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Le canal du Midi

Le canal du Midi, appelé aussi autrefois canal du Languedoc ou des Deux-Mers, est le canal qui, partant de Toulouse et traversant le seuil de Naurouze, vient déboucher dans l'étang de Thau, sur le rivage méditerranéen, et se prolonge par le canal de Sète jusqu'à la mer. Il relie la mer Méditerranée à la Garonne et, continué par le canal latéral à cette rivière, il met la première en communication avec l'océan Atlantique

On avait songé de bonne heure à rejoindre par une voie navigable le bassin de la Garonne à la Méditerranée. François Ier, en 1539, plus tard Charles IX, puis le cardinal de Joyeuse, sous Henri IV, et même Louis XIV, différentes reprises, avaient caressé, puis abandonné ce projet. Toujours on s'était heurté à la difficulté de franchir le seuil ou col de Naurouze, plateau de 189 m d'altitude, qu'il fallait nécessairement traverser pour passer d'un bassin à l'autre.

Pierre-Paul Riquet eut le mérite de vaincre la difficulté. Pour lui, le problème ne comportait qu'une solution : dériver en quantité suffisante les eaux de la Montagne Noire sur le col de Naurouze et, de là, les faire s'écouler naturellement sur les deux versants à la fois. Il trouva, non sans peine, les ruisseaux nécessaires et, en 1662, présenta à Colbert un plan, qui fut soumis à l'examen d'une commission. Celle-ci termina ses études le 17 janvier 1665. 

Paul Riquet fut autorisé à construire à ses frais une rigole d'essai. Le travail réussit pleinement. Les eaux du fossé vinrent s'épandre sur les deux versants, et, le 7 octobre 1666, un édit ordonna la création du canal, qu'il érigea en même temps en fief au profit de Paul Riquet. La partie comprise à l'Ouest du col de Naurouze fut d'abord seule entreprise; la première pierre de l'écluse d'entrée dans la Garonne fut posée en avril 1667; cette portion fut terminée en 1672. La partie orientale, commencée en 1669, fut la plus longue et ne fut achevée qu'au commencement de 1681, quelques mois après la mort de Paul Riquet. 

Le 15 mai, une commission nommée par le roi pour contrôler les travaux et recevoir le canal parcourut celui-ci dans toute sa longueur. Il avait coûté 17 millions de livres. Les sommes employées avaient été fournies pour deux tiers par la province et les Etats du Languedoc, pour un tiers par Paul Riquet. Tant qu'avait duré l'exécution, les envieux n'avaient pas manqué d'accumuler devant l'auteur les pronostics décourageants et même les calomnies. Aujourd'hui, une colonne de granit dressée en 1827, sur le col de Naurouze, aux pierres de Naurouze, par le duc de Caraman, l'un des descendants de Paul Riquet, rappelle le point précis où ce grand esprit trouva la solution du problème et résume en une longue inscription l'histoire du canal de 1662 à 1827.

La géographie du canal.
Après avoir quitté la Garonne à Toulouse, par 126 m d'altitude, le canal entoure cette ville et la ceint d'un fossé, qui servit, en 1814, à protéger la capitale du Languedoc contre l'armée de Wellington. Au delà, le canal suit l'Hers, à gauche, et le traverse au Sud-Est de Villefranche-de-Lauragais. C'est un peu plus loin, à l'Est d'Avignonet, qu'il franchit à Naurouze, par 189 m d'altitude, la ligne de faite entre les deux bassins et reçoit les eaux nécessaires à son alimentation. 

Elles lui arrivent par deux rigoles, qui constituent pour l'époque un travail d'hydraulique extrêmement remarquable : la rigole de la Plaine et la rigole de la Montagne. La première est de beaucoup la moins compliquée. C'est simplement une dérivation du Sor, affluent de l'Agout, que Paul Riquet capta, pour l'amener, par un large fossé, au Laudot. Elle n'a qu'un débit moyen de 322 litres. Or il fallait, sous ce climat, prévoir des sécheresses. Riquet alla chercher dans les montagnes les eaux de L'Alzan, de la Bernassonne, du Lampy, du Rieutort, et les conduisit jusqu'au Laudot, par la rigole de la Montagne, qui a un débit moyen de 502 litres. 

C'est dans cette rigole, près de son débouché, au Sud de Sorèze et de Revel, qu'il construisit le fameux bassin de Saint-Ferréol, une des curiosités de la région. Sa surface est à 352 m. au-dessus du niveau de la mer. Il est divisé, par des voûtes, en deux étages et couvre une superficie de 66 hectares. Sa profondeur, variable, est partout supérieure à 30 m, et il contient 6.374.000 de mètres cubes d'eau. En 1776, quand on construisit le canal de la Robine, un second bassin moins important (1.675.000 de mètres cubes), le réservoir de Lampy, dut être creusé, en amont, sur le torrent du même nom, tributaire de la rigole de la Montagne. Rigole de la Plaine et rigole de la Montagne, une fois réunies dans le Laudot, forment une troisième rigole, la rigole du Canal du Midi ou rigole de Naurouze, de 30 km de longueur, qui vient se jeter dans le bief de partage (5190 m), compris entre l'écluse de l'Océan et l'écluse de la Méditerranée. 

