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Jaurès

Jean Léon Jaurès est un  écrivain et homme politique français, professeur et philosophe, né à Castres (Tarn) le 3 septembre 1859, mort assassiné à Paris, le 31 juillet 1914. Issu d'une famille bourgeoise (il était le neuveu du vice-amiral Jaurès, ancien ministre de la marine et frère du contre-amiral), il fit toutes ses études au collège de sa ville natale. Il y fut découvert par un universitaire convaincu et bienfaisant, auquel bien des jeunes gens ont dû leur avenir, Félix Deltour, alors inspecteur général de l'instruction publique. Aussi, à dix-sept ans, Jean Jaurès put-il compléter sa formation à Paris. Elève de Sainte-Barbe et de Louis-le-Grand, il justifia pleinement l'opinion que l'humaniste Deltour avait eue de lui. Reçu premier, en 1878, à l'Ecole normale supérieure, il en sortit agrégé de philosophie en 1881.

Jean Jaurès.
Jean Jaurès (1859-1914). 
Photo : H. Manuel.

Grand travailleur, d'une rare érudition, possédant à fond l'anglais et l'allemand, soutenu ainsi par toutes les forces que l'éducation classique et l'éducation moderne donnent à un esprit généreux, il possédait, en outre, une naturelle facilité de parole qui, de très bonne heure, décela en lui le grand orateur. C'est ainsi armé pour la vie ardente qu'il allait vivre que Jean Jaurès débuta modestement comme professeur de philosophie au lycée d'Albi. Appelé ensuite au lycée, puis à la Faculté des lettres de Toulouse, il y laissa le souvenir d'un maître entraînant, d'une inépuisable bonne volonté, d'une rare conscience. Mais l'enseignement ne pouvait suffire à sa débordante activité physique et intellectuelle. 

La politique l'attirait et, dès 1885, il était élu député du Tarn, le premier sur la liste du département. Ce jeune député de vingt-six ans, qui siégeait alors à la gauche radicale et qui a laissé, de ce temps, le souvenir d'un grand espoir pour le parti républicain modéré, fit déjà, par de nombreuses interventions à la tribune, une impression profonde sur le Parlement (La Troisième République [jusqu'en 1914]). Ses discours sur les délégués mineurs, sur les caisses de retraite des ouvriers mineurs, sur les accidents du travail, le montraient préoccupé des questions sociales et ouvrières. En même temps, il votait l'expulsion des princes et contre les poursuites qui menaçaient le général Boulanger; il soutenait la politique coloniale, il s'abstenait dans le vote sur le rétablissement du scrutin d'arrondissement. Evidemment, il cherchait sa voie. Au moins quelques-unes des convictions pacifistes et patriotiques qui ne l'on jamais quitté étaient-elles déjà nettement exprimées dans ces lignes qui datent de 1887 :

« Certes, la France n'avait jamais douté d'un seul de ses enfants; mais, sur notre pauvre pays vaincu, tant de calomnies avaient été versées du dehors, l'étranger avait si souvent dénoncé notre désorganisation morale, que cet apaisement subit, cet oubli complet des querelles et des haines, cette mutuelle confiance d'adversaires politiques se consultant sur la patrie commune, sont pour l'Europe un étonnement, pour nous un réconfort. [...] Quoi qu'il arrive, que nous ayons, comme nous l'espérons, la paix, ou, au contraire, par la criminelle folie de l'agresseur, la guerre pour notre France bien-aimée, Liberté et Patrie sont inséparables. »
Son échec contre le monarchiste Abrial, aux élections législatives de 1889, où le scrutin d'arrondissement remplaça le scrutin de liste, le rendit à l'enseignement. Il rentra à la faculté de Toulouse comme chargé d'un cours complémentaire. Le succès de ce cours le fit presque aussitôt nommer conseiller municipal de cette ville et il fut trois ans adjoint au maire pour l'instruction publique. En cette qualité, il porta la parole avec éclat lors de la réception du président de la République, en mai 1891. Il concourut à la création de la faculté de médecine de Toulouse et remit à l'Etat au nom de la ville les bâtiments neufs de la faculté de médecine et de la faculté des lettres.

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Jaurès dans un meeting.
Jaurès parlant dans un meeting en plein air.

C'est à ce moment qu'il soutint avec éclat ses deux thèses sur la Réalité du monde sensible(1891, in-8) et sur les Premières bases du socialisme allemand chez Luther, Kant, Fichte et Hegel (De Primis Socialismi Germanici lineamentis apud Lutherum, Kant, Fichte et Hegel, Paris, 1891, in-8). Il y affirmait ses options socialistes et, dès lors, renonçant aux hésitations et aux timidités de ses premières années parlementaires, cette recrue puissante s'enrôlait dans l'armée socialiste et s'y plaçait parmi les chefs. 

