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Sade

Donatien Alphonse François, comte, connu sous le nom de marquis de Sade est un  romancier nĂ© Ă  Paris le 2 juin 1740, mort Ă  Charenton le 2 dĂ©cembre 1814. fils d'un diplomate, Jean-Baptiste-Francois-Joseph de Sade, il naquit dans l'hĂ´tel de la princesse de CondĂ©, dont la comtesse de Sade, sa mère, Ă©tait dame d'honneur. ElevĂ© Ă  l'abbaye d'Ebreuil, puis au collège Louis-le-Grand, il entra dans les chevau-lĂ©gers Ă  l'âge de quatorze ans. Il devint successivement sous-lieutenant au rĂ©giment du roi, lieutenant dans les carabiniers, capitaine dans la cavalerie et combattit dans les armĂ©es françaises pendant la guerre de Sept Ans. En 1766, revenu Ă  Paris, il Ă©pousa la fille du prĂ©sident Montreuil, aussi douce et vertueuse que jolie, et qui lui tĂ©moigna un long attachement. Quant Ă  lui, il commença dès son mariage Ă  se livrer Ă  une vie de dĂ©bauche. En 1767, il avait succĂ©dĂ© Ă  son père comme lieutenant gĂ©nĂ©ral de Bresse, Bugey et Valromey. Le 3 avril 1768, il fut le hĂ©ros d'un scandale public dans sa petite maison d'Arcueil : une malheureuse femme qui s'Ă©tait laissĂ©e entraĂ®ner par lui et qu'il avait violentĂ©e s'Ă©chappa au matin toute sanglante. Sade fut arrĂŞtĂ©, et la chambre de la Tournelle commençait Ă  instruire l'affaire quand Louis XV fit cesser les poursuites. 

Le marquis continua sa vie scandaleuse : il sĂ©duisit la soeur de sa femme et l'emmena en Italie : elle mourut peu après. En juin 1773, il se trouva impliquĂ© Ă  Marseille dans une nouvelle affaire très grave : Ă  la suite d'une orgie en compagnie de filles publiques auxquelles il avait fait prendre des mouches cantharides, deux d'entre elles moururent; le Parlement d'Aix condanma Ă  mort par contumace pour « crime de sodomie et d'empoisonnement », le 11 septembre 1772, le marquis de Sade et son domestique; il avait cependant gagnĂ© GĂŞnes, puis ChambĂ©ry; mais lĂ  il fut arrĂŞtĂ© par le roi de Sardaigne et emprisonnĂ©; sa femme le fit Ă©vader et il continua Ă  vivre se tenant cachĂ©, tantĂ´t en France, tantĂ´t en Italie. En 1777, il fut arrĂŞtĂ© Ă  Paris et transfĂ©rĂ© Ă  Aix pour recommencer son procès : l'arrĂŞt de 1772 fut cassĂ© le 30 juin 1778, et de Sade se vit condamner simplement pour fait de « dĂ©bauche outrĂ©e » Ă  une admonestation du premier prