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La liturgie mozarabique
Liturge gothique, rite de Tolède
La liturgie mozarabique appartient à ce qu'on appelle généralement l'usage gallican; très distinct de l'usage romain, et incontestablement d'origine orientale pour tout ce qui l'en distingue. Ce qui semble bien indiquer, malgré les affirmations contraires des papes, que les pays dans lesquels cet usage était établi avaient été primitivement évangélisés par des chrétiens venus d'Orient ou se rattachant aux Eglises orientales. Il est certain que avant le commencement du Ve siècle cet usage était déjà suivi dans les Eglises de la Gaule, de l'Espagne, de la Bretagne et de l'Irlande. Dans la Gaule, il subit des altérations plus ou moins nombreuses et importantes, jusqu'à ce qu'enfin il fut officiellement aboli par Pépin le Bref, dont Charlemagne acheva l'oeuvre. 

C'est en Espagne qu'il s'est maintenu le plus longtemps; il n'y fut supprimé que sur les instances de la cour de Rome. En 1063, un concile tenu à Jaca (Aragon) ordonna la substitution du rite romain au rite gothique ou mozarabique. En 1068, le cardinal Hugues le Blanc, légat du pape Alexandre Il, fit adopter une mesure analogue pour toute la Catalogne, dans un concile de Barcelone. Aussitôt après son élection à la papauté, Grégoire VII poursuivit l'achèvement de cette oeuvre, dont il avait été l'instigateur sous ses prédécesseurs. L'ardeur qu'il y mit est attestée par ses lettres. Dès 1074, il félicitait le roi Sancho Ramirez de ce qui avait été fait en Aragon. Par une autre lettre adressée la même année à Alphonse VI, roi de Castille et de Léon, et à Sanche IV, roi de Navarre, il pressait ces princes de renoncer à l'ordre et à l'Office divin de l'Eglise de Tolède ou de toute autre Eglise, et de recevoir l'Office divin dans l'ordre de I'Eglise romaine. 

Afin d'abattre la résistance qui s'était produite en plusieurs lieux, il écrivit à un évêque espagnol, Grégoire, traitant les opposants de loups et d'empoisonneurs, et déclarant qu'il entendait et voulait que les décrets rendus et confirmés par lui, on plutôt par l'Eglise romaine, portant obligation de se conformer aux Offices de cette Eglise, demeurassent inébranlables. Il recommandait de combattre et de travailler jusqu'à l'effusion du sang, s'il était nécessaire, afin que par toute l'Espagne et la Galicie l'Office romain fit observé avant toutes choses. Pour assurer l'accomplissement de ses désirs, il députa comme légat le cardinal Richard, abbé de Saint-Victor de Marseille, qui alla deux fois en Espagne. En un concile tenu à Burgos (1085), ce légat fit renouveler et promulguer avec la plus grande solennité l'abolition de la liturgie gothique dans les pays soumis à Alphonse VI. Cette mesure fut complétée en 1091, par la substitution des caractères latins aux caractères gothiques.

Il semble bien que, dès 1085, la liturgie mozarabique n'était plus guère observée qu'à Tolède; mais elle y était considérée comme un précieux titre de noblesse, car dans toute l'Espagne on l'appelait ordinairement le Rite de Tolède. Alphonse VI voulut l'abolir dans cette ville, qu'il venait de conquérir. Il était stimulé par Constance de Bourgogne, qu'il avait épousée en 1080, et qui avait passionnément pris parti pour l'introduction de la liturgie romaine. Il se fit assister en cette entreprise par Bernard, abbé de Sahagun, Français d'origine. Ils rencontrèrent chez le clergé, la milice et le peuple une résistance dont le souvenir a été poétisé par la légende, et dont on retrouve à peu près l'équivalent pour le conflit de la liturgie ambroisienne et de la liturgie romaine. Mais, comme le dit Rodrigue de Tolède, qui a conté cette légende : Quod volunt reges, vadunt leges, quand veulent les rois, s'en vont les lois, Depuis lors, l'Office gallican (c'est ainsi que depuis Charlemagne on appelait en Espagne l'Office romain), qui n'avait jamais été reçu ni pour le psautier, ni pour le rite, fut observé en Espagne, quoique dans quelques monastères on ait gardé encore un certain temps celui de Tolède. 

Le cardinal Ximénès, archevêque de Tolède, fit imprimer en 1500 le Missel et en 1502 le Bréviaire dont se servaient les moines qui, sous la tolérance des rois de Castille, étaient restés fidèles à la liturgie mozarabique. Il affecta à cette liturgie une chapelle de la cathédrale et six églises de la ville. Ces mesures furent approuvées par deux bulles de Jules II, qui institua canoniquement le rite gothique dans les lieux qui lui étaient assignés (1508-1512). 

La liturgie mozarabique se trouve dans les collections de Migne (t. LXXXV). Les manuscrits dont on s'est servi pour l'édition du cardinal Ximénès étaient relativement modernes, car ils mentionnent saint François, saint Dominique, saint Thomas d'Aquin, saint Antoine de Padoue, et la fête du Corpus Christi, qui ne fut pas introduite avant le XIIIe siècle. (E.-H. Vollet).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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