Aux élections générales d'août 1893, il fut de nouveau élu député, par la deuxième circonscription d'Albi, sur un programme résolument socialiste. Les ouvriers de la région minière du Tarn récompensaient de leurs votes l'appui moral que Jaurès n'avait cessé de leur prêter durant la longue et mémorable grève de Carmaux, soit par sa présence même et son ardente parole, soit par la plume dans la Dépêche de Toulouse. Les grèves du Nord, aussitôt après les élections, lui donnèrent l'occasion de prendre de plus en plus la tête du mouvement socialiste, et, dès la rentrée du Parlement, une interpellation retentissante sur les grèves acheva de le mettre en relief comme chef du groupe socialiste à la Chambre, surtout comme l'orateur de ce groupe. Il en sort de nouveau en 1898, après un second échec aux élections législatives contre le marquis de Solages, pour y revenir définitivement en 1902. 
 

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Patriotisme et internationalisme

 « Nous n'oublions pas, nous ne pouvons pas oublier.

Je ne sais si quelqu'un oublie, mais ce n'est pas nous! Le chancelier de Caprivi, qu'on a beaucoup cité ces jours-ci et que je veux citer à mon tour, disait, dans cette langue réaliste des hommes d'État allemands, au cours de la discussion sur la loi militaire et pour établir l'incontestable sincérité de ses sentiments pacifiques :

« La nation allemande est rassasiée. »

Nous sommes, Messieurs, dans la nécessité douloureuse de dire : « La nation française est mutilée. »

Nous n'oublions pas la blessure profonde reçue par la patrie, parce qu'elle est en même temps une blessure profonde reçue par le droit universel des peuples.

Contre l'atteinte portée au droit, nous ne protestons pas seulement comme Français, entendez-le bien! Subissant un déchirement intime dans le déchirement commun de la patrie, nous protestons aussi comme socialistes. Il est intolérable, au moment où le socialisme veut affranchir toutes les volontés humaines, qu'il y ait des volontés françaises séparées du groupe historique dont elles veulent faire partie.

Et si nous combattons, si nous poursuivons le capitalisme, c'est parce qu'il donne à l'homme prise sur l'homme; si nous combattons, dans cette force du capital, la prolongation du vieil esprit de domination et de conquête, ce n'est pas pour subir ce vieil esprit de domination et de conquête sous sa forme la plus brutale, quand il fait ouvertement violence à la conscience des peuples et quand il coupe en deux par l'épée des âmes qui veulent rester unies.

Si nous combattons le militarisme, ce n'est pas pour lui laisser son dernier trophée. Dans nos conflits intérieurs, dans nos grèves, dans nos luttes économiques, nous nous indignons quand le soldat de France est exposé à tirer sur ses frères. Mais à quoi donc sont exposés ceux qui sont enrôlés ailleurs par le militarisme impérial, sinon à tirer un jour sur des frères?
Voilà pourquoi, je tiens à le dire du haut de la tribune, il n'y a pas dans la conscience socialiste du prolétariat universel une seule protestation contre le régime capitaliste qui ne condamne en même temps, par une logique invincible, les annexions violentes pratiquées sur des peuples qui n'acceptent pas l'autocratie militaire de l'étranger.

A mesure que les gouvernements ont à compter de plus en plus avec la force de l'opinion, à mesure surtout que le suffrage universel se développe sur l'Europe - il a conquis la Belgique, demain il va conquérir l'Autriche-Hongrie, ailleurs peut-être il s'introduira sous d'autres formes - tous les groupes d'intérêts, tous les groupes de sympathie, toutes les idées, toutes les forces d'un peuple sont appelés à la vie publique et à la vie légale et même les conquis deviennent une force devant laquelle le conquérant est forcé de capituler parfois, avec laquelle il est obligé de compter toujours, et les vaincus, avec lesquels le vainqueur est obligé de compter, ne sont plus tout à fait des vaincus.

Nous ne sommes plus au temps où l'Irlande écoutait tous les bruits de guerre en Europe et attendait le débarquement de l'étranger qui devait la libérer de l'occupant. Nous ne sommes plus au temps où Mickiewicz terminait son Livre des Pèlerins par cette formidable prière : « Et la guerre universelle pour notre libération, donnez-nous-la, Seigneur! » Non! Mais lorsque l'Irlande, au Parlement même de Londres, fait et défait les majorités, lorsqu'elle donne et retire le pouvoir, lorsque les trois maîtres de la Pologne, à la même heure, pour conserver leur pouvoir sur l'opinion ou pour leurs combinaisons parlementaires, sont obligés de caresser à la fois le sentiment national polonais, lorsqu'ils ressuscitent ainsi, par la simultanéité forcée et étrange de leur démarche, l'unité visible du peuple qu'ils s'étaient partagé, j'ai le droit de dire que la justice immanente a aujourd'hui en Europe d'autres voix et d'autres moyens que la guerre.

