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Hubert et Jean
(Jan) Van Eyck sont des peintres
flamands du XVe siècle, les fondateurs
de l'école de Bruges
et les inventeurs du procédé de peinture
à l'huile qui remplaça la peinture « a tempera ». Tout est mystère
dans la vie des frères Van Eyck, aussi bien que dans l'histoire de l'invention
à laquelle ils ont attache leur nom. On ignore la date de leur naissance
et jusqu'à leur nom de famille. On sait seulement qu'ils étaient originaires
d'Eyck-sur-Meuse, près de Maastricht.
Ils prirent le nom de Hubert Van Eyck, c.-Ã -d. Hubert d'Eyck et Jean Van
Eyck, comme ils auraient pu prendre celui de Hubert ou de Jean de Bruges,
dénomination sous laquelle le plus jeune des frères est souvent désigné.
La gloire de Jean a longtemps relégué dans l'ombre celle de son frère.
C'est une injustice.
- Les trois Marie devant le tombeau, par Hubert Van Eyck. Hubert Van Eyck naquit vers 1366; il mourut en 1426, ainsi à l'âge de soixante ans, si la date que l'on assigne à sa naissance est exacte. Jean Van Eyck naquit en 1380, peut-être plus tôt; il mourut, d'après Weale, le 9 juillet 1440, seize ans après son frère. Une soeur, Marguerite, semble s'être également exercée dans la peinture. Il en a été probablement de même d'un troisième frère, nommé Lambert. Où ces artistes, qui devaient imprimer un si vigoureux essor à leur art, firent-ils leurs études? Quels furent leurs débuts? Ce sont des problèmes que tout l'effort de la critique moderne n'a pu résoudre jusqu'ici. La biographie d'Hubert tient en trois lignes. Ce qu'il y a de plus important à y relever, c'est qu'en 1424 le magistrat de Gand se rendit à son atelier pour y examiner le tableau auquel l'artiste travaillait. Selon toute vraisemblance, Hubert mourut lorsque son chef-d'oeuvre et celui de son frère, l'Adoration de l'Agneau mystique, était à peine ébauché. Les critiques d'outre-Rhin ont échafaudé hypothèses sur hypothèses au sujet de la part que les deux frères ont eue à cette oeuvre gigantesque. Ils ont déterminé les têtes peintes par chacun d'eux. Tout cela est de la fantaisie pure; le seul témoignage certain que nous ayons, c'est celui de l'inscription tracée sur le retable, et il est fort vague. « Le peintre Hubert Van Eyck, y est-il dit, plus grand que tous ceux qui l'avaient précédé, a commencé cet ouvrage, que Jean son frère, le second dans son art, a achevé (en 1432) à la prière de Jodocus Vyd... »Même incertitude au sujet de l'invention de la peinture à l'huile. Cette matière était employée longtemps avant les Van Eyck comme véhicule pour les couleurs. Les pièces comptables du Moyen âge en font mention à tout instant, et le moine Théophile, dans sa Schedula diversarum artium (ch. XXVII du liv. I), lui consacre un chapitre spécial. Mais si les Van Eyck n'ont pas inventé le procédé, ils l'ont notablement perfectionné et comme renouvelé, probablement en substituant une huile siccative ou un vernis siccatif aux huiles précédemment en usage. Avant eux, en effet on employait l'huile sans préparation, et il fallait attendre qu'une couleur fût sèche pour en appliquer une autre par-dessus : Jean Van Eyck trouva que l'huile de lin et l'huile de noix perdaient promptement leur humidité quand on les avait fait cuire; il ajouta à ce composé des essences qui, par leur évaporation, accéléraient encore le résultat. Jean Van Eyck, le frère d'Hubert, est
mentionné pour la première fois en 1421, dans les registres de la corporation
des artistes de Gand. En 1422, il se trouve
à La Haye, au service de Jean de Bavière,
l'ancien évêque de Liège. Le nom de Philippe
le Bon, le fils de Jean sans Peur et
le père de Charles le Téméraire,
est intimement lié au sien. En 1424-1425, ce prince prit à son service
l'artiste alors déjà célèbre et lui accorda une pension annuelle de
100 livres, avec le titre de peintre ducal et de valet de chambre. Dès
l'année suivante, il le chargea de faire pour lui « certain pèlerinage
» ou « certain lointain voyage secret ». Ainsi Van Eyck, deux siècles
avant Rubens, était désigné par ses souverains
pour remplir les plus délicates fonctions diplomatiques. A partir de son
établissement à Bruges, les faveurs de Philippe
le Bon ne cessent de pleuvoir sur l'artiste. Vers 1432, le duc vient visiter
dans son atelier un ouvrage auquel il travaillait et à cette occasion
fait don à ses « varlets », c.-à -d. à ses élèves, de 25 sols.
