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Le
royaume
de Bornou (capitale : Koûka, sur la rive
Ouest du lac Tchad), a longtemps été un État puissant. Héritier
du royaume de Kanem, fondé par une dynastie toubou
au XIe
siècle, il apparaît vers le
XVIe siècle
et sera, par sa position géographique, à la fois un pivot des échanges
économiques dans le Soudan central (Les
Pays tchadiens),
et l'une des portes d'entrée de l'Islam en Afrique Noire. Exploré
par les Européens seulement au XIXe
siècle, qui le démantèleront au tout
début du XXe
siècle, il sera décrit comme un vaste
territoire compris à peu près entre le 11° et le 15° de latitude Nord,
et entre 7° 30' et 14° de longitude Est. Borné à l'Est par le lac Tchad
et le cours du Chari, qui le séparent du Ouadaï et du Baguirmi; mais
partout ailleurs avec des limites assez mal déterminées.
Au Sud, vers l'Adamaoua, le Bornou entretient des guerres continuelles, et l'autorité du cheikh y est très contestée; à l'Ouest, la frontière du côté de l'empire de Sokoto est une ligne sinueuse allant du Sud-Est au Nord-Ouest, et qui peut varier d'un instant à l'autre selon les guerres et les circonstances locales; enfin, au Nord le Bornou confine au Damerghou et au Kanem, qu'il a fini par absorber, tout comme l'ancien royaume Mandélé. De ce côté les incursions des Touareg, celles des Ouled-Sliman, et aussi les entreprises du sultan du Ouadaï ont rendu tout à fait illusoire la souveraineté du cheikh de Bornou sur le Kanem et même sur le Damerghou. On lui donnait une population de l'ordre de 5 000 000 d'habitants, soit environ 38 hab/km², densité très forte pour une contrée africaine de grande surface. Dates -clés : 930 - Ibn Hauçal mentionne les Sao (Sô) du lac Tchad. |
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A
la découverte d'un empire
Les voyageurs
et leurs récits.
Les populations
du Bornou.
A côté des Kanouris, les explorateurs ont noté de nombreux groupes de population qui ont conservé leur unité, leur langue et leurs moeurs particulières, qui ne se sont pas fondus et mélangés; ce sont : les Makaris ou Kotoko, dans le Longue et Loogon de Kotoko, les Keribina, dans la même région, forestiers et chasseurs, méprisés de leurs voisins, et, quoique musulmans, mangeant le cochon et le sanglier; les Ilousgou, au Sud des précédents, païens, vêtus seulement d'un tablier de cuir, tuant leurs prisonniers, mais plus beaux de forme et plus élancés que leurs voisins; les Gamergou et les Mandara, islamisés, sur le versant Nord des montagnes du Bornou méridional. Un autre groupe, un peu à l'Ouest du groupe Makari, est celui des Marghis et Babir, en partie seulement convertis à l'Islam, vivant dans des buttes isolées au milieu des grandes forets et considérés par leurs voisins comme des barbares. D'après Barth, ils parleraient une langue qui n'a de lointaines analogies qu'avec celle des Mousgou. A l'Ouest du Bornou est un troisième groupe qui comprend les Fika, les Kerrikerri, les Beddé, entamés peu à peu par l'Islam, et les Mangas qui parlent le kanouri, et un idiome à part, semblable à celui des Beddé, population haute de taille, ayant pour tout vêtement un tablier de peau, et portant, en sus de l'arc, une petite hache de combat à l'épaule. On peut compter comme formant un quatrième groupe, les Kanembou, Goyam et Toubou, au Nord. A ces groupes il
faut ajouter, des Haoussa dans les provinces de Genremet et de Zinder,
des Peul dans celle de Mounio, des Touareg,
à la frontière Nord, des Yeddima ou Bouddouma, insulaires du lac Tchad,
païens et pirates, et enfin des Arabes répandus un peu partout. De ceux-ci
il est venu un grand nombre, marchands on aventuriers, de toutes les parties
de l'Afrique, qui se sont établis çà et là parmi les autres populations.
