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Du Bellay

Joachim du Bellay est un poète et littérateur  français, né au château de la Turmelière, à Liré, près d'Ancenis (Loire-Atlantique), vers 1522, mort à Paris le 1er janvier 1560. Il était fils de Jean du Bellay, sieur de Gonnor, capitaine de quarante hommes d'armes et gouverneur de Brest, et de Renée Chabot, dame de Liré et de la Turmelière. Il perdit ses parents d'assez bonne heure et se trouva ensuite sous la tutelle de son frère aîné René qui avait hérité de la terre de Gonnor tandis que lui-même avait eu celle de Liré. Renée du Bellay étant mort jeune, Joachim se trouva à son tour chargé des difficultés de la tutelle de son neveu qu'aggravaient encore les soucis d'une succession embarrassée. Il en tomba malade et ce fut cette maladie qui décida de sa vocation. Renonçant à la politique et aux armes dans lesquelles plusieurs membres de sa famille s'étaient illustrés, il résolut de chercher la gloire uniquement dans les lettres. L'université de Poitiers, alors une des plus célèbres de France, l'attira et il y rencontra Ronsard et Baïf. Dés lors il fut un des membres de la Pléiade et engagé dans le grand mouvement littéraire du milieu du XVIe siècle. Il avait publié plusieurs ouvrages quand son oncle, le cardinal Jean du Bellay l'appela à Rome pour en faire l'intendant de sa maison, vers 1550 ou 1554. Il y resta quatre ans. Diverses causes restées obscures, mais plus probablement une intrigue amoureuse avec une noble romaine, le firent revenir en France en 1555. A son retour, son cousin Eustache du Bellay le nomma chanoine de Notre-Dame de Paris. Mais il était parti de Rome brouillé avec son parent le cardinal; deux autres, de ses protecteurs, Henry Il et la reine de Navarre, moururent; enfin la princesse Marguerite de France quitta  la cour pour aller régner en Savoie. Lui-même était devenu sourd et avait vieilli avant l'âge. Toutes ces causes hâtèrent sa fin et il mourut, âgé d'environ trente-cinq ans, au moment où il allait être nommé à l'archevêché de Bordeaux
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Le Poète

« Sçache, lecteur, que celuy sera veritablement le poëte que je cerche [ = cherche. Orthographe étymologiique (circare)] en nostre langue, qui me fera indigner, appaiser, esjouir, douloir [ = m'affliger], aimer, haïr, admirer, estonner; brief, qui tiendra la bride de mes affections, me tournant ça et la a son plaisir. Voyla la vraye pierre de touche ou il faut que tu esprouves tous poëmes et en toutes langues. Je m'attends bien qu'il s'en trouvera beaucoup de ceux qui ne trouvent rien bon, sinon ce qu'ils entendent et pensent pouvoir imiter, auxquels nostre poëte ne sera pas agreable : qui diront qu'il n'y a aucun plaisir, et moins de profit a lire tels escrits, que ce ne sont que fictions poëtiques, que Marot n'a point ainsi escrit. A tels, pour ce qu'ils n'entendent la poësie que de nom, je ne suis deliberé de respondre, produisant pour defense tant d'excellens ouvrages poëtiques, grecs, latins et italiens, aussi alienes [= étrangers à] de ce genre d'escrire, qu'ils approuvent tant, comme ils sont eux-mesmes elongnés de toute bonne erudition. Seulement veux je admonester celuy qui aspire à une gloire non vulgaire, s'elongner de ces ineptes admirateurs, fuir ce peuple ignorant, peuple ennemy de tout rare et antique sçavoir : se contenter de peu de lecteurs a l'exemple de celuy, qui pour tous auditeurs ne demandent que Platon; et d'Horace, qui veut ses oeuvres estre leus de trois ou quatre seulement, entre lesquels est Auguste. » 

 (J. Du Bellay, extrait de la Défense et illustration
de la langue française).


 On voit percer ici ce dédain tout aristocratique de la faveur populaire, qui a fait de la Pléiade l'école poétique la moins accessible à l'intelligence des lecteurs médiocrement cultivés. La littérature française classique tout entière a conservé quelque chose de ce caractère : elle est très célèbre, elle n'est pas véritablement populaire La littérature du Moyen âge l'avait été bien davantage.

D'après Sainte-Beuve, son premier ouvrage aurait été un recueil de poésies, dédiées à la princesse Marguerite, soeur de Henri ll, et parues en 1549. Ce serait pour ce livre qu'il aurait fait en secret des emprunts à Ronsard, acte que leur amitié persistante semble démentir absolument, La Défense et Illustration de la langue françoise, qui parut le 5 ou le 15 février 1550 sous les simples initiales L D. A. B., fut le manifeste de la nouvelle école. Elle est divisée en deux livres. Le premier, qui comprend douze chapitres, est consacré à la défense de la langue française; le second est une sorte de portrait idéal du poète tel que le comprenaient les novateurs. 

Écrit avec chaleur et très juste dans beaucoup de ses parties, ce livre eut une grande influence bien que l'école de Marot ait répondu à ses théories par le Quintil Horatian de Charles Fontaines. L'Olive le suivit de près et parut probablement en octobre de la même année. C'est un recueil de sonnets amoureux, forme poétique, née en Provence, puis développée en Italie d'où du Bellay la rapporta. Les uns ont prétendu que l'héroïne du livre était une maîtresse imaginaire, les autres qu'Olive était l'anagramme de son véritable nom Viole. 
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Le vanneur de blé aux vents

« A vous, troppe [= troupe] legere, 
Qui d'aile passagere Par le monde volez,
Et d'un sifflant murmure
L'ombrageuse verdure 
Doulcement esbranlez,

J'offre ces violettes,
Ces lis et ces fleurettes
Et ces roses icy [= ces roses-ci],
Ces merveillettes [= merveilleuses] roses 
Tout freschement escloses 
Et ces oeillets aussi.

