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Champ-de-Mars, à Paris (VIIe arrondissement). - Jusqu'à la fin du règne de Louis XV, la vaste plaine de Grenelle fut entièrement livrée à la culture maraîchère. Lors de la fondation de l'École militaire, on jugea indispensable d'en distraire une partie pour les exercices des élèves. Cette esplanade, longue d'un kilomètre et large de 500 mètres, devint le Champ-de-Mars, par imitation du champ de Mars romain. Le physicien Charles y fit, en 1783, la première expérience aérostatique. Cette immense plaine fut le théâtre d'un grand nombre d'événements importants, parmi lesquels nous retracerons la fameuse fédération du 14 juillet 1790. 

La municipalité de Paris avait conçu le projet de réunir les députés de tous les corps de l'armée et de toutes les gardes nationales de France, pour cimenter une union qui devait rendre au pays le calme et la prospérité. La Fayette fut chargé de tout le soin de la fête, et nommé chef de la fédération en sa qualité de commandant de la garde parisienne. La cérémonie avait été fixée au 14 juillet, jour anniversaire de la prise de la Bastille. Déjà les fédérés arrivaient de toutes les parties du royaume; on les logeait chez des bourgeois , qui s'empressaient de leur rendre agréable le séjour de la capitale. La fête devait avoir lieu au Champ-de-Mars. On avait projeté de creuser cette plaine et de transporter la terre sur les côtés pour en former un large et magnifique amphithéâtre. Douze mille ouvriers, dépourvus d'autre besogne, y étaient employés; mais ce travail mercenaire n'avançait pas et il était immense. Dans cet embarras, les districts invitent au nom de la patrie les bons citoyens à aider les ouvriers. 

Cette invitation électrise tous les coeurs; les femmes propagent l'enthousiasme. Aussitôt on voit sortir de tous les quartiers de la grande cité, des citoyens marchant deux à deux. Des séminaristes, des écoliers, des manoeuvres, des militaires, des chartreux vieillis dans la solitude, courent au Champ-de-Mars, une pelle sur le dos. Là, tous les citoyens sont mêlés, confondus, et forment un atelier immense, mobile. La courtisane agaçante se trouve à côté de la jeune fille pudibonde qu'elle respecte; le capucin traîne la brouette avec le chevalier de Saint-Louis, le portefaix avec l'élégant du Palais-Royal; la robuste harengère travaille avec la jeune dame délicate et à vapeurs. Des tavernes ambulantes, des boutiques portatives, augmentent la variété du tableau. On entend un bruit confus de cris, de chants, de tambours, auxquels se mêle la voix des travailleurs qui s'appellent ou s'encouragent. L'âme était profondément émue en contemplant un peuple qui semblait revenir aux doux sentiments d'une fraternité primitive! Neuf heures sonnent! Les groupes se séparent. Chaque citoyen regagne l'endroit où sa section doit se placer et va se réunir à sa famille.

Le 14 arrive enfin. Tous les fédérés, députés des provinces et de l'armée, se rangent sous leurs bannières, et partent de la place de la Bastille pour se rendre aux Tuileries. Les envoyés du Béarn, en passant dans la rue de la Ferronnerie, où le bon Henri avait été assassiné, pleurent d'attendrissement en parlant de ses vertus. Les fédérés, arrivés au jardin des Tuileries, ouvrent leurs rangs et reçoivent la municipalité et l'assemblée. Le chemin qui conduit au Champ-de-Mars était couvert de peuple qui battait des mains. Les hauteurs de Passy présentaient un vaste amphithéâtre rempli de spectateurs. Un pont jeté en quelques jours sur la Seine, aboutissait en face du champ de la Fédération. Le cortège le traverse, et chacun prend place. Un amphithéâtre magnifique, disposé dans le fond, avait été destiné aux autorités nationales. Le roi, la reine et le président étaient assis à côté l'un de l'autre, sur des sièges pareils, semés de fleurs-de-lys d'or. La reine était derrière Louis XVI, sur un balcon qui portait aussi les dames de la cour. Les ministres se trouvaient à quelque distance du roi, et les députés étaient rangés des deux côtés. Quatre cent mille spectateurs remplissaient les amphithéâtres latéraux. Au centre s'élevait le magnifique autel de la patrie.
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Ecole militaire, à Paris.
Le Champ de Mars (au fond, l'Ecole Militaire et la tour Montparnasse).

