|
Alexandre Csoma
de Körös est un voyageur et orientaliste né à Körös, au pays
des Szekler ou Sicules (Transylvanie),
vers 1795. Après avoir reçu son éducation classique dans la maison paternelle,
Csoma de Körös alla étudier la médecine à Goettingen en 1814. Il y
suivit les cours du célèbre Blumenbach,
et l'on prétend qu'au mot prononcé dans une de ses leçons par le grand
naturaliste, sur la possibilité de retrouver en Orient l'origine des Hongrois,
lui inspira l'idée d'aller lui-même à la recherche du berceau de sa
nation. Ce qui est certain , c'est que sitôt après avoir achevé ses
études médicales, il retourna en Transylvanie et en partit, peu de temps
après, pour l'Orient, bien que dénué de toutes ressources. Voyageant
à pied, vivant de sa pratique médiale, qu'il exerçait de ville en ville,
et s'imposant la plus rudes privations, Il atteignit ainsi à la fin de
1816 Constantinople, sans qu'on ait
jamais su la détails de son pénible voyage. Csoma de Körös a négligé
en effet d'entretenir plus tard le public de sa personne; et il s'est borné
dans un de ses écrits à cette courte et modeste mention :
"Je suis
un pauvre étudiant ayant eu envie de voir les pays de l'Orient qui ont
été le théâtre de si grands événements, d'observer les coutumes des
différents peuples de l'Asie, et d'apprendre leurs langues, dans l'espoir
que le monde tirerait quelque avantage des résultats que j'obtiendrais,
et je n'ai pu substanter ma vie pendant toutes mes pérégrinations que
par l'effet de la bienveillance des hommes."
En 1819, Csoma s'embarqua pour l'Égypte;
il visita ensuite la Syrie et se rendit à Bagdad,
où il trouva de généreux protecteurs dans M. Bellino, ancien secrétaire
du voyageur Rich, et dans un de ses compatriotes, Antoine Swoboda, auquel
l'avait adressé un négociant d'Alep, Ignace
Pohle, natif de Bohème. Grâce aux secours
qu'il se procura par leur entremise, le jeune Transylvain put gagner Téhéran,
où trois Anglais, Henry et George Willock et le docteur Richard, s'employèrent
à lui préparer les moyens de pénétrer plus avant en Asie. Après un
séjour de trois années dans la capitale de la Perse,
il partit pour le Tibet,
traversant le Khoraçan, la région de
Kaboul, le Cachemire,
et atteignit en 1822 Leh, la capitale du Ladakh.
Durant ce difficile voyage, il eut le bonheur
de rencontrer des appuis efficaces chez divers Européens. A Lahore,
les généraux Allard et Ventura vinrent à son
secours. Au Cachemire, il fit la connaissance du célèbre voyageur W.
Moorcroft, dont il devint l'ami et qu'il accompagna jusqu'au Ladakh. C'est
par sa protection que Csoma obtint la permission de se rendre à Zankla,
dans la circonscription du lama de Zanskar. Il sut gagner l'amitié de
ce lama et de son ministre, se livra avec ardeur, sous leur direction,
a l'étude de la langue tibétaine, dont il acheva de se rendre maître
dans le couvent bouddhique
de Kanoum, sur secours septentrional du Suttledje (province de Kanvar).
Une fois familiarisé avec l'idiome du
pays, Csoma songea à poursuivre ses voyages. En compagnie du médecin
anglais J. Gerard, il pénétra jusque dans la région la plus élevée
de l'Himalaya, de l'hiver 1828 au printemps 1829, recueillant sur sa route
une foule de notes et de manuscrits népalais et tibétains, Il formait
le projet de s'avancer jusqu'en Mongolie, pour en étudier la langue ,
comptant sur la protection des lamas de Djaji-hlumba et de Lhassa;
mais ses ressources étaient totalement épuisées, et il se vit contraint
de revenir à Calcutta, afin d'y chercher
quelque emploi, Il y arriva en 1831, trouva dans l'indianiste H.-H. Wilson,
alors secrétaire de la société asiatique du Bengale,
un patron généreux, et fut chargé par la compagnie des Indes de publier
la grammaire et le dictionnaire
tibétains dont il avait déjà réuni tous les matériaux avant son départ
pour l'Himalaya. Ces deux ouvrages ont paru in-4° en 1834 à Calcutta,
sous les litres suivants : A gramar of the tibetan language in english,
prepared under the patronage of the goverment and the auspices of the asiatic
society of Bengal. - Essay toward a dictionary tibetan and english
prepared with the assistance of Bandé Sang: Rgyas Phun Tshogs, a learned
Lama of Zangthar.
