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La littérature basque
jusqu'en 1900
Bien que la langue des Basques semble n'avoir pas été écrite pendant tout le Moyen âge, il est hors de doute que leurs premières productions littéraires remontent à une haute antiquité. Comme elles ne se sont conservées à travers les siècles que par la tradition orale, on en a perdu un grand nombre. La plupart des poésies basques sont dues à des cobIacari, espèces de bardes, dont les noms sont demeurés inconnus. Parmi celles qui nous sont parvenues, on doit citer d'abord le Chant des Cantabres, qui célèbre la résistance de ces peuples aux armes de l'empereur Auguste, chant véritablement primitif, où l'art en est encore aux plus simples inspirations de la nature, et qui a été retrouvé par G. de Humboldt en 1827. A une époque moins reculée appartient le beau Chant d'Altabiscar, destiné à rappeler le souvenir de l'échec que les ancêtres des Basques firent subir, dans la vallée de Roncevaux, à l'arrière-garde de Charlemagne.

Il existe un théâtre en langue basque. Les Basques donnent à leurs pièces le nom de pastorales, qui n'exprime nullement la nature du sujet, mais la condition des auteurs de ces compositions rustiques. Les unes sont empruntées à la Bible, et Moïse, Abraham, Nabuchodonosor, en sont les héros; les autres à la légende chrétienne, qui a fourni Saint Pierre, Saint Jacques, Saint Roch, Saint Alexis, Saint Louis, Sainte Agnès, Sainte Catherine, Sainte Marguerite, Sainte Geneviève, etc. La mythologie figure dans le répertoire basque pour un Bacchus, l'histoire ancienne pour un Astyage et un Alexandre. Une pièce de Clovis observe assez fidèlement la tradition historique. Mustapha grand sultan a été évidemment tiré des annales musulmanes, de même que les Douze pairs de France, Charlemagne, les Quatre fils Aymon, etc. sont des pièces empruntées à d'anciennes Chansons de geste. Si l'on veut se rapprocher de notre époque, on trouve un Jean de Paris et un Jean de Calais, qui viennent probablement de la Bibliothèque bleue; et enfin trois pièces sur Napoléon Ier

Les pièces basques commencent par un prologue, qui résume le sujet; quelques-unes ont une conclusion, renfermant la moralité du drame. Quand il y a des entr'actes, ils sont remplis par des danses. Les représentations étaient données autrefois par des jeunes gens, qui allaient emprunter dans les châteaux et dans les maisons bourgeoises les éléments disparates de leurs costumes; rarement les jeunes filles, du moins celles de bonne maison, consentaient à y prendre part. La mise en scène était grossière, comme elle le fut partout au Moyen âge : une triple rangée de barriques supporte quelques planches clouées sur des solives, et cette scène improvisée reçoit, non seulement les acteurs, mais quelques personnes marquantes, et deux ménétriers qui accompagnent les chants, l'un avec le violon, l'autre avec la flûte et le tambourin. La plupart des pastorales basques ont été composées dans la Soule, et c'est là aussi qu'on les a jouées traditionnellement le plus souvent et avec le plus de son. Les Basques ont en certaines comédies ou drames satiriques, parfois réduits à de simples dialogues où ils faisaient la critique, non des moeurs en général, mais des moeurs privées et des scandales publics. L'infidélité conjugale, les seconds mariages, l'union d'un jeune homme pauvre avec une veuve riche et vieille, tous les actes en désaccord avec les usages, fournissaient le sujet de cette seconde espèce de pastorales, appelée tobera munstra, c.-à.-d. charivari représenté. 

Le sentiment poétique est vif chez les auteurs basques. Dans toutes les fêtes, il y a des concours de poésie. On invite des poètes improvisateurs aux réjouissances publiques, aux mariages, aux baptêmes, pour y faire entendre des chants relatifs à la circonstance. Paroles et musique, tout est improvisé. Sans doute la plupart de ces improvisations ne méritent pas d'être écrites ni lues; mais elles donnent lieu de croire que les poésies populaires ont été très nombreuses. Les chansons basques qui nous ont été conservées ont généralement un caractère mélancolique : c'est tantôt l'amour, tantôt un événement tragique, ou une victoire remportée dans un jeu d'adresse, qui en fait le sujet. II y a aussi des romance pastorales, douces et gracieuses, qui reportent la pensé aux bergers de Théocrite et de Virgile; des satires, qui flétrissent une conduite criminelle; des cantiques, faibles reproductions de proses latines ou de cantiques français; des chants funèbres (eresiac), que les femmes chantaient au convoi des morts avec accompagnement de gestes violents. Toute cette poésie ne vaut pas assurément celle de la vieille Bretagne, mais on y rencontre néanmoins des inspirations heureuses et de véritables élans.

Jusqu'à la fin du XIXe siècle, la littérature imprimée en langue basque se compose principalement de livres de piété. Un des plus anciens ouvrages imprimés en leur langue est une traduction du Nouveau Testament (La Rochelle, 1571), faite sur l'ordre de Jeanne d'Albret par Jean Leiçarraga. Citons ensuite : les Noëls et Cantiques spirituels de Jean Etcheberri, Bayonne, 1630; Miroir et oraisons de la dévotion basque, par Haramburu, Bordeaux, 1635 et 1690; Office de la Vierge, en vers, par Harrizmendi; le Traité de la pénitence de Pierre d'Axular, 1642; Linguae Vasconum primitiae, Bordeaux, 1645, par Bernard d'Echepare, dont les Poésies basques ont été publiées à Bordeaux en 1847 ; des traductions de la Doctrine chrétienne du cardinal de Richelieu (1656), de la Philotée de Saint François de Sales (1664), et du Combat spirituel de Scupoli (1665), par Silvain Pouvreau; les Proverbes basques et les Poésies basques (Paris, 1657) par Arnauld Oihenart, qui est aussi l'auteur de la Notitia utriusque Vasconieae, 1638 et 1656; une traduction de l'Imitation de J.-C., par d'Arambillaga, Bayonne, 1684; des traductions de la Philotée (1749) et du Combat spirituel (1750), par Jean de Haraneder; une traduction de l'Imitation de J.-C., par Michel Chourio, Bordeaux, 1720, réimprimée en 1760, 1788 et 1825, divers Catéchismes pour les diocèses de Bayonne, d'Oloron et de Dax, etc. Une Collection de chants basques nationaux a été publiée à Saint-Sébastien en 1826. (B.).

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