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L'histoire de l'Afrique
Les Pays tchadiens
Dans la région sahélienne qui s'étend autour du lac Tchad, et où vivent principalement des populations dont les langues appartiennent à la famille nilo-saharienne, ainsi que des arabophones, plusieurs royaumes assez bien organisés ont existé au cours de l'histoire. Les principaux ont été l'Empire du Bornou (apogée vers le XVIe siècle), issu de l'ancien royaume toubou du Kanem, le Ouadaï, né au XVIIe siècle, et le Baguirmi et, plus à l'Est, ballotté entre les deux premiers.

Par leur position géographique, ces États ont joué le rôle de pivots dans les relations avec les puissance arabophones du Nord et les régions de l'Afrique intérieure. Ils ont été les points de passage de la pénétration de l'Islam, et ont aussi jusqu'au début du XXe siècle, parcourus sans cesse par les caravanes armées des marchands arabes, qui étaient souvent des marchands d'esclaves. Il s'y formait d'ailleurs continuellement des bandes conduites par les pourvoyeurs des marchés d'esclaves, et qui s'attaquent victorieusement en général aux habitants sédentaires du pays et y entretenaient une anarchie constante le long des grandes routes. 

Convoités depuis plusieurs décennies par les Européens, ces pays ont été conquis à la fin du XIXe siècle. La partie occidentale a été l'objectif des Français. L'occupation du Sahel saharien au Nord de la ligne de Saï à Barroua fut confiée à la mission Voulet-Chanoine qui, après la révolte et la mort de ses chefs, fut continuée par Pallier et Joalland, rejoints par la mission Foureau-Lamy à Zinder (1899). lIs soumirent au Nord du lac Tchad le Kanem et opérèrent dans le Baguirmi leur jonction avec Gentil venu par le Congo sur le Chari. Ces trois expéditions françaises vainquirent et tuèrent à Kousseri le récent conquérant du Bornou, l'aventurier Rabah, et levèrent ainsi leur dernier obstacle à l'occupation du pays. 
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A l'Est, les Britanniques se rendront maîtres vers la même époque du Soudan Egyptien. Et très vite ensuite, les limites de ce double empire colonial seront  définies. Une convention franco-anglaise du 21 mars 1899, attribuera à la France le Ouadaï et les oasis sahariennes jusqu'au Tibesti, ce qui aboutit à la formation du territoire militaire du Tchad. L'Angleterre pour sa part se voit reconnaître des droits sur tout le reste.

Dates -clés  :
XIe s.  - Fondation du Kanem.

XIVe s: Fondation du Bornou.

XVIIe s: Fondation du Ouadaï.

1870-1900 - Conquête de la région par les Français et les Anglo-égyptiens

L'espace considéré ici s'étend sur plus de deux millions de kilomètres carrés et a compté quelque 30 millions d'habitants. Il a vu fleurir principalement trois grands États : 1° Le Bornou, (200 000 km², capitale Kouka, à l'Ouest du lac Tchad), longtemps gouverné par la dynastie des Kanemins, il était l'héritier d'un État plus ancien, le Kanem, qu'il a absorbé; 2° Le Ouadaï (de 300 000 à 500 000 km² selon les époques, la capitale fut Ouara, puis Abéché); 3° le Baguirmi (180 000 km², capitale Massenya). 

Les informations dont on dispose les époque anciennes reposent principalement sur les récits des voyageurs européens qui ont parcouru la région au XIXe siècle. Le Bornou a d'abord été visité par Oudney, Denham et Clapperton, en 1823 , puis par J. Richardson, H. Barth et A. Overweg, de 1849 à 1855. Segni, et Vogel, s'y rendirent aussi, en 1840 et 1853, respectivement. En 1869, on retrouve Barth, Overweg, et Vogel, ainsi que Beurmann et Rohlfs, puis Nachtigal.  Enfin, en 1880, Matteucci et Massari visitent également le pays. Le Ouadaï, pour sa part, nous est surtout connu par le voyage de Nachtigal (1873), plus heureux que Vogel (1855), Cuny (1858) et Beurmann (1863), qui y furent massacrés. Matteucci a raconté y être allé en 1879, mais son récit a été mis en doute. Le Baghirmi a été visité en 1823 par Denham, en 1852 par Barth, en 1872 par Nachtigal, en 1881, par Matteucci et Massari.

