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Dans
la Voie lactée, il naît en moyenne
quatre ou cinq étoiles chaque année.
Ces naissances ont lieu en fait par à-coups, par bouffées,
dans les régions où l'on rencontre en quantité suffisante
la matière première requise : l'hydrogène,
qui est aussi le principal constituant des nuages interstellaires.
Les pourvoyeurs privilégiés de ce gaz
seront les froids et poussiéreux nuages moléculaires
géants. Dans une galaxie comme la Voie lactée, les sites
de formation stellaire se situent donc là où se concentrent
les nuages moléculaires géants, c'est-à-dire dans
les bras spiraux. Un second site privilégié est la
région la plus centrale de la Galaxie.
Lorsque, pour divers motifs, une portion
de ces nuages est destabilisée, elle s'effondre sur elle-même
et se fragmente. Puis le phénomène se répète
et ce mécanisme des contractions et des fragmentations successives,
explique pourquoi les jeunes étoiles forment le plus souvent des
groupes.
Le détail des processus à
l'oeuvre n'est pas encore très clair. Il semble aujourd'hui qu'il
faille invoquer des mécanismes différents pour les étoiles
massives, souvent impliquées dans des systèmes
complexes, et pour les étoiles de faible masse comme le Soleil.
Toujours est-il qu'au final l'afflux de gaz dans chaque condensation à
partir de laquelle se formera une étoile provoque l'apparition d'un
noyau de plus plus en plus dense et chaud, un embryon d'étoile en
somme, qui prend le nom de proto-étoile.
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Les étoiles
primordiales
Le schéma
que l'on vient d'esquisser est applicable aujourd'hui, car dans dans l'univers
actuel, de nombreuses générations d'étoiles se sont
succédées et ont, à la fin de leur vie, soufflé
dans l'espace quantité de ces poussières si précieuses
pour mettre en route le processus d'astration.
La situation était
différente lorsque l'univers était très jeune, et
plus spécialement pour ce qui concerne la toute première
génération d'étoiles - formées environ 200
millions d'années après le big bang
-, d'abord parce qu'aucun mécanisme déclencheur ne peut en
principe être invoqué pour initier le démarrage du
processus, et ensuite parce qu'elles vont devoir constituées dans
un milieu où la seule matière rendue disponible par la nucléosynthèse
primordiale (hydrogène et hélium, principalement) est entièrement
dépourvue de poussières.
A moins de vouloir
s'embourber dans le paradoxe de la poule et de l'oeuf, d'autres mécanismes
doivent donc être invoqués, dans lesquels interviennent, pensent
les astronomes, une fraction d'atomes ionisés
ayant survécu à la recombinaison. Les étoiles formées
devaient également être assez différentes, avec des
masses pouvant sans doute atteindre des centaines, voire des milliers de
masses solaires, et des morts sans doute elles aussi aux modalités
particulières. Autant d'objets à vie très courte et
dont la formation dans l'univers actuel n'est plus envisageable. |
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La
nuages moléculaires géants dans lesquels se forment les étoiles
sont en général dans une situation d'équilibre relatif.
Dans un nuage moléculaire, la pression qui spontanément conduirait
à sa dispersion y est globalement équivalente à la
force de gravitation agissant, elle, en sens
inverse. Mais que le nuage se cogne à un autre nuage, ou qu'il soit
percuté par l'onde de choc créée par l'explosion d'une
étoile proche et tout dérape. Une région quelconque
du nuage devient, sous le choc, plus dense et tout son bel équilibre
se rompt. Dans ce coeur dense, comme on l'appellera, la gravitation vainc
inéluctablement la pression. La portion de nuage concernée
commence dès lors à s'effondrer sur elle-même sous
son propre poids. Une machine infernale se met ainsi en branle.
Une fragmentation
hiérarchique
La route qui conduit
de l'effondrement de ce coeur dense à l'allumage de la première
étoile reste pourtant semée d'embûches. L'obstacle
principal est constitué par une impérieuse loi de la physique
: le principe de conservation du moment angulaire, qui oblige tout corps
en rotation à ajuster sa vitesse à ses dimensions. Un coeur
dense n'a aucune raison d'être parfaitement immobile dans l'espace,
il tourne certainement sur lui-même. Lors de la contraction de son
rayon, cette rotation va donc s'accélérer inévitablement.
Et cela jusqu'à ce que l'apparition d'importante force centrifuge
finisse par bloquer la poursuite de l'effondrement.
Notre coeur de nuage
en rotation se contente en première instance de s'étaler
sous l'effet de la force centrifuge pour former un disque épais.
Cette grosse galette, rendue opaque par la concentration de poussières
qu'elle renferme, tourne cependant à une telle vitesse dans ces
régions intérieures que le matériau qu'elle contient
ne parvient pas en son centre. Autrement dit, la force centrifuge, contrant
efficacement la force de gravitation, creuse au coeur de la galette un espace
vide. Si aucun autre mécanisme n'intervenait, la contraction des
portions de nuages aboutirait à la formation d'un anneau de gaz
en rotation. Mais en aucune façon à une étoile. Deux
nouveaux phénomènes vont heureusement sauver le processus
de formation stellaire. En premier lieu, on doit tenir compte de la fraction
du faible champ magnétique qui baigne la Galaxie et qui se trouve
piégée par les fragments de nuages en contraction. Avec leur
effondrement l'intensité du champ augmente. Il devient alors assez
puissant pour agir sur les ions (particules
électriquement chargées) du nuage et, au total, freiner quelque
peu sa rotation dans les régions internes et d'en accélérer
les régions périphériques (processus d'évacuation
du moment angulaire). Mais un second mécanisme encore plus efficace
va aussi intervenir : la fragmentation de la masse gazeuse.
