Aperçu |
Les sursauts gamma
correspondent à des bouffées de rayonnement électromagnétique
de très haute énergie que les astronomes détectent
sporadiquement dans le ciel. Ces flashes durent
de quelques fractions de secondes à quelques minutes, et il s'en
produit en moyenne, un par jour. Depuis leur découverte,
dans les années 1960, ces phénomènes ont été
un mystère, auquel l'élucidation partielle de leur origine,
à partir de 1997 n'a pas réellement mis fin.
Contrepartie
optique d'un sursaut gamma,
et
sa galaxie hôte.
Source
: Andy Fruchter : HST
observations of GRBs.
Les caractéristiques les plus marquantes
des sursauts gamma sont leur irruption aléatoire
et leur distribution sur la sphère
céleste, qui ne privilégie aucune direction. Cette isotropie
pouvait avoir plusieurs interprétations, mais l'observation au cours
des dernières années de lumières résiduelles
(contreparties optiques, mais aussi X) accompagnant le phénomène
de haute énergie proprement dit a permis de conclure que les sources
des sursauts gamma, ordinairement appelées, faute de mieux, des
sursauteurs gamma se situent hors de notre Voie lactée.
On les rencontre dans des régions de formation stellaires situées
dans des galaxies éloignées peut-être de plusieurs
milliards d'années-lumière. Or cette
localisation extragalactique conduit à inférer que la puissance
des phénomènes impliqués est excessivement importante.
Les énergies mises en jeu devraient dépasser très
largement celle des supernovae classiques.
Une alternative, qui permet de réduire
sensiblement l'évaluation de cette énergie, consiste à
supposer qu'elle n'est pas émise par le sursauteur dans toutes les
directions de l'espace, mais principalement dans un faisceau étroit,
observable seulement quand il est dirigé vers la Terre.
Les énergies en jeu n'en restent pas moins considérables.
Typiquement, un sursaut gamma brillerait ainsi encore des centaines de
fois plus qu'une supernova, soit comme cent millions de milliards d'étoiles
semblables au Soleil. Si l'on considère
la totalité du phénomène et la libération d'énergie,
non seulement par le rayonnement électromagnétique, mais
aussi par les neutrinos et les ondes gravitationnelles,
cela pourrait correspondre à la conversion de la toute la masse
du Soleil en énergie. Quelque chose de titanesque et qui, en toute
hypothèse, laisse posée la nature exacte des sursauteurs
gamma.
Les
répéteurs gamma - On a rapproché dans le passé
des sursauteurs gamma proprement dit, les répéteurs gamma,
qui sont des sources de rayons gamma mous, et qui contrairement aux précédents
peuvent "sursauter" de temps en temps (ce qui signifie évidemment
que l'événement dont ils sont le siège n'est pas suffisamment
violent pour les détruire). Ce rapprochement à conduit les
astronomes, pendant plusieurs années, sur de fausses pistes. On
sait désormais que ces répéteurs gamma appartiennent
à une famille très différente d'astres. Ils peuvent
s'interpréter dans un cadre plus classique : celui des étoiles
à neutrons, qui dans ce cas sont hautement magnétisés
(magnétars).
Deux sortes d'indices ont permis aux astronomes
de mieux cerner les phénomènes auxquels ils ont affaire dans
le cas des sursauts gamma proprement dits. En premier lieu, les caractéristiques
des sursauts gamma conduit à en distinguer de deux types : les uns
sont très brefs et correspondent aux photons
les plus énergétiques, les autres sont plus longs et correspondent
à des énergies un peu plus faibles. D'autre part, il est
de plus en plus avéré qu'il existe un lien entre les sursauts
gammas et certaines supernovae. En particulier, la contrepartie optique
d'un sursaut gamma dure bien plus longtemps que lui et a une évolution
qui peut s'identifier à celle de la boule de feu produite lors de
l'explosion d'une étoile massive. Pour qualifier
ces explosions superlatives, il est tentant de parler d'hypernova (même
si c'est en détournant le terme de de son acception originelle pour
en élargir le sens).
-
Le danger
à notre porte?
