| Le club des Feuillant était une société politique fondée, le 16 juillet 1791, par un grand nombre de membres de la «Société des amis de la Constitution, séante aux Jacobins», tous Constituants, qui ne voulurent pas s'associer à la pétition de Laclos et de Brissot, demandant la déchéance de Louis XVI. Cette scission fut immédiatement rendue publique par une plaquette sans titre : « Les membres de l'Assemblée nationale, fondateurs et membres de la Société des Amis de la Constitution, séante aux Jacobins, à Paris, ont arrêté de transporter leurs séances dans un autre lieu, et de les continuer dans la maison des Feuillants, rue Saint-Honoré. A Paris, le 16 juillet 1791. » Suivent les signatures de Bouche, président; de François-Paul-Nicolas Anthoine et de Salles, secrétaires; puis de 303 députés, entre autres Barère et Sieyès (qu'on ne retrouve pas dans la dernière liste connue, celle du mois d'août 1792). Le 18 juillet 1794 il y eut une soixantaine d'autres adhésions, notamment celles de Dupont de Nemours et de Dandré. La sanglante répression des pétitionnaires du Champ-de-Mars, le 17 juillet, contribua donc à augmenter le nombre des Feuillants. Tel fut le nom que le public leur donna parce qu'ils s'étaient transportés dans l'ancien couvent de ce nom, situé rue Saint-Honoré, en face de la place Vendôme vaste et magnifique local qui contrastait avec la sombre et triste salle des Jacobins. Toutefois, les membres du nouveau club maintinrent avec raison leur nom d'Amis de la Constitution, telle que l'Assemblée constituante l'avait jusquelà élaborée, telle qu'elle serait complétée, telle enfin que le roi, simplement suspendu de ses fonctions, consentirait à la jurer pour être rétabli. On appela, par suite, feuillantisme (en général avec une nuance de mépris), l'opinion qui considérait comme définitive la constitution monarchique de 1791. La nation était encore tellement peu préparée à la solution républicaine, que les Feuillants donnent entre autres raisons de leur schisme la suivante : « Quand il serait vrai que la constitution tolérât la destitution du roi, quelle longue période d'anarchie ne nécessiterait pas le choix d'un régent dans une famille où nul des hommes que la Constitution appelle au pouvoir provisoire ne jouit de la confiance d'aucun ami de la liberté! » (Déclaration adressée par des amis de la Constitution, etc., p. 6). Après que le roi eut été rétabli dans ses fonctions moyennant le serment solennel qu'il prêta à la constitution, la Constituante fit place à la Législative entièrement composée d'hommes nouveaux : sur 745, il n'y en eut que 162, presque tous obscurs, qui inscrivirent leurs noms sur la liste où continuaient à figurer avec éclat les ex-constituants Barnave, Dandré, Lanjuinais, Duport, les Lameth.; c'est le 4 octobre 1791, dans l'église des Feuillants, qu'eut lieu la principale adhésion des législateurs, et il ne paraît pas qu'il y ait eu ensuite beaucoup d'inscriptions individuelles. Les Girondins n'étaient pas sans doute les ennemis de parti pris de la constitution monarchique, mais ils voulaient que le roi l'observât dans sa lettre et dans son esprit. D'autre part, les Feuillants étaient détestés des monarchistes purs et considérés comme des traîtres, comme des vendus, par les patriotes révolutionnaires. Aussi demeurèrent-ils à l'état de coterie et ne rayonnèrent-ils pas en province; la plupart des clubs des Amis de la Constitution, dans les départements, restèrent affiliés aux Jacobins. Les statuts des Feuillants comprennent 31 articles, généraux ou réglementaires. En voici les principales dispositions : « Aucun membre ne sera admis sans avoir déclaré son attachement à la constitution du royaume, décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi. » (article 1). Une déclaration subséquente (du 6 janvier 1792), précisa la portée de cet article fondamental en l'expliquant ainsi : « la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution, » et en ajoutant ce commentaire : « la Société tient pour ses ennemis tous les ennemis de la Constitution sous quelque bannière qu'ils se rangent, sous quelque forme qu'ils se cachent : et les parricides armés contre leur patrie dont ils ont méconnu la voix », c. -à-d. les émigrés, « et ceux qui la déchirent avec les armes qu'elle leur a confiées pour la défendre », c.