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La Corrida |
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Les
combats de taureaux sont le divertissement national en Espagne![]() ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() Au delà des
Pyrénées, les corridas datent de l'Antiquité Les combats ont lieu
dans des amphithéâtres
permanents ou construits pour la circonstance; de simples bourgades élèvent
ainsi des arènes provisoires. A Madrid Devant la bande marchent les cabestros, grands boeufs à longues cornes, camarades de pâturages que les taureaux suivent avec docilité; des cavaliers armés d'aiguillons se tiennent sur les flancs de la colonne. L'arrivée au toril, étable obscure ménagée sous les gradins, et l'emprisonnement, encierro, ne manquent pas d'attirer les curieux; les connaisseurs, d'après les allures de chaque sujet, tirent leurs pronostics, et tel favori doit, selon eux, mettre à mal ses cinq à six chevaux (autrefois, avant que ceux-ci ne disposent de protections suffisantes, cela signifiait être promis à l'éventration). Le matin du combat, on les répartit, chacun sous la conduite d'un cabestro, dans les loges où ils attendent séparément leur entrée en scène. La lice sablée, elredondel, est entourée d'une barrière de planches teintes en rouge sang, tableros, autour de laquelle court un marchepied pour permettre aux hommes serrés de trop près de l'enjamber et de se mettre à l'abri. De plus, une corde tendue au-dessus de la balustrade des gradins est destinée à arrêter le taureau dans le cas où il franchirait les tableros; cette précaution n'est cependant pas toujours suffisante, puisqu'il n'est pas sans exemple qu'en dépit de cet obstacle il ait fait irruption parmi les spectateurs et blessé ou tué plusieurs d'entre eux. Le spectacle, présidé par le corregidor, a pour préambule un défilé processionnel que conduisent deux alguazils dans leur costume du XVIe siècle; derrière eux viennent les picadores à cheval et les peones, ou combattants à pied : espadas, chulos, banderilleros; derrière ces hommes, compris sous le nom général de toreros (les mots de toréadores et de matadores sont inusités en Espagne), arrivent les deux tiros ou attelages de mules allant trois de front et dont le rôle sera de tirer les cadavres hors de l'arène. Les picadores, vêtus en chevaliers, sont armés de la lance, garrochon; sous leur pantalon de cuir fauve, ils portent des jambières de tôle : solidement emboîtés dans leurs selles arabes, des éperons démesurés leur permettront de labourer impitoyablement les flancs des pauvres rosses qui ont besoin de ce stimulant pour aller à la boucherie, et auxquelles leurs cavaliers dissimulent en outre, à l'aide d'un foulard, la présence de leur adversaire. C'est aux picadores d'entamer le combat. L'arène vient d'être évacuée à la hâte; les alguazils ont opéré une prudente retraite qui a soulevé les huées du populaire; au signal donné, les deux battants du toril s'ouvrent et le premier taureau arrive en bondissant, fulminant et raide d'effroi, sous l'éblouissement de la grande lumière et dans l'effarement des clameurs assourdissantes. Les picadores l'attendent, la lance baissée; les chulos, dans le couloir circulaire, s'apprêtent à voler au secours de leurs camarades; le taureau charge le premier cheval qu'il aperçoit; le rôle du picador est de le piquer à l'épaule avec sa lance, dont une corde enroulée autour du fer n'en laisse passer que 3 cm, de façon à entamer le cuir, sans pénétrer profondément dans les chairs; mais il s'agit de frapper à l'endroit sensible entre le col et le garrot si on le manque, au lieu de se détourner, le taureau brise la lance, et frappe le cheval. Si celui-ci est renversé, les chulos accourent, agitent leur capa aux brillantes couleurs, pour détourner sur eux-mêmes la fureur du taureau qui, du reste, a en général le mauvais à-propos de s'acharner plutôt après le cheval qu'après l'homme; si, à