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Jiménez de Cisneros

Francisco Ximénez ou Jiménez de Cisneros, est un cardinal et homme d'Etat espagnol, né à Torrelaguna (Castille) en 1436, d'une famille de petite noblesse originaire de Cisneros, mort à Roa le 8 novembre 1517. Après de premières études à l'école d'Alcala, Jiménez fit sa théologie à l'Université de Salamanque. Après son ordination, il se rendit à Rome où il séjourna quelques années. Il en revint avec l'expectative d'un bénéfice dans le diocèse de Tolède, mais lorsqu'il fit valoir ses droits à l'archipresbytérat d'Ureda, l'archevêque Alonso Carillo le lui refusa, et, comme il insistait, le fit emprisonner. Enfin Jiménez obtint le bénéfice qu'il réclamait, mais, quelque temps après, il l'échangea (1480) contre l'archidiaconat de Sigüenza. Là il s'acquit l'estime de l'évêque Pedro Gonzalez de Mendoza, qui le fit son grand-vicaire. Cependant, emporté par sa piété et son désir d'étude et de recueillement, Jiménez abandonna ses fonctions ecclésiastiques et entra dans l'ordre des franciscains à Tolède; il se retira même dans les ermitages de Castañar et de Salzeda. C'est là que ses supérieurs vinrent le prendre pour lui imposer, en 1492, la charge de confesseur de la reine Isabelle la Catholique, en remplacement de Fernando de Talavera, promu au nouveau siège archiépiscopal de Grenade. En 1494, Jiménez devint provincial des franciscains, et il déploya une telle rigueur pour réduire ses moines à l'observance de la règle que ceux-ci se plaignirent à Rome. Ce fut le commencernent d'une lutte entre le parti de l'observance et celui des conventuels, lutte ou Jiménez eut d'abord contre lui les généraux mêmes de son ordre, mais dans laquelle il finit par l'emporter, grâce à deux brefs du pape, en 1505 et 1517. Un grand nombre de franciscains quittèrent leurs couvents plutôt que de se plier à la règle; certains passèrent en Afrique et y embrassèrent l'Islam. Isabelle la catholique avait immédiatement apprécié la valeur de l'homme et, en même temps que son directeur spirituel, elle en avait fait son conseiller politique. Elle demanda pour lui à Rome l'archevêché de Tolède, et, malgré ses refus, le força à l'accepter (1495). Jiménez entreprit aussitôt la réforme de son clergé, puis, en 1499, emporté par son zèle religieux, il se fit donner par l'inquisiteur général des pouvoirs pour hâter la conversion des Morisques du royaume de Grenade; l'archevêque Fernando de Talavera employait des moyens à son gré trop anodins et trop lents. En dépit du traité qui garantissait aux vaincus la liberté de religion, Jiménez entreprit de les convertir en masse, de gré, par ses munificences, ou de force, en prenant les enfants pour les faire élever catholiquement, et en brûlant les livres arabes, Corans et autres, dont il fit détruire 5000 à Grenade. Les populations s'exaspérèrent et se soulevèrent; des plaintes contre le prélat furent portées à Ferdinand et Isabelle (1500), mais il sut se justifier, montra que l'émeute avait donné aux Rois Catholiques le droit d'annuler le traité et reprit avec des pouvoirs plus amples et de plus grandes rigueurs sa mission de conversion. Talavera, suspect de trop de mansuétude, incriminé auprès de l'Inquisition pour avoir distribué aux Morisques des Nouveaux Testaments en arabe, se débattit pendant des années dans un long procès devant le Saint-Office. Pendant ce temps, les Morisques se convertissaient en masse, avant même d'avoir reçu aucune instruction religieuse, ou émigraient.
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Cisneros.
Jimenez de Cisneros (1436-1517).

Le 26 novembre 1504, Isabelle mourait. Jiménez, qu'elle avait fait grand chancelier de Castille, était désigné pour être un de ses exécuteurs testamentaires. Ferdinand, qui avait peu de sympathie pour lui, mais qui avait besoin de ses services, lui conserva ses hautes fonctions. Il s'agissait de conserver au roi d'Aragon la régence de la Castille, sa fille, la reine Jeanne (Jeanne la Folle), paraissant être hors d'état de régner. Mais son mari, Philippe le Beau, entendait supplanter son beau-père dans le gouvernement. Jiménez intervint en faveur de Ferdinand; cependant lorsque Philippe et Jeanne furent arrivés de Flandre en Espagne, force fut à Ferdinand de renoncer à la régence. Tout ce que put obtenir Jiménez, ce fut de sauver les apparences en ménageant une entrevue entre Ferdinand et son gendre (23 juin 1506). Peu de mois après, le 25 septembre, Philippe le Beau mourait. Jeanne, folle de douleur, était plus incapable que jamais de gouverner. Ferdinand venait de passer à Naples. Jiménez prit aussitôt les rênes du gouvernement, arma les milices et maintint les grands, tentés, comme Medina-Sidonia, de lui résister, ou de déférer la régence à l'empereur Maximilien en tant que grand-père paternel de l'héritier de la couronne, don Carlos. En août 1507, Ferdinand revint de Naples; pour remercier Jiménez d'avoir maintenu son autorité en Castille, il lui avait fait donner le 17 mai de cette même année le chapeau de cardinal et l'avait fait nommer le 7 juin inquisiteur général pour la Castille. 

