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Les comètes
dans l'histoire
Aperçu Premiers regards La connaissance des comètes Mais toujours des fantasmes...

Jalons
L'Antiquité

Astres ou météores?
La question de savoir si les comètes sont des objets célestes, ou de simple phénomènes atmosphériques a été débattue dès l'Antiquité. Pythagore et ses disciples (570 av. J.-C.) pensaient que ces astres n'avaient rien de réel, n'étaient que de fausses apparences dues aux rayons du Soleil. Selon l'opinion défendue par Aristote (350 av. J.-C.) dans les Météorologiques, les comètes étaient des exhalaisons terrestres qui s'élevaient dans l'air pur, se condensaient, s'embrasaient et finissaient par se consumer.

Pour démontrer que les comètes sont des objets sublunaires, le philosophe pouvait s'appuyer sur le fait que ces objets sont imprévisibles et qu'ils ont une forme irrégulière, contrairement aux astres dont le cours est prévisible et la forme sphérique. Les comètes appartiennent donc à la Terre et à ses imperfections. Elles apparaissent et évoluent cependant très haut dans le ciel, "dans la partie supérieure du monde entourant la Terre", c'est-à-dire, écrit Aristote, dans la région des "exhalaisons chaudes et sèches", là où l'air, très sec contient une matière inflammable (qui est d'ailleurs aussi celle qu'il attribuait à la Voie Lactée).

Lorsque cette substance se trouve concentrée dans une proportion suffisante, elle s'enflamme spontanément et donne lieu à une étoile filante. Mais il arrive aussi que des "exhalaisons chaudes", libérées des profondeurs de la Terre (dans les régions tropicales), et emportées "par la translation et le mouvement circulaire", rejoignent celles du ciel. La concentration de matière inflammable est alors telle que l'on assiste à l'embrasement d'une comète.

Cela explique l'association des comètes avec d'autres phénomènes météorologiques néfastes : "L'abondance de ces concrétions, continue Aristote, fait que l'air est nécessairement plus sec, et que l'évaporation humide est dissoute et dissipée par l'abondance de l'exhalaison sèche au point de ne plus pouvoir se condenser facilement en eau. [...] Quand donc les comètes sont nombreuses et denses, les années deviennent manifestement sèches et venteuses".

Cette opinion fut adoptée avec enthousiasme par beaucoup. Et, en particulier par des astronomes tels que Posidonius et surtout Ptolémée. Mais il existait également des partisans de l'hypothèse cosmique. Anaxagore (470 av. J.-C.) prétendait qu'indépendamment des planètes connues, il en existait beaucoup d'autres très petites, dont quelques-unes, en se rencontrant, se réunissaient et formaient une comète. C'était également l'avis de Démocrite (410 av. J.-C.). Hippocrate (100 av. J.-C.) y voyait des planètes et dans leurs queues il croyait trouver des vapeurs aqueuses attirées par le corps de la comète et capables de réfléchir la lumière du Soleil. Strabon (288 av. J.-C.) regardait une comète comme la lumière de quelque astre enfermé dans un nuage, au travers duquel passaient les rayons de cette lumière, comme une bougie brille dans une lanterne. Sénèque, en l'an 32 de l'ère chrétienne, défendait lui aussi dans ses Questions naturelles l'idée selon laquelle les comètes étaient comparables aux planètes, et pouvaient comme elles être sujettes à des cycles.
« Pourquoi donc, écrit-il, nous étonner que des comètes, dont le monde nous offre si rarement le spectacle, ne soient pas encore soumises à des lois fixes, que nous ne sachions pas où commence et jusqu'où va une course dont le retour ne se fait qu'à d'immenses intervalles? [...] Le temps viendra où une étude attentive et poursuivie pendant des siècles fera le jour sur ces phénomènes de la nature. Soyons satisfaits de ce que l'on a déjà découvert et permettons à nos descendants d'apporter aussi leur contribution à la connaissance de la vérité. »
Il parla aussi d'une comète 
« anxieusement observée par tout ce qu'il y avait d'yeux au monde, à cause de la grande catastrophe qu'elle amena dès qu'elle parut, la submersion de Bura et d'Hélice, deux villes d'Achaïe. »
C'est que malgré le caractère apparemment avant-gardiste de certaines de ses idées, Sénèque continuait toujours de voir dans les comètes des dépositaires des "lois de l'Univers" (entendez celles de l'astrologie).
Les comètes et destin des Romains.
On trouve dans Pline l'Ancien un curieux passage sur l'influence des comètes dans l'Antiquité, et plus particulièrement à Rome. Mais d'autres auteurs abordent la même thème. Ainsi, Lucain, dans la Pharsale, qui écrit en 48 av. J.-C. à propos d'une comète aperçue au nord-est de la constellation de Cassiopée au moment où Pompée et César livrent bataille : 
« Le ciel menaçant couvrit de prodiges les terres, l'éther, la mer. Les nuits obscures virent des astres inconnus, le pôle embrasé et des torches volant obliquement du ciel à travers le vide, la queue d'un astre redoutable, la comète qui sur terre bouleverse les royaumes... »
Quatre ans plus tard, au cours de la semaine de septembre 44 avant notre ère, où l'on commémore la mort de Jules César assassiné en mars, un autre comète est observée. Ovide imaginera dans les Métamorphoses qu'il s'agissait de l'âme du dictateur. 
« Vénus, écrit-il, descend des voûtes éthérées, invisible à tous les regards, et s'arrête au milieu du Sénat. Du corps de César, elle détache son âme, l'empêche de s'évaporer et l'emporte dans la région des astres. En s'élevant, la déesse la sent se transformer en une substance divine et s'embraser. Elle la laisse s'échapper de son sein, l'âme s'envole au-dessus de la Lune, et devient une étoile brillante qui traîne dans un long espace sa chevelure enflammée. »
Le Moyen Âge

