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 Histoire de l'Amérique > L'Amérique précolombienne > L'Amérique du NordIndiens du Sud-Ouest
Les Indiens d'Amérique du Nord
Les Apaches et les Navajos
Les Apaches et les Navajos sont des populations amérindiennes du Sud-Ouest des Etats-Unis (Nouveau-Mexique et Arizona, principalement). Leurs langues appartiennent au rameau méridional de la famille athabascane (Ensemble déné-caucasien). On s'est conformé dans cette page à l'usage qui fait distinguer Apaches et Navajos, mais il convient de noter que cette distinction est artificielle et a été imposée de l'extérieur. 
Le mot apache (adopté par Oñate dès 1598) semble dériver du mot apachu (= ennemi), qui était le nom que les Zuñi (Les Indiens Pueblos) donnaient autrefois au Navajos. Ces-derniers étant appelés par les premiers Espagnols du Nouveau-Mexique Apaches du Nabaju (lettre de Benavides adressée au roi Philippe IV, 1630). Le mot nabaju, lui-même, est d'origine tewa : il désignait, au XVIIe siècle, une grande zone de terres cultivées (sementeras grandes, en espagnol) près desquelles vivaient (au côtés des Tewa), des «-bandes apaches », auxquelles, au final, restera le nom de « Navajos». (Note : le mot navaja, qui désigne espagnol un certain type de couteau de poche est d'origine latine et n'a donc rien à voir avec les Navajos).
Ajoutons, pour ne rien arranger, que dans le passé, on a également appliqué le nom d'Apaches à certaines tribus Yuman non apparentées : Apaches Mohave  = Yavapai, Apaches Yuma = Yumans. 
Les Apaches s'appellent eux-mêmes N'de, Dinë, Tinde ou Inde, c'est-à-dire «-le Peuple-». Quant au Navajos, il utilisent pour se désigner le mot Diné, ce qui signifie aussi  «-le Peuple-». Ce nom, sous ses différentes variantes, est d'ailleurs appliqué à eux-mêmes par presque toutes les populations athabascanes.
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Carte des territoires apaches et navajos au XVIIe siècle.
Carte du territoire (en bleu) occupé par les Apaches et les Navajos au milieu du XVIIe siècle.

Les Apaches

Groupes tribaux.
Les Apaches sont divisés en un certain nombre de groupes tribaux qui ont été nommés et définis si différemment qu'il est parfois difficile de déterminer à quelle branche les auteurs se réfèrent. Nous reprendrons ici les divisions adoptées par J. Swanton dans The indian tribes of North America (Bureau of American Ethnology 145, 1952).
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San Carlos
Arizona
San Carlos 
proprement dits
Bande des Apache Peaks, dans les Apache Mountains, au Nord-Est de Globe.

Bande Arivaipa, le long de Arivaipa Creek.

Bande Pinal, entre les rivières Salt et Gila, dans les comtés de Gila et Pinal.

Bande San Carlos, dans la région de la rivière San Carlos entre les rivières Gila et Salt.

White Mountain Bande de la White Mountain orientale, dans la région des hautes Gila et Salt Rivers au Sud-Est de l'Arizona.


Bande de la White Mountain occidentale, dans la même région que les précédentes, entre la bande de la  White Mountain orientale et la bande de San Carlos.
Cibecue Bande de Canyon Creek, centrée sur le Canyon Creek dans les comtés de Gila et de Navajo.


Bande du Carrizo, sur le Carrizo Creek dans le comté de Gila.

Bande du Cibicue, sur le Cibecue Creek entre les deux précédentes.
Tonto 
méridionaux
Bande Mazatzal, dans les Mazatzal Mountains.


Six semibandes : au Nord du lac Roosevelt; sur la Tonto Creek supérieure; entre la Tonto supérieure et l'East Verde; à l'ouest de la précédente, entre l'East Verde, la Tonto et la Verde River; au Nord de l'East Verde; entre la Cherry Creek et la Clear Creek.
Tonto 
septentrionaux
Bande de Bald Mountain, dans la Bald Mountain, au Sud de Camp Verde.

Bande de Fossil Creek, sur la Fossil Creek entre les comtés de Gila et de Yavapai. 


Bande de Mormon Lake, centrée sur le lac Mormon au Sud de Flagstaff. 

Bande d'Oak Creek, dans la région de l'Oak Creek au Sud de Flagstaff.
Chiricahua-Mescalero
Arizona,
Nouveau-Mexique
Gileños Bande Chiricahua, dans les Chiricahua Mountains au Sud-Est de l'Arizona.


