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Les Muses, Musae, Camaenae, sont les déesses grecques des sciences et des arts. D'abord divinités de l'inspiration poétique et musicale dans le Panthéon des anciens Grecs, elles ont passé ensuite dans celui des Romains, qui y ont vu la personnification des sciences humaines. On a donné beaucoup d'interprétations au nom et à la signification supposée des Muses. Ainsi leur nom viendrait, suivant Jean Diaconus, de deux mots : omou ousai (= étant ensemble), et suivant Leclerc du mot phénicien motsa (= inventrice), que les anciennes colonies de la Phénicie auraient apporté en Grèce. D'après le système de Leclerc, qui donnait à tout un sens historique (Evhémérisme), un choeur de neuf vierges, d'abord célèbre par ses talents en Béotie et en Thessalie, fut institué par Zeus, roi de cette dernière contrée. Les âges suivants imaginèrent qu'elles avaient inventé la poésie, la musique et l'éloquence; ils les divinisèrent et leur donnèrent pour mère Mnémosyne, parce que c'est la mémoire qui fournit les sujets de poèmes et de discours. Diaconus, dans ses allégories sur la Théogonie, voyait en elles une image des âmes, qui, débarrassées des liens du corps, s'épurent en montant plus haut, et, devenant plus légères, connaissent la nature des choses, soulèvent le voile de toutes les vérités, comprennent l'harmonie des astres et pénètrent les mystères de la création.Leur nom, qui paraît plutôt être en rapport avec celui de mania = délire, et de mantis = prophète, s'applique, sous la forme du singulier, au chant pris en lui-même et aussi à la faculté créatrice qui le produit; mais ces deux emplois, qui sont les premiers logiquement, sont postérieurs dans la réalité au sens personnifié; celui-ci se rencontre déjà dans les poèmes homériques, puis aussitôt chez Hésiode. - Muses. Détails d'un sarcophage grec. On reconnaît de droite à gauche, Melpomène, Uranie et Terpischore. Musée du Louvre. Pour Homère, la Muse est tantôt unique, tantôt multiple, mais dans les deux cas d'une personnalité assez vague : les Muses chantent et ont la science universelle. Dans une partie récente de l'Odyssée et chez Hésiode, elles sont au nombre de neuf; l'Olympe est leur demeure et Apollon leur coryphée. On les fait aussi habire avec lui le Parnasse, le Pinde, l'Hélicon ou le mont Piétius, Le Permesse, les fontaines de Castalie et d'Hippocrène, leur étaient consacrés, ainsi que le cheval-Pégase, symbole de l'essor poétique. D'Apollon et des Muses viennent les chanteurs et les musiciens, comme de Zeus descendent les rois; de même qu'à la cour des rois et des chefs les aèdes célèbrent les hauts faits des anciens héros, ainsi dans le palais de Zeus, tandis qu'Apollon fait retentir la Iyre, les Muses répandent la joie par leurs chants. Leur culte est originaire de la Thrace, et Hésiode les fait naître sur le mont Olympe en Piérie; on les retrouve ensuite sur l'Hélicon en Béotie. Elles ont pour père Zeus et pour mère Mnémosyne; mais cette filiation, où l'on surprend l'esprit allégorique, n'est probablement pas la plus ancienne; une autre généalogie en fait les filles d'Ouranos et de Gaïa, personnifications du Ciel et de la Terre. La première fait concorder leur naissance avec la défaite des Titans : c'est pour chanter sa victoire que Zeus les donna au monde. Le centre le plus important de leur culte est la région de Thespies et d'Askra d'où Hésiode est lui-même originaire; là elles sont au nombre de neuf, et le poète de la Théogonie les désigne par les noms qui vont devenir traditionnels : Clio, Euterpe, Thalie, Melpomène, Terpsichore, Polymnie (Polhymnie), Uranie et Calliope, cette dernière appelée la plus éminente de toutes. Ce nombre est cependant loin d'être fixe; nous avons déjà dit que tout d'abord la Muse dut être conçue comme unique et l'idée de cette unité persiste dans la suprématie donnée à Calliope sur ses soeurs. Sur l'Hélicon, elles ont été d'abord trois, à qui les mythologues plus récents ont donné les noms allégoriques de : Melété (la Méditation); Mnémé (la Mémoire); Aoïdé (le Chant); à Delphes, elles sont trois encore et dénommées d'après les tons bas ou hauts de l'échelle tonique : Nété (la note basse); Mésé (la note moyenne); Hypaté (la note élevée). Delphes est le centre principal du culte d'Apollon, le dieu de la lyre, d'où la prédominance de la notion musicale dans la conception des Muses, alors qu'en Thrace y surabonde la notion poétique. Nous retrouvons ensuite le culte des Muses à Athènes; une des collines bordant l'Ilissus portait le nom d'Hélicon; et sur la pente sud-ouest de l'Acropole on leur avait de bonne heure élevé un sanctuaire. Elles sont également en honneur à Sicyone, dans l'île de Crète, à Trézène, à Chéronée, à Sparte, ailleurs encore. Les fêtes qu'on célébrait en leur honneur s'appelaient Muséia, comme en Béotie et à Delphes où elles étaient particulièrement brillantes; à Sicyone, les Muses étaient trois également, et l'une d'elles s'appelait