasis d'Aïr et se rattachent aux Aouraghen; ils sont presque sédentaires, habitent des petites cabanes rondes en pierres brutes, couvertes en chaume, et non des tentes; ils ont enlevé l'oasis aux Noirs et se sont métissés avec eux. Au Sud de l'Aïr est le groupe des Kel-Guérès et des Itissan, tribus refoulées par les Keloui (ce sont des cavaliers, à la différence des Touareg précédents qui ne montent guère qu'à dos de chameau). Les Aouelimmiden, dont la forteresse naturelle est le massif de l'Adrar oriental, ont été les plus puissants des Touareg, ils étaient maîtres de tout le coude du Niger et s'étendaient bien au Sud du fleuve, lorsque les Français ont conquis ces régions (La conquêtre française du Soudan). On les rattache à la grande nation berbère des Lemta; venus de l'Ouest, ils auraient refoulé les Tademekkés et abattu le Royaume songhaï. Ils sont sous l'influence maraboutique des Bekkaya de Tombouctou, se divisent en nobles et imrhad et vivent traditionnellement sous la tente.

Les Touareg, nominalement musulmans, ne jeûnent pas, ne font pas les ablutions régulières, ne saignent pas les animaux. La nourriture est le lait et la viande des troupeaux de moutons et de chameaux. Ils circulent à dos de chameau.

Ils ont pour costume, une culotte arabe recouverte d'une longue blouse bleue ou noire (blanche chez quelques tribus), serrée autour du corps par une ceinture de laine et, pour chaussures, des sandales fixées par des lanières. Ils ont pour coiffure une calotte rouge entourée d'un turban bleu foncé ou noir, dont un bout est ramené de façon à voiler la figure, ne laissant apercevoir que les yeux; ce voile ou litham est caractéristique; il abrite les voies respiratoires du sable. La mode est d'avoir la moustache longue et la tête rasée. 

Les femmes sont très libres, et la filiation se définit par la ligne maternelle. Elles ne sont pas voilées comme les hommes; elles se teignent le visage et les autres parties du corps avec de l'indigo; elles sont vêtues d'une langue robe bleue ou rouge recouvrant une culotte arabe; une mantille leur couvre la tête et les épaules. Tandis que les hommes sont élevés dans une ignorance absolue, les femmes apprennent à leurs filles à lire et à écrire.

La langue des Touareg est le tamachek, celle des langues berbères, qui est demeurée la moins marquée par la présence d'éléments venus de  l'arabe. Ils ont une écriture, le tifznarh (singulier tafanek = lettre) qui se retrouve sur des inscriptions rupestres et de nombreux monuments du Nord de l'Afrique ; on la rapproche des alphabets punique et himyarite (Les langues afrasiennes).

Histoire.
L'histoire des Berbères sahariens est mal connue. Les documents fournis par les écrivains antiques ne permettent pas de rattacher clairement aux peuples actuels ceux qu'ils mentionnent dans le désert Libyque, Garamantes, Ethiopiens blancs, etc. Les Touareg descendent principalement de tribus berbères refoulées dans le désert par la grande invasion arabe hillalienne du XIe siècle; auparavant, les Targa habitaient le Maghreb et la région de Sidjilmessa, au Sud de l'Atlas marocain. Ibn Khaldoun, au XIVe siècle, les place dans le désert au Sud de la Tunisie; les Lemta, plus à l'Ouest, au Sud des Riah du Zab; puis les Messoufa, les Lemtouna, au Sud du Sahara marocain, et enfin les Gueddata, les plus occident aux des Berbères du désert, guerriers voilés du litham. Au XVIe siècle, Léon l'Africain énumère, d'Est en Ouest : les Berdoa (auj. tribu du Tibesti), entre Aoudjelah et le Bornou; les Lemta, entre la route du Fezzan à Kano et les oasis de Ghadamès et Ouargla; les Targa, entre l'Aïr, le M'zab et le Touât; les Zouenziga, de l'Aïr à Tombouctou; enfin les Sanhadja, au Nord-Ouest de Tombouctou; ceux-ci se sont fondus avec les Maures du Sahara occidental, comme les Berdoa avec les Toubous; les trois autres tribus correspondent aux Touareg actuels. 

Tandis que ceux du Nord ont guerroyé par petites bandes contre leurs voisins arabes. les Chaamba, ceux du Sud ont, avec plus de succès, combattu les Noirs et peuples mixtes du Sahel. Les Touareg sont entrés en relations avec la France après la conquête de l'Algérie. Henri Duveyrier vécut parmi les Azdjer en 1861, et le 26 novembre 1862 fut signé un traité de commerce à Ghadamès entre le commandant Mircher et deux cheikhs des Azdjer; mais ce traité demeura lettre morte, quoique les Azdjer aient été moins ouvertement hostiles à la France que les Hoggar. L'assassinat des explorateurs Dournaux-Duperré et Joubert en 1874, de la grande mission Flatters en 1880, des Pères Richard et Kermabon en 1881, de Morès en 1896, a démontré la vanité des missions pacifiques; en revanche, Foureau et Lamy, bien escortés, ont traversé le territoire des Touareg et leur ont infligé un rude échec (1899). 

L'occupation du Touât et du Tidikelt, en livrant à la France les centres de ravitaillement des Hoggar, la mort des Badjourda, instigateurs du massacre de Flatters, ont préparé la subordination des Touareg du Nord. Les Touareg du Sud, qui avaient exterminé l'état-major du colonel Bonnier aux portes de Tombouctou, subirent de sanglantes défaites et furent contraints d'acceptere la prépondérance française. 

Grands sacrifiés de la décolonisation, les Touareg, au nombre de 1,25 million, se sont trouvés répartis, à partir des années 1960, entre plusieurs Etats (Niger, Mali, Algérie, Libye, Burkina). Ils n'ont pas abandonné depuis leurs revendications d'autonomie ou d'indépendance, à l'origine de troubles et de violences qui persistent encore aujourd'hui. (A.-M. B.).

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