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L'histoire
jusqu'en 1870.
La Martinique
fut découverte le 15 juin 1502 par Christophe Colomb, lors de son quatrième
voyage. Elle portait, d'après les naturels, le nom de Matinina
ou Madiana, ou Mantinino, qui se serait modifié en celui
de Martinique. En tout cas, ce dernier n'est pas dû à la fête de Saint-Martin.
Colomb, débarqué au Carbet, ne fit aucun établissement dans l'île;
et les indigènes en demeurèrent les seuls maîtres durant plus d'un siècle.
Ce ne fut, en effet, qu'en 1635, le 25 juin, que de L'Olive et Duplessis
débarquèrent au même endroit que Colomb, et prirent possession de l'île
au nom de la Compagnie des Îles d'Amérique. Mais ils n'y restèrent pas;
le 28 ils étaient à la Guadeloupe .
Ils avaient devancé de peu et même supplanté le capitaine général
de Saint-Christophe, Pierre Bélain, sieur d'Esnambuc. Celui-ci, dès 1625,
parti de Dieppe ,
s'était emparé de cette dernière, et, dans un voyage en France ,
avait provoqué la création, par Richelieu,
de la compagnie précédente (1626). Il était de retour, et il voulait
aussi coloniser les îles voisines. Il recruta à Saint-Christophe 150
habitants, hommes déterminés, et il vint aborder à la Martinique le
1er septembre 1635, à quelques kilomètres
plus au Nord que Colomb et de L'Olive. Il éleva un fortin en ce lieu,
où fut bâtie plus tard la ville de Saint-Pierre. Le 17 septembre, il
prit officiellement possession de la Martinique au nom du roi de France
et de la Compagnie des Îles d'Amérique.
Ce même jour, il
investit du commandement de la nouvelle colonie, et sous son autorité,
son lieutenant Dupont, puis il retourna à Saint-Christophe. Cependant,
les Caraïbes, qui ne s'étaient pas opposés d'abord à l'établissement
des Français ,
vinrent attaquer le fort, et Dupont eut à repousser cette agression. S'étant
embarqué à son tour pour Saint-Christophe, il fut remplacé par un neveu
de d'Esnamhuc, Dyel Duparquet (2 septembre 1637), d'abord gouverneur particulier,
et, en 1643, sénéchal, et sous l'autorité, successivement, de d'Esnambuc,
du commandeur de Poincy (1638), du chevalier de Toisy (16 novembre 1645),
et, de nouveau, de Poincy, en 1647. A la suite de spéculations malheureuses,
la Compagnie vendit les îles à des seigneurs. Duparquet acheta par contrat
du 27 septembre 1650 la Martinique ,
avec Sainte-Lucie, la Grenade et les Grenadines, pour une somme de 60 000
livres, et il en devint (13 mars 1651) propriétaire et seigneur sous l'autorité
souveraine du roi. Duparquet se montra un administrateur énergique. En
1638, on comptait 700 hommes combattants, pour tenir en respect les Indiens,
hostiles : en 1641, la colonie naissante fut ouverte à toutes les nations;
dès 1654, elle donnait asile à 300 juifs
hollandais chassés du Brésil par les Portugais
: ils y importèrent la culture de la canne, s'ajoutant aux cultures du
pétun
(tabac) et du coton, pratiquées dès le commencement, du rocou et de l'indigo,
qui avaient suivi de près.
Duparquet mourut
en 1658, le 2 janvier; sa veuve lui succéda, le 6, en qualité de gouvernante
pour ses enfants mineurs, sous l'autorité directe du roi; deux ans après,
elle était remplacée (12 janvier 1660) par Dyel de Vaudrosque; puis Ã
ce dernier succéda de Clermont, le 5 juin 1663. Déjà les Caraïbes,
dès 1658, tués ou expulsés, laissaient les habitants jouir de quelque
tranquillité; ils s'étaient d'abord retirés dans le Nord-Est de l'île,
puis ils l'abandonnèrent pour se réfugier dans celles de Saint-Vincent
et de la Dominique; il en restait à peine quelques-uns en 1663. A cette
époque, vers 1660, fut entreprise la culture du cacaoyer, qui ne prit
quelque développement qu'à partir de 1684. La cour ayant résolu d'enlever
les îles à la domination des particuliers, Colbert,
par un édit du mois de mai 1664, forma une nouvelle compagnie, dite des
Indes occidentales, puis la couronne racheta les îles aux héritiers Duparquet,
au prix de 240 000 livres, dont la moitié pour la Martinique ,
et céda ses droits à cette compagnie, privilégiée pour quarante ans.