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Les objets
de Herbig-Haro
La solidarité
du champ magnétique et du gaz ionisé a des conséquences
spectaculaires. Le champ magnétique se nourrit, pour grandir, de
l'énergie de rotation du gaz. Une partie de cette énergie
est recyclée dans les mouvements de convection à l'intérieur
du disque et sera dissipée sous forme de chaleur. Mais une autre
partie se voit engagée dans la constitution d'une composante dipolaire
de ce champ magnétique.
De la matière
tombant vers la proto-étoile se voit refoulée long des lignes
de champ ouvertes sur l'espace. Ainsi se forment, de part et d'autre des
régions centrales du disque, deux jets de particules accélérées
à haute vitesse par le champ magnétique. Quand elles pénètrent
dans le gaz moléculaire environnant, il se produit ce que l'on observe,
en aérodynamique, quand un objet se propage à une vitesse
supérieure à celle du son : un bang supersonique. De l'énergie
et de la quantité de mouvement est alors transférée
aux molécules qui se trouvent sur la passage de l'onde de choc.
L'objet
de Hergig-Haro HH-211 (Persée), par le
télescope
spatial
infrarouge Webb. Photo : NASA, ESA, CSA, Webb;
Processing:
Tom Ray (DIAS Dublin)
Le processus conduit
à l'illumination du gaz ainsi porté à de très
hautes températures ou de celui qui est soumis au rayonnement ultraviolet
que ces températures suscitent. Il apparaît alors, de part
et d'autre du sombre cocon protostellaire deux jets brillants, appelés
des objets de Herbig-Haro (ou HH), du nom des deux astronomes - George
Herbig
et Guillermo Haro
- qui ont découvert ces étranges structures dans les années
1950. |
Le détail de la fragmentation des
nuages protostellaires n'est pas encore parfaitement connu. Une possibilité
est que l'anneau de gaz issu de l'effondrement tourne suffisamment vite
pour éclater littéralement. Après tout, il n'y a aucune
raison pour le supposer parfaitement homogène. Il peut lui aussi
contenir des régions un peu plus denses, qui a trop tourner vont
finir par vouloir vivre leur vie à elles. Elles vont donc se détacher.
Chacun des fragments de l'anneau emporte alors sa part de moment angulaire,
nécessairement plus faible que le moment angulaire initial. Il peut
donc devenir à son tour un noyau de condensation et poursuivre l'effondrement.
Si la force centrifuge finit par se révéler trop importante,
une nouvelle fragmentation pourra encore avoir lieu. Et ainsi de suite
jusqu'à ce que le moment angulaire des fragments résultants
ne constitue plus un obstacle à leur condensation en étoile.
La succession des fragmentations rend bien alors compte de la naissance
en groupe des étoiles (Etoiles
en société) et, semble-t-il, aussi, de l'abondance des
étoiles
doubles, qui apparaissent davantage comme la
règle, alors que notre Soleil solitaire est plutôt une exception.
Au stade ultime de
la fragmentation, chaque portion de nuage prend encore une fois la forme
d'un disque épais, dans lequel se formeront peut-être des
planètes.
L'afflux de gaz qui maintenant tombe en torrents au centre et s'y accumule.
Ainsi grossit d'abord une proto-étoile, c'est-à-dire un embryon
d'étoile. Puis, du fait de la compression du gaz, la température
s'élève rapidement dans des proportions inédites.
Un prodigieux dégagement d'énergie s'ensuit qui souffle alors
littéralement le gaz et la poussière du disque alentour.
Celui-ci, qui au cours des épisodes précédents, formait
encore un cocon opaque devient soudain transparent. La lumière s'extirpe
brusquement des ténèbres.
Vers le feu nucléaire
Une étoile
qui devient ainsi visible correspond à ce que les astronomes appellent
la phase T Tauri, la contraction du gaz reste encore
la seule source d'énergie. Une T Tauri est un objet encore très
instable. Il connaît des crises, des variations soudaines d'éclat.
Mais inéluctablement, il va s'assagir. Peu à peu, le compromis
entre la gravitation et le niveau de compression du gaz susceptible d'en
contrer l'action est bien trouvé. Dès que la contraction
du gaz cesse, il n'y a plus de production d'énergie à partir
du phénomène pompe à vélo, et la l'étoile
commencerait maintenant à se refroidir et à s'éteindre
si une nouvelle source d'énergie n'avait pris le relais entre-temps
dans les tréfonds de l'étoile : la fusion thermonucléaire
des noyaux d'hydrogène. Après cela, l'étoile pourra
couler des jours tranquilles sur la séquence principale... |
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