Phénomènes physiques...
Vers l'an 1000, Ibn al-Haytham (Alhazen), que ses travaux sur l'optique conduisent à s'interroger sur la nature de divers météores, tente une théorie de l'arc-en-ciel, des halos, des mirages et... des comètes. Psellos (1018-1078), à Byzance, considère pour sa part que les comètes comme des vapeurs d'au et de feu. Mais plus intéressante encore est la possibilité que les talmudistes aient reconnu la périodicité de la comète de Halley. On cite en tout cas souvent un texte de rabbi Yoshua ben Hananya ou le commentaire de Rashi (Rachi) (toujours au XIe siècle), qui fait allusion à une comète qui refait sont apparition tous les 70 ans.

Un peu plus tard, Robert Grosseteste (1175-1253), en Angleterre, met en oeuvre sa "méthode de falsification" (qui consiste simplement à éliminer les hypothèses qui conduisent à des conclusions fausses) pour démontrer - on reprend ici la présentation qu'en a faite faite G. Beaujouan - que la queue des comète n'est due ni à la réflexion par l'astre d'un faisceau de rayons solaires, ni à l'inflammation de fumées, ni à un agglomérat d'étoiles comme la Voie Lactée, ni même à des feux sublunaires s'allumant spontanément. La conclusion à laquelle il aboutit n'en est pas pour autant très claire : "La comète, écrit l'évêque de Lincoln, est un feu sublimé séparé de la nature terrestre et assimilé à la nature céleste, spécialement à celle des sept planètes" [a].

... ou présages?
Comme on le voit, le Moyen Âge se contente ici à sa manière de poursuivre ses spéculations dans la voie ouverte par les auteurs de l'Antiquité. Les croyances concernant les comètes présentent elles aussi une certaine continuité. Et plusieurs pratiques et rituels attachés aux comètes et appelés à durer y plongent leurs racines. C'est ainsi que l'on rapporte à la comète de l'an 500 l'usage de dire à celui qui éternue : Dieu vous bénisse, parce que cette comète coïncidait avec l'apparition d'une effroyable épidémie, où les malades étaient dit-on, atteints d'un éternuement au pronostic fâcheux. Mieux assurée est l'origine de la tradition de l'angélus de Midi. Elle remonte au passage de la comète de Halley en 1456, trois ans après la prise de Constantinople par les Turcs. Le pape Calixte III ordonne dans les églises de la chrétienté de sonner la cloche à midi et de réciter la salutation angélique. Il ordonne également des prières publiques pour conjurer à la fois la comète et les Turcs. L'angélus de midi, qui existe toujours, sera ensuite institutionnalisé par Louis XI, en 1472