Il y a jusqu'à ce bief 17 écluses, sur 59 km. Se dirigeant ensuite verste Sud-Est, le canal, qui a sur le versant méditerranéen 48 écluses, atteint bientôt Castelnaudary, et, à partir de ce point, présente, sur plusieurs kilomètres, une régularité de profil très remarquable. Il longe le Fresquel, puis arrive sur l'Aude, à Carcassonne. Jusqu'en 1810, il passait à une certaine distance de cette ville, que, dans la pensée de Paul Riquet, il devait desservir. Mais les habitants s'étaient refusés à faire les dépenses nécessaires. C'est de 1786 à 1810 seulement qu'une nouvelle branche a été creusée pour amener le canal au pied même de la ville. Il franchit ensuite le Fresquel par un aqueduc de trois arches, utilisé en même temps par la route de Carcassonne à Castres

Un autre aqueduc, construit par Vauban, lui fait traverser l'Orbiel. Depuis Carcassonne, il suit l'Aude sur la gauche; après Trèbes, il s'en éloigne légèrement pour rejoindre l'étang de Marseillette, aujourd'hui desséché, et traverse l'Argendouble, ainsi que l'Ognon. A partir de ce point, et sur une longueur de 50 km, il conserve le même niveau, franchissant d'abord un affluent de l'Aude, la Cesse, par un aqueduc de 64 m de longueur, puis desservant la petite ville de Capestang et traversant par un tunnel de 85 m, la colline du Malpas. 

Pour arriver à Béziers, il doit descendre à Fonseranne une hauteur de 25m par une série de huit écluses, groupées sur une longueur de 312 m seulement. Avant 1850, il rejoignait l'Orb et se confondait un moment avec lui. Aujourd'hui on a conservé comme port la branche primitive, mais une nouvelle branche traverse la rivière par un aqueduc de sept arches. Au delà de Béziers, le canal se dirige vers Agde, communique avec l'Hérault par des écluses et vient rejoindre aux Onglous l'étang de Thau. 

Sa longueur totale, de Toulouse aux Onglous, est de 241,664 km; sa largeur, très variable sur bien des points, atteint 20 m; sa profondeur est presque partout de 2 m. Il est relié au port de Sète par l'étang de Thau, où un chenal a été dragué le long de la rive méridionale, et par le canal de Sète, de 40 m de largeur et de 1,65 m de tirant d'eau, qui a son origine au Nord de l'étang, à l'extrémité du chenal, et qui vient déboucher dans le port de Sète après un parcours de 1527 m. 

Enfin, près de la Cesse, se détache un dérivé, le canal de la Robine ou Roubine, qui dessert Narbonne et débouche à la Nouvelle. D'autre part, au delà de Sète, le canal du Midi est continué par le canal des Étangs (Le département de l'Hérault) et celui de Beaucaire, et par eux il rejoint le Rhône.

La Compagnie du canal du Midi.
La propriété du canal du Midi a eu des destinées très curieuses. Nous avons vu que, lors de sa création, le canal avait été concédé à Paul Riquet à titre de fief. Depuis l'ouverture de la navigation jusqu'à la Révolution, la propriété s'en trouva partagée, dans la proportion de 21 à 6,333, entre les Riquet de Caraman et les Riquet de Bonrepos, ses héritiers, et il fut administré par eux. Le roi et les Etats du Languedoc exerçaient un droit de contrôle; un tribunal particulier, spécialement créé, jugeait en premier ressort les affaires relatives à l'exploitation.

A la Révolution, les Riquet de Caraman ayant émigré, leurs biens furent confisqués, tandis que les Riquet de Bonrepos, demeurés en France, conservaient tous leurs droits. Par acte du 21 juillet 1809, la portion confisquée fut cédée au domaine extraordinaire et un décret du 10 mars 1810 la fit passer à une société en commandite, au capital de 10 millions de francs divisé en 1000 actions (900 de ces actions furent données en dotations aux princes de la couronne), la Compagnie du canal du Midi, dont les assemblées générales étaient présidées par le grand chancelier de la Légion d'honneur. 

Réorganisée par l'ordonnance royale du 25 août 1823, qui décida que les actions données en dotations feraient retour, au fur et à mesure de l'extinction de ces dotations, aux Riquet de Caraman (700 actions en 1896), et qui créa, pour représenter la part conservée par les Riquet de Bonrepos, 292 actions nouvelles, la Compagnie du canal, d'abord très prospère, fut amenée, après avoir vainement tenté de lutter contre la concurrence de la voie ferrée, à conclure, le 28 mai 1858, avec la Compagnie des chemins de fer du Midi, un bail d'affermage approuvé par décret du 21 juin 1858. Il arriva à expiration le 30 juin 1898 et l'Etat, profitant de cette circonstance, par une loi du 27 novembre 1897, ratifiant une convention passée le 3 novembre 1896, se fit acquéreur du canal du Midi (en même temps que du canal latéral à la Garonne). 

La cession, qui comprenait tous les droits de propriété et de jouissance de la Compagnie sur le canal, ses annexes, embranchements, francs-bords, etc., a été consentie avec effet du 1er juillet 1898 et moyennant une indemnité de dépossession, dont le montant, payable sous forme d'une rente perpétuelle, devait être fixé par une commission arbitrale; le capital nécessaire à l'achat du titre de cette rente devait être prélevé sur les ressources de la dette flottante et amorti en dix ans au moyen de vingt demi-annuités inscrites au budget. 

Comme conséquence de ce rachat, la batellerie, qui payait jusque-là, sur le canal du Midi, une taxe de péage dépassant en moyenne 4 centimes par tonne kilométrique, n'eut plus à y acquitter aucun droit, la circulation étant gratuite sur tous les canaux de l'Etat, et le trafic, qui y avait gravement périclité au cours de ces vingt années précédentes, commença à s'y relever. (Léon Sagnet).

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Dictionnaire Villes et monuments
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