Csoma de Körös, qui ne perdait pas de
vue, au milieu de ses travaux philologiques, la question qui l'avait conduit
en Asie, s'est attaché à faire ressortir les analogies qui lient Ie tibétain
à l'idiome magyar, analogie qui tient
à une parenté moins directe entre les Hongrois et les Tibétains qu'il
ne le supposait, et provient seulement de ce que les deux langues appartiennent
à la grande famille finno-mongole. Nommé bibliothécaire de le société
asiatique de Calcutta, Csoma fut allé pour
la classification des manuscrits qu'il avait apportés par J. Prinsep;
celui-ci, qui avait succédé à H.-H.. Wilson, revoyait ses rédactions
en anglais. L'infatigable voyageur se livra surtout alors à l'étude du
bouddhisme,
dont la théologie fait tout le fond de la littérature tibétaine, Il
donna dans le tome 20 des Asiatic researches l'analyse du Dal-va,
dont il a fourni des extraits au tome 1 du Journal de la société asiatique
du Bengale. Le même tome des Asiatic Researches renferme aussi
de lui l'analyse d'un autre recueil bouddhique: le Sher-chin, et
une Vie de Çakya. Son analyse de la collection appelée Kah-gyur
a été imprimée dans le Journal de la société asiatique du Bengale.
En janvier 1812, Csoma avait pris la résolution de retourner au Tibet,
pour compléter ses recherches; mais il mourut le 11 avril de cette année,
à Darjeeling. "C'était, écrit
J.
Mohl, dans un de ses rapports sur les travaux de la société asiatique
de Paris (Journal asiatique, 4e
sér., t. 1, p. 493),
un homme d'une singulière austérité de moeurs,
d'une volonté de fer, d'un desintéressement complet; et qui rappelle
vivement le beau caractère d'Anquetil du
Perron. " (A. M-v.).
|
S.
Jouty, Celui
qui vivait comme un rhinocéros : Alexandre Csoma de Körös, le vagabond
de l'Himalaya, Fayard, 2007. - C'est
l'histoire véridique d'un personnage extraordinaire, au destin ironique
et à la gloire involontaire. Parti sans un sou pour trouver en Asie centrale
les origines de la langue hongroise, Alexandre Csoma de Körös (1784-1842)
a fondé la tibétologie, par le hasard d'une rencontre avec un vétérinaire-explorateur,
qui le charge d'établir un dictionnaire tibétain. Son université? Une
cellule sans chauffage du Zanksar, la région la plus sauvage de l'Himalaya,
où Csoma de Körös est le premier Occidental à pénétrer. Son travail
presque achevé, il rejoint l'Inde anglaise,
où on le prend d'abord pour un espion. Mais rapidement l'Asiatic Society,
soucieuse de profiter de son savoir, se décide à l'engager, à le rétribuer.
Csoma répond avec hauteur : "Si j'étais riche, j'aurais considéré comme
un honneur de payer pour accomplir une tâche aussi agréable. Ne l'étant
pas, je ne puis accepter aucune somme pour cela." Alors qu'il se décide
à reprendre sa quête linguistique avec, enfin, une chance d'aboutir,
le savant obstiné meurt aux portes du Tibet.
Des Carpates à l'Himalaya, le parcours singulier de cet ascète est aussi
un fabuleux voyage à travers les langues, les civilisations, les religions,
à la rencontre d'autres individus hors du commun, et à l'orée du "Great
Carne" pour la maîtrise de l'Asie.Nul doute, Alexandre Csoma de Kôros
n'est pas un homme de notre temps. Mais il est peut-être celui de l'avenir
(couv.). |
|
|