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Histoire des arts décoratifs
Le style Empire
Du style Louis XVI au style Empire, s'étend une période sans style caractérisé. L'Antiquité s'était déjà révélée dans le style Louis XVI, mais par une sorte de parfum discret. Elle deviendra peu à peu dominante, grâce à l'influence du peintre Louis David. Ce ne sont dans les beaux-arts que Brutus, Spartacus et Léonidas. La Révolution tout imprégnée des souvenirs des grandes cités républicaines, toute hantée de Rome et d'Athènes, transporte l'activité française sur la place publique ou sur les champs de bataille. Les esprits sont trop agités des tempêtes du dehors pour penser aux douceurs du luxe privé emprunté aux arts décoratifs; mais quand la tranquillité renaîtra sous la main de fer de Napoléon, on verra se développer dans tout son épanouissement, jusqu'à l'exubérance et l'exagération, cet amour des civilisations anciennes.

Cependant c'est une Antiquité interprétée avec une certaine lourdeur et qui a perdu cette fleur de grâce, cette exquise urbanité d'élégance, cet atticisme de goût qui en faisaient le charme.

La guerre, qui met l'Europe en feu, jette dans les attributs quelque chose de belliqueux en même temps que les ensembles paraissent présenter des uniformités raides de soldats alignés. L'excessive centralisation administrative semble se refléter jusque dans l'invariabilité des formes qui se répètent, compassées et froides.

L'expédition d'Égypte est rappelée par de nombreux détails d'ornements. Percier et Fontaine, unis par l'amitié et la communauté de goûts, après avoir dirigé par leurs dessins l'ébéniste Jacob, s'élèvent et régentent les beaux-arts et les arts industriels.

Fontaine, en 1812, publie une collection très remarquable sous le titre de Recueil de décorations intérieures comprenant tout ce qui a rapport à l'ameublement comme vases, candélabres, cheminées, tables, lits, etc.

Cette restitution, cette renaissance de l'Antiquité, donne aux sièges des formes de chaises curules.

Les lampadaires renouvelés de l'antique élèvent sur leurs trois pieds trapus le long fût au haut duquel est la lampe à forme grecque.

Les lits s'enferment dans des alcôves monumentales à aspect de portiques et ornées de draperies surchargées. Le dessin en est parfois bizarre : des sortes de cornes d'abondance d'une courbe lourde servent de bateaux. Une variété peu heureuse règne dans ce meuble par la recherche d'attributs en rapport avec la profession du propriétaire : lits à trophées, lits Neptune, etc.
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Style Empire.
Exemple de style Empire d'après un dessin de Percier.

L'ébéniste Jacob, ou plutôt les frères Jacob, méritent une mention pour les lits auxquels ils ont donné leur nom et où les cuivres marient leurs moulures au bois d'acajou.

Souvent des symboles « administratifs et froids » se plaquent sur le meuble, sur les écoinçons ou sur le montant du milieu : c'est l'Agriculture, le Commerce, etc.

L'ornementation des colonnes est nulle, sauf parfois, à la base et au sommet, un collier d'oves ou de lauriers imbriqués (bronze doré) : le fût est sans cannelures.

L'acajou se prête peu au ciseau : la variété des formes qu'il est susceptible de revêtir est toute en moulures et filets.

La marqueterie du style Empire est un peu uniforme : peu dégagée et peu légère elle est solide à l'oeil. Elle ne sort guère de l'union du citronnier et de l'acajou : l'if et l'amarante se voient plus rarement.

Caractéristique d'impression. 
L'impression est froide, sévère, peu engageante : le meuble n'est pas aimable; il est lourd, cubique et massif.

La lumière tente en vain de l'égayer : si elle le frappe, elle se choque sur le poli des surfaces, dont le ton glacé refroidit encore l'impression. Ces meubles en bois semblent être de marbre.

L'acajou qui prédomine, vu sa nature, ne se prête pas aux découpures et aux sculptures : il nécessite les surfaces et sa couleur, qui se fonce à la lumière avec le temps, attriste encore l'oeuvre à laquelle il s'est prêté.

Les épaisseurs sont fortes, l'oeil les voit ou les devine.