Bande Mimbreño, centrée sur les Mimbres Mountains au Sud-Ouest du Nouveau-Mexique.


Bande des Mogollon, dans les Mogollon Mountains dans les comtés de Catron et de Grant, au Nouveau-Mexique.


Bande Warm Spring, dans la région des sources de la rivière Gila.
Mescalero Bande de Faraon ou bande Apache de Pharaoh, une division méridionale des Mescalero.

Bande Mescalero, principalement entre le Rio Grande et la rivière Pecos, au Nouveau-Mexique.
Jicarilla
Nouveau-Mexique, 
Colorado,
Texas
Apatsiltlizhihi, dans le district de Mora, au Nouveau-Mexique; Dachizhozhin, originaires de la région correspondant à l'actuelle réserve jicarilla au Nouveau-Mexique; Golkahin, originaires du sud de Taos au Nouveau-Mexique; Ketsilind, même origine géographique que les précédents; Saitinde, se réclament du voisinage de l'actuelle Espanola au Nouveau-Mexique.
Lipan
Texas
Au début du XIXe siècle, trois bandes vivaient au Texas (Selon Orozco y Berra, 1864) : Lipanjenne, Lipan d'en haut, Lipan d'en bas. C'étaient les plus orientaux des Apaches.
Kiowa Apache
Kansas
On ne leur connaît pas d'autres liens que linguistiques avec les autres Apaches (Lipan et Jicarilla au premier chef). Leur histoire se confond avec celle des Kiowa. 
Les Espagnols appelaient les Apaches Querechos ou Vaqueros, ces termes s'appliquant plus spécialement aux Mescalero et à leurs alliés. Ils rangeaient dans le groupe des Llaneros, les Mescalero, les Jicarilla et même certains Comanches. Le terme de Coyoteros a été appliqué à certaines bandes San Carlos. Le nom de Tonto (terme espagnol dépréciatif), qui est resté à certains groupes d'Apaches était appliqué par les Espagnols à divers groupes d'Apaches mais aussi de Yumans; il a aussi été appliqué à des descendants d'hommes Yavapai et de femmes Pinaleñas, ainsi, enfin, qu'au groupe de populations de diverses origines (Yavapai, Yuma, Maricopa, Apaches Pinaleños) placés en 1873 dans la réserve de Verde River (Arizona), puis transférés  dans la réserve de San Carlos en 1875
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Hutte apache.
Wickiup ( = hutte) apache (vers 1900).

Modes de vie.
Habitations.
Les habitations des Apaches étaient des abris de broussailles, qui étaient facilement érigés par les femmes et étaient bien adaptés à leur environnement aride et en constante évolution. 

Chasse, cueillette, agriculture.
Peuple nomade avant leur établissement permanent dans les réserves, les Apaches ne pratiquaient l'agriculture que dans une mesure limitée. Ils vivaient principalement des produits de la chasse et de la cueillette de baies et de racines (notamment celle du maguey). Bien que le poisson et l'ours aient été en abondantas dans leur pays, ils n'étaient pas chassés, car ils n'étaient pas considérés comme de la nourriture.

Artisanat.
Les femmes apaches étaient très habiles dans la confections de paniers. Mais l'artisanat étrait très limité. 
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Vannerie apache.
Vannerie apache.

Histoire des Apaches.
Les Apaches (et les Navajos) sont des populations qui se sont détachées des populations athabascanes (Na-Dene) de l'Ouest du Canada (Montagnais, Chipewyan, Yellow Knives, etc.) et de l'Alaska (Kutchin, Angalik, etc.). Il semble qu'ils se soient dirigés, par bandes, vers le Sud en suivant les contreforts orientaux des Montagnes Rocheuses, avant de s'installer dans les Sud-Ouest, principalement dans l'actuel Nouveau-Mexique. Ils ont été d'abord peu nombreux. Leur nombre a apparemment été augmenté par l'intégration de captifs d'autres tribus, en particulier les Pueblos, Pima, Papago, etc. Il n'existe pas d'indications que les Apaches aient atteint l'Ouest de l'Arizona avant le milieu du XVIe siècle.