Du vivant même d'Isabelle, Jiménez avait eu le désir de poursuivre l'Islam jusqu'en Afrique, mais Ferdinand s'était montré peu favorable à cette idée. En 1505, Jiménez avait obtenu l'envoi d'une expédition, pour laquelle il avait avancé de l'argent et qui se borna à la prise de Mers-el-Kébir (14 septembre). En 1507, dans une tentative pour surprendre Oran, la garnison de Mers-el-Kébir subit un sanglant désastre. Sa situation critique, la nécessité de sévir contre les pirates du Riff (prise du Peñon de Velez de la Gomera par les Espagnols le 23 juillet 1508) amenèrent Ferdinand à céder aux désirs de son ministre. Le roi donna son assentiment à une expédition pour laquelle le prélat demanda de l'argent au clergé de son diocèse. Le 24 février 1509, Jiménez quitta solennellement Tolède, rejoignit ses troupes à Carthagène et mit à la voile le 16 mai. Trois jours après, il entrait dans Oran à la suite de son armée victorieuse. De retour en Espagne, il rattacha à son diocèse de Tolède sa conquête africaine. L'année d'après, les Espagnols occupaient Bougie (Bejaia) et, en 1514, Tripoli

En 1513, le cardinal devint inquisiteur général pour toute l'Espagne : on a évalué à 2500 le chiffre des victimes du Saint-Office pendant la période où Jiménez en fut le chef, en Castille, puis dans l'Espagne entière. On commit les plaintes du religieux Las Casas sur le sort des Indiens d'Amérique. Sur sa requête, en 1515, et pour servir d'arbitres indépendants entre les franciscains et les dominicains, divisés sur la question de l'esclavage, Jiménez envoya à Cuba trois pères hiéronymites.

Après quelques années de tranquillité relative dans le gouvernement intérieur, la mort de Ferdinand (23 janvier 1516) vint troubler de nouveau l'Espagne. Le roi en mourant avait confié la régence à Jiménez : Jeanne était toujours démente; son fils aîné et héritier des couronnes de Castille et d'Aragon, Carlos (Charles-Quint), était en Flandre. Il y eut aussitôt de l'agitation : Jiménez avait trop énergiquement travaillé à l'établissement du despotisme à la fois monarchique et religieux pour ne pas avoir soulevé bien des haines. Le peuple se souleva à Valladolid, Malaga, Arevalo, tandis que la noblesse, Pedro Giron, fils aîné du comte d'Ureña en tête, essayait de secouer le joug du cardinal. Quelques grands persuadèrent à l'infant Ferdinand, frère de Carlos, de réclamer le pouvoir au nom de son frère. Jiménez tint tête de tous côtés. Carlos ayant pris la couronne, en Flandre, quoique sa mère fut vivante, et avant d'avoir prêté serment aux Cortès selon la coutume, le cardinal dut violenter le sentiment national pour faire accepter ce procédé autoritaire, que rendait encore plus impopulaire le retard du prince à se rendre dans ses royaumes d'Espagne. Au milieu de ces difficultés, Jiménez avait encore à défendre son autorité menacée par l'arrivée du doyen de Louvain, Adrien d'Utrecht, représentant de Charles. Celui-ci se rendit compte d'ailleurs que seul le vieux cardinal pouvait maintenir l'ordre dans les circonstances présentes; il se contenta du titre de co-régent et laissa Jiménez libre d'agir. Enfin Charles aborda en Espagne (septembre 1517).
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Jimenez Cisneros.
Jiménez de Cisneros au chantier de l'hôpital de la Charité, à Tolède.

 L'archevêque de Tolède devait le rencontrer à Valladolid, mais il tomba malade. Pendant ce temps, les courtisans flamands circonvenaient leur maître, et Charles, par une lettre autographe, feignant de prendre en considération l'âge et le besoin de repos du ministre des Rois Catholiques, lui écrivit qu'il le déchargeait de ses fonctions. Jiménez n'eut probablement pas la douleur de prendre connaissance de cette lettre qui arriva à Roa au moment où il agonisait (8 novembre 1517) Le cardinal fut enterré dans la chapelle de l'Université d'Alcalà.

C'était lui qui avait obtenu du pape Alexandre VI, en 1499, la bulle autorisant la fondation de cette Université. Il avait fait dessiner le plan de l'édifice par l'architecte Gumiel, avait créé, en 1500, le collège de Saint-Ildephonse, puis d'autres collèges pour servir d'asiles aux étudiants pauvres. Le 26 juillet 1508, il avait inauguré solennellement la nouvelle Université rivale de Salamanque; tout en s'occupant avec un soin assidu de la développer, il poursuivait un autre travail qui fut un titre d'honneur pour Alcalà : en 1502, il avait rassemblé un groupe de savants qui, sous sa direction, éditèrent la fameuse Bible polyglotte (hébreu, chaldéen et traduction latine, version grecque des Septante et traduction latine, texte latin de la Vulgate). La Bible polyglotte de Complutum (Alcalà) parut de 1514 à 1517, en 6 vol, in-fol., tirés à 600 exemplaires, et quoique son texte n'ait pas été établi avec une critique bien exigeante, elle marque, pour l'époque, comme une intéressante tentative. (H. Léonardon).

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