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L'Arakan (Rakhine)

L'Arakan ou Aracan, l'actuel État de Rakhine en Birmanie (Myanmar), est situé à l'ouest du pays, il borde le Bangladesh et l'océan Indien, plus précisément le golfe du Bengale. La chaîne de montagnes de l'Arakan Yoma forme une barrière naturelle à l'est, séparant l'Arakan du reste de la Birmanie. Ces montagnes, bien que moins élevées que celles du nord du pays, ont longtemps contribué à l'isolement relatif de la région et ont influencé son développement culturel et politique. À l'ouest, l'Arakan est bordé par une longue côte, découpée et parsemée d'îles, offrant des ressources marines importantes et des ports naturels. Cette façade maritime a historiquement favorisé le commerce maritime et les échanges culturels avec l'Inde et d'autres régions d'Asie. 

Plusieurs fleuves importants traversent l'Arakan, coulant des montagnes vers la mer. Le fleuve Kaladan est le plus important, drainant une grande partie de la région et jouant un rôle vital pour l'agriculture et le transport. D'autres fleuves significatifs incluent le Mayu et le Lemro. Les plaines alluviales formées par ces fleuves sont fertiles et propices à la culture du riz, qui constitue la base de l'agriculture locale. Le climat de l'Arakan est tropical de mousson, avec une saison des pluies marquée et une saison sèche plus courte. Les précipitations sont abondantes, en particulier pendant la mousson d'été, ce qui contribue à la richesse de la végétation et à la disponibilité de l'eau pour l'agriculture. La région est couverte de forêts tropicales, en particulier dans les zones montagneuses. 

L'Arakan est également riche en ressources naturelles, notamment en gaz naturel, en pétrole et en minéraux. Ces ressources ont un potentiel économique important, mais leur exploitation a également été source de tensions et de conflits, notamment en lien avec la question de la répartition des richesses et des impacts environnementaux. La géographie de l'Arakan a donc façonné son histoire, son économie et sa culture, en faisant une région à la fois isolée et ouverte sur le monde, riche en ressources et marquée par la diversité de ses paysages.

Histoire.
L'histoire de l'Arakan est marquée par des périodes d'indépendance, de domination birmane et britannique, et plus récemment par des conflits ethniques et religieux persistants. Les premières traces d'occupation humaine dans l'Arakan remontent à la préhistoire, mais l'histoire documentée commence avec l'émergence de royaumes indiens influencés par la culture et la religion indiennes, notamment le bouddhisme. Selon la tradition, le premier royaume important aurait été celui de Danyawadi, fondé au IVe siècle avant notre ère. Bien que les détails de cette période soient en grande partie légendaires, les fouilles archéologiques ont confirmé l'existence d'une civilisation avancée dans la région à cette époque, avec des liens commerciaux et culturels avec l'Inde.

Au cours des siècles suivants, plusieurs royaumes se sont succédé en Arakan, dont Waithali qui a prospéré entre le IVe et le VIIIe siècle de notre ère. Waithali était un centre commercial important, et des pièces de monnaie et des vestiges architecturaux témoignent de sa richesse et de son influence. Le bouddhisme Theravada s'est solidement implanté dans la région durant cette période, devenant la religion dominante. L'influence indienne restait prépondérante, mais des éléments de culture birmane commençaient également à se faire sentir, notamment à travers des incursions et des migrations.

Le royaume de Mrauk-U, fondé au XVe siècle, marque l'âge d'or de l'Arakan. Mrauk-U devint rapidement une puissance régionale, contrôlant un vaste territoire incluant l'Arakan actuel et des parties du Bengale. La ville de Mrauk-U elle-même devint un centre urbain prospère et cosmopolite, attirant des marchands et des émissaires de toute l'Asie et même d'Europe. Les rois de Mrauk-U, se considérant comme les héritiers des anciens royaumes, ont consolidé leur pouvoir et ont étendu leur influence par la guerre et la diplomatie. Ils ont frappé leur propre monnaie, développé une administration sophistiquée et ont encouragé les arts et les lettres. Le bouddhisme Theravada a continué à prospérer, et de nombreux temples et pagodes magnifiques ont été construits à Mrauk-U et dans ses environs, témoignant de la piété royale et de la richesse du royaume. Les relations avec le Bengale étaient complexes : elles oscillaient entre alliances commerciales et conflits militaires. L'Arakan a parfois exercé un contrôle sur des parties du Bengale, et des populations bengalies, y compris des musulmans, se sont installées en Arakan, contribuant à la diversité ethnique et religieuse de la région.