-à-d. les Jacobins. Les Feuillants s'interdisent de délibérer sur autre chose que sur l'existence ou l'administration du club, et se disent simple « assemblée de conversation »; ils excluent l'action au dehors, les manifestations. L'article 3 interdit les jeux de hasard dans le club; l'article 4 admet sans ballottage tout député présenté par six députés membres du club. L'âge minimum sera vingt et un ans (article 5). Les articles suivants concernent la nomination des commissaires à l'entretien du club, les assemblées générales (au moins tous les trois mois à jour fixe), la tenue d'un registre nominatif des membres. La contribution était fixée à 4 louis d'or pour l'entretien du club et 6 livres de gratification aux domestiques. Les députés à l'Assemblée législative ou aux assemblées futures, non domiciliés habituellement à Paris, ne devaient qu'une cotisation de 2 louis. Parmi les pièces du club, une devait être réservée pour les entretiens particuliers que des membres pouvaient désirer d'avoir entre eux. « Parmi celles du restaurateur, une sera généralement pour les membres du club et pour eux seuls; une autre sera laissée aux membres députés qui peuvent quelquefois être bien aises de dîner entre eux » (article dernier). Ainsi les Feuillants s'écartaient du type de la société populaire que les Jacobins avaient réalisé, et se restreignaient d'eux-mêmes aux proportions d'un cercle confortable, distingué, et surtout inabordable pour ceux qui ne pourraient pas payer une cotisation élevée. Cependant cette précaution ne parut pas suffisante, et, « pour se garantir à elle-même la pureté de sa composition », la société, au bout de trois mois d'existence, « adopta le moyen le plus efficace : un scrutin épuratoire, lui permettant d'écarter les membres dont les principes ne s'accorderaient pas avec ceux qu'elle professe uniquement, ou dont la réputation pourrait nuire à la considération publique, seule force dont la société veuille s'environner » (Déclaration du 6 janvier 1792, p. 3). Malgré ce rigorisme, les Feuillants avaient la prétention de « ne pas former un parti », sous prétexte qu'ils se confondaient « avec le seul qui dût exister, celui de la Constitution ». Mais tel n'était l'avis ni des ultra-royalistes, ni des révolutionnaires demeurés aux Jacobins. Les trahisons multipliées du roi et les progrès de l'invasion prussienne eurent pour conséquence le journées du 20 Juin et du 10 Août, et la Commune révolutionnaire, chargée de la police de sûreté, crut devoir procéder à la dispersion des constitutionnels obstinés qui, d'ailleurs, s'étaient de plus en plus rapprochés des purs royalistes. Le 18 août 1792, « l'an IV de la liberté, le premier de l'égalité », les administrateurs du comité de police et de surveillance de la Commune firent saisir, rue de Caumartin, n° 20, chez M. L'Evêque, trois registres et une liasse de papiers, « qu'il nous a déclaré, dit le procès-verbal, être chez lui les seuls papiers appartenant à la société des feillans » (sic). C'est alors que fut publiée, dans un intérêt de sûreté publique contre les partisans de la royauté déchue, la « liste des membres composant le club des Feuillants, dont Dandré était président. » Ce document est certifié conforme à l'original par les administrateurs séant à la mairie, Lenfant, Duffort, Panis, Sergent, Jourdeuil, Deforgues, Pierre-Jacques Duplain. Il comprend 841 noms; les prénoms sont parfois indiqués, et, presque toujours les adresses mais l'ordre alphabétique n'est pas rigoureusement suivi. Suit, extraite de cette liste générale, celle des législateurs, par départements. Mentionnons, à titre de curiosité biographique, les noms de Coffinhal, de Prudhomme, de Pache, de Reubell, hommes politiques; de Lacépède, de Ginguené, des poètes Roucher et André Chénier. (H. Monin). | |