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Histoire de l'Europe > L'Espagne |
L'Espagne au XXe siècle |
La
guerre perdue en 1898
par l'Espagne
contre les États-Unis
n'eut pas seulement pour résultat de lui faire perdre ses dernières
colonies (à l'exception de ses possessions africaines) : elle eut
encore une répercussion profonde sur la situation intérieure
du pays. Le ministère libéral de Sagasta, au pouvoir depuis
octobre 1897,
estimant sans doute qu'il avait subi une défaite morale, paraissait
n'attendre qu'une occasion de se retirer; il tomba, le 1er
mars
1899
, à la suite de l'attitude peu favorable du Sénat dans la
question de la cession des Philippines aux États-Unis. Il fut remplacé
par un ministère conservateur, présidé par Silvela.
Le ministère Sagasta avait, par un traité signé le
12 février 1899,
vendu à l'Allemagne
les îles Carolines, Mariannes et Palaos. qui, après la perte
par l'Espagne du reste de son domaine colonial, ne lui étaient plus
d'aucune utilité. Le nouveau ministère fit ratifier ce traité
par les Cortès. A l'intérieur, il eut à réorganiser
les finances. Mais, au lieu d'économies, le ministre des finances
Villaverde proposa de nouveaux impôts. A la suite de divers
remaniements, en avril 1900,
le cabinet, de conservateur ultra qu'il était, devint conservateur
modéré. A ce moment se produisirent des menées carlistes,
auxquelles s'ajoutèrent des manifestations démocratiques.
Madrid
et plusieurs autres grandes villes furent déclarées en état
de siège.
Les libéraux revinrent au pouvoir et un ministère Sagasta fut constitué le 6 mars 1901. Les causes du malaise, dont l'effervescence populaire avait été le signe, étaient le conflit entre les catholiques et les protestants et libres penseurs, le mauvais état des finances et l'agitation régionaliste. Le 17 mai 1902, le roi d'Espagne Alphonse XIII, ayant atteint sa majorité de seize ans, prêta serment à la constitution devant les Cortès et prit possession effective du pouvoir suprême que sa mère exerçait à titre de régente. Le jeune roi maintint au pouvoir le ministère Sagasta, mais de nouveau celui-ci se disloqua. Le 3 décembre, Sagasta donna irrévocablement sa démission, et la chute du vieux chef libéral, suivie bientôt de sa mort, marqua en réalité la fin de son parti, dont les membres étaient dispersés en deux ou trois groupes qu'il devenait difficile de réunir.
Un nouveau ministère
fut constitué, le 5 décembre, sous la présidence de
Maura. Il déclara aux Chambres que son programme serait conforme
au discours du trône et qu' il s'efforcerait de faire voter immédiatement
le budget. En même temps. il reprit les projets de réorganisation
de la marine élaborés par le cabinet Silvela et. le 27 février
1904, il obtint de la Chambre le vote des crédits extraordinaires
pour la guerre et la marine. Malgré l'agitation qui régnait
dans certaines provinces. A l'extérieur, le ministère Maura
fit aboutir les négociations avec la France
au sujet du Maroc
et, le 6 octobre 1904, une déclaration franco-espagnole fut signée
à Paris. Mais une crise ministérielle
se produisit en décembre, par suite du désaccord des ministres
au sujet des réformes militaires. Plusieurs autres cabinets furent
nommés dans les années qui suivirent, mais Maura était
de nouveau aux affaires quand de nouveaux mouvements sociaux se produisirent
à Barcelone en juillet 1909. Maura
fait fusiller Francisco Ferrer Guardia, le leader du mouvement anticlérical,
mais ne parvient pas à juguler les effervescences. Ses successeurs
montreront la même impuissance devant les troubles qui vont se poursuivre
jusqu'au lendemain de la Première Guerre
mondiale.
Le maréchal Pétain et le général Primo de Rivera en tournée au Maroc. L'Espagne, restée neutre pendant le conflit, en recueille néanmoins les échos. Le pays se coupe en deux, entre partisans et adversaires de l'Allemagne, le succès de la révolution soviétique ajoute également à l'ardeur de l'agitation sociale. En 1921, l'Espagne connaît au Maroc (Guerre du Rif) un important revers qui discrédite gravement la monarchie et accroît encore l'instabilité intérieure. Il va bientôt résulter de tout cela un coup de force : le 13 septembre 1923, le général Primo de Ribera s'empare du pouvoir, avec le soutien du roi Alphonse XIII et des classes dirigeantes. Primo de Ribera impose une dictature dont l'action, tant économique que sociale, rappelle celle que vers la même époque dans Italie mussolinienne sera désignée sous le nom de fascisme. Ce gouvernement, que l'on va pouvoir qualifier de fasciste, se trouve en peu de temps enlisé dans les scandales financiers et débordé par les revendications autonomistes qui s'expriment en Catalogne et au Pays Basque. Le dictateur devra se retirer en janvier 1930, pour céder la place au général Berenguer, héros de la guerre du Rif, qui tente de poursuivre une même politique. Mais le 12 avril de l'année suivante, les élections municipales voient triompher la gauche, et le roi doit se résoudre à abdiquer. La République est proclamée. La IIe
République et la Guerre civile.