Retable de l'Adoration de l'Agneau Mystique, par les van Eyck (1432). (Eglise Saint-Bavon, Ã Gand). L'Adoration de l'Agneau mystique,
le chef-d'oeuvre des Van Eyck et le manifeste de la primitive Ecole
flamande, se compose : 1° d'un panneau central, lui-même divisé
en quatre : dans le haut, Ã gauche, la Vierge,
au milieu, le Père éternel, à droite, saint Jean-Baptiste; dans le bas,
occupant toute la largeur du panneau, l'adoration de l'Agneau; 2° des
deux volets de gauche, renfermant dans le haut des anges
chantant et Adam
debout à côté d'eux; dans le bas une troupe de chevaliers; 3° des deux
volets de droite, renfermant dans le haut des anges jouant de divers instruments
et Eve
debout à côté d'eux; dans le bas un groupe d'ermites. Sur l'extérieur
sont peints l'Annonciation, les prophètes Zacharie et Michée, deux Sibylles,
saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Evangéliste, enfin les portrait
des donateurs. L'ensemble comprend près de trois cents figures.
Détail de l'Adoration de l'Agneau mystique. L'Adoration de l'Agneau mystique
est l'oeuvre commune d'Hubert et de Jean Van Eyck. Une série d'autres
peintures - des Madones et des portrait -
sont dues à Jean seul; ce maître semble, en effet, s'être exercé de
préférence dans les tableaux de chevalet. Étant donné le fini prodigieux
de ses peintures, il est tout naturel que Jean Van Eyck n'ait pas laissé
un oeuvre très considérable une demi-douzaine de Madones, autant de portraits,
tel est le bagage avec lequel il se présente devant la postérité : c'en
est plus qu'il ne faut pour lui assurer l'immortalité.
Van Eyck, La Vierge et le Chancelier Rolin (1435). Une des plus saisissantes de ces Madones
est celle du salon carré, au musée du Louvre
(commandée pour la cathédrale d'Autun
par le chancelier Rolin, qui y est représenté agenouillé devant la Vierge).
Tout est extraordinaire dans
Une autre Madone, celle du musée de Dresde frappe à la fois par son coloris éblouissant et par la solennité de l'impression, tandis que le réalisme, un réalisme qui va jusqu'à la brutalité, triomphe dans la Vierge de saint Donat (1436, à l'Académie de Bruges). Comme portraitiste, Jean Van Eyck est hors
de pair seuls Raphaël, Dürer,
Holbein, Velasquez,
Van Dyck, Rembrandt
et, parmi les modernes, Louis David, peuvent
se mesurer avec lui. Ses effigies ont à la fois la précision et la vérité,
je veux dire cette vérité d'un ordre supérieur, grâce à laquelle la
reproduction textuelle d'une physionomie déterminée devient un caractère,
un type. Un des plus anciens d'entre ces portraits
est le petit buste du Vieillard au turban, Ã la National Gallery
de Londres (1433); il se distingue par sa
finesse et sa légèreté. D'autres sont plus saisissants, celui-ci est
plus spirituel.
Van Eyck - Portrait de Giovanni Arnolfini et de son épouse Giovanna Cenami. (1434). L'année suivante a vu naître un autre
portrait également conservé à la National Gallery, la double effigie
connue sous le titre de Couple de jeunes mariés (portrait d'un
marchand florentin fixé à Bruges - Arnolfini - et de sa femme). Le morceau
a tout l'importance d'un tableau d'histoire. Le plus populaire des portraits
de Jean Van Eyck est l'Homme à l'oeillet (1433), au musée de Berlin.
Aucune épithète ne saurait traduire la sûreté avec laquelle cette tête
est modelée, la précision avec laquelle tout est rendu, jusqu'aux moindres
rides de cette face parcheminée. La vivacité de l'expression, presque
inquiétante et impertinente à force de liberté et de vie, n'est pas
moins digne d'admiration.
Le portrait de Margareta Van Eyck, à l'Académie de Bruges, n'a pas le même relief, mais gagne néanmoins l'estime des connaisseurs par l'implacable fidélité avec laquelle l'artiste a fixé les imperfections du visage pauvre, froid et aigre de celle qui fut sa compagne. Les Van Eyck comptèrent pour élèves
ou pour tributaires tous les peintres flamands et allemands du XVe
siècle, les Rogier Van der Weyden, les Bouts,
les Memling, les Van der Goes, les Wolgemut,
les Schongauer, etc. Seules de ce côté-ci des Alpes, les écoles de Tours
et de Cologne surent conserver une certaine
indépendance. Leur influence s'étendit jusqu'à l'Italie, où leurs tableaux
se vendaient au poids de l'or et où Antonello de Messine propagea leur
nouveau procédé de peinture. (E. Müntz).
Dans sa Philosophie de l'art dans les Pays-Bas, Taine a résumé avec autant de netteté que de force les caractères de la révolution qui a immortalisé les frères Van Eyck : « Une renaissance flamande sous des idées chrétiennes, des personnages vivants et des corps ; un relief saisissant, des scènes s'imposant à l'oeil et à l'esprit avec une force et une solidité d'assiette extraordinaires, le coloris le plus fort et le plus riche qui fût jamais, des tableaux d'autel ou d'oratoire, s'adressant à des fidèles pour leur suggérer la figure du monde surnaturel ou les émotions de la piété intime, un concert où chaque instrument donne toujours tout le son dont il est capable, d'autant plus juste qu'il est plus éclatant. » Madone avec Canon van der Paele, par Jan Van Eyck (1436).
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