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La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen |
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L'Assemblée
constituante vota en 1789
une déclaration des droits de l'homme et du citoyen
et l'inscrivit en tête de la constitution
de 1791. En cela, elle ne suivait pas seulement l'exemple de l'Amérique,
elle se conformait aux demandes consignées dans un grand nombre
de cahiers de doléances
des provinces et dans celui de Paris; elle
s'inspirait des écrits de publicistes récents et des principes
politiques mis au jour par tout le XVIIIe
siècle. En effet, Montesquieu
avait affirmé qu'il existe dans l'ordre moral, comme dans l'ordre
physique, des lois qui dérivent de la nature des êtres, et
il avait retrouvé les titres que l'humanité avait perdus,
selon l'expression de Voltaire; celui-ci, à
son tour, les avait fait valoir, en insistant fortement sur cette idée
que c'étaient des droits; les publicistes et en partie les cahiers
disaient que la régénération du royaume consistait
dans le retour à la vérité de ces principes naturels.
Il appartenait donc, aux constituants de les formuler, afin qu'ils fussent
comme les règles toujours présentes du droit public auxquelles
les législateurs rapporteraient leur ouvrage et les citoyens leur
conduite, et, au besoin, leurs réclamations. C'était accomplir
avant la constitution un acte préliminaire vraiment politique, urgent,
destiné à rassurer et à contenir la nation ainsi qu'à
engager le pouvoir royal.
Les débats auxquels la déclaration des droits donna lieu dans l'Assemblée furent longs et laborieux; les uns la jugeaient indispensable, les autres, comme Malouet et Lally-Tollendal, la trouvaient inutile, et quelques-uns même dangereuse, à cause de l'effervescence populaire qui était grande et qui pouvait se prévaloir de principes forcément limités dans leur énonciation abstraite; certains demandaient qu'on y ajoutât une déclaration des devoirs de l'homme en société; quelques-uns voulaient qu'on publiât la déclaration des droits à la suite de la constitution et non pas en tête; d'autres, qu'on renvoyât seulement sa rédaction définitive après l'achèvement de la constitution, qui était, disaient-ils, ce qui pressait le plus. La rédaction
du texte de la déclaration des droits présenta des difficultés
qu'on n'avait pas prévues et rencontra de certains côtés
des obstacles qui ne l'étaient que trop. L'esprit religieux, cela
ressort des débats, s'alarmait à l'idée de droits
que l'homme tiendrait non pas de Dieu,
mais de la nature, et il voulait que la religion fût reconnue la
base de l'ordre des sociétés; l'esprit de système
philosophique embrouillait parfois deux idées, celle des droits
naturels de l'homme en société et celle des droits de
l'homme naturel avant la vie de société; l'esprit politique
enfin avait à craindre, d'un côté, que l'expression
trop générale des principes ne prêtât à
des interprétations dangereuses, et, de l'autre, qu'on ne soumit
au contraire cette expression elle-même à des restrictions
regrettables, soit pour l'adapter aux limitations que les articles constitutionnels
devaient nécessairement apporter aux principes, soit surtout en
cédant aux craintes que pouvaient inspirer des circonstances momentanées.
La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La déclaration des droits ne devait, dans la pensée commune, contenir que des principes convenant « à tous les hommes, à toutes les nations », selon les paroles de Dupont; « à toutes les formes de gouvernement », disaient ceux qui s'intéressaient plus à leur souplesse qu'à leur universalité. Des projets de déclaration des droits furent présentés en grand nombre, les uns savants, logiquement déduits, presque métaphysiques, d'autres composés de sentences pleines et détachées, propres à se graver dans la mémoire des simples et des enfants, d'autres enfin tenant dans une seule phrase. Un premier projet en dix articles était de La Fayette, qui avait porté la motion relative à une déclaration des droits (séance du 11 juillet 1789) conformément aux conclusions du comité chargé de présenter un plan de travail sur la constitution; le projet de Sieyès, en quarante-deux articles, et celui de Mounier, en vingt-trois articles, furent présentés dès le 27 juillet; le 30, celui de Servan, en treize articles; le 1er août, celui de Durand de Maillane, en neuf articles. Mirabeau donna lecture, dans la séance du 14 août, d'un projet en dix-neuf articles, rédigé en trois jours par le comité des Cinq (Desmeuniers, l'évêque de Langres, Tronchet, Mirabeau et Rhédon) qui avait été chargé de rapprocher et de fondre en un seul les divers projets présentés. Mirabeau déclarait ne proposer qu'avec
défiance cet essai, résultat de compromis réciproques
entre les Cinq, et il insistait sur deux difficultés que le comité
avait rencontrées celle de faire un exposé de principes devant
« servir de préambule à une constitution qui n'était
pas connue », et celle de « distinguer ce qui appartient à
la nature de l'homme des modifications qu'il a reçues dans telle
ou telle société; d'énoncer tous les principes de
la liberté sans entrer dans les détails
et sans prendre la forme des lois; de ne pas s'abandonner aux ressentiments
des abus du despotisme jusqu'à faire
moins une déclaration des droits de I'homme qu'une déclaration
de guerre aux tyrans ».