De vostre doulce halaine 
Eventez ceste plaine, 
Eventez ce sejour, 
Cependant que j'ahanne [= je peine et je fatigue (onomatopée)]
A mon blé, que je vanne 
A la chaleur du jour. » 

(J. Du Bellay, extrait des Jeux rustiques).

Trois ans après le retour de Rome de Joachim du Bellay parurent ses Jeux rustiques (1558, 1re édition) et ses Regrets. Ces derniers coururent d'abord manuscrits, puis furent imprimés à Paris, chez Frédéric Morel, en un volume in-4 (1558). Une nouvelle édition de ces deux recueils, qui sont certainement l'ouvrage le plus parfait de Du Bellay, a été donnée en 1876. Elle comprend huit sonnets nouveaux découverts par Paulin Pâris dans un exemplaire qui avait appartenu à la bibliothèque du Roi et publiés par  A. de Montaiglon. 
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Le beau voyage

« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, 
Ou comme cestuy la [ = celui-là] qui conquit la toison [ = Jason],
Et puis est retourné, plein d'usage [ = expériance] et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son aage!
Quand reverray je, helas! de mon petit village 
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverray je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage?
Plus me plaist le sejour qu'ont basty mes ayeux; 
Que des palais romains le front audacieux, 
Plus que le marbre dur me plaist l'ardoise fine;
Plus mon Loyre gaulois que le Tybre latin, 
Plus mon petit Liré que le mont Palatin, 
Et plus que l'air marin la douceur angevine. » 
 

(J. Du Bellay, extrait des Regrets).


 Note : Le Loir et la Loire coulent près d'Angers; mais Liré est sur la Loire en face d'Ancenis. Du Bellay a fait masculin le nom de la Loire, parce qu'il est masculin en latin.

Joachim du Bellay a encore laissé des lettres et des oeuvres latines. Les dernières forment deux recueils  : 1° Joachimi Bellaii Andini poematum libri quatuor. Parisiis, apud Federicum Morellum, (1558, in-4); 2° Joachimi Bellaii Andini Poetae clarissimi Xenia seu illustrium quorumdam nominum allusiones (Paris, 1569, in-4). L'ensemble des poésies latines de Du Bellay a été recueilli dans les Deliciae Poetarum Gallorum publiés en 1609 par Ranutius Grehus (Gruter). 

Poète délicat et quelquefois puissant, du Bellay est presque toujours facile, et il a su éviter le pédantisme où sont tombés quelques-uns de ses amis de la Pléiade, Baïf en particulier. (Louis Farges).

Nous ne pouvons d'ailleurs mieux faire que de nous rallier au jugement si sûr et si fin qu'a porté sur lui Sainte-Beuve

« Des images, dit-il, de l'énergie, de la dignité, du sentiment, telles sont les qualités jusque là inconnues qu'on distingue en lui quelquefois et dont les vestiges révèlent un poète [...] sa facilité le sauve de l'enflure pédantesque [...] Du Bellay a composé des poésies lyriques où se rencontrent beaucoup de strophes d'un ton élevé et soutenu [...] Mais c'est surtout par la grâce et la douceur qu'il paraît exceller, ainsi que l'avaient bien senti ses contemporains en le surnommant l'Ovide français [...] Novateur en poésie, il le fut avec autant de talent et plus de mesure qu'aucun de ses contemporains ». (Tableau de la poésie française au XVIe siècle, pp. 55-62 de l'éd. Charpentier, passim).


En bibliothèque - Outre les dict. biographiques, les histoires générales de la littérature de D. Nisard, Gidel, etc.. et les notices placées en tête des éditions de du Bellay, on peut consulter :Sainte-Beuve, op. cit: - Philarète Chasles, Etudes sur le seizième siècle en France. -  Saint-marc Girardin, Tableau de la littérature française au XVIe' siècle. - Ch. Liotard,. Etude sur Joachim du Bellay; Nîmes, 1863. - E. Lafargue, Joachim du Belley poète angevin du XVIe siècle (1525-1560); Angers, 1864, in-8. - Léon Séché, Joachim du Bellay; Paris, 1880, in-8.

En librairie - Les oeuvres de Joachim du Bellay ont été souvent réimprimées, citons parmi les éditions récentes : Oeuvres complètes, Honoré Champion, 2003, 2 vol. : I - La Deffence et illustration de la langue française, II - Oeuvres poétiques (1549-1550). -Les Regrests, suivi des Antiquités de Rome, Le Livre de Poche, 2002. - Divers jeux rustiques, Gallimard, 1993.

Etudes sur du Bellay : Françoise Argod-Dutart, L'écriture de Joachim du Bellay, Droz, 2002. - Marc Bizer, Les lettres de Rome, Presses universitaires de Montréal, 2001. - Floyd Gray, La poétique de Du Bellay, Nizet, 2000. - Geneviève Demerson, Joachim du Bellay et la belle romaine, Paradigme publications universitaires, 1996. - Gilbert Gadoffre, Du Bellay et le sacré, Gallimard, 1995.

On peut également consulter des ouvrages pédagogiques tels que : Frank Lestrigant, Alexandre Tarrête, Josiane Rieu, Littérature française au XVIe siècle, PUF, 2000. - Fanny Marin, Les mouvements littéraires au XVIe siècle, Hatier, 2001. George Hugo Tucker (comm.) Les regrets et autres oeuvres poétiques de Joachim du Bellay, Gallimard, 2000.

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Dictionnaire biographique
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