La
fréquence d'un sursaut gamma par jour pourrait laisser penser que
les hypernovae sont plutôt communes. Mais si l'on note que ces événements
se distribuent dans tout l'univers observable, c'est-à-dire à
l'intérieur d'un volume gigantesque, on comprend que dans une galaxie
donnée, ils soient excessivement rares. Peut-être ainsi s'en
produit-il dans notre Galaxie (s'il s'en produit!)
toutes les quelques centaines de millions d'années. Même si
l'on note que dans le cas où les bouffées gamma sont concentrées
à l'intérieur d'un faisceau on dénombre moins d'hypernovae
qu'il y en a en réalité, on peut encore comparer cet intervalle
à avec celui qui sépare l'explosion de supernovae ordinaires,
et qui est de l'ordre de quelques dizaines d'années.
Il
serait étrange que violence extrême d'une hypernova ne laisse
pas de trace durable dans la galaxie où elle
s'est produite. Les astronomes cherchent ainsi dans les galaxies proches
les effets possibles de telles explosions titanesques. Certaines superbulles
de gaz interstellaire chaud pourraient par exemple
s'expliquer ainsi. Mais le phénomène de formations
stellaires par contagion peut donner naissance à des structures
similaires et implique des énergies du même ordre, si bien
qu'il est difficile en général de faire la différence.
Les deux rémanents (NGC 5471B et MF83) découverts en 1999
dans la galaxie M 101, dans la Grande Ourse, pourraient
être le résultats d'hypernovae récentes et mieux attestées.
La
galaxies M 101 et ses deux rémanents probables d'hypernovae.
Source
: Northwestern University. Crédit
: Y. Chu, R. Fesen, D. Matonick, et Q. Wang.
Reste
une autre possibilité parfois envisagée : l'effet dévastateur
d'une forte bouffée de rayons gamma sur les organismes vivants auquel
ont peut s'attendre dans le cas où une hypernovae aurait explosé
dans notre région de la Voie lactée. Certains astronomes
ont ainsi rapproché la fréquence des extinctions massives
sur notre planète avec celle que l'on calcule pour les sursauts
gamma dans une galaxie donnée. Elles sont bien du même ordre.
Un rapprochement qui ne prouve rien. Mais une chose au moins est sûre
: on ne connaît aucune superétoile dans notre voisinage dont
l'explosion pourrai nous menacer dans un avenir prévisible... |
Il y a explosion et explosion. Et, parmi
les nombreuses pistes explorées depuis plusieurs décennies,
quelques unes s'avèrent désormais les plus prometteuses :
celles qui permettent non seulement de rendre compte de la boule de feu
et de ses diverses caractéristiques observées, mais aussi
de l'énergie énorme libérée, et qui ne semble
pouvoir s'expliquer autrement qu'en y impliquant un trou
noir à fort moment angulaire (ce qui en pratique signifie assez
massif et en rotation très rapide). Ce dernier point rend le nécessaire
de considérer généralement un système
binaire, où l'existence d'un compagnon permet de transférer
(selon des modalités diverses) du moment angulaire au trou noir.
Sur cette base, les divers scénarios évoquent dans certains
cas la collision et la fusion de deux étoiles le plus souvent compactes,
qui aboutit à la formation du trou noir. Mais le compagnon peut
aussi n'être qu'une "force d'appoint", ou même être absent.
On ne considère alors qu'une étoile unique, très massive
(plus de 20 masses solaires), dont le coeur, lors de l'explosion en supernova
ou hypernova, implose en trou noir. Cette piste, qui correspond au modèle
dit collapsar / hypernova connaît actuellement une certaine faveur.
Elle a le mérite de pouvoir rendre compte d'une grande variété
de phénomènes, impliquant ou pas la bouffée de rayons
gamma. |
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Rouages |
Les
routes de l'apocalypse
L'énergie
mise en jeu lors d'un sursaut gamma ne semble pas pouvoir s'expliquer autrement
qu'en invoquant un "moteur" dont la pièce maîtresse est un
trou noir. En général, il convient d'ajouter une seconde
pièce : un disque d'accrétion par
lequel transite la matière environnante
avant d'être engloutie par le trou noir. Le phénomène
brutal d'effondrement dans lequel ce dispositif est engagé prend
le nom de collapsar. Et c'est lui qui provoque la bouffée gamma.
Reste quantité de chemins possibles qui pourraient tous mener en
principe à cette situation, et l'une des principales interrogations
actuelles est de savoir quelles ont les étoiles ou les systèmes
d'étoiles qui pourraient à terme achever leur existence dans
pareil brouhaha.