Cependant, la puissance de Mrauk-U a commencé à décliner au XVIIe et XVIIIe siècles, affaiblie par des luttes internes, des conflits avec les royaumes birmans voisins et des incursions de pirates. En 1784, le royaume de Mrauk-U fut conquis par le roi Bodawpaya de Birmanie. Cette conquête marqua la fin de l'indépendance de l'Arakan et son intégration dans l'empire birman. La conquête fut brutale, Mrauk-U fut pillée et de nombreux habitants furent déportés vers la Birmanie centrale. Le Mahamuni Buddha, une statue bouddhiste extrêmement vénérée et considérée comme le symbole de l'Arakan, fut également emportée à Amarapura, la capitale birmane. L'Arakan devint une province birmane, administrée par des gouverneurs nommés par la cour birmane. Cette période de domination birmane fut marquée par des révoltes et des tensions, la population arakanese ressentant un sentiment de perte d'identité et de souveraineté.

Au XIXe siècle, la Birmanie entra en conflit avec l'Empire britannique, qui étendait son influence en Asie du Sud. À l'issue de la première guerre anglo-birmane en 1826, l'Arakan, ainsi que le Tenasserim, fut cédé à la Compagnie britannique des Indes orientales. L'Arakan devint une division de la Birmanie britannique, administrée depuis Calcutta puis Rangoon. Sous l'administration britannique, l'Arakan connut des changements économiques et sociaux importants. L'agriculture, notamment la culture du riz, fut développée pour l'exportation. L'infrastructure fut améliorée, avec la construction de routes et de ports. L'éducation occidentale fut introduite, et une nouvelle élite arakanese commença à émerger. Cependant, la domination britannique fut également marquée par des inégalités et des tensions. L'immigration de travailleurs indiens, notamment du Bengale, vers l'Arakan, entraîna des changements démographiques et des tensions ethniques, notamment entre les communautés rakhines bouddhistes et les populations musulmanes, dont les Rohingyas. La question de l'identité et de l'appartenance des Rohingyas commença à émerger durant cette période.

Les Rohingyas sont une minorité ethnique musulmane vivant principalement dans l'État de Rakhine. Bien qu'ils soient présents dans la région depuis des générations, le gouvernement birman ne les reconnaît pas comme l'un des groupes ethniques officiels du pays, les privant ainsi de la citoyenneté depuis la loi de 1982. Cette situation les rend apatrides, sans droits fondamentaux comme l'accès à l'éducation, aux soins de santé ou à la liberté de mouvement. Historiquement, les Rohingyas parlent une langue indo-aryenne proche du chittagonien parlé au sud du Bangladesh, ce qui alimente le discours gouvernemental les présentant comme des migrants illégaux. Toutefois, de nombreuses recherches historiques montrent que des populations musulmanes vivent dans la région de l'Arakan depuis des siècles. 
Durant la Seconde Guerre mondiale, la Birmanie, y compris l'Arakan, fut occupée par le Japon. L'Arakan fut un théâtre de combats entre les forces alliées et japonaises. Après la guerre, la Birmanie obtint son indépendance en 1948. L'Arakan devint une partie de l'Union de Birmanie, mais les tensions ethniques et les revendications d'autonomie régionale persistèrent. Les Rohingyas, en particulier, furent confrontés à une discrimination croissante et à des questions de citoyenneté. Le gouvernement birman, dominé par l'ethnie majoritaire Bamar, a progressivement nié la citoyenneté aux Rohingyas, les considérant comme des immigrants illégaux du Bengale, malgré leur présence de longue date en Arakan.

Depuis l'indépendance de la Birmanie, l'Arakan, rebaptisé État Rakhine, a été le théâtre de conflits et de violences récurrentes, principalement liés à la question Rohingya. Des décennies de discrimination, de marginalisation et de violences sporadiques contre les Rohingyas ont culminé dans des crises humanitaires majeures, notamment en 2017, lorsque des opérations militaires de l'armée birmane ont entraîné  le massacre de milliers de civils rohingyas, la destruction de villages entiers et l'exode de plus de 700 000 personnes vers le Bangladesh, notamment dans le camp de Cox’s Bazar — aujourd'hui l'un des plus grands camps de réfugiés au monde. 

Cette crise a été qualifiée de « nettoyage ethnique » par les Nations Unies, et des accusations de génocide sont actuellement examinées devant la Cour internationale de justice. Malgré la pression internationale, les conditions de retour sécurisées et dignes pour les réfugiés ne sont toujours pas réunies. Les Rohingyas restent l'une des populations les plus persécutées au monde, marginalisés dans leur pays d'origine et confrontés à des conditions de vie extrêmement précaires dans les pays d'accueil.

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