Les premiers contacts des Espagnols avec des Apaches semblent avoir eu lieu plus à l'Est. Il semble, en effet, que Coronado, en 1541, ait rencontré les Querechos (les Vaqueros de Benavides, et probablement les Jicarillas et les Mescaleros des temps modernes) dans les plaines à l'Est du Nouveau-Mexique et à l'Ouest du Texas. Mais ils sont mentionnés pour la première fois comme Apaches par Oñate en 1598. De l'époque de la colonisation espagnole jusque dans les dernières années du XIXe siècle, se sont signalé par leur mode de vie belliqueux. Ils n'ont cessé pendant plusieurs siècle de s'attaquer aussi bien les colonies des Blancs que les pueblos des  Indiens du Sud-Ouest, étendant leurs déprédations aussi loin au sud que l'Etat de Jalisco, au Mexique, à plus de 1000 km au Sud de la frontière des Etats-Unis.
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Les Apaches dans les Guerres indiennes.
Les Apaches occupent une place importante dans cette série d'épisodes tragiques, connus dans l'histoire des Etats-Unis sous le nom de Guerres indiennes. Les hostilités les plus marquantes ont concerné les Chiricahua commandés par Cochise, et plus tard Victorio, ou encore Geronimo.

Un chef mimbreño nommé Mangas Coloradas (ca. 1795-1863), avait, dès la fin des  années 1830, cherché à unifier les Apaches pour résister à l'avancée des colons blancs. Mais c'est vers 1870, que commencent véritablement les guerres Apaches, quand 1200 à 1900 Apaches, principalement des Chiricahua, mais aussi des 500 Mimbreños, Mogollones et Mescaleros, ont été assignés, vers 1870 à la réserve d'Ojo Caliente dans l'Ouest du Nouveau-Mexique. Assignés mais non confinés. L'un des chefs chiricahua, gendre de Mangas Coloradas, Cochise (ca. 1810-1874), dont la première rébellion date de 1861, après avoir été injustement accusé d'avoir enlevé un enfant blanc, et qui avait déjà refusé à plusieurs reprises ce regroupement dans les limites de la réserve, s'enfuit avec sa bande, avant d'y revenir dès 1871. D'autres continuent leur rapines à l'extérieur de la réserve. 

Les plaintes des colons voisins provoquent bientôt la décision de déplacer toute la population de la réserve à Tularosa, à une centaine de kilomètres vers le Nord-Ouest. Mais un millier d'Indiens fuient vers la réserve de Mescalero sur la rivière Pecos, tandis que Cochise et sa bande s'engagent dans un nouveau raid. L'armée est envoyée pour mettre fin à cette situation. En 1873, ses efforts permettront la restitution d'une partie du bétail volé, puis, bientôt, la capture de 700 Apaches impliqués.
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Apaches White Mountain.
Apaches White Mountain, en 1905.

En 1874, les Indiens, conformément à leurs souhaits, sont autorisés à retourner à Ojo Caliente. Cochise meurt quelques mois plus tard, et est remplacé par son fils aîné Taza (ca. 1842-1876). Celui-ci convainc les 1700 Apaches d'Ojo Caliente de renoncer à leurs activités prédatrices pour se tourner vers l'agriculture. De fait, en 1875, aucune déprédation n'a été signalée. La situation reste pourtant inflammable. 

De nouveaux troubles ont lieu en 1876 quand la réserve Chiricahua en Arizona est supprimée. 325 des Indiens qui y vivent sont transférés à l'agence de San Carlos; d'autres rejoignent leurs parents à Ojo Caliente. Mais certains refusent ces déplacements forcés. Quelques-uns restent dans les montagnes de leur ancienne réserve, d'autres fuient de l'autre côté de la frontière mexicaine. Plusieurs de leurs chefs, parmi lesquels Geronimo (1829-1909), qui n'était pas un chef héréditaire, mais un guérisseur (medecine-man) et Naiche (ca. 1857-1919 ), deuxième fils de Cochise (Taza venait de mourir de maladie), engagent leurs bandes dans de nouvelles actions dans le Sud de Arizona et dans le Nord du Chihuahua. En mai 1876, 433 sont capturés et renvoyés à San Carlos. Plusieurs bandes de rescapés s'organisent autour du chef Victorio (ca. 1825 - 1880). Au mois de septembre suivant, 300 Chiricahua, principalement du groupe Ojo Caliente, s'échappent de San Carlos, mais finissent par se rendre après de nombreux combats. On les renvoie à Ojo Caliente, d'où, rapidement, toujours sous la direction de Victorio, ils s'enfuient de nouveau. 