Une centaine de mille de personnes d'origine arabe, venus plusieurs générations
plus tôt, se sont maintenus à l'époque des explorations du XIXe
siècle presque intacts en groupes répartis
dans le voisinage du Ouaddaï, de l'Adamaoua, et même au centre du Bornou,
sous le nom de Chouas (pasteurs). Ils mènent la vie pastorale, se livrent
à l'élevage des chevaux ou des boeufs, car ils ont renoncé au chameau,
et quelquefois même labourent le sol; ils parlent l'arabe avec
Dès cette époque, l'élément Kanouri, de beaucoup le plus important, tend à s'augmenter continuellement, par le fait que tous ceux des païens qui embrassent l'Islam, apprennent le kanouri bien plus que l'arabe; le kanouri est pour eux le signe d'une civilisation supérieure; il est la langue officielle, et l'arabe, qui avait autrefois ce titre, n'est plus admis à la cour; le nombre de ceux qui le parlent ou l'entendent va chaque jour diminuant, en dépit de la religion. Celle-ci au contraire fait chaque jour de nouveaux adeptes, et les populations diverses, serrées entre les Haoussa à l'Ouest, les Kanouri à l'Est, tous fervents musulmans. |
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Du
Kanem à la colonisation
L'histoire du Bornou est riche en événements dramatiques, est connue dans ses traits essentiels depuis la découverte faite par Barth de deux fragments de chronique, dont l'une anonyme et l'autre écrite au milieu du XVIIe siècle par le secrétaire d'État du roi Idris Amsani; Nachtigal a aussi trouvé une liste des rois du Bornou qui va jusqu'en 1810, mais qui est malheureusement incomplète. Selon cette documentation, le Bornou était au XIIe siècle habité par des tribus sauvages parmi lesquelles les puissants Sô (ou Sao), population signalée par Ibn Haoukal dès 930 et dont la légende fait de véritables géants; il fut envahi par le roi musulman du Kanem, Doumana (1097-1150). Le Kanem était un royaume des Dazas l'une des fractions des Toubous, originaires du Nord du lac Tchad. Deux siècles durant, il y eut des luttes terribles entre les aborigènes et les Kanembous envahisseurs; les premiers disparurent de l'histoire, soit anéantis par les armes, soit par la fusion avec les conquérants; on pense que les Bouddouma du lac Tchad, peut-être aussi les Keridina et les Beddé sont les derniers survivants de la population Sô. Au milieu du XIVe siècle, après une longue période de dissensions internes et externes (querelles dynastiques, rivalités de clans, voisinages belliqueux, etc.), un de ces rois du Kanem, maîtres du Bornou, fut chassé de sa résidence Kanemboue par la tribu des Boulala (Bulala); il émigra dans ses nouvelles possessions déjà bien soumises, à l'exception peut-être encore des Sô, toujours présents dans cette région) l'ouest du Tchad, et il y eut dès lors un royaume de Bornou; il est mentionné par Ibn Batoutah en 1353. Le Bornou gagna rapidement en puissance, et commença à s'agrandir au détriment de leur voisins septentrionaux de l'Aïr, ou des Haoussa, à l'ouest. Au XVIe siècle, un de ses rois fut même en mesure reprendre l'offensive contre les Boulala, reconquérir le berceau de la puissance de ses ancêtres et faire du Kanem une des provinces de son empire. Cet Ali Ben Doumana, puis son fils Idris Ben AIi, les gloires nationales du Bornou, soumirent les Touaregs, le Fezzan, les pays à l'Ouest jusqu'au Niger et attaquèrent les populations païennes du sud, Marghi, Mandara, etc. Idris Ben-Ali (1571-1603, selon Barth, 1563-1614, suivant la liste recueillie par Nachtigal), est le premier des souverains du pays auquel les listes donnent le nom de sultan au lieu de celui de maïma (= prince). Mais ces personnages eurent des successeurs peu dignes d'eux; leur royaume pendant deux siècles ne fit que décliner et il allait tomber sous les coups des Peul, engagés dans la guerre sainte (jihad) depuis 1805, qui avaient envahi les provinces occidentales, quand le fakir Mohammed el-Kanemi s'éleva du milieu des Kanembous et, avec l'aide de ses compatriotes et des Arabes, repoussa les conquérants. La reconnaissance nationale fit de lui le vrai maître du Bornou. Avec le simple titre de cheikh, il régna à Ngornou, ne laissant au sultan qui avait sa résidence dans la vieille capitale, Birni ou Ksar Eggomo, que les honneurs d'une vaine royauté. Vers 1816,
Mohammed fonda un peu à l'Ouest du lac Tchad la ville de Kouka
(ou Koukaoua, la ville aux koukas = aux baobabs),
qui fut depuis lors la vraie capitale du pays, et lutta avec succès contre
ses nombreux ennemis du dedans et du dehors. Son fils, Omar, lui succéda
en 1835,
fut d'abord heureux contre les Peul, et dans ses entreprises sur le Baghirmi,
mais vit ensuite ses états envahis par le roi du Ouaddaï, d'accord avec
le souverain nominal du Bornou, de la dynastie des Dounama; il dut même
céder la place à ce dernier; mais il reprit bientôt le pouvoir et comme
le dernier prince de la famille régnante était mort en combattant, il
réunit le titre de sultan à celui de cheikh. Tombé de nouveau du trône,
après une émeute dirigée par son frère Abd-er-Rhaman, en 1850,
il y remonta bientôt et acquit une grande réputation de justice, de bienveillance
et de libéralité. On ne lui reprocha qu'un peu d'indolence et de faiblesse,
qui laissa impunies les intrigues du dedans, les émeutes des vassaux,
les incursions des Touaregs et des Ouled-Sliman, les usurpations du roi
du Ouaddaï.