Trois cents prêtres, revêtus d'aubes blanches et d'écharpes tricolore, en couvraient les marches et devaient servir la messe. L'arrivée des fédérés dura trois heures. Le temps était sombre et la pluie tombait par torrents. Enfin la cérémonie commence. Le ciel tout à coup se découvre et illumine de son brillant éclat cette scène imposante. L'évêque d'Autun commence la messe. Les choeurs accompagnent la voix du pontife. Le canon mêle son bruit solennel. Le saint sacrifice s'achève! La Fayette descend alors de cheval et va recevoir les ordres du roi, qui lui donne la formule du serment. Le général la transmet à l'autel. Dans ce moment, toutes les bannières s'agitent, tous les sabres étincellent. Le général, l'armée, le président, les députés crient : Je le jure! Le roi, debout, la main élevée sur l'autel , dit : 

« Moi, roi des Français, je jure d'employer le pouvoir que,  m'a délégué l'acte constitutionnel de l'État, à maintenir la constitution décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par moi. » 
Dans ce moment, la reine, entraînée par l'émotion générale, saisit dans ses bras l'auguste enfant, héritier du trône, et, du haut du balcon où elle est placée, le montre à la nation assemblée. Ce mouvement inattendu est payé de mille cris de Vive le Roi! vive la Reine! vive le Dauphin!... Les fêtes durèrent plusieurs jours, et l'accord qui régnait dans Paris semblait annoncer que les haines étaient éteintes. Cette joie, ce bonheur furent de courte durée. Les fédérés quittèrent la capitale et la lutte recommença.

Le 17 septembre de la même année eut lieu sur le champ de la Fédération une cérémoniefunèbre relative aux massacres de Nancy, où le jeune Désilles perdit la vie. Le 17 juillet 1791, un grand nombre de citoyens se réunirent dans cette plaine pour signer une pétition contre le décret qui, au lieu de juger le roi sur sa fuite, suspendait provisoirement l'exercice de son pouvoir. Une émeute éclata. Le maire de Paris, Bailly, et le général La Fayette firent exécuter la loi martiale. Il y périt un grand nombre de factieux. Cet exemple sévère apaisa pour quelque temps les agitateurs.

Le 30 frimaire an II eut lieu la fête civique en l'honneur de Chalier, qui eut la tête tranchée à Lyon. Le 10 nivôse, on y célébra l'abolition de l'esclavage. Le 1er vendémiaire an VII eut lieu sur cette place la première exposition de l'industrie française. Le 3 novembre 1804, le lendemain du couronnement de Napoléon , l'empereur fit au Champ-de-Mars la distribution de ses aigles. Le 1er mai 1815, on y proclama l'acte additionnel aux constitutions de l'Empire.
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Champ de Mars, à Paris.
Le Champ de Mars, au pied de la Tour Eiffel. © Photos : Serge Jodra, 2010.

Le Champ-de-Mars fut encore, en 1837, le théâtre d'un déplorable événement. A l'occasion de la fête donnée par la ville de Paris, pour célébrer le mariage du duc d'Orléans, cette place fut choisie pour représenter la prise de la citadelle d'Anvers. Des fortifications en terre avaient été préparées dans ce but, et devaient être attaquées dans la soirée du jeudi 15 juin. Des précautions avaient été prises par l'autorité militaire et par la police, afin que les feux n'atteignissent aucun spectateur. Cette petite guerre se termina, en effet, sans accident. Mais bientôt des cris sinistres, partis de différents points, viennent répandre l'effroi dans une foule composée de plus de deux cent mille personnes. Elle s'ébranle, se presse, se heurte dans toutes les directions pour gagner les issues qui sont encombrées. Plusieurs personnes sont étouffées et foulées aux pieds. Ce fut à la grille qui se trouve en face de la rue Saint-Dominique, et surtout à celle qui avoisine l'École-Militaire, qu'on eut à déplorer les plus grands malheurs. En 1867, le Champ-de Mars fut l'emplacement choisi pour l'exposition universelle  et, depuis, il a été encore le centre principal des expositions de genre, avant cessé d'exister comme champ de manoeuvres militaires. A l'occasion de celle de 1889, on y construisit la Tour Eiffel, et il accueillit encore l'exposition de 1900. C'est aujourd'hui un jardin, à la fois à l'anglaise et à la française, où, tous les 14 juillet a toujours lieu un grand feu d'artifice. (Lz.).
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L'exposition universelle de 1889 à Paris.
Vue générale de l'exposition universelle de 1889. De gauche à droite : le Champ de Mars (très
encombré), la Tour Eiffel et, de l'autre côté de la Seine, le Palais du Trocadéro.
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Dictionnaire Villes et monuments
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