En février 1878, Victorio accepte de se rendre après avoir reçu la promesse que lui et son peuple pourraient rester sur leur ancienne réserve. Mais l'engagement n'est pas tenu : une autre tentative est faite pour forcer les Indiens à se rendre à San Carlos. D'où une nouvelle fuite de Victorio et des siens. En juin, les fugitifs paraissent de nouveau à l'agence Mescalero, et des dispositions sont enfin prises pour qu'ils s'y installent.  Dans le même temps, cependant, les autorités locales forment des actes d'accusation contre Victorio et d'autres, les accusant de meurtre et de vol. Il s'ensuit que Victorio, quelques-uns de ses proches et quelques Mescaleros, s'enfuient de la réserve et recommencent à marauder. 70 colons seront assassinés au cours d'un seul raid de Victorio.

L'armée renforce ses moyens, mais sans grands résultats. Victorio est rejoint avant avril 1880, par 350 réfugiés Mescaleros et Chiricahua du Mexique, et les raids répétés qui suivent terrorisent les habitants du Nouveau-Mexique, de l'Arizona et du Chihuahua. Le 13 avril 1880, 1000 soldats supplémentaires sont appelés à la rescousse, et leur nombre augmentera considérablement par la suite. 
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La bande de Victorio est ainsi fréquemment confrontée à des forces supérieures, et bien que ne rassemblant la plupart du temps que seulement 250 ou 300 combattants, ce guerrier inflige généralement des pertes plus sévères qu'il n'en souffre. Dans ces raids, 200 citoyens du Nouveau-Mexique, et autant du Mexique, sont tués. Un jour, la bande est pratiquement encerclée par une force de plus de 2000 cavaliers et de plusieurs centaines d'éclaireurs indiens, mais Victorio échappe à la capture et s'enfuit à travers la frontière mexicaine, où il poursuit sa sanglante campagne. Pressé des deux côtés de la frontière internationale, et parfois harcelé par les troupes américaines et mexicaines combinées, Victorio subit finalement de lourdes pertes et sa bande se divise. 
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Victorio (chef apache).
Victorio.

En octobre 1880, les troupes mexicaines rencontrent  à Tres Castillos (Etat de Chihuahua) le groupe de Victorio, composé alors de 100 guerriers, avec 400 femmes et enfants; les Indiens sont encerclés et attaqués le soir du 14, le combat se poursuit toute la nuit; au matin, les munitions des Indiens sont épuisées, mais bien que perdant rapidement des forces, les survivants refusent de se rendre jusqu'à ce que Victorio, qui avait été blessé à plusieurs reprises, tombe finalement mort. 

Ce désastre pour les Indiens n'apaisera pas l'hostilité des Apaches. Victorio est remplacé par Nana (ca. 1800-1896), qui recueille les survivants et, entre juillet 1881 et avril 1882, reçoit des renforts des Mescaleros et les Chiricahua San Carlos. Sous sa conduite, les raids à travers la frontière se poursuivent jusqu'à ce que sa bande soit de nouveau repoussé dans le Chihuahua. 

Alors que ces hostilités sont encore en cours au Nouveau-Mexique et dans le Chihuahua, les Chiricahua de San Carlos sèment la terreur dans les colonies de l'Arizona. En 1880, deux de leurs meneurs, Geronimo et Juh ( ca. 1825-1883),  avec 108 partisans, sont capturés et renvoyés à San Carlos. 

En 1881, des troubles vont survenir parmi les Coyoteros des White mountains sur la rivière Cibicue, à cause d'un guérisseur nommé Nakaidoklini, qui prétend pouvoir  ressusciter les morts. Après l'avoir généreusement payé pour ses services, ses partisans attendront la résurrection promise jusqu'en août, date à laquelle Nakaidoklini affirme que ses incantations ont échoué à cause de la présence des Blancs. Les événements prennent une telle tournure que l'arrestation du prophète est ordonnée; il se rend tranquillement, mais pendant que les militaires dressent le camp, les éclaireurs et d'autres Indiens ouvrent le feu sur eux. Après un combat acharné, Nakaidoklini est tué et ses partisans sont repoussés. Les escarmouches se poursuivent le lendemain, mais les troupes ont été renforcées et les Indiens doivent bientôt se rendre.
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Deux chefs, connus sous les noms de George et de Bonito, qui n'avaient pas été impliqués dans les troubles des White Mountains, se rendent au général Wilcox le 25 septembre au Camp Thomas, et sont libérés sur parole. Le 30 septembre, le colonel Riddle est envoyé pour ramener ces chefs et leurs bandes au camp Thomas, mais ils prennent peur et s'enfuient pour rejoindre les Chiricahua. Parmi eux, 74 quittent la réserve et, traversant la frontière mexicaine, se réfugient auprès de ce qui reste de la bande de Victorio. 