Recherches en
paternité
Les schémas
qui suivent décrivent quelques-uns des scénarios envisagés
pour expliquer les sursauts gamma. ils proviennent de la thèse de
J. Bloom sur les progéniteurs des sursauts gamma. On y retrouve
pour l'essentiel cinq types de protagonistes : des étoiles de la
séquence principale,
point de départ obligé avant d'aborder les stades
ultimes de l'évolution stellaire; des
supernovae, toujours au rendez-vous, lors qu'on envisage la fin d'existence
d'une étoile massive; des étoiles
à neutrons et des trous noirs, qui
sont les deux reliquats possibles pour de telles explosions; et, enfin,
les collapsars, moteurs les plus en vue des sursauts gamma.
Les
principaux protagonistes
1-
Fusion de deux étoiles à neutrons :
Dans ce scénario,
les deux étoiles massives d'un système binaire finissent
par exploser l'une après l'autre en supernova de type II, pour donner
naissance, chacune à une étoile à neutrons. Avec le
temps l'orbite de ces deux reliquats se resserre au point qu'ils entre
en collision et fusionnent pour donner naissance à un collapsar.
La bouffée de rayonnements gamma est émise à cette
occasion, puis, la matière environnante ayant été
complètement absorbée, on n'a plus affaire qu'à un
trou noir "muet" (Eichler et al., 1989; Paczynski,
1992).
2
- Fusion d'une étoile à neutrons et d'un trou noir :
Les situation envisagée
ici est très similaire à la précédente, à
ceci près que la première étoile à exploser
est suffisamment massive pour que l'effondrement de son coeur conduise
déjà à la formation d'un trou noir. Celui-ci engloutit
ensuite l'étoile à neutron formée lors de la seconde
explosion (Narayan et al, 1991; Bethe
et Brown, 1998; Janka et al., 1999).
3
- Fusion d'un trou noir et d'une étoile de Wolf-Rayet :
Plus complexe que les
précédents, ce scénario suppose qu'une première
étoile d'un système binaire explose pour donner naissance
à une étoile à neutrons. Celle-ci se nourrit progressivement
du gaz qu'elle arrache à sa compagne, qui finit par perdre son enveloppe
d'hydrogène
et devient une étoile de Wolf-Rayet. Par ailleurs,
l'accumulation de matière sur l'étoile à neutrons
augmente sa masse au point qu'elle peut s'effondrer en trou noir. Au bout
d'un certain temps celui-ci gobera toute crue l'étoile de Wolf-Rayet
pour donner naissance à un collapsar. La suite est commune aux autres
scénarios (Fryer et Woosley, 1998).
4
- Fusion d'un trou noir et d'une naine blanche :
Dans cette variante
du scénario précédent, l'étoile qui subit la
perte de masse est moins massive que dans le cas précédent,
et son évolution la conduit non pas à devenir une étoile
de Wolf-Rayet, mais plutôt une naine blanche.
La fin de l'histoire reste la même (Fryer et al, 1999;
Sigurdson et Rees, 1999).
5
- Collapsar / hypernova :
Dans ce scénario,
on pourrait toujours avoir affaire à un système binaire,
mais l'évolution de l'une des deux composantes est sans grande importance.
Tout au plus cette étoile a-t-elle pour rôle de transférer
du moment angulaire vers sa compagne, et d'accélérer sa rotation
en somme. Seule la plus massive des deux composantes est considérée.
Son explosion en hypernova et la formation du collapsar (avec émission
de la bouffée gamma) sont alors des événements simultanés.
Dès que le disque du trou noir a été complètement
avalé, le trou noir continue son existence avec l'autre étoile
de l'éventuel système, formant peut-être par la suite,
s'il existe des transferts de matière, une
binaire X (Woosley, 1993; MacFadyen
et Woosley, 1999).
6
- Implosion par accrétion d'une étoile à neutrons
:
Ce scénario constitue
une sorte de solution mixte construite à partir des cas précédents,
et où l'on commence par l'explosion de l'étoile la plus massive
d'un couple, qui donne naissance à une étoile à neutrons
fortement magnétisée (magnétar). Puis on considère
un transfert de matière vers cette étoile à partir
du compagnon, qui reste une étoile de la séquence principale.