[a] G. Beaujouan, La science dans l'occident médiéval chrétien, in R. Taton, La science antique et médiévale (1957).
D'Ambroise Paré à Molière

Épée de feu, croix sanglantes, poignards enflammés, lances, dragons, gueules, et autres dénominations du même genre, leur sont données au Moyen âge et à la Renaissance. Et la croyance au caractère néfaste des comètes se perpétue sur des bases similaires à celles des époques précédentes. Ambroise Paré, par exemple, rapporte, dans un texte consacré aux Monstres Célestes, la terreur inspirée par la comète de 1528

« Cette comète étoit si horrible et si espouvantable et elle engendroit si grand terreur au vulgaire; qu'il eu mourut aucuns de peur; les autres tombèrent malades. Elle apparoissoit estre de longueur excessive? et si estoit de couleur de sang; à la sommité d'icelle, on voyoit la figure d'un bras courbé, tenant une grande espée en la main, commel s'il eust voulu frapper. Au bout de la pointe, il y avait trois estoiles. Aux deux costés des rayons de cette comète, il se voyoit grand nombre de haches, cousteaux, espées colorées de sang, parmi lesquels il y avoit grand nombre de faces humaines hideuses, avec les barbes et les cheveux hérissez. »
Mais, d'un autre côté, les astronomes se préoccupent aussi de ces objets avec leurs propres outils et leurs propres questionnements. Fracastor (Homocentrica, 1538) revient à l'hypothèse astronomique. Et tente d'expliquer le mouvement des comètes à partir de celui des sphères auxquelles sont supposés être accrochés les astres. Jérôme Cardan (1501- 1576) est le premier à proposer d'utiliser la parallaxe des comètes pour connaître leur distance. Mais bien que Cardan ait également reconnu l'absence d'une telle parallaxe, signifiant que les comètes devaient être des astres lointains, plus distants que la Lune, c'est aux mesures de la parallaxe de la comète de 1577 par Tycho Brahé et, indépendamment par Maestlin, dont la qualité était autrement plus convaincante, que l'on fait généralement remonter cette conclusion. Les ralliements à la thèse astronomique seront relativement nombreux à partir de cet instant, mais pas unanimes.

A propos des comètes, Galilée, par exemple, est resté  prisonnier de la conception aristotélicienne. Et contre l'opinion qui désormais était celle de l'Église, continua d'affirmer que les comètes sont des phénomènes atmosphériques. Kepler (1571 - 1630) hésita. D'abord, il trouva raisonnable que, comme la mer a ses baleines et ses monstres, l'air eût aussi les siens. Ces monstres étaient les comètes, et il s'essaya à expliquer comment elles devaient être engendrées de l'excrément de l'air par une faculté animale.  Mais, ralliant finalement l'opinion la plus généralement admise désormais, L'astronome entreprit ensuite de spéculer sur la nature de ces objets qu'il ne considérait plus que comme de simples astres. Il les considérait formés de la matière céleste, dont quelques parties se détachent, s'arrondissent, reflètent la lumière du Soleil, se promènent et se dissipent. Snellius (1591 -1626) en faisait de petits éclats de Soleil, Gassendi (1592-1655) croyait qu'elles peuvent être des planètes. Descartes (Principes de Philosophie, 1644) pensait que ce sont des soleils qui s'éteignent; n'ayant plus la force de conserver le centre de leurs propres tourbillons, ils tombent dans les tourbillons voisins; là ils errent au hasard jusqu'à ce qu'ils se rallument et redeviennent Soleils. Cette dérive supposée d'un tourbillon à un autre rendait possibles les collisions entre les astres et  fit songer un temps à la possibilité des pires catastrophes. On s'en moqua cependant assez vite, à l'instar de Molière, qui, au début de la scène III du quatrième acte des Femmes savantes (1672), fait dire à un imbécile : 

«  Je viens vous annoncer une grande nouvelle :
Nous l'avons, en dormant, madame, échappé belle,
Un monde près de nous a passé tout du long,
Est chu tout au travers de notre tourbillon,
Et s'il eût en chemin rencontré notre Terre,
Elle eût été brisée en morceaux comme verre. »
Pour les amateurs de désastres annoncés, ce n'était que partie remise. 
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