La même année, Nana  fait l'un de ses raids sanglants à travers la frontière. En septembre Juh et Naiche, avec un groupe de Chiricahua, s'enfuient à nouveau de la réserve et sont forcés par les troupes à entrer au Mexique, où, en avril 1882, ils sont rejoints par Geronimo et le reste des Chiricahua hostiles de San Carlos, ainsi que par une bande d'Ojo Caliente dirigée par le chef Loco. Ils vont déployer leurs violence surtout au Mexique. Mais, en mars 1883, un raid au Nouveau-Mexique, fait une douzaine de victimes.
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Chefs apaches.
Chefs apaches (James Garfield, Pouche Te-Foya et Sanches, 1899).

De nouvelles causes de conflit surgissent quand il apparaît que les colons blancs vivant sur la partie supérieure de Gila ont consommé une grande partie de l'eau de cette rivière et asséché les terres cultivées par les Indiens, puis par l'afflux de mineurs dans la réserve de San carlos après qu'on y ait découvert du charbon. Une enquête menée par le grand jury fédéral de l'Arizona le 24 octobre 1882, accuse les autorités locales d'une mauvaise gestion des affaires indiennes sur la réserve de San Carlos, mais il est trop tard pour réparer les dégats. Les Apaches sont de nouveau sur le sentier de la guerre. On fait donc appel une nouvelle fois à l'armée.

Le général G. H. Crook oblige environ 1500 des Apaches hostiles à retourner dans la réserve et subsister par leurs propres efforts. Les autres, environ les trois quarts de la tribu, refusent la vie de réserve et prennent les armes à plusieurs reprises; lorsqu'ils sont poursuivis par Crook, ils se rendent et acceptent pour quelque temps la paix. Une autre mission est confiée ensuite à Crook : amener la bande apache qui sévit au Mexique à coopérer avec les troupes mexicaines du Sonora et du Chihuahua. En mai 1883, Crook franchit la frontière jusqu'au cours supérieur du Rio Yaqui avec 50 soldats et 163 éclaireurs apaches; le 13, le camp de Chato et Bonito est découvert et attaqué avec quelques pertes pour les Indiens. Grâce à deux captifs employés comme émissaires, la communication est bientôt établie avec les autres et, le 29 mai, 354 Chiricahua se  rendent. 

Le 7 juillet, le ministère de la Guerre prend le contrôle de la police de la réserve de San Carlos, et le 1er septembre, les Apaches sont placés sous la seule responsabilité de Crook, qui réussit à faire adopter aux Apaches la pratique de l'agriculture. En 1884 plus de 4000 tonnes de céréales, de légumes et de fruits seront ainsi récoltées dans la réserve. Mais en février 1885, les pouvoirs de Crook sont réduits, ce qui conduit à un conflit d'autorité entre les officiers civils et militaires, et, en mai, avant que les choses ne puissent être réglées, la moitié des Chiricahua quittent la réserve et s'enfuient vers leurs repaires préférés. Des troupes et des éclaireurs apaches sont  envoyés à leur recherche, et de nombreuses escarmouches ont  lieu, mais les Indiens restent méfiants, et encore une fois, les raids des Apaches à travers la frontière américaine plongent l'Arizona et le Nouveau-Mexique dans la terreur. 73 Blancs sont tués par les Indiens, mais aussi de nombreux Apaches qui leur étaient sympathiques. 

En janvier 1886, le camp américain du capitaine Crawford est attaqué, à la suite d'un malentendu, par les troupes indiennes irrégulières mexicaines, entraînant la mort de Crawford. Au mois de mars suivant, les Apaches, fatigués de la guerre, demandent des pourparlers, que Crook leur accorde comme il l'avait fait auparavant. Mais avant que n'arrive l'heure de la reddition effective de toute la force, Geronimo change d'avis et avec sa bande s'enfuit à nouveau. Crook est alors relevé de ses fonctions, et remplacé en avril par le général Nelson A. Miles à qui reviendra d'achever la tâche.
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Géronimo (chef apache).
Geronimo, de son vrai nom Goyathlay (= "Celui qui baille").