La nation conquérante ne peut développer ses propres libertés qu'en les communiquant aux conquis, aux vaincus eux-mêmes; et comme ceux-ci sont un peuple par les idées, par les sentiments, par les traditions et par les espérances, par les affinités qui les relient aux groupes historiques dont ils ont été séparés, toujours vous voyez sur le fond même des luttes parlementaires se dessiner des figures de peuples et il y aura d'étranges et de profonds remaniements de nations, avant qu'aucune carte les ait signalés.

Et puis, Messieurs, ce n'est pas seulement le développement de la justice sociale qui abolira les iniquités de nation à nation, comme les iniquités d'individu à individu. De même qu'on ne réconcilie pas des individus en faisant simplement appel à la fraternité humaine, mais en les associant, s'il est possible, à une oeuvre commune et noble, où, en s'oubliant eux-mêmes, ils oublient leur inimitié, de même les nations n'oublieront les vieilles jalousies, les vieilles querelles, les vieilles prétentions dominatrices, tout ce passé éclatant et triste d'orgueil et de haine, de gloire et de sang, que lorsqu'elles se seront proposé, toutes ensemble, un objet supérieur à elles, que quand elles auront compris la mission que leur assigne l'histoire, que Chateaubriand leur indiquait déjà il y a un siècle, c'est-à-dire la libération définitive de la race humaine qui, après avoir échappé à l'esclavage et au servage, veut et doit échapper au salariat.

Dans l'ivresse, dans la joie de cette grande oeuvre accomplie ou même préparée, quand il n'y aura plus domination politique ou économique de l'homme sur l'homme, quand il ne sera plus besoin de gouvernements armés pour maintenir les monopoles des classes accapareuses, quand la diversité des drapeaux égaillera, sans la briser, l'unité des hommes, qui donc alors, je vous le demande, aura intérêt à empêcher un groupe d'hommes de vivre d'une vie plus étroite, plus familière, plus intime, c'est-à-dire d'une vie nationale avec le groupe historique auquel le rattachent de séculaires amitiés?

Et comme c'est la classe des salariés, comme c'est, en tous pays, la classe prolétarienne qui pressent le mieux l'ordre nouveau, parce qu'elle souffre le plus de l'ordre présent, comme c'est elle qui, dès aujourd'hui, prépare le mieux l'accord international du prolétariat, avec elle et comme elle, nous sommes internationalistes pour préparer l'abolition des iniquités sociales qui sont la cause des guerres et des guerres qui sont le prétexte des armées.

Mais en attendant cette réalisation de la paix internationale par l'unité socialiste, il est du devoir de tous les socialistes, dans tous les pays, de protéger chacun leur patrie contre toutes les agressions possibles. »
 

(J. Jaurès, Discours prononcé à la Chambre des députés le 7 avril 1895).

De 1898 à 1902, Jaurès s'était consacré à la propagande socialiste et au journalisme. C'est pendant cette période qu'il fut l'âme de la Petite République et qu'il se donna tout entier à l'affaire Dreyfus; il prit parti pour la révision du procès, mena à ce sujet une campagne retentissante et écrivit notamment un volume intitulé les Preuves. On y voit comment son antimilitarisme procède de sa foi en l'humain. Il semblait alors, avec Briand et Millerand, que le socialisme, même au prix, sinon d'une alliance, du moins d'une collaboration avec les partis bourgeois, devait être plus réformiste que révolutionnaire et qu'il ne devait pas, s'il trouvait l'occasion de prendre le pouvoir, se dérober. 

Ce fut le cas de Millerand, lors de la formation du ministère Waldeck-Rousseau. Jaurès soutint énergiquement Millerand lorsqu'au Congrès de Lyon on discuta la question de savoir si un socialiste pouvait, tout seul, marcher à la conquête des pouvoirs publics. Il soutint encore la même thèse au Congrès d'Amsterdam. D'ailleurs, pendant foute la durée du ministère Combes, Jaurès en fut le plus fidèle soutien, et le « bloc » n'eut pas de plus chaud partisan que lui. En fait, à ce moment, Jaurès, élu vice-président de la Chambre, approcha du pouvoir aussi près qu'il était possible de le faire, sans l'exercer personnellement. En 1904, il fonda le journal l'Humanité, qu'il ne cessa de diriger.

