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Les communes au Moyen âge
Les chartes communales
Les droits et les devoirs
Aperçu Origine des communes Les chartes Organisation Propagation Fin des communes
Conquis de haute lutte ou acquis par des négociations, le droit de commune était généralement reconnu par une charte, qui réglait les rapports de la commune avec son suzerain, reconnaissait ses droits, ses privilèges et, comme on disait alors, ses libertés; il s'y ajoutait souvent des dispositions relatives à son organisation intérieure, à la condition des habitants, et souvent aussi des coutumes. On peut citer, il est vrai, certaines communes telles qu'Abbeville, où le droit de commune n'avait pas été tout d'abord sanctionné par une charte; mais ce sont là des exceptions.

Quelle était en général la condition d'une commune? Pour la déterminer il convient, semble-t-il, de laisser de côté tout ce qui touche à l'organisation intérieure des communes, si variable, pour ne s'attacher qu'aux droits essentiels. Il semble dès lors qu'on peut considérer la commune comme une seigneurie en nom collectif. Elle tient de son suzerain la charte. Celui-ci doit non seulement respecter ses privilèges mais encore la protéger : « Je leur procurerai la paix envers toutes personnes; je les maintiendrai et défendrai contre mes hommes », dit en 1127, le comte de Flandre dans la charte de commune de Saint-Omer. La commune doit, en retour, l'hommage, l'aide, le service militaire; comme une seigneurie, elle possède la justice et le droit de s'administrer elle-même. Ces droits sont symbolisés par le sceau et le beffroi qui renferme la cloche du ban.

Les exemples d'hommages prêtés par les communes au suzerain sont extrêmement nombreux. Cet hommage est généralement réglé à peu près comme celui d'un fief. A chaque changement de suzerain la charte doit être confirmée, et à chaque confirmation les représentants de la ville prêtent un serment dont la formule est généralement assez semblable à celle du serment de vassal. Certaines villes prêtent même ce serment chaque fois que la municipalité est renouvelée, c.-à-d. tous les ans. Assez souvent les communes étaient, en vertu de leurs privilèges, exemptes de tailles; mais elles durent toujours les aides féodales dans les cas déterminés : quand le seigneur partait pour la croisade, s'il était fait prisonnier, lorsqu'il mariait son fils aîné où l'armait chevalier. Elles lui devaient de même le service militaire; l'ost et la chevauchée, dans des conditions généralement réglées par la charte de commune; tantôt dans une certaine circonscription autour de la commune, tantôt pendant un certain nombre de jours; il est stipulé souvent que ce service n'est dû que pour défendre le pays contre une invasion, et souvent aussi qu'on ne l'exigera pas contre telles ou telles personnes et notamment le roi. Les chartes fixent aussi le nombre de sergents que le seigneur est en droit d'exiger : fréquemment plus tard les communes eurent le droit de se libérer en payant une somme d'argent. C'est ainsi qu'Arras, par exemple, doit fournir mille sergents ou 3000 livres; Beauvais cinq cents sergents ou 1500 livres. Les sergents des communes étaient conduits à l'ost par leurs magistrats, spécialement par le maire dans les communes du Nord. 

Les communes n'ont pas eu en France le rôle militaire important que les historiens se sont trop souvent plu à leur attribuer. C'est une méprise sur le texte d'un chroniqueur qui a pu faire croire que, lors de l'invasion allemande de 1124, les milices communales avaient contribué à défendre le sol de la France; et, d'autre part, leur rôle à la bataille de Bouvines fut loin d'être aussi glorieux qu'on l'a cru. Bousculées au début de l'action, elles faillirent compromettre le sort de la bataille en découvrant le roi qui fut sur le point d'être pris et dut son salut aux chevaliers qui l'entouraient. Si elles servirent utilement, ce fut derrière les remparts des villes. Les rois d'Angleterre surent en tirer parti de cette manière. C'est en vue d'obtenir des villes le service militaire qu'ils érigèrent en communes la plupart des villes de leurs possessions du continent. En France, les communes purent aussi arrêter l'ennemi; citons la résistance de Corbie au comte de Flandre, Philippe d'Alsace, et celle de Mantes qui, assiégée par le roi d'Angleterre, en 1188, se défendit assez longtemps pour être secourue par Philippe-Auguste. Au XIIIe siècle le service militaire des communes françaises se transforma peu à peu en un impôt dû au roi par les villes et il ne subsista plus du service personnel que l'obligation de faire le guet. Une ordonnance de Philippe le Long en 1317 acheva de transformer l'organisation militaire communale, en substituant aux magistrats municipaux, qui jusqu'alors avaient commandé les milices, des capitaines nommés par le roi. Pour compléter l'assimilation des communes et des fiefs, on doit ajouter que le seigneur pouvait les donner comme garantie, caution ou otage, dans les engagements qu'il prenait : les actes de ce genre abondent dans les layettes du trésor des chartes. Souvent aussi la commune était, comme le château féodal, déclarée livrable et rendable à première réquisition du suzerain.