Un radical, Lerroux, devient premier ministre. Il se trouve confronté à des soulèvements révolutionnaires en Catalogne et dans les Asturies. En Catalogne, Companys essaie (sans succès) de proclamer l'indépendance; dans les Asturies, une insurrection ouvrière, menée par une entente de socialistes et d'anarchistes, tient le pays minier pendant deux semaines, en octobre 1934, et sera réprimée par le général Francisco Franco Bahamonde, aidé par les régiments marocains du général Lopez Ochoa. Après une série de scandales financiers et de moeurs, le gouvernement de Lerroux, aborde les élections de février 1936 dans des conditions très défavorables, malgré une loi électorale taillée sur mesure pour une victoire de la droite. Le « Frente popular », dans lequel dominent les forces d'extrême-gauche, sort victorieux des urnes. Le nouveau président de la république est désormais Azaña et son premier ministre est Casares Quiroga. Le gouvernement, auquel ne participent pas les socialistes, entreprend de reprendre les réformes à marches forcées, mais très rapidement les complots d'extrême-droite se multiplient. On écarte bien quelques généraux (Sanjurjo, Goded ou encore Franco, qui est envoyé aux Canaries), mais l'assassinat à l'occasion d'une sorte de vendetta, le 12 juillet 1936, de Calvo Sotelo, chef de la droite, met le feu aux poudres. Les généraux mis à l'écart commandent, le 18 juillet, le soulèvement des forces armées. Le général Mola, gouverneur militaire de Pampelune, prend la tête du soulèvement; Goded, Sanjurjo (qui meurt peu de temps après) et Franco, s'appuie sur les troupes stationnées au Maroc pour lancer leur offensive. Une partie de l'armée reste cependant fidèle à la République, ainsi qu'une grande partie de la population, surtout dans les régions industrielles. La Guerre civile est inévitable. La Guerre civile
va durer trois ans. Dès le 1er octobre
1936, Franco devient le chef suprême (généralissime)
des troupes nationalistes (devenues dès lors troupes franquistes).
Celles-ci contrôlent rapidement une grande portion du territoire.
Ils bénéficient d'appuis solides dans les populations des
zones rurales, ainsi que du soutien de l'Église (sauf au Pays Basque).
C'est en fait un ensemble assez composite qui se range sous la bannière
franquiste, mais dont le ciment (très solide) est la peur que lui
inspire l'anticléricalisme des Républicains. Ces derniers,
quant à eux, parviennent à se maintenir dans le Nord-Est
(en Catalogne,
notamment), au Pays Basque et dans les Asturies,
ainsi que dans la région de Madrid
à la côte valencienne Mais, au contraire de leurs adversaires,
ils sont divisées. Les anarchistes veulent la révolution
tout de suite, les communistes, qui vont chercher l'appui de Moscou,
souhaitent d'abord gagner la guerre. Mais les forces vont vite apparaître
inégales.
Guernica, le tableau peint par Picasso au lendemain du bombardement de la ville basque. Les franquistes bénéficient du soutien massif des troupes (70 000 hommes) que leur envoie Mussolini, et celui de la Légion Condor, qu'envoie Hitler, et qui se signalera notamment par le bombardement aérien, le 26 avril 1937, des populations civiles du village Guernica, symbole des libertés basques (plusieurs centaines de morts). Salazar, pour sa part, permet que le Portugal serve de base arrière aux armées franquistes. Les Républicains, eux, ne peuvent pas même compter sur le soutien des démocraties occidentales. Le Royaume-Uni reste très méfiant à leur égard et, si la France du Front Populaire prend bien fait et cause pour eux, l'aide apportée reste modeste. Seule l'Union soviétique de Staline accepte de leur vendre des armes, et c'est aussi elle, via le Komintern, qui organise l'envoi en Espagne de volontaires, les Brigades internationales. C'est une petite force d'appoint qui jouera un rôle dans la bataille de Madrid, mais qui se signale surtout par la présence en son sein d'intellectuels antifascistes, tels que Ernest Heminguay, André Malraux, etc. Barcelone tombera finalement au mains des franquistes le 25 janvier 1939, Madrid, le 29 mars suivant et Valence le lendemain. En quelques jours, près de 500 000 personnes - civils et militaires républicains - cherchent asile en France où elles sont parquées dans des camps (dans les années suivantes, beaucoup de ces réfugiés poursuivront leur combat anti-fasciste en rejoignant la Résistance dans les maquis du Sud-Ouest). La Guerre d'Espagne, déclenchée le 18 juillet 1936 se termine officiellement le 1er avril 1939. Elle aura fait entre 285 000 et plus d'un million de morts (des chiffres encore aujourd'hui sujets à polémique). Sans compter les quelques dizaines (et peut-être centaines) de milliers d'exécutions qui ont ensanglanté les années 1939-1944, pendant lesquelles Franco, se tenant habilement à l'écart de la Seconde Guerre mondiale (sauf pour ce qui concerne l'envoi de volontaires, la Division Azul, sur le Front Russe au côté des Allemands), installe sa dictature. L'ère franquiste.