A cet effet, un membre du conseil privé, de Tracy, fut envoyé à la Martinique,
où il arriva le 1er juin, en qualité
de lieutenant général du roi dans les deux Amériques .
Il eut sous son autorité de Clermont d'abord, alors en exercice, puis
de Ciodoré (19 février 1665), colonel d'infanterie, gouverneur pour la
Compagnie des Indes occidentales.
Dans cette année
1665, la guerre survenue entre la France
et l'Angleterre
fut l'occasion de plusieurs attaques contre la Martinique. Le courage des
habitants sut faire face au danger. Une première fois, en 1666, lord Willoughby
essaya de débarquer à la Grande-Anse du Carbet : il fut repoussé. L'année
suivante, une flotte anglaise, sous le commandement de l'amiral Jones Harmant,
échoua dans une tentative contre la ville de Saint-Pierre. Le traité
de Breda
(1667) fit cesser pour quelque temps les hostilités. Pendant la guerre
de Hollande ,
ce fut le fameux Ruyter qui reçut l'ordre de s'emparer de la Martinique ;
il amenait avec sa flotte le comte de Stirum, déjà nommé gouverneur
de la future conquête par les États généraux des Pays-Bas. Il arriva
devant la rade de Fort-de-France ,
le 20 juillet1674. Après avoir débarqué 6000 hommes à la pointe Simon,
et tenté de s'emparer du fort Saint-Louis, il fut contraint de s'éloigner
précipitamment, laissant parmi les morts le comte de Stirum lui-même.
C'est à cette époque
que la Compagnie des Indes occidentales, qui avait encore devant elle trente
années d'exploitation, se trouvant impuissante, au milieu de ces guerres,
pour faire valoir des contrées lointaines, dut être révoquée, par un
édit de décembre 1674. La propriété, la seigneurie et le domaine utile
des colonies furent réunis à la couronne. Le lieutenant général de
La Barre avait succédé à de Tracy (23 juin 1667), et il avait eu pour
successeur le marquis de Baas, qui fut le premier gouverneur général
(4 février 1669). Les colons de la Martinique
formaient deux classes : la première se composait d'émigrants venus d'Europe
à leurs frais : on les appelait habitants. L'autre classe se composait
d'engagés, travailleurs recrutés principalement à Dieppe ,
au Havre
et à Saint-Malo ,
qui louaient pour trois ans leurs services. L'introduction de Noirs d'Afrique
par le moyen de la traite avait suivi de près l'occupation de l'île.
Longtemps les engagés français et les Noirs travaillèrent côte à côte.
La population noire augmenta tellement que Colbert
fit régler par un code les droits et les devoirs des maîtres; « le Code
noir
» fut appliqué ici en 1685.
En 1692, le comte
de Blénac, gouverneur général, transporta le siège du gouvernement
à la ville de Fort-de-France ,
qui sappelait alors Fort-Royal, et qui avait été fondée en 1638. Quoique
imparfaitement défendue, elle avait résisté à Ruyter. D'ailleurs, ce
ne fut pas en ce point que se dirigèrent cette fois les attaques de l'étranger.
En 1693, les Anglais ,
au mépris du traité signé à Londres le
14 novembre 1686, firent une nouvelle expédition contre la Martinique .
Ils opérèrent une descente entre Saint-Pierre et le Prêcheur, au Fonds-Canonville,
avec 3000 hommes de troupe. Les milices et une troupe de Noirs les repoussèrent
en leur faisant subir de grandes pertes. Pendant les préliminaires du
traité de Ryswick, un corsaire anglais
fit, en octobre 1697, deux descentes successives de nuit au Marigot et
à Sainte-Marie; il fut repoussé dans ces attaques; les défenseurs, pour
la seconde, étaient commandés par le Père Labat.
Durant ce XVIIe
siècle, la colonie avait maintenu son territoire inviolé par l'étranger,
après en avoir chassé l'ennemi intérieur autochtone. Par contre, elle
avait fait peu de progrès dans l'accroissement de sa population et dans
sa richesse. Le contraire va se présenter pour le XVIIIe
siècle. Après le traité d'Utrecht (11
avril 1713), la sollicitude du gouvernement se porta particulièrement
sur les Antilles. La Martinique ,
après l'affranchissement (1717) de droits excessifs, vit se développer
son agriculture et son commerce. Puis, la sûreté de ses ports et sa situation
la plus avancée vers l'Atlantique en firent la première escale et le
marché général des Antilles. Cette prééminence devait durer plus d'un
siècle. En 1723, le premier plant de caféier fut introduit par Desclieux,
et la culture qui s'ensuivit remplaça alors celle du cacaoyer, dont le
tremblement de terre de 1727 venait de détruire les plantations.