Polymathia (la Science universelle). Ce sont probablement les fantaisies personnelles de quelques auteurs qui ont fait grouper les Muses par quatre, cinq, six, sept ou huit; le chiffre sept est seul curieux parce qu'on l'interprétait, soit par les sept cordes de la lyre, soit par les sept planètes, ou aussi par les sept voyelles de l'alphabet grec. De ces variations celles qui sont intéressantes à relever sont les variations consacrées par des monuments artistiques. La statuaire à ses débuts parait s'être arrêtée à la triade comme pour les Charites (Grâces) et les Heures; les Muses les plus célèbres dans ce genre, celles qui ont fourni le type classique, sont les Muses de Praxitèle qui, après la conquête de la Grèce, furent transportées de Thespies à Rome et placées dans le temple de Felicitas par Lucullus : on ne peut que faire des conjectures sur leur caractère à l'aide d'oeuvres postérieures. Parmi celles qui précèdent, on doit citer le coffret de Cypselos que nous connaissons par la description de Pausanias et où elles étaient au nombre de trois, sans attributs caractéristiques. Sur le vase François qui est de la fin du VIe siècle av. J.-C., elles figurent au nombre de neuf dans le cortège des dieux aux noces de Thétis et de Pélée, avec les noms placés à côté de chacune d'elles; Calliope jouant de la syrinx (flûte de Pan) est à leur tête, et Apollon ne fait pas partie de leur choeur. Développement du vase des trois Muses de la galerie Campana : Uranie, Calliope et Melpomène. Dessin de Chevignard. Sur les vases de l'époque suivante, il est impossible de les distinguer nettement des Charites et des Heures, vu que les artistes en varient le nombre et s'abstiennent de les déterminer par des attributs. C'est seulement sur les vases à figures rouges qu'on commence à les distinguer par des rouleaux de papyrus, des tablettes, en les groupant avec Apollon et avec les poètes légendaires Orphée, Musée, Linus, en les mêlant à la lutte d'Apollon et de Marsyas, sujet qui sera plus tard fréquemment traité sur les bas-reliefs des sarcophages. Un monument célèbre par les discussions auxquelles il a donné lieu entre archéologues est sorti en 1887 des fouilles pratiquées à Mantinée par l'école française d'Athènes; il se compose de trois bas-reliefs employés au dallage d'une église 'byzantine et qui devaient primitivement orner le piédestal d'un groupe de statues; le premier représente le combat de Marsyas et d'Apollon, les deux autres chacun trois Muses dans des attitudes et avec des attributs variés, la lyre, la flûte, le rouleau de papyrus; l'hypothèse qui admet qu'un quatrième bas-relief complétait les Muses au chiffre de neuf est aujourd'hui abandonnée, et le monument de Mantinée est considéré comme formant la transition entre la conception des Muses sous forme de triade et celle qui les met au nombre de neuf (commencement du IVe siècle av. J.-C.). Sur le sarcophage du Louvre il y a un effort évident pour déterminer chacune des Muses par un attribut spécial; celles de la tragédie et de la comédie sont reconnaissables à des masques; celle de la poésie lyrique, à la cithare; celle de la poésie astronomique, à la sphère; celle de la poésie bucolique et bacchique, à la flûte, etc. Nous les retrouvons plus nettement déterminées encore sur les fresques de Pompéi et d'Herculanum et dans des statues dont les plus remarquables sont au musée du Vatican. Toute une série de monnaies frappées par Pomponius Musa a permis de restituer l'image des neuf Muses que Marcus Fulvius Nobilior ramena d'Ambracie en 1487 av. J.-C. et dédia dans le temple d'Hercule Musarum ou Musagotes à Rome. Au début, elles sont simplement drapées dans l'ample tunique; plus tard, ce vêtement se complique du manteau; il s'écoule un assez long temps avant que chacune d'elles reçoive une fonction et un attribut déterminés, et les variations sur ce point sont nombreuses jusque chez les poètes classiques de Rome. Les Muses, par Nicolas Poussin, 1632. C'est seulement au déclin du paganisme que nous les trouvons spécialisées dans les conditions suivantes : 1° Clio représente l'histoire, avec un rouleau de papyrus; 2° Calliope, la Poésie épique, avec des tablettes ou un rouleau ; 3° Polymnie, la Pantomime, sans attributs, drapée dans son manteau; 4° Euterpe, la Poésie bacchique, avec les flûtes longues; 5° Terpsichore, la Poésie lyrique légère, avec la lyre; 6° Erato, la Poésie dithyrambique, avec la cithare; 7° Melpomène, la Tragédie, avec le masque grave; 8° Thalie, la Comédie, avec le masque grimaçant; 9° Uranie, l'Astronomie, avec le globe. Ce sont les noms que leur donne Hésiode dans la Théogonie; le reste est l'oeuvre du temps, de l'esprit allégorique et abstrait. A Rome, les Muses grecques absorbent dans leur individualité brillante les Camènes qui, chez les poètes latins, ne gardent de leur modeste origine que le nom et pour tout le reste reproduisent les Muses helléniques. (J.-A. H.). |
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