Geronimo et sa bande se rendent finalement le 4 septembre 1886. Avec de nombreux Apaches, qui eux avaient abandonné les armes depuis longtemps, ils sont envoyés en Floride comme prisonniers, puis emmenés à Mount Vernon, en Alabama, puis encore à Fort Sill, en Oklahoma, où ils resteront confinés dans des réserves. 

La reddition de Geronimo marque la fin des guerres apaches. Cependant, après lui, quelques individus hostiles, oscillant entre résistance et banditisme, sont restés dans les montagnes et n'ont jamais été capturés. En novembre 1900, ils signalaient une dernière fois leur activité, à l'occasion d'une attaque contre des colons mormons dans le Chihuahua. Cependant, à cette date, l'hostilité des Apaches en Arizona et au Nouveau-Mexique avait déjà complètement cessé. 

Les Navajos

On l'a dit plus haut, le nom par lequel sont connus les Navajos, dérive de l'ancien nom d'Apaches de navahu (= "Apaches des Grands champs", près de Tewa Pueblo), qui leur était donné par les Espagnols au XVIIe siècle.  Aujourd'hui, la plupart des Navajos (170 000 personnes environ) vivent dans une grande réserve (71 000 km²) du Nord-Est de l'Arizona, qui déborde au Nord en Utah et à l'Est au Nouveau-Mexique, et qui définit le Navajoland ( = le Pays navajo). Il s'agit d'une terre aride, de 1800 m d'altitude moyenne; le pic Pastora, dans les monts Carrizo, y culmine à 2871 m. Peu adapté à l'agriculture, sauf au voisinage de la rivière San Juan ou dans les secteurs où la construction de réservoir de stockage a permis l'irrigation (cultures de maïs, de haricots, de courges et de melons), le Navajoland possède d'assez bons pâturages, circonstance qui a favorisé l'élevage.
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Shiprock, au Nouveau-Mexique.
Shiprock (Nouveau-Mexique), la montagne sacrée des Navajos.

Les clans.
La tribu est divisée en une cinquantaine de clans (peu-être moins aujourd'hui). Ces clans sont regroupés en phratries. Certaines sources en donnent 8, d'autres 11, dont 3 clans indépendants; mais la phratrie ne semble pas être un groupe bien défini parmi les Navajos. La descendance est matrilinéaire; un homme appartient au clan de sa mère, et lorsqu'il se marie, il doit prendre une femme d'un autre clan. La position sociale des femmes est élevée et leur influence grande. Elles possèdent souvent en propre beaucoup de biens que le mariage ne leur aliène pas. 

Modes de vie.
Habitations.
L'habitation navajo ordinaire, ou hogan, est une structure très simple, bien qu'érigée avec un grand cérémonial. Le hogan est généralement de forme conique, fait de bâtons mis bout à bout, recouvert de branches, d'herbe et de terre. Il est souvent si bas qu'un homme de stature ordinaire ne peut s'y tenir debout. La porte est généralement suivie d'un court passage ou contre-porte. Il n'y a pas de cheminée; un trou au sommet du hogan laisse simplement échapper la fumée. Certains hogans sont des structures polygonales grossières de rondins posés horizontalement; d'autres sont en partie en pierre. En été, des appentis et de petits abris faits de  branches servent souvent d'habitations. 
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Hogan navajo.
Une famille devant son hogan (vers 1900).

Les sueries étaient de petits hogans coniques sans trou au sommet, car on n'y allumait pas de feu; la température était augmentée au moyen de pierres chauffées dans des feux à l'extérieur.

Les pavillons de médecine, lorsqu'ils étaient construits dans des localités où poussent des arbres de taille suffisante, étaient des structures coniques comme les hogans ordinaires, mais beaucoup plus grandes. Lorsqu'ils étaient construits dans des régions d'arbres de petite taille, ils avaient des toits plats. L'une des raisons d'être de tels édifices était que la coutume et la superstition  contraignaient les Navajos à détruire ou à abandonner une maison dans laquelle un décès était survenu. Un tel endroit s'appelait chindi-hogan, ce qui signifie «-maison du diable ». Aucun peuple n'a plus peur que les Navajos des fantômes et des restes mortuaires. Les pavillons de médecine étaient ainsi l'endroit où l'on transférait les mourants pour sauver sa propre maison. A défaut, plutôt que de détruire leur maison, les Navajos pouvaient laisser les mourants expirer à l'extérieur. 