En somme l'impression produite est celle d'une grande nudité d'espaces sans orne ments et d'une grande pauvreté dans les coupes et les profils.

Caractéristique des matériaux.
Le bois sculpté et doré se fait rare : on en voit encore quelquefois de rechampi blanc. C'est l'acajou qui triomphe dans toutes ses variétés : nu et dénué de sculpture, avec ses moulures architecturales, il n'a pour ornement que le jeu parfois élégant de ses mouchetures et de ses veines. (Acajou moucheté, - ronceux - moiré).

On le mêle aux bois exotiques: c'est ainsi que le citronnier, la racine d'orme, l'if et l'amarante jouent un rôle dans le style Empire.

Le bronze doré est brillant ou mat, parfois brillant sur fond mat : on peut louer les dorures de l'époque impériale pour leur douceur chaude et leur velouté remarquable. Le bronze vert antique est uni aux marbres de teintes sombres.

Le cuivre se découpe en ajours géométriques, en grillages à losanges peu élégants et forme ceinture autour des tablettes ou galerie au-dessus.

Parmi les marbres apparaissent les granits et le porphyre oriental.

Caractéristique d'ensembles géométriques. 
Le meuble du style Empire est généralement cubique : les arêtes sont à angle droit, le bas est aussi large que le haut. Il semble avoir peine à se détacher du sol.

Les lignes se rapprochent peu, aussi bien les horizontales que les verticales. Des bandes de bois assez larges forment les dessous de corniche et les stylobates. Le corps est souvent cantonné de colonnes de bois dont le diamètre est constant de la base au chapiteau : parfois aux coins se posent des montants formant pan coupé.

Les surfaces ne sont ni étroites, ni dans un plan trop enfoncé : l'excès contraire est plus fréquent.

La seule courbe qui tempère la ligne droite est la ligne circulaire : une tablette ronde couronne les guéridons, supportée par des colonnes sur un entrejambe également circulaire avec vase ou attribut au plateau central.

Les consoles répètent la même forme et ne sont que des guéridons coupés en deux, collant au mur par leur diamètre.

La coupe serpentine en S est rare. Cependant elle apparaît dans les cols de cygne qui servent de bras à quelques sièges.

Le cercle donne parfois aux chaises et fauteuils la ceinture arrondie totalement ou du moins le cintre du dossier qui rappelle l'antique chaise curule.

Du corps supérieur des secrétaires, descend un abattant (à charnières sur l'horizontale du milieu du meuble); derrière lui se cache une foule de tiroirs, souvent à fermetures secrètes, souvent encadrés de colonnettes de bois, souvent en acajou sur citronnier, souvent à portique central dont le fond porte une glace.

Les bureaux de travail sont lourds : le cintre qui s'arrondit au-dessous du tiroir du milieu, les deux corps des côtés où s'alignent les tiroirs superposés, tout lui donne un faux air d'arc de triomphe.

Dans les pendules, l'Antiquité domine avec ses groupes classiques de personnages, debout, détachés en épisode complet, en scène dramatique. Le Serment des Horaces, Marins à Minturnes, etc., sont les sujets de ces oeuvres belliqueuses.

L'urne antique apparaît fréquemment; parfois aussi, sur la borne en marbre vert et noir, repose le buste ou la statue du héros du jour, de Napoléon, en bronze, le plus souvent vert antique.

Caractéristique d'ornements.
L'ornementation est guerrière dans les attribut sévères dont elle décore les meubles. Les casques et les glaives romains s'y unissent aux faisceaux consulaires où parmi les verges des licteurs s'élève la hache, symbole de la puissance.

Les couronnes se répandent a profusion, célébrant la valeur militaire par leurs lauriers, et parfois le mérite civique, en y mêlant la feuille de chêne.

Les aigles rappellent Rome et l'Empire; les Victoires ailées, les Renommées embouchant la trompette sont les figures préférées.

Souvenir de l'expédition d'Égypte, les sphinx montrent leur raideur silencieuse, leur bouche fermée et leur oeil sans pupille. (Paul Rouaix).

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Dictionnaire Architecture, arts plastiques et arts divers
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