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Andrieux

Andrieux est un homme de lettres, né à Strasbourg en 1759, mort à Paris en 1833, fut d'abord destiné à la profession d'avocat. Détourné de cette carrière par les événements de la Révolution il entra dans les affaires et devint successivement chef du bureau de la liquidation juge au tribunal de cassation (1796), membre au Conseil des Cinq-Cents (1798), puis du Tribunat (1800); il porta dans toutes ces fonctions une indépendance qui ne se démentit jamais; aussi fut-il éliminé du tribunat par le premier consul (1802).

Andrieux fut nommé en 1804 professeur de grammaire et de belles-lettres à l'École polytechnique, et en 1814 professeur de littérature au collège de France. Il exerça ces dernières fonctions jusqu'à, la fin de sa vie avec autant de succès que de zèle; malgré la faiblesse de sa voix, il se faisait entendre, a-t-on dit ingénieusement, à force de se faire écouter. Admis à l'Institut lors de la création de ce corps (1797), comme membre de la classe de littérature, il devint en 1829 secrétaire perpétuel de l'Académie française
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Le Meunier de Sans-Souci, d'Andrieux

« L'homme est bien variable et ces malheureux rois,
Dont on dit tant de mal, ont du bon quelquefois.
J'en conviendrai sans peine et ferai mieux encore 
J'en citerai pour preuve un trait qui les honore.
Il est de ce héros, de Frédéric second, 
Qui, tout roi qu'il était, fut un penseur profond, 
Redouté de l'Autriche, envié dans Versailles, 
Cultivant les beaux-arts au sortir des batailles, 
D'un royaume nouveau la gloire et le soutien, 
Grand roi, bon philosophe et fort mauvais chrétien.
Il voulait se construire un agréable asile, 
Où, loin d'une étiquette arrogante et futile,
Il pût, non végéter, boire et courir les cerfs, 
Mais des faibles humains méditer les travers 
Et, mêlant la sagesse à la plaisanterie, 
Souper avec d'Argens, Voltaire et la Mettrie.

Sur le riant coteau par le prince choisi,
S'élevait le moulin du meunier Sans-Souci. 
Le vendeur de farine avait pour habitude
D'y vivre au jour le jour, exempt d'inquiétude, 
Et, de quelque côté que vînt souffler le vent, 
Il y tournait son aile et s'endormait content. 
Fort bien achalandé, grâce à son caractère, 
Le moulin prit le nom de son propriétaire
Et, des hameaux voisins, les filles, les garçons, 
Allaient à Sans-Souci pour danser aux chansons. 
Sans-Souci!... ce doux nom d'un favorable augure 
Devait plaire aux amis des dogmes d'Épicure. 
Frédéric le trouva conforme à ses projets 
Et du nom d'un moulin honora son palais.

Hélas! est-ce une loi sur notre pauvre terre
Que toujours deux voisins auront entre eux la guerre, 
Que la soif d'envahir et d'étendre ses droits 
Tourmentera toujours les meuniers et les rois? 
En cette occasion, le roi fut le moins sage;
Il lorgna du voisin le modeste héritage...
On avait fait des plans, fort beaux sur le papier, 
Où le chétif enclos se perdait tout entier. 
Il fallait, sans cela, renoncer à la vue, 
Rétrécir les jardins et masquer l'avenue.

Des bâtiments royaux l'ordinaire intendant
Fit venir le meunier et, d'un ton important
« Il nous faut ton moulin : que veux-tu qu'on t'en donne?
- Rien du tout, car j'entends ne le vendre à personne.
Il vous faut est fort bon... mon moulin est à moi... 
Tout aussi bien au moins que la Prusse est au roi.
- Allons, ton dernier mot, bonhomme, et prends-y garde! 
- Faut-il vous parler clair ? - Oui. - C'est que je le garde. 
Voilà mon dernier mot. » Ce refus effronté 
Avec un grand scandale au prince est raconté.
Il mande auprès de lui le meunier indocile, 
Presse, flatte, promet; ce fut peine inutile. 
Sans-Souci s'obstinait. « Entendez la raison, 
Sire; je ne peux pas vous vendre ma maison 
Mon vieux père y mourut, mon fils y vient de naître; 
C'est mon Potsdam à moi. Je suis tranchant peut-être, 
Ne l'êtes-vous jamais? Tenez, mille ducats 
Au bout de vos discours ne me tenteraient pas.
Il faut vous en passer, je l'ai dit, j'y persiste. »

Les rois malaisément souffrent qu'on leur résiste. 
Frédéric, un moment par l'humeur emporté 
« Parbleu! de ton moulin, c'est bien être entêté! 
Je suis bon de vouloir t'engager à le vendre
Sais-tu que, sans payer, je le pourrais bien prendre?
Je suis le maître. - Vous, de prendre mon moulin? 
Oui, si nous n'avions pas des juges à Berlin. »
Le monarque, à ce mot, revient de son caprice, 
Charmé que sous son règne on crût à la justice. 
Il rit, et se tournant vers quelques courtisans : 
« Ma foi, messieurs, je crois qu'il faut changer nos plans. 
Voisin, garde ton bien; j'aime fort ta réplique.  »

Qu'aurait-on fait de mieux dans une république ? »

(Andrieux).

Andrieux s'était fait connaître dès 23 ans par la jolie comédie d'Anaximandre (1782); il donna ensuite les Étourdis (1788), Helvétius (1802), un remaniement de la Suite du Menteur (1803), le Trésor (1803), la Soirée d'Auteuil (1804), le Vieux Fat (1810), la Comédienne (1816), le Manteau (1826), et une tragédie, Junius Brutus (1828). Il a aussi composé de charmants contes en vers dont il parut un premier recueil en 1800, in-8, des contes en prose et des fables.

On a rassemblé ses oeuvres en 4 vol. in-8 et 6 v. in-18, 1817-23. Andrieux fut uni d'une étroite amitié avec Collin-d'Harleville et Picard, ses rivaux en talent.

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Dictionnaire biographique
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