Tous ces explorateurs ont été les éclaireurs venus préparer la mainmise des puissances coloniales. Le Bornou, l'Ouadaï et le Baguirmi ont ainsi ont été démantelés par les Européens à la charnière du XIXe et du XXe siècle. Aujourd'hui, le nom de Bornou est donné à une circonscription du Nord-Est du Nigéria; ceux de Kanem, de Baghirmi et de Ouadaï à trois circonscriptions du Tchad, situées au Sud du 15e parallèle.

L'empire du Bornou.
L'empire du Bornou (capitale : Koûka, sur la rive Ouest du lac Tchad), a longtemps été un État puissant. Héritier du royaume de Kanem, fondé par une dynastie toubou au XIe siècle, il apparaît vers le XVIe siècle et sera, par sa position géographique, à la fois un pivot des échanges économiques dans le Soudan central, et  l'une des portes d'entrée de l'Islam en Afrique Noire. Exploré par les Européens seulement au XIXe siècle, qui le démantèleront au tout début du XXe siècle, il sera décrit comme un vaste territoire compris à peu près entre le 11° et le 15° de latitude Nord, et entre 7° 30' et 14° de longitude Est. Borné à l'Est par le lac Tchad et le cours du Chari, qui le séparent du Ouadaï et du Baghirmi; mais partout ailleurs avec limites assez mal déterminées.

Au Sud, vers l'Adamaoua, le Bornou entretient des guerres continuelles, et l'autorité du cheikh y est très contestée; à l'Ouest, la frontière du côté de l'empire de Sokoto est une ligne sinueuse allant du Sud-Est au Nord-Ouest, et qui peut varier d'un instant à l'autre selon les guerres et les circonstances locales; enfin, au Nord le Bornou confine au Damerghou et au Kanem, qu'il a fini par absorber, tout comme l'ancien royaume Mandélé. De ce côté les incursions des Touareg, celles des Ouled-Sliman, et aussi les entreprises du sultan du Ouadaï ont rendu tout à fait illusoire la souveraineté du cheikh de Bornou sur le Kanem et même sur le Damerghou. On lui donnait une population de l'ordre de 5 000 000 d'habitants, soit environ 38 hab/km², densité très forte pour une contrée africaine de grande surface.

Le Ouadaï

Ce pays s'étendait de la rive orientale du lac Tchad à l'Ouest au Darfour à l'Est, du Borkou au Nord au pays des Nyam-Nyam (Azandé) au Sud. C'était un État d'ailleurs qui était limité, comme la plupart des États africains à la même époque, de la manière la moins précise. Ses frontières variaient avec le degré de puissance du souverain et avec le déplacement de certaines tribus nomades, qui, de migration en migration et de pâturage en pâturage, donnant au Ouadaï des limites mouvantes. Comparé au Bornou, le Ouadaï, était médiocrement fertile; les habitants en étaient beaucoup plus pauvres et vivaient dans des huttes; ils possédaient des troupeaux de boeufs, de moutons, de chèvres et des chameaux. La population se composait d'Arabes beaucoup plus nombreux dans le Ouadaï que dans le Bornou, de Peuls également envahisseurs, et dans le Nord de Toubou, dans le centre et le Sud-Ouest, de populations de parlers, comme celui des Toubou, appartenant à la branche occidentale de la famille nilo-saharienne : les Maba, les Abou-Charib , les Massalit  les Koukas, des Tama, des Mimi, des Kouka, des Boulala, des Rougna, etc. Sous le nom de Maba on groupait la population dominante; cette noblesse se transmettait en ligne maternelle. Les Arabes vivaient de leurs troupeaux de chameaux et de boeufs. L'industrie était exercée par des Baghirmiens et des Bornouans.

L'histoire du Ouadaï n'est guère faite que des cruautés et des débordements de la plupart de ses rois. Ce pays connu aussi sous les noms de Bergou et Dar-Saleh s'est constitué en tant qu'entité politique vers le début du XVIIe siècle, après avoir été soumis à des païens auxquels on attribue une origine sémitique, les Toundjour, qui avaient leur capitale à Kadama, au Sud-Ouest d'Abéché. C'est vers 1615 seulement que l'islam fut adopté par une fraction de la population, sous l'influence d'un nommé Djâmeh ou Saleh, que les uns disent indigène du pays, tandis que d'autres le rattachent à la tribu arabe des Djaaline, dont le berceau est à Berber, sur le Nil, en aval de Khartoum. Quant aux Toundjour, ils étaient demeurés païens. Un fils ou descendant de ce Djâmeh, nommé Abdelkérim (Abd-el-Kerim), qui prétendait descendre des Abbassides, leva une armée d'Arabes et de Noirs récemment islamisés, défit le prince toundjour, le tua, se proclama sultan du Ouadaï et s'établit au Nord d'Abéché, à Ouara, où il régna de 1635 à 1655, convertissant de force à l'islam une partie des habitants. Comme les princes toundjour dont il avait pris la place, il payait tribut au Darfour.