Premier feuillet du manuscrit de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, portant l'acceptation et la signature de Louis XVI. (Archives nationales). Dans la séance du 13 août, après une discussion prolongée et passionnée en divers sens, on proposait de renvoyer aux bureaux le choix par scrutin de celui des projets de déclaration qui serait soumis à la délibération par articles, lorsque Mirabeau, s'y opposant, demanda : 1° que la déclaration des droits fît partie intégrante de la constitution, dont elle formerait le premier chapitre;Rhédon, l'un des Cinq, adhéra; Pétion de Villeneuve, Dupont, Le Chapelier, Rewbell protestèrent avec indignation contre l'ajournement. Mirabeau attaqua alors ouvertement le projet de déclaration des Cinq, qui avaient repoussé, disait-il, un article proposé par lui, relatif au droit de tout citoyen d'avoir des armes chez lui et de s'en servir pour défendre la liberté. Cependant le comité avait maintenu dans l'article 6 le droit de «-résistance à l'oppression » qui rencontra des adversaires dans l'Assemblée. En demandant l'ajournement, Mirabeau semblait ne vouloir que garantir la déclaration des droits contre la restriction ou l'omission volontaire de certains droits qui aurait pu être conseillée par les troubles populaires plus ou moins provoqués, et en même temps contre les manaeuvres des adversaires de toute déclaration des droits. L'examen du projet de déclaration fut renvoyé aux bureaux. Le lendemain, 19 août, le projet des Cinq fut écarté de toute discussion et on alla aux voix pour choisir comme « canevas », l'un des projets de déclaration à mettre en discussion par articles; ceux de La Fayette et de Sieyès obtinrent le plus de suffrages avec celui qui avait paru sous le nom du sixième bureau, et ce fut ce dernier, en vingt-quatre articles, qui l'emporta. Il fut discuté dans les séances suivantes, du 20 au 26 août; son préambule fut remplacé par celui de l'ancien comité des Cinq, légèrement modifié; un petit nombre d'articles furent seuls conservés; les amendements s'entre-croisèrent dans une discussion souvent acharnée, notamment (23 août) sur les articles 16 et 17 du sixième bureau, relatifs à la religion, et sur l'article 18, relatif à la liberté du culte, qui fut en définitive sacrifiée par l'adoption d'un texte étroit, ambigu et favorable à la religion dominante; notamment encore sur l'article 24, de la séparation des pouvoirs, qui fut cependant adopté. L'Assemblée passa outre à la motion de M. de Montmorency (26 août) tendant à inscrire dans le texte même de la déclaration la révisabilité de la constitution. Elle déclara décrétés vingt-quatre articles, en reconnaissant toutefois que la déclaration n'était pas achevée et qu'on ajournait après la constitution, dont la discussion commença dès le surlendemain, les articles qui mériteraient d'être ajoutés. Le 5 octobre, le roi notifia à l'Assemblée une acceptation incertaine et conditionnelle de la déclaration des droits ainsi que des premiers articles décrétés de la constitution. L'Assemblée suspendit aussitôt la rédaction du décret sur l'impôt du quart des revenus, qui était à l'ordre du jour; on proposa de refuser tout impôt jusqu'à ce que le roi eût donné une acceptation pure et simple. Le président Mounier, accompagné d'une députation, fut envoyé vers lui et rapporta l'acceptation pure et simple, signée par le roi. Voici le texte de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen telle qu'elle se trouve en tête de la Constitution de 1791 : CONSTITUTION FRANÇAISE
du 3 septembre 1791
Les représentants du peuple français constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen : Article 1er. - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.L'Assemblée nationale voulant établir la Constitution française sur les principes qu'elle vient de reconnaître et de déclarer, abolit irrévocablement les institutions qui blessaient la liberté et l'égalité des droits. Il n'y a plus ni noblesse, ni pairie, ni distinctions héréditaires, ni distinction d'ordre, ni régime féodal, ni justice patrimoniale, ni aucun des titres, dénominations et prérogatives qui en dérivaient, ni aucun ordre de chevalerie; ni aucune des corporations ou décorations pour lesquelles on exigeait des preuves de noblesse, ou qui supposaient des distinctions de naissance, ni, aucune autre supériorité que celle des fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions. Il n'y a ni vénalité ni hérédité d'aucun office public. Il n'y a plus pour aucune partie de la nation ni pour aucun individu, aucun privilège ni exception au droit commun de tous les Français, Il n'y a plus ni jurandes ni corporations de profession, arts et mé tiers. La loi ne reconnaît plus ni voeux religieux ni aucun autre engagement qui serait contraire aux droits naturels ou à la Constitution. Les deux constitutions suivantes furent également précédées de déclarations des droits; la Convention en vota deux, l'une pour la constitution de 1793, l'autre pour la constitution de l'an III intitulée : Déclaration des droits et devoirs de l'homme et du citoyen; les devoirs y étaient énumérés en neuf articles à la suite des droits (vingt-deux articles). Les constitutions napoléoniennes n'ont été précédées d'aucune déclaration des droits. En tête de la charte de 1844 on plaça un exposé du Droit public des Français. (GE). -
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