L'accroissement de masse de l'étoile à neutron la fait s'effondrer
sous son propre poids en trou noir, ce qui libère à cet instant
le sursaut gamma. Ensuite le couple évolue éventuellement
pour former une binaire X (Kluzniak et Ruderman, 1998; Dai
et Lu, 1998).
7
- Engloutissement d'une naine blanche par un trou noir supermassif :
Assez différents
des scénarios évoqués jusqu'ici, mais beaucoup plus
simple, celui-ci place le sursaut gamma au moment où une naine blanche
(ou même une étoile de la séquence principale) est
engloutie par un trou noir supermassif au centre d'une galaxie. Le phénomène
se rapproche ainsi un peu de celui que l'on invoque pour expliquer les
quasars et leurs cousins AGN
'(Carter, 1992).
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Trou
noir + boule de feu = sursaut gamma
On le voit, la plupart
des cas de figure envisagés, le processus d'émission du sursaut
gamma implique d'une part le collapsar, et d'autre part à la formation
d'une boule de feu en expansion soufflée par l'explosion en supernova.
Le sursaut gamma est provoqué par le choc du gaz éjecté
le long de jets par le collapsar avec cette coquille de matière
environnante. Dans certaines variantes, comme sur le schéma ci-dessous,
c'est une fulgurante rafale de nodules de plasma présents dans le
jet qui provoque le sursaut, lors de l'impact. Ensuite, l'impact du jet
sur ce matériau périphérique pourra causer une émission
de moindre énergie (X et optique). Ensuite, après que le
gaz situé à proximité ait été englouti,
le collapsar disparaît pour ne laisser qu'un trou noir simple.
Dans
le modèle collapsar / hypernova, un jet de gaz à très
grande vitesse (quelque chose de l'ordre de 50 000 km/s) s'extrait du collapsar
(trou noir en rotation + disque d'accrétion) et vient cogner la
coquille de gaz (boule de feu) expulsée par l'explosion en hypernova.
Le choc provoque le sursaut gamma.
(D'après
Arnon Dar, astro-ph/0101007, janvier 2001).
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Mise
en ordre |
Typologie
des effondrements
Le modèle des collapsars permet
de rendre compte d'une grande variété de phénoménologies,
modulées par la nature des progéniteurs. Ainsi, pour suivre
ici la synthèse proposée par Andrew MacFadyen, en janvier
2000 (astro-ph/0001400), les deux catégories de sursauts gamma révélés
par les observations traduiraient en réalité l'existence
de deux types d'effondrements, pouvant d'ailleurs ne pas être accompagnés
de bouffées gamma :
Type I - Les étoiles
progénitrices sont d'une masse supérieure à 35 masses
solaire, en rotation rapide. Un trou noir capable d'avaler l'équivalent
de la masse du Soleil toutes les dix secondes se forme rapidement. Si l'étoile
avait perdu son enveloppe d'hydrogène (cas des étoiles de
Wolf-Rayet), on aura affaire à une supernova de type Ib/c, et à
l'émission d'un sursaut gamma bref. Ce type de collapsar correspond
également à des situations sans sursaut gamma dans le cas
où l'étoile progénitrice aurait conservé une
petite enveloppe d'hydrogène - ce qui correspond à l'explosion
d'une supergéante bleue. On a affaire alors à une supernova
asymétrique, et à une bouffée de rayonnement X dur
(sursaut X de haute énergie). Enfin, si l'étoile a conservé
l'essentiel de son enveloppe, et que l'explosion a eu lieu alors qu'elle
est une supergéante rouge, ont a une supernova de type II, asymétrique,
et un sursaut X mou.
Type II - Mais l'accrétion
du trou noir peut être plus lente. Pour des étoiles dont la
masse était au départ supérieure à vingtaine
de masses solaires (les étoiles de masse inférieure explosent
en supernovae ordinaires). Les étoiles de Wolf-Rayet explosent encore
en supernovae de type Ib/c, mais le sursaut gamma est cette fois long.
Et l'on a peut-être aussi un sursaut gamma long dans le cas d'une
explosion en supernova de type II de supergéante bleue (enveloppe
d'hydrogène réduite). Enfin, avec l'explosion d'une supergéante
rouge (épaisse enveloppe d'hydrogène), la supernova est encore
de type II, mais elle est asymétrique le sursaut appartient déjà
au domaines des rayons X mous.
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