Le nombre des travailleurs
augmentait, mais on cessa de faire venir des engagés d'Europe ,
en 1738. C'est à l'Afrique ,
par la traite, qu'on avait recours. A cette date, il y avait 60 000
Noirs esclaves. Ce fut, pour les Blancs, une période de prospérité.
Le dénombrement fait voir que dans les trente-huit premières années
de ce siècle la population a triplé; de 24 000 elle a passé à 74 000.
La guerre de 1744 arrêta cet élan. Les colons armèrent des corsaires
au détriment de leur agriculture et de leur commerce. Le traité d'Aix-la-Chapelle
(1748) vint apporter la paix pour huit années qui furent insuffisantes
à réparer les pertes. Une nouvelle guerre éclata en 1756; les corsaires
firent un tort considérable au commerce anglais. En 1759, une flotte commandée
par Hopson se présenta devant la Martinique ,
le 15 janvier, avec 6000 hommes de débarquement, qui firent une descente
entre Case-Navire et la Pointe-des-Nègres; mais ils furent repoussés
et s'embarquèrent le 18. En 1762, les Anglais
revinrent avec une flotte commandée par Roney et des forces plus considérables.
Malgré une défense opiniâtre, le gouverneur Levassor de Latouche dut
signer la capitulation (13 février).
La colonie resta
sous la domination anglaise jusqu'au traité
de Paris (10 février 1763). Si, par ce traité, elle fut restituée
à la France ,
son commerce eut à souffrir de la cession qui fut faite en même temps
de la Dominique. Cette même année, on augmenta les défenses du chef-lieu
par la construction du fort Bourbon, renommé ensuite fort Desaix. La colonie
jouit alors d'une assez longue période de calme, qui permit aux cultures
et au commerce de refleurir. La guerre de l'Indépendance américaine
ne fit que lui donner plus d'importance, la baie de Fort-de-France
étant devenue, en 1778, le centre des opérations des flottes françaises.
Puis le traité de Versailles (1783) accrut
encore sa prospérité. La Révolution de 1789, en apportant de grandes
modifications dans la constitution coloniale, eut d'importantes répercussions
à la Martinique .
Dès 1790, la guerre civile y éclata. En 1792, le 28 mars, l'Assemblée
législative décréta que les hommes de couleur et Noirs libres jouiraient
de tous les droits politiques.
En septembre, le
gouverneur général de Béhague, qui avait été rappelé le 3 juillet,
donna le signal de la contre-révolution, et le nouveau gouverneur, Rochambeau,
fils du héros de l'Indépendance américaine ,
était repoussé. Puis une réaction s'opère, l'Assemblée coloniale le
rappelle. Mais, en avril 1793, le parti royaliste prend les armes
et fait intervenir les Anglais
qui, malgré la résistance héroïque de Rochambeau, s'emparent de la
Martinique .
Ils devaient la garder huit années, jusqu'à la paix d'Amiens.
La colonie ne put donc, dans cet intervalle, profiter des institutions
nouvelles, comme la Guadeloupe ,
à savoir : suppression de la traite, en 1793; abolition
de l'esclavage (4 février 1794); assimilation des colonies aux départements
du continent, en 1795. Il est vrai qu'elle échappa aux déchirements dont
le rétablissement de l'esclavage fut le signal à la Guadeloupe en 1802.
Après la paix d'Amiens,
les premières années du XIXe siècle
furent encore marquées ici par les envahissements des Anglais .
Ils se rendirent maîtres de la Martinique
en 1809 et la gardèrent jusqu'au traité du 30 mai 1814; ils l'évacuèrent
le 2 décembre. Ils revinrent pendant les Cent-Jours
et occupèrent les forts à titre d'alliés. En 1822, un soulèvement des
Noirs esclaves, qui sentaient leur force numérique, fut réprimé dès
le début; en 1824, une conspiration pour l'expulsion des Blancs fut découverte
et punie semblablement. On employa comme palliatif la mesure de nombreux
affranchissements, en attendant que l'abolition de l'esclavage fût définitivement
proclamée, à la révolution de 1848. L'immigration de travailleurs remplaça
la traite, mais celle des Africains fut supprimée en 1860, et le recrutement
indien lui-même a cessé, conformément aux décisions dernières du conseil
général de la colonie. Il est vrai que la population y est alors assez
dense pour pouvoir se passer de l'élément étranger.