leur tour, ils sont serrés de près, ils se réfugient derrière les tableros; d'autres chulos les remplacent et les picadores continuent leur guerre d'usure. Tel est le premier acte de la tragédie. Le second appartient aux banderilleros, agiles, bien découplés, portant le costume de Figaro, en bas de soie et en escarpins, coiffés d'une sorte de chignon de soie noire retenu par une tresse de cheveux factice ou qu'ils laissent croître dans ce but; ils portent chacun une paire de banderilles, bâtonnets de 66 cm, enjolivés de bandes de papier de couleur et se terminant par un fer en forme d'hameçon. Au moment de leur entrée en scène, il arrive souvent que le taureau ait fait le vide dans la lice; et que, jouissant de son court triomphe, il s'y promène. Le banderillo va à lui ou l'attend et, les bras levés, passe les deux banderilles par-dessus les cornes, en plante une dans chaque épaule, puis s'esquive par un saut de côté : le taureau mugissant, bondissant, caracole en secouant les javelots attachés à son garrot; au premier assaillant en succèdent d'autres, et enfin la fureur de la bête est à son comble. Une sonnerie de trompettes donne le signal de la mort. Le premier rôle
du drame arrivé à son dénouement, l'espada
s'avance grave, solennel, salue le corrégidor ou le souverain,
s'il est présent; son arme est l'épée, à poignée
courte et massive, sur le pommeau de laquelle il pèse avec le creux
de sa main, tandis que son index est appliqué sur le revers de la
lame. Dans sa main gauche il porte la muleta, petit drapeau rouge
qui est sa sauvegarde et qu'il oppose comme leurre (inganno) à
la fureur de son adversaire. Il va au taureau, préparant sa suerte
(son coup), marquant de l'oeil la place où frapper sûrement;
il ne doit ni reculer, ni ébaucher un mouvement d'incertitude; un
faux pas, une feinte du taureau, et il aurait le sort du vieux Romero qui,
supplié par la reine, mère de Ferdinand
VII, avait, à son corps défendant, repris l'épée,
alors que, comme l'Entelle de Virgile, il
pensait avoir droit au repos; combattre à son âge, c'était
tenter Dieu, disait-il avec le pressentiment
de son sort; en effet, le taureau l'enleva dans ses cornes et le promena
ainsi expirant à travers l'arène. Au moment où le
taureau s'avance, tête basse, l'espada lui présente
la muleta, fait rapidement un crochet à droite, le laisse
passer à sa gauche et profite de cet instant pour lui plonger son
épée, soit dans le garrot, soit dans le poitrail. Le coup
le plus beau, mais le plus rare, est celui qui pique le cervelet Des bravos et des vivats frénétiques saluent les beaux coups; si le taureau de son côté se conduit bien, les « bravo toro! » ne lui sont pas refusés. Mais il en est qui, à la grande indignation du public, se montrent lâches et fuient éperdus; la foule réclame contre eux le feu, les « fuegas » ou banderilles garnies de pièces d'artifice, ou bien, naguère, encore les « perros », énormes dogues contre lesquels ils devaient bien se décider à lutter, jonglant avec leurs corps, jusqu'à ce que, saisis par les oreilles, ils n'aient plus qu'à se coucher, résignés à recevoir le coup de couteau final. Ce genre de mort était une humiliation pour les éleveurs, et les autorités l'épargnaient autant que possible à la susceptibilité de leur amour-propre, avant de l'abadonner complètement. Après chaque lutte, les mules traînent les cadavres hors de l'enceinte; on jette de la poussière sur les flaques de sang, et le toril s'ouvre pour une nouvelle course; on se borne en général à en donner huit; ce n'est que la demi-corrida; autrefois, on allait jusqu'à seize. Le taureau, surtout tué dans ces conditions, est une assez triste viande de boucherie; elle est cependant mise dans le commerce. Tels sont, sauf quelques
variantes, les combats dont une suite d'eaux-fortes par Goya
(la Tauromachie) nous offre les différentes phases. En France |
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