Malgré la répression (ou à cause d'elle), le régime franquiste n'a pas pu empêcher la manifestation sporadique de mouvements sociaux : agitations dans les universités dès 1956, puis grèves dans les Asturies, en Catalogne et au Pays Basque, dans les années 1960. C'est encore au Pays Basque qu'apparaît une opposition au régime encore plus radicale dans ses manifestations : elle s'exprime par la voix et l'action d'une organisation séparatiste, fondée en 1959, connue sous le nom d'Euzkadi ta Askatasuna (ETA), « Patrie Basque et liberté ». Les fait d'armes le plus important de l'ETA est l'assassinat à Madrid, en décembre 1973, du numéro deux du régime, l'amiral Luis Carrero Blanco. Mais à cette époque le règne du vieux dictateur approche de son terme. Franco meurt le 20 novembre 1975, et deux jours plus tard, son successeur désigné, le roi Juan Carlos Ier, monte sur le trône. La démocratie.
En moins de trois ans, tous les éléments fondateurs de la jeune démocratie était donc en place. Mais sa viabilité était encore à prouver. Les élections de juin 1977 avait donné la majorité à l'UCD (Partido del centro democratico) d'Adolfo Suarez, un parti de droite forgé dans le creuset franquiste. Le 23 février 1981, l'irruption armée au parlement d'un officier de la garde civile, le lieutenant-colonel Antonio Tejero, fait croire à l'imminence d'un coup d'État militaire; des troupes s'apprêtent à marcher sur Madrid, quand le roi, en uniforme de chef des armées, en appelle à la télévision au retour de la légalité. Les soldats acceptent de retourner dans leurs casernes. |
du 23 février 1981. (document AP.) |
Intervention télévisée de Juan Carlos (TVE). |
Peu
de temps après, Juan Carlos nomme comme premier ministre Leopoldo
Calvo Sotelo Bustelo, qui continue l'oeuvre de démocratisation du
Suarez. Une autre tentative de putsch d'extrême droite est étouffée
dans l'oeuf en 1982. L'UCD sera finalement balayée par la victoire
du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol) de 1982, qui porte à
la présidence du cabinet Felipe González Márquez.
Cette alternance sans accroc était - si l'on excepte le problème
du terrorisme basque - la dernière grande épreuve à
laquelle devait se confronter les nouvelles institutions.
Le gouvernement socialiste de Felipe González s'est longtemps confronté à une crise économique grave. L'euphorie qui avait accompagné le rétablissement des libertés, et s'était notamment exprimée par cette effervescence culturelle appelée la Movida, s'était bien essoufflé. Le chômage a atteint un taux de 20%; la peseta a dû être dévaluée, et l'entrée de l'Espagne dans la CEE, en 1986, n'a pas immédiatement porté ses fruits. Mais le temps aidant, et la tenue, en 1992 (année du 500e anniversaire de la découverte de l'Amérique par Colomb) des jeux olympiques d'été à Barcelone et, la même année, de l'exposition universelle à Séville, ont fini par donner à l'Espagne une sorte d'optimisme qui a finalement débouché sur un redressement réel de la situation, et le pays a acquis progressivement une bonne croissance. González et le PSOE sont ainsi acquis durablement une position quasiment hégémonique sur la vie politique de l'Espagne. Il s'en est suivi une montée de la corruption et la révélation d'une succession de scandales qui ont gravement terni l'image du pouvoir socialiste et son leader, aux affaires pendant une décennie. En 1996, le Parti Populaire (PP), principal parti de la droite, depuis l'effondrement de l'UCD (et l'effacement de l'Alliance Populaire, qui lui avait succédé), gagne les élections. José María Aznar López, le tombeur de Felipe González, devient président du Conseil (premier ministre). Son gouvernement va enfin bénéficier de tous les fruits de la croissance retrouvée. L'Espagne à la fin des années 1990 devient l'un des pays les plus prospères et dynamiques d'Europe. Après des législatives gagnées encore en 2000, il se maintiendra au pouvoir jusqu'en 2004. Entre-temps Aznar s'est trouvé confronté a une recrudescence des attentats de l'ETA. Le conseiller basque Miguel Angel Blanco est assassiné en juillet 1997, soulevant une grande vague d'indignation dans la Péninsule. Au mois de décembre suivant, le gouvernement réplique en procédant à l'arrestation de 23 membres de Herri Batasuna à cause de leurs liens avec l'ETA. En septembre 1998, l'organisation terroriste accepte un cessez-le-feu, mais la violence reprend en novembre 1999; une voiture piégée explose à Madrid en 2000.
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