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Le Boulonais

Le Boulonais ou Boulonnais (Bononiensis pagus) est un pays, de l'ancienne France, compris aujourd'hui dans le département du Pas-de-Calais (arrondissement de Boulogne). Borné au Nord par le Calaisis et l'Ardrésis (pays reconquis), au Sud par le Marquenterre et le Ponthieu, à l'Est par l'Artois, à l'Ouest par la Manche (ports d'Étaples, de Boulogne, d'Ambleteuse) et par le détroit du Pas-de-Calais (port de Wissant). Il est caractérisé par la naturel du sol (le weaId) identique à celui de la côte anglaise de Kent, par quelques filons carbonifères, par son altitude relative (point culminant, 188 m; cap Blanc-Nez, 134 m), et par les vallées parallèles de plus en plus longues, du Slack, de la Liane et de la Canche. Le littoral a environ 70 km; la forme du pays est triangulaire (une cinquantaine de kilomètres au Sud, largeur maxima).

Histoire du Boulonnais.
Habité par les Morini, le Boulonnais fournit à Jules César son port d'embarquement (Portus Itius), lorsqu'en 54 et en 55 il passa en Bretagne. Gesoriacum, à l'embouchure de la Liane, devint Bononia (colonie de Bologne), et son pagus ou territoire se nomma Bononiensis. Les Francs l'occupèrent même avant Clovis. Les Carolingiens le rattachèrent an Ponthieu. Il forma un comté distinct et héréditaire, vers 882, fut disputé pendant près d'un siècle entre la Flandre et le Ponthieu, auquel il resta (965). Godefroy de Bouillon appartient à cette première maison des comtes de Boulogne. Des mariages donnèrent le Boulonnais à la maison de Blois (XIIe siècle), à celle de Dammartin (XIIIe) et enfin aux comtes d'Auvergne.

Le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, l'enleva en 1419 à Bertrand II comte d'Auvergne, et s'en fit confirmer la possession par Charles VII, au premier traité d'Arras (1435) : le Boulonnais était alors dans la mouvance féodale de l'Artois, qui appartenait aussi à la Bourgogne. A la mort de Charles le Téméraire (1477), Louis XI occupa le Boulonnais, dont la coutume venait d'être rédigée. Il fit dresser un procès-verbal des droits et privilèges de ce pays, et le reconnut exempt de taille, talion, aides et gabelles, et de toutes impositions mises ou à mettre. Toutefois, le pays dut continuer à se garder lui-même; en principe, chaque homme en état de porter les armes était soldat de la province; en fait, et jusqu'en 1789, tout manoir d'une charrue et demie et au-dessus devait fournir un fantassin et un cavalier; tout manoir d'une charrue ou au-dessous, devait aussi fournir ou un cavalier ou un fantassin. En 1478, Louis XI désintéressa Bertrand d'Auvergne, héritier légitime du Boulonnais, en lui donnant en échange le Lauragais (Castelnaudary). En outre, comme Marie de Bourgogne était comtesse d'Artois, Louis XI transféra pieusement et politiquement l'hommage féodal qu'il lui devait à Notre-Dame de Boulogne, de laquelle il s'avoua le vassal par le don d'un coeur d'or pesant treize marcs : tous ses successeurs, à leur avènement, renouvelèrent cet hommage dans la même forme. 

Les hommes « francs et libres », les « nobles Boulonnais », comme ils s'appelaient en corps de nation, défendirent bien leur territoire contre les Anglais en 1491 et en 1513; mais ils furent moins heureux en 1544 : Henri VIII prit Boulogne et le Boulonnais, les garda au traité d'Ardres (1546) qui toutefois les déclarait rachetables, et ils ne furent recouvrés qu'en 1550 moyennant 400,000 écus. Les lettres patentes de Henri II (1551) confirmèrent les privilèges dont les titres avaient été détruits pendant la guerre, et entre autres le droit d'assemblée, c'est-à-dire d'avoir des états particuliers, où les villes étaient très complètement représentées. Grâce à cette constitution, le Boulonnais se défendit contre les empiètements de la monarchie absolue. Il obtint, en place des droits indirects, des abonnements avantageux; il ne put, malgré ses protestations, échapper aux quartiers d'hiver (1657), à la capitation (1695), au dixième (1710), au franc-fief (1752).

Rattaché à l'intendance et à la généralité d'Amiens, il obtint cependant des lettres patentes, en 1759 et 1766, qui confirmaient son administration séparée et son droit d'assemblée. Lorsqu'une place lui fut donnée au sein de l'assemblée provinciale de Picardie (1787), ses représentants n'y parurent que pour protester contre la « surprise faite à la religion de Sa Majesté », et obtinrent gain de cause (arrêt du 7 octobre 1787). Par le règlement du 24 janvier 1789, le Boulonnais fut compris dans les pays d'élections; il s'en plaignit amèrement, et pour éviter à l'avenir toute confusion, réclama des Etats particuliers, dont les droits fussent étendus au consentement de l'impôt. 
D'ailleurs, cette condition équivoque d'un pays qui ne s'appartenait plus réellement, et qui n'appartenait pas tout à fait à l'Etat dont il faisait partie, avait été fort préjudiciable au progrès régulier et aux travaux publics. Le port de Boulogne était dégradé et ensablé, les dunes envahissaient les villages, et la plupart des maisons de Wissant; la forêt d'Hardelot était menacée. Le droit de parcours (inconnu dans les provinces voisines) ruinait l'agriculture; les communaux incultes étaient livrés à des gens sans aveu, parce que la coutume défendait de les vendre ou de les partager. La justice était très mal rendue par une sénéchaussée à la place de laquelle n'avait jamais fonctionné le présidial établi pour la forme en 1551.

La Constituante comprit bien l'intérêt du Boulonnais : elle ne le laissa pas dans l'isolement qu'il rêvait; mais elle le détacha de la Picardie, avec laquelle il n'avait pas de lien naturel, pour le joindre à l'Artois; de sorte que la vieille mouvance féodale fut rétablie (géographiquement) par le département du Pas-de-Calais. (H. Monin).

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