De même qu'elles devaient au roi ou à leur suzerain les devoirs féodaux, les communes exerçaient les droits seigneuriaux. Non pas toujours, il est vrai, dans leur plénitude; il en était d'elles comme des fiefs: les unes avaient le droit de paix et de guerre, la haute et la basse justice; certaines communes du Midi avaient pour vassaux des seigneurs qui devaient suivre leur bannière; d'autres, au contraire, restaient étroitement soumises à la juridiction de leur suzerain. Presque toutes cependant jouissaient d'un droit singulier assez analogue au droit de guerre privé : lorsqu'elles avaient reçu une offense, elles avaient le droit de brûler ou d'abattre la maison du coupable : c'est ce que l'on nommait le droit d'arsin ou d'abatis de maison. Lorsque l'édifice était dans l'enceinte de la ville, l'exécution était d'ordinaire assez facile, mais lorsqu'il s'agissait d'un château situé dans la campagne, elle prenait le caractère d'une véritable expédition militaire, on convoquait la milice, on appelait les vassaux de la commune, on demandait l'appui des villes alliées et souvent l'on était obligé d'en venir aux mains. Ce droit semble avoir été général en France, et on le voit exercé encore au XIVe siècle avec tout l'appareil militaire par les communes du Nord.

La plupart des communes possédaient aussi le droit de justice. C'est à tort toutefois, qu'on a voulu en faire l'un des attributs essentiels des villes de communes; car certaines d'entre elles, reconnues comme telles par tous les textes et par leurs chartes mêmes, ne le possédaient pas. D'autres n'avaient que la moyenne justice ou même une simple juridiction de police et de voirie. Il est fort curieux de rechercher comment les communes ont pu se trouver au XIIe siècle en possession de ce droit de justice, que l'on considère à juste titre comme un démembrement de la souveraineté. Il semble bien que l'origine n'en ait pas l'unité et la simplicité qu'on lui a parfois attribué, mais surtout que ce droit résulte d'une usurpation, d'une conquête, si l'on veut, et non d'une concession expresse du souverain. Il est arrivé sans doute que le droit de haute justice a été concédé par des chartes à la fin du XIIe et au commencement du XIIIe siècle à des communes qui ne le possédaient pas, mais cela se fit alors par analogie et parce que les communes antérieures, celles sur lesquelles se modelaient les communes nouvelles, l'avaient acquis depuis longtemps. 

Pour l'expliquer, il faut remarquer d'une part que les tribunaux d'échevins, organisés à l'époque carolingienne, avaient persisté dans les villes, qu'ils devinrent souvent le centre de la communauté d'habitants, que la communauté naquit même souvent des relations juridiques créées dans le ressort de ces tribunaux qui avaient échappé à l'organisation féodale, et que souvent ces magistrats, quoique nommés par le souverain, furent les premiers représentants de l'association communale, les premiers magistrats de la commune. Lors même que des circonstances locales maintinrent l'échevinage en dehors de la commune, celle-ci n'en acquit pas moins une juridiction propre, conséquence des droits de police dont étaient investis les administrateurs de la commune, extension de ce droit de vengeance ou de guerre, qu'ils exerçaient, comme on l'a vu plus haut, contre ceux qui avaient offensé la commune ou lésé ses intérêts, et qui facilitait une suite d'empiètements et d'usurpations graduelles, que les chartes de communes confirmèrent plus tard avec d'autant plus de facilité que les tribunaux d'échevins avaient tout naturellement apporté à d'autres communes leurs attributions judiciaires.

Cette justice des communes ne tarda pas à leur être contestée par les officiers royaux. On en excepta d'abord un certain nombre de cas qui furent considérés comme privilégiés; on en déféra les décisions aux justices royales et spécialement au parlement. A la fin du XIVe siècle, il ne subsistait plus guère en France de communes dont les attributions judiciaires n'aient subi aucune atteinte.

Comme tout seigneur justicier, les communes avaient un sceau, symbole de leur pouvoir judiciaire. D'abord elles n'en eurent qu'un seul, le sceau communal. Mais plus tard ce sceau fut appelé le grand sceau et réservé aux actes solennels ou d'intérêt général. A côté de lui fut établi le scel aux causes, de format plus exigu, destiné à sceller les jugements, appelé scel aux connaissances dans certaines villes où les magistrats communaux exerçaient aussi la juridiction gracieuse et à ce titre recevaient les contrats des particuliers qui ailleurs étaient reçus par les tabellions ou les notaires. Ces sceaux communaux, qui se sont conservés en grand nombre, sont extrêmement intéressants à étudier à cause des représentations qui y sont figurées. Dans les uns, comme à Saint-Omer, c'est une séance du conseil communal; ailleurs, comme à Arras, c'est le siège même de la commune, le hangar monumental des marchands devenu l'hôtel de ville. Beaucoup de sceaux municipaux donnent une représentation abrégée de la ville, de son enceinte de murailles dominée par le beffroi, haute tour servant de centre et de point de ralliement aux communiers, et renfermant la cloche du ban qui convoquait les assemblées de bourgeois ou les milices. C'était encore là un symbole de la puissance et de l'indépendance de la commune. Quand le roi abolissait une commune, il faisait briser son sceau et démolissait son beffroi.

La commune avait aussi le pouvoir législatif et administratif, et comme le Moyen âge ne connaissait pas la séparation des pouvoirs, l'exercice en appartenait généralement aux mêmes magistrats que l'exercice de la puissance judiciaire. A ce titre les communes réformaient les coutumes, réglementaient l'industrie, géraient les biens communaux et administraient les revenus de la ville. Ces revenus provenaient surtout des droits de justice et spécialement des amendes et des impôts directs et indirects, c.-à-d. de la taille et des droits de péage, d'octroi, de tonlieu, etc., extrêmement multipliés au Moyen âge. (A. Giry).

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