Artisanat.
L'artisanat le plus important chez les Navajos a été celui du tissage. Ils ont été particulièrement connus pour leurs couvertures, qui étaient très demandées par les Blancs en raison de leur beauté et de leur utilité; mais ils tissaient également des ceintures, des jarretières et des sangles de selle, le tout avec des métiers à tisser grossiers et simples. Leurs légendes déclarent que dans les premiers temps, ils ne connaissaient pas l'art de tisser au moyen d'un métier à tisser. Son usage leur a probablement été enseigné par les femmes Pueblo incorporées dans la tribu. 
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Tissage d'une couverture par une Navajo.
Tissage d'une couverture par une Navajo.

Les Navajos s'habillaient de peaux et de nattes grossières faites à la main, d'écorce de cèdre et d'autres fibres végétales. Les quelques vanniers qui les accompagnaient semblaient avoir été des femmes Ute ou Paiute ou leurs descendantes. La production était peu importante, mais d'excellente qualité et se limitait presque exclusivement à deux formes requise à des fins cérémonielles.
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Ils broyaient le maïs et d'autres céréales à la main sur le metate. À des fins cérémonielles, ils cuisaient des aliments dans le sol et d'autres manières autochtones.

Les Navajos fabriquaient très peu de poterie, et celle-ci d'une variété très ordinaire, était destinée uniquement pour la cuisine; à une époque plus reculée, cependant, ils fabriquaient une belle vaisselle rouge décorée de motifs noirs caractéristiques.

Pendant de nombreuses années, les navajos ont eu parmi eux des orfèvres qui fabriquaient des ornements de mains avec des outils très grossiers; un art sans doute transmis par les Mexicains, et adapté à leur propre environnement. 

Femme navajo.
Femme navajo portant un enfant sur son dos.

Religion.
Les Navajos sont un peuple hautement religieux ayant de nombreuses divinités  appelées yei (dieux de la nature, dieux animaux, dieux locaux), et possédant une vaste tradition mythgologique, avec des milliers de chants et de prières qui doivent être appris et répétés de la manière la plus exacte. Il existe en particulier des centaines de compositions musicales de signification religieuse ou associées à des rituels. Ce que l'on a parfois appelé des danses sont des cérémonies qui durent 9 nuits et près de 10 jours. Les hommes-médecine consacrent  de nombreuses années d'études à apprendre à en mener correctement une seule de ces cérémonies, dont un aspect important est la peinture d'images en poudre sèche (dry painting) sur le sol du pavillon de médecine.

L'une divinité les plus importantes des Navajos est le Yeibichai, c'est-à-dire le Grand-père maternel des dieux qui est aussi appelé le Dieu qui parle. C'est le médiateur entre les Navajos et le peuple sacré des dieux. Plus vénérée encore est la déesse nommée Estsanatlehi, qui est la Femme qui se rajeunit, car on dit d'elle qu'elle ne reste jamais dans sa condition, mais qu'elle vieillit et redevient jeune à volonté. On peut y voir une sorte de Mère-Nature, comme une apothéose de la succession des saisons.
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Un Navajo incarnant le dieu Yeibichai plante des bâtons de plumes lors d'une cérémonie.

Histoire des Navajos.
Dès que l'on quitte ce qui relève du domaine des mythes, les récits traditionnels des Navajos  donnent peu d'indications sur leur passé ancien. Il semble que pendant longtemps ils aient erré entre le Nouveau-Mexique et l'Arizona en petits groupes, peut-être en simple familles. Au fil du temps, ces groupes se sont rejoints, assimilant même au passage des populations keresanes, shoshones ou tañoanes. C'est seulement à partir du XVIIe siècle, que les Navajos se sentant désormais assez forts ont commencé à entreprendre des guerres de harcèlement.

Cela explique qu'avant cette époque, ils aient été mal identifiés par les Espagnols. Il se peut qu'ils aient déjà été mentionnés (sous l'appellation d'Apaches, vaguement appliquée) par Oñate dès 1598, mais le premier à les nommer par leur nom actuel est Zarate-Salmeron, vers 1629.

Il y avait des missionnaires chrétiens parmi eux au milieu de la XVIIIe siècle, mais leur prosélytisme n'a pas eu d'effet sur la religion des Navajos. 

Pendant de nombreuses années avant l'occupation de leur pays par les États-Unis, les Navajos ont mené des guerres prédatrices presque constantes contre les Pueblos et les colons blancs du Nouveau-Mexique, dont ils sortaient généralement vainqueurs. 