La réconciliation inattendue de Jaurès avec Jules Guesde et l'unification du parti socialiste firent abandonner les idées réformistes pour les idées révolutionnaires. Il ne fut plus question de la conquête individuelle des pouvoirs publics, et ceux qui, comme Millerand et Briand, restèrent fidèles aux idées qui avaient été celles de Jaurès, ne tardèrent pas à s'en apercevoir. Le rôle de soutien ministériel que le grand orateur avait joué avec tant de succès finit avec la retraite de Combes. Jaurès se retrouva dans l'opposition. Il y est resté jusqu'au moment où le péril national a groupé, comme se groupe un essaim d'abeilles, toutes les forces morales de la nation.

Ce changement d'attitude, marqué nettement depuis les ministères Rouvier (1905) et Clemenceau (1906), a entraîné Jean Jaurès à soutenir des thèses qui étaient en contradiction avec ses idées antérieures et à contracter des alliances politiques qu'il eût jadis répudiées. Il n'est pas douteux qu'il y ait perdu une grande partie de l'autorité que son talent lui donnait sur une fraction très notable du parti républicain, passionné pour des réformes progressistes, très éloigné aussi des aventures et des haines de classe; il n'est pas certain qu'il y ait conquis plus d'influence sur le parti ouvrier, qui, de plus en plus, fit effort pour se priver du concours des hommes politiques, et prétendit faire lui-même ses affaires. Il est vrai qu'il a, par certaines compromissions, donné l'appui de sa plume et de sa parole à des théories, qui, répandues dans le public, ont troublé beaucoup d'esprits mal préparés à faire la part entre les abstractions d'école
et les réalités de la vie d'une nation; et, par là, cet homme, qui fut avant tout un doux et un pacifique, devint pour beaucoup un objet d'effroi. Il y a là un peu de l'histoire du parti socialiste. 

Le succès de Jaurès et de son parti aux élections législatives de mai (1914) allait vraisemblablement rendre plus difficile une situation qui devenait plus brillante. L'heure où un parti, quel qu'il soit, parvient à conquérir l'opinion publique, est une heure grave. Rien n'est plus difficile que de passer de la théorie à la pratique, et le moment où il faut prendre le pouvoir est aussi celui où l'on apprend avec un étonnement souvent douloureux combien les réalisations sont laborieuses, lorsqu'il faut tenir compte des contingences traditionnelles sur lesquelles est fondée l'existence même d'un peuple. Ce moment approchait pour Jaurès. 

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Le café du Croissant où fut assassiné Jaurès.

Sa mort tragique (il fut assassiné dans la soirée du 31 juillet 1914 au café-restaurant du Croissant par un ancien ancien répétiteur nommé Raoul Villain), désarma ses adversaires. La Chambre entière écouta debout son éloge prononcé par Deschanel, et des membres de la Ligue des patriotes, Barrès en tête, suivirent ses funérailles avec les socialistes de la Confédération générale du travail. Ses cendres seront transférées au Panthéon le 23 novembre 1924.

Plus que personne, Jaurès a cru à la bonté humaine, à la sincérité internationale, à la possibilité d'une union des peuples pour le progrès indéfini de l'esprit humain dans une paix idéale et un perfectionnement social sans limites. Il était internationaliste, plein d'enthousiasme et d'illusions, croyant avec une sincérité qui déconcerte, à l'avènement de la paix universelle, à la fraternité des peuples, à la bonne foi des Allemands (il serait allé en 1905 leur faire une conférence in Berlin, sans le veto formel de Guillaume II). Ami des chefs socialistes d'outre-Rhin, il se laissa tromper par eux jusqu'à la veille de la guerre, à laquelle il refusait de croire le 31 juillet 1914, quand il engageait « les peuples à s'unir pour protester victorieusement contre la menace d'une conflit ». 

Ainsi, les efforts qu'il a faits pour rapprocher la France de l'Allemagne procédaient avant tout de son éducation première, et, s'il estimait qu'une alliance allemande était plus conforme  à l'intérêt français que l'alliance russe, qu'il a toujours combattue, c'est en raison des affinités qu'il se plaisait à voir entre la France de la Révolution et l'Allemagne de la Réforme.  Il est vain de disserter sur ce qu'il eût pensé des événements qui dans les mois et les années qui ont suivi ont oppressé et ramené une partie du monde à la barbarie. Il en eût eu le coeur déchiré. 