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Les
rouages de l'empire au XIXe siècle
Au moment où les voyageurs européens visitent le Bornou, au XIXe siècle, ils découvrent un empire à l'organisation complexe. Il se compose de provinces ou d'États vassaux, dans des conditions très diverses de dépendance, et Rohlfs le compare fort justement à l'ancienne Allemagne; bien des districts sont presque entièrement autonomes. D'autre part, même dans les provinces les mieux soumises, il y a deux divisions : l'ancienne, établie par la dynastie des Dounama, qui tient à de vieux souvenirs et qui vit encore dans l'esprit du peuple, dans le langage courant; la nouvelle, introduite par les cheikhs, mais qui n'a pas encore complètement fait disparaître toutes traces de la précédente. Qu'on ajoute à cela le singulier enchevêtrement des populations d'origines diverses, dont les unes sont gouvernées par des princes héréditaires, les autres, comme les Choua, par des cheikhs spéciaux, on comprendra combien il est difficile d'identifier pour le Bornou, l'état politique exact des diverses parties. Voici, du moins, ce qui paraît ressortir des témoignages des voyageurs. Les divisions
politiques.
1° le Logoné, traversé par le fleuve du même nom ou Serhevel, affluent du Chari, dont le sultan paie seulement un tribut, et a pour le reste un pouvoir presque absolu; capitale : Karnak-Logon (15 000 habitants, d'après Denham); villes principales : Koussouri, Alph ou Elf, Kala-Kafra (4 500 habitants d'après Nachtigal), Djoumna, Vasa, Sengeri;On voit que la frontière méridionale et occidentale presque tout entière est alors habitée par des populations qui ne relèvent pas directement du sultan du Bornou; en dedans de cette ligne on trouve une série de provinces, soumises depuis peu, dont les gouverneurs jouissent encore d'attributions très étendues et sont presque des grands vassaux. Ce sont, de l'Est à l'Ouest : 1° le Kotoko, habité par les Makari; capitale : Afadé; autre grande ville : Ngalo (7 000 hab.). A l'époque de Rohlfs, le sultan de Kotoko était encore assez indépendant,Toutes ces provinces de l'Ouest sont devenues d'autant plus facilement soumises que le dialecte kanouri y est partout compris, et qu'il y a les mêmes éléments de population qu'au centre de l'empire. Dans le Bornou proprement dit, noyau de l'empire, nous mentionnerons les provinces de Karagoaro, voisine de celle de Goudjba, avec un chef-lieu du même nom, d'Alargeh, (chef-lieu du même nom), de Kojam, dont la population très dense est répartie en un très grand nombre de petites villes, parmi lesquelles : Ouodoma, Benna, Koulougou, etc., de Ngomata, avec Ngomou pour chef-lieu (20 000 habitants), de Kouka (Kuka), avec la capitale de l'empire, ville d'une centaine de milliers d'habitants; de Ngouroutoua, plus au Nord, de Kasela, la plus septentrionale avec Baroua (1 500 habitants), Ngiguri (1 500 habitants), etc. La forme du pouvoir.
Enfin, chacun des ministres a l'administration de certaines provinces. Quant aux gouverneurs des provinces, ils ont des droits très variables; les uns n'ont qu'une autorité restreinte et précaire, d'autres ne payent qu'un tribut en armes et en esclaves, et ont une autorité très étendue; seulement ils ne peuvent pas condamner à mort, ni faire des razzias d'esclaves pour leur compte; ces droits sont réservés aux sultans grands vassaux. La force armée régulière dont disposait le cheikh Omar, est évaluée par Nachtigal à 7 000 soldats, dont un millier armés de fusils, et un millier de cuirassiers ; une vingtaine de canons, fondus à Kouka même, composent l'artillerie. L'économie et
le commerce.
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