Lorsque les États-Unis prennent possession du Nouveau-Mexique en 1849, ces déprédations sont à leur paroxysme. La première expédition militaire dans leur pays est celle du colonel Alex. W. Doniphan, des First Missouri Volonteers, à l'automne 1846. Au nom des États-Unis, Doniphan conclut le premier traité de paix avec les Navajos le 22 novembre de cette année, mais la paix ne durera pas. En 1849, une autre force militaire, placée sous le commandement du colonel John M. Washington, pénètre dans le territoire Navajo jusqu'au canyon De Chelly. Un nouveau traité de paix y est conclu le 9 septembre, dans lequel les Navajos reconnaissaient la souveraineté des États-Unis.  Mais ce traité aussi sera bientôt rompu.
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Navajos dans le canyon De Chelly.
Navajos au pied des falaises du canyon De Chelly.

Pour mettre un terme aux guerres menées par les Navajos, le colonel Christopher ("Kit") Carson envahit leur territoire en 1863, tue tellement de leurs moutons qu'il les laisse sans moyens de subsistance; de plus, il emmène la plus grande partie des membres de la tribu prisonniers au Fort Summer (à Bosque Redondo), sur le Rio Pecos, au Nouveau Mexique. L'épisode est connu sous le nom de Longue marche des Navajos (plus de 600 km parcourus à pied, pendant trois semaines). Huit mille Navajos y resteront en captivité jusqu'en 1867, date à laquelle ils sont autorisés à retourner dans leur pays d'origine, où des moutons leurs sont donnés en réparation. Depuis lors, les Navajos sont restés globalement en paix. 

Par traité de Fort Sumner, du 1er juin 1868, une réserve leur est réservée en Arizona et au Nouveau-Mexique, en échange de leurs droits sur d'autres terres.

Les limites de cette réserve, dans laquelle est, depuis l'origine enclavée, la réserve Hopi, ont été modifiées par plusieurs arrêtés ultérieurs. Ainsi, en 1936, une zone conjointe Hopi-Navajo (Navajo-Hopi Joint Use Area, aussi appelée Big Mountain) a-t-elle été créée. Mais des dissensions entre les deux populations, sur fond notamment de découvertes de pétrole, de gaz, de charbon et d'uranium, ont conduit à un partage de cette zone en 1974. Certains Navajos installés dans la zone allouée aux Hopi ont alors refusé leur relocalisation. La crise ainsi ouverte culminera dans les années 1980, trouvera un début de solution en 1994, et ne sera réglée définitivement, du moins sur le plan juridique, qu'en 2009, sous l'administration Obama. Un accord qui est loin d'avoir mis fin à l'animosité séculaire qu'entretiennent ces populations.
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Cavaliers Navajos.
Navajos.


En librairie - Jean-Louis Rieupeyrout, Histoire des Apaches: La fantastique épopée du peuple de Géronimo, 1520-1981, Albin-Michel, 1987. - Edward S. Curtis, Les Apaches : Les indiens d'Amérique du Nord, Presses de la Cité, 2000. - Donald C. Cole, Les Apaches Chiricahuas : De la guerre à la réserve, Editions du Rocher, 1993. - Grenville et Neil Goodwin, Les Guerriers silencieux: Journaux apaches, Edition du rocher, 2018. - Geronimo, Mémoires de Géronimo, La Découverte, 2003.

Marie-Claude Feltes, Moi, Sam Begay, homme-médecine navajo, Editions du Rocher, 2019; de la même, Mythes et légendes des indiens navajos, Ed. de l'Harmattan, 2013. - Emily Benedek, Au-delà des quatre coins du monde : une famille navajo dans l'Amérique d'aujourd'hui, Albin-Michel, 2001. - Jean-Louis Rieupeyrout, Histoire des Navajos : Une saga indienne, 1540-1990, Albin-Michel, 1991. -  Hampton Sides, De sang et de fureur, Kit Carson et la conquête de l'Ouest; Paulsen, 2020.

Une mention particulière pour les romans de Tony Hillerman, qui sont des polars en Pays navajo, notamment : La Voie de l'ennemi (Rivages, 1990), Le Peuple de l'ombre (Folio, 2015), Porteurs de peau (Payot, Rivages, 2018), le Voleur de temps (Rivages, 2016), etc.

Ajoutons aussi au registre de la fiction, le film Windtalkers (2002), de John Woo, qui évoque le rôle joué historiquement par des Navajos, recrutés dans l'armée américaine lors de la Seconde guerre mondiale, comme opérateurs radio : leur langue, inconnue ailleurs, rendaient leurs communications indéchiffrables par l'ennemi.

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