Jaurès a été un orateur incomparable. Son éloquence,servie par un organe chaud, puissant, avait ceci de particulier, qu'elle était à la fois vibrante, poétique, imagée, colorée, sonore, en un mot essentiellement populaire, - ses adversaires disaient méridionale, - et châtiée, pure, harmonieuse; du meilleur aloi littéraire. Personne n'était plus écouté que lui. Par ses journaux, par son intervention presque toujours décisive dans les congrès les plus divisés, il exerça une influence considérable sur « le monde ouvrier », sur les dirigeants de la Conféderation générale du travail, qui « l'admiraient et l'aimaient », même quand ils n'étaient pas de son avis. A la Chambre ou dans les plus modestes réunions publiques, au théâtre d'Orange ou dans une humble auberge, emplissait l'espace, pénétrait et remuait l'auditoire. 

On l'a traité de rhéteur; on a eu tort. Il avait la conviction qui fait l'orateur, et, si son éducation classique apparaissait dans l'ordonnance de ses discours, c'est que sa pensée entrait naturellement dans le moule classique. Il n'y avait là rien d'artificiel ni de voulu. Autant qu'il peut rester quelque chose de l'éloquence quand on en a retiré ce qu'y mettent la voix, le geste, l'intonation, toute l'action qui en est l'élément essentiel et vivant, il est resté de Jean Jaurès le souvenir d'un des plus puissants génies oratoires. Il est resté aussi qu'il fut sincère et honnête et que, s'il a pu se tromper sur l'avenir immédiatement réalisable de la France et de l'Europe, il a voulu ardemment diminuer la souffrance humaine. (J. Gerbault / H. M. / Dz.).



René Vérard, Jaurès, notre horizon, Corsaire, 2005. - Rappelons-nous Jacques Brel, son cri : Pourquoi ont-ils tué Jaurès? II aura suffi de trois couplets, de trois refrains pour délivrer Jean Jaurès du Panthéon et le retrouver, frémissant, dans la mémoire populaire! Jaurès, cette grande voix soudain tuée est enfin réenchantée par un troubadour appelant au réveil des consciences et à l'impérieuse nécessité de la paix! A l'aune d'une simple chanson réanimant son souvenir puisse à son tour l'écrit frissonner d'un espoir et notamment à l'adresse d'une jeunesse éclose dans un monde indéchiffrable : Quid, de l'humanité? Jaurès portait l'espoir d'un sursaut, d'une sagesse, d'une renaissance humaine imposée par les peuples eux-mêmes aux puissances de corruption qui minent et dévaluent la vie : par le coeur et par l'esprit? Il appelait les peuples à se soulever pour imposer la paix. Jean Jaurès, dans L'interview d'outre temps (nom d'un chapitre du livre) répond aux interrogations d'un jeune homme d'aujourd'hui, indécis sur son avenir. Il ne sera pas déçu. Qu'il s'agisse du travail, de la violence, de l'art, de la justice, de la démocratie de l'ouverture au monde, son aîné lui livre les clefs de l'espérance : s'engager dans la vie, au-delà de soi-même. La lecture de Jaurès, notre horizon est indispensable en ces temps incertains : Une boussole dans le chaos de misérables intérêts. (couv.). 

Jean-Pierre Rioux, Jean Jaurès, Perrin, 2008. - La biographie-événement, après six ans de recherches et d'écriture. Assez de l'humaniste barbu, du martyr pour Panthéon et fin de banquets, de l'apôtre unitaire pour grand-messe de gauche! Si on réduit Jean Jaurès à ses commémorations émues, on peut l'abandonner sans vergogne aux curieux et aux dévots, aux avenues de la Gare et aux frontons de groupes scolaires. Il n'y aura donc pas dans ce livre de vieille chanson qui berce, de fleuve qui reste fidèle à sa source ou de voies royales trop encombrées d'idéal pour ne pas trahir le réel. Jaurès ne peut être confondu avec le jaurésisme et les jaurésiens. Il a parlé, il a écrit, il s'est battu et il en est mort. Entre biographie et essai, l'ouvrage évoquera naturellement la bête oratoire, le philosophe, l'intellectuel et l'historien, le défenseur des droits de l'homme, l'homme de la paix, l'adversaire du colonialisme. L'accent sera mis sur les questions d'aujourd'hui auxquelles le premier mort de l'été 1914 avait donné sa réponse, sans que ses successeurs s'en soucient outre mesure. Comment ne pas trahir quand on est au pouvoir? Comment lire une société d'inégalités? Comment récuser le désordre établi si l'on n'assume pas l'histoire et l'héritage? Que serait un avenir sans morale et sans religion? (couv.).

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Dictionnaire biographique
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