Un autre événement
économique important fut l'abolition du pacte colonial par une loi du
3 avril 1864, qui accorda aux colonies la liberté du commerce et de la
navigation. La guerre du Mexique
(1862 - 1867), comme celle de l'indépendance américaine ,
mi en évidence l'importance stratégique de l'île et la valeur du port
de Fort-de-France ,
qui fut encore pour la flotte française un lieu de relâche et de ravitaillement.
De plus, la colonie prit une part active à cette guerre; elle y envoya
des marins recrutés par l'inscription maritime, dont les lois lui étaient
appliquées depuis 1849, et surtout des volontaires qui se firent remarquer
par leur bravoure. La révolution de 1870 a rétabli dans la colonie le
suffrage universel, supprimé depuis 1852, et la représentation dans la
législature métropolitaine.
La Martinique a été
longtemps le siège du gouvernement général des Antilles françaises
(de 1669 à 1854), qui s'en détachèrent successivement. La Martinique
a vu naître, aux Trois-Ilets, Joséphine Tascher de La Pagerie, première
femme de Napoléon (1763-1814).
La Martinique
depuis 1870.
Après l'abolition
de l'esclavage en 1848, la Martinique avait dû s'adapter à une nouvelle
réalité économique et sociale. Dans les années 1870, l'économie sucrière
continue cependant d'être dominante, mais la main-d'oeuvre est composée
de travailleurs engagés venus principalement d'Inde, de Chine et d'autres
régions.Les conditions difficiles de travail et les inégalités sociales
entraînent des tensions et des révoltes, comme celles de 1870 et 1871.
A la fin du siècle, éclate une crise de l'industrie sucrière, en raison
de la concurrence internationale et des changements économiques.
Le 8 mai 1902, la
Montagne Pelée entre en éruption. Elle détruit la ville de Saint-Pierre
et tue environ 30 000 personnes. Cet événement cataclysmique va marquer
profondément l'histoire de la Martinique.
Pendant la Première
Guerre mondiale, les Martiniquais participent à l'effort de guerre,
et certains partent combattre en Europe.L'entre-deux-guerres voit des mouvements
pour l'amélioration des conditions sociales et politiques. Le Parti Communiste
Martiniquais, fondé en 1920, joue un rôle important dans ces réformes.
La Martinique reste sous le régime de Vichy pendant une grande partie
de la Seconde Guerre mondiale.
La résistance s'organise, et en 1943, l'île passe sous le contrôle des
Forces Françaises Libres.
En 1946, La Martinique
devient un département d'outre-mer (DOM) de la France, ce qui entraîne
des changements significatifs dans les domaines politiques, économiques
et sociaux. Les années 1950 et 1960 voient aussi une modernisation accrue,
avec des investissements dans les infrastructures, l'éducation et la santé.
Les revendications pour plus d'autonomie et les luttes contre les inégalités
sociales persistent cependant. Aimé Césaire,
poète et homme politique martiniquais, joue un rôle clé dans ces mouvements.
A partir des années
1970, l'économie martiniquaise se diversifie, en mettant l' accent sur
le tourisme, l'agriculture (notamment la banane et la canne à sucre) et
les services. Le chômage, la dépendance aux importations et les inégalités
sociales restent des préoccupations majeures. Cela n'empêche pas un renouveau
culturel, avec une valorisation des traditions créoles, de la musique,
de la littérature et de la cuisine. La langue créole gagne en reconnaissance
et est de plus en plus enseignée dans les écoles et utilisée dans les
médias.
Dans les dernières
décennies, les mouvements pour une plus grande autonomie ou indépendance
continuent de gagner en force, bien que la Martinique reste un département
français. L'île est par ailleurs confrontée à des défis environnementaux,
qui touchent aussi bien aux effets du changement
climatique qu'Ã la gestion des ressources naturelles.
Depuis les années
2000, la contamination par le pesticide chlordécone, utilisé dans les
plantations de bananes, devient, comme en Guadeloupe,
un enjeu central de santé publique et de justice sociale. Comme le reste
du monde, la Martinique a également été touchée par la pandémie de
covid-19,
avec des impacts importants sur la santé publique et l'économie. |