Son fils Kharout (1655-1678) poursuivit l'islamisation du Ouadaï. Kharif (1678-1681) et Yakoub-Arous (1681-1707) essayèrent à plusieurs reprises de secouer la tutelle du Darfour; le second réussit enfin à battre et à capturer Omar-Lélé, roi du Darfour. Après une lutte malheureuse contre le Baguirmi conduite par Mohammed Ez-Zaouni, la guerre entre le Ouadaï et le Darfour recommença sous Djoda (1745-1795), sous le règne duquel le premier de ces États étendit son influence sur une partie du Kanem. Saboun (1803-1813), après avoir ravi le trône à son propre père, Saleh-Derret ou Dered, se signala par des expéditions victorieuses contre le Baguirmi et contre ses vassaux révoltés du Tama. C'était un prince cruel et sanguinaire, qui périt assassiné par un inconnu. Son fils Youssef, dit Kharifine, fut peut-être plus barbare encore. Vers 1829, après une régence féminine qui fut marquée par les pires atrocités, Abdelaziz, petit-fils de Saboun, s'empara du pouvoir; il eut à lutter contre de continuelles rébellions, qu'il noya dans le sang.

A sa mort (1835 environ), une armée du Darfour envahit le Ouadaï, à la suite de déprédations commises dans les provinces occidentales du premier de ces royaumes par des Ouadaïens que la, famine poussait au pillage. Les troupes envoyées par Mohammed-Fadel, roi du Darfour, entrèrent dans Ouara et placèrent sur le trône du Ouadaï un nommé. Mohammed-Chérif, qui s'engagea à accepter la suzeraineté du Darfour. Ce Mohammed-Chérif (1835-1858) paraît avoir été le seul souverain du Ouadaï qui se soit montré réservé en fait d'exécutions capitales. Il jouit d'un réel prestige et d'un pouvoir considérable. Il ne craignit pas de s'attaquer au puissant cheikh Omar, sultan du Bornou, qu'il battit à Kousseri et dont il obtint une contribution de guerre de 8000 thalers. C'est lui qui transféra la capitale de Ouara à Abéché. Devenu aveugle, obligé de se défendre contre le Tama révolté et contre un de ses propres fils, il finit  par mourir à demi-fou en 1858.

Un nommé Ali lui succéda, qui s'occupa surtout de favoriser le commerce avec la Méditerranée et de remettre de l'ordre dans le pays. Il reçut la visite de Nachtigal en 1873-1874, au moment de sa lutte contre Abou-Sekkine, mbang du Baguirmi. C'est lui qui fit construire, par deux Tripolitains, le palais royal d'Abéché et qui annexa le Rougna et le Kouti.

Le roi Youssef (1874-1898) laissa le Baguirmi reprendre son indépendance. C'est sous son règne que Rabah, venant du Bahr-el-Ghazal, fit irruption dans le Kouti (1879), puis dans le Rougna, razzia les dépendances méridionales du Ouadaï et installa comme sultan du Kouti et du Rougna le nommé Senoussi (1890). Ce dernier, une fois Rabah au Bornou (1894), accepta d'ailleurs la suzeraineté du Ouadaï, puis un peu plus tard celle de la France, que les arrangements anglo-français de 1898, avaient plavcé dans leur sphère d'influence.

A cette époque, l'autorité du sultan du Ouadaï ne s'étendait déjà que sur la partie Nord de ses États, certaines tribus, comme les Koukas, ayant conservé une sorte d'autonomie. La partie Nord du royaume est divisée en provinces à la tête desquelles sont des gouverneurs. Les villes principales s'ont Abéché, la capitale, fondée en 1850, centre militaire du pays et actif foyer de propagande musulmane; population de 20 000 à 25 000 habitants; Nimro, centre de la tribu des Djellabas; Amm-Demm, renommé pour ses sources d'eau chaude; Yaoua, etc.; l'ancienne capitale, Ouara, fut abandonnée en 1850 et tomba en ruine. Ces villes, d'ailleurs, à l'exception d'Abéché, ne comptent que quelques centaines de maisons.

L'armée est forte d'environ 7 000 hommes. Le sultan monopolise le commerce qui se fait vers Tripoli par le Borkou et le Tibesti, vers Benghazi, vers les oasis de Koufra, vers l'Égypte par le Darfour. On exporte de l'ivoire et des plumes d'autruche en assez grande quantité, les produits du tamaris, du miel, des esclaves, etc. Les Ouadaïens étaient des musulmans qui avaient embrassé la secte du senoussisme. Ce furent d'ardents propagateurs de l'Islam dans l'Afrique centrale et, par eux, les tribus situées au Sud du Ouadaï se sont rattachées à cette religion. 

Ibrahim (1898-1901) périt des suites de blessures infligées par des rebelles. Abou-Ghazali (1901-1902) eut à lutter contre un de ses officiers, Acil, qui chassa le roi d'Abéché, puis se réfugia lui-même au Fitri, où il se mit sous la protection des troupes françaises. Doudmourra remplaça Abou-Ghazali. En 1909, les Français prenaient Abéché et plaçaient Acil sur le trône du Ouadaï; Doudmourra, réfugié dans le Nord du pays, continuait la lutte pendant deux ans et enfin les Français n'obtinrent sa soumission qu'en 1911. Quant à Acil, ils le déposèrent en 1912, il n'a pas eu de successeur.

Le Baguirmi

Le Baguirmi (ou Baghirmi), situé au Sud du lac Tchad, traversé par le Chari, a été un Etat qui s'étendait sur un pays fertile où l'on cultivait le sorgho, l'indigo et le coton.  Le Baguirmi a longtemps fait avec Benghazi (Tripolitaine) un commerce d'humains très florissant qui a été à l'origine de sa prospérité au XVIIIe siècle, mais que les obstacles apportés à la traite des esclaves au siècle suivant ont diminué son importance. La population se composait d'Arabes et de Noirs, et son histoire se résume en une perpétuelle oscillation entre le joug du Bornou et celui du Ouadaï. La fondation du Baguirmi est attribuée à un chasseur appelé tantôt Bernim-Bessé et tantôt Dokkengué, qui aurait bâti Massénia (Massenya), la capitale, vers 1513. Il était païen et ses successeurs le furent comme lui jusqu'à Mâlo (1548-1561), qui prit le titre de mbang et créa les brandes charges du royaume. C'est Abdallah (1561-1602), fils de Mâlo, qui aurait été l'islamisateur du Baguirmi. 

Son neuvième successeur, Borkoumanda-Tadlélé (1734-1739), fut un guerrier : après avoir dirigé une expédition vers le Borkou et le Kaouar, il vainquit à deux reprises le roi du Ouadaï, Mohammed Ez-Zaouni. Mais Alaouine (1739-1741) fut vaincu à son tour par l'empereur du Bornou, dont le Baguirmi devint vassal. Mohammed-Alamine (1741-1784) s'empara du Fitri sur les Kouka et secoua la tutelle du Bornou. Abderramân-Gaourang I (1784-1806) recommença la lutte contre le Ouadaï; il fut défait et tué par Saboun, roi de ce dernier pays, .qui imposa au Baguirmi la suzeraineté du Ouadaï et y plaça comme souverain nominal un fils d'Abderrahmân-Gaourang. 

Un autre fils de celui-ci, Tchigama, déposa son frère, fut arrêté sur l'ordre de Sa-boun, amené prisonnier à Ouara, capitale du Ouadaï, puis relaxé, et revint à Massénia, où il régna sous le nom d'Ousmân-Borkoumanda de 1807 à 1846, payant assez régulièrement le tribut exigé par le Ouadaï. Il conduisit plusieurs expéditions contre le Bornou et se fit battre par le Kanémi en 1824 à Lédéri, près du Tchad, grâce à deux canons que le major anglais Denham avait donnés au maître du Bornou. Abdelkader (1846-1858), en dépit d'une victoire remportée sur Mohammed-Chérif, roi du Ouadaï, demeura tributaire de cet État. Abou-Sekkine (1858-1884) voulut également rejeter la tutelle du Ouadaï; vaincu et chassé de Massénia en 1871 par le roi du Ouadaï Ali, il reprit sa capitale après la mort de ce prince, en 1875. La cruauté de son fils Borkoumanda (1884-1885) le fit chasser du pays par ses sujets et remplacer par Abderrahmân-Gaourang II qui, attaqué par Rabah en 1893 et menacé de nouveau par ce conquérant en 1896, se vit contraint d'accepter le protectorat français en 1897.

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