.
-

Anaximandre

Anaximandre est un philosophe grec né à Milet en 610 av. J.-C., mort vers 547 av. J.-C. Sa vie est peu connue; on dit seulement qu'il fut le disciple et l'ami de Thalès, qu'il conduisit sur les bords du Pont-Euxin la colonie milésienne qui fonda Apollonie. Au rapport de Suidas, il écrivit le premier un ouvrage didactique de géométrie, dont il ne nous reste pas même un fragment. Il employa probablement le gnomon pour déterminer, non seulement la hauteur du Soleil, mais encore les solstices et les équinoxes. Il estimait l'obliquité de l'écliptique égale à 24 degrés, ou à la quinzième partie de la circonférence de la sphère. C'est lui, semble-t-il encore, qui introduisit à Sparte le cadran solaire, vers 580. A cette époque la culture de la république lacédémonienne était plus avancée que celle d'Athènes; car dès le VIIIe et le VIIe siècle avant notre ère, Sparte avait des poètes et des artistes. Il aurait aussi essayé de construire une sphère, représentant la Terre, et dressé les premières cartes géographiques. Quoi qu'il en soit, ces tentatives scientifiques n'ont rien qui doive étonner chez les philosophes anciens, car, en ces temps reculés, la philosophie embrasse toutes les sciences ou plutôt est elle-même toute la science.

La philosophie d'Anaximandre nous est connue par un certain nombre de passages d'auteurs anciens : Aristote et ses commentateurs, Favorinus, Diogène Laërce, etc. Son but était celui de l'École ionienne : l'explication du monde sensible (La matière antique). Remontant à l'origine des choses, il reconnaît comme premier principe (archè), l'infini (apeiron). L'infini semble être pour Anaximandre le chaos primitif, renfermant en lui une foule d'éléments de nature diverse. C'est, au fond, une substance éternelle, sans forme, qui peut tout devenir. Grâce au mouvement, attribut essentiel de l'infini, le chaos s'est peu à peu modifié. Ses éléments se sont juxtaposés et combinés, les contraires se sont séparés, les semblables se sont agrégés, et l'univers, après une série de transformations lentes, est devenu tel que nous le connaissons. 

Anaximandre passe pour avoir le premier imaginé des sphères de cristal dans le but d'expliquer le mouvement des astres. S'il n'y avait eu à expliquer que le mouvement général diurne du ciel, une seule sphère aurait suffi pour cela. Mais, comme le Soleil, la Lune et les planètes ont leurs mouvements propres, il fallut imaginer une sphère particulière pour chacun de ces astres (Origène, Philosophoumena, B, 6 et Plutarque, de Placitis philosophorum, II).  Il supposait la Terre ronde comme la sphère céleste ou -  suivant Eusèbe et Origène - cylindrique. Quoi qu'il en soit la Terre est libre dans l'espace, et ce qui l'empêche, suivant lui, de tomber, bien qu'elle soit sans support, c'est sa position au centre du monde; les étoiles, qui sont à égale distance les unes des autres, tournent autour d'elle; le Soleil, aussi grand que la Terre, est une masse de feu pur; la Lune reçoit sa lumière du Soleil. Quant aux êtres animés, ils sont nés de l'action du Soleil sur la Terre saturée d'humidité; leur naissance n'a été qu'un changement de position entre les particules infiniment petites de la matière et non un changement de nature de ces éléments. Notre monde finira comme bien d'autres; car ce sont les principes du chaud et du froid qui, au sein de l'infini, par leur différence puis par leur équilibre, amènent des créations et des destructions multiples.

Anaximandre admettait une infinité de mondes, qui naissent et disparaissent dans l'infini du temps et de l'espace, considérés comme des attributs de la divinité suprême. Les créations vivantes, qui occupent la Terre, se sont successivement perfectionnées en partant des types inférieurs. C'est ainsi que l'humain fut d'abord poisson, avant de devenir animal terrestre (Plutarque, Symposium, VIII, VIII, 4). Cette gradation comprenait sans doute aussi le passage du singe à l'humain. L'ouvrage dans lequel Anaximandre exposait ces idées avait pour titre : De la Nature (Peri physeôs); il était écrit en prose, contrairement à la coutume des savants d'alors, qui aimaient mieux s'exprimer en vers. Il ne nous en reste aucun fragment. Anaximandre eut pour disciple et héritier de son enseignement Anaximène.

Telles sont, brièvement résumées, les principales vues d'Anaximandre sur l'origine et les transformations du monde. Sa philosophie est, en somme, en progrès sur celle attribuée à Thalès; car, si vague que soit sa conception de l'infini, elle est moins grossière que la conception de l'eau ou de l'air comme premier principe des choses. (R. S.).

Anaximandre d'après les auteurs anciens

Doctrine
• « Anaximandre de Milet dit que le principe des êtres est l'indéterminé; car de lui tout vient par la naissance, à lui tout retourne par la mort. Ainsi se produisent des mondes indéterminés et de nouveau ils se détruisent en retournant au principe dont ils sont formés. Il dit donc que l'indéterminé sert à ce que ne cesse jamais la production. » (Plutarque, Opin. des Phil., I, III, IV).

• « Le premier, il employa ce mot de principe. Il dit que ce n'est ni l'eau, ni quelque autre de ce qu'on appelle les éléments ; mais une certaine nature indéterminée de laquelle naissent tous les cieux et tous les mondes qu'ils renferment. Les principes d'où les êtres tirent leur origine doivent aussi être leur fin selon ce qui convient; c'est ainsi qu'on subit le juste châtiment de son injustice d'après l'ordre du temps. C'est ce qu'il a dit dans un langage trop poétique. » (Simplicius, Physique, fol. 6a).

• « Il dit encore que la production émanant de ce principe éternel du chaud et du froid, la naissance de ce monde résulte d'une séparation et qu'une sphère de ce feu se produit dans l'air qui enveloppe cette terre comme l'écorce enveloppe l'arbre. » (Plutarque dans Eusèbe, Préparation évangélique, I, VIII).

• « Anaximandre fait naître dans l'humide les premiers animaux enveloppés d'une écorce épineuse : par le progrès du temps ils ont passé à une forme plus solide, et ayant brisé leur enveloppe, ils ont pour quelque temps changé leur forme d'existence. » (Plutarque, Opin. des Philos. V, XIX).

• «  ll dit encore qu'au début c'est d'animaux de forme différente que l'homme est né, parce que les autres animaux sont vite capables de se nourrir et que seul l'homme a besoin d'un long allaitement, aussi, dès le début, jamais tel qu'il est, il n'aurait pu vivre. » (Plutarque dans Eusèbe, I, VIII).
 

• « Il paraît évident que c'est sous la forme de poissons que d'abord les hommes se sont produits, qu'ils se sont nourris comme les êtres qui vivent dans la fange pour devenir capables de se protéger eux-mêmes, de se propager et de s'emparer de la terre. » (Plutarque, Propos de table, VIII, VIII, 4).

• « Les animaux sont nés d'une évaporation produite par le soleil; quant à l'homme il est né d'un autre animal, c'est-à-dire d'un poisson probablement au début. » (Hippolite, Réfutation des Hér., I, VI).

.


Dictionnaire biographique
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
[Aide][Recherche sur Internet]

© Serge Jodra, 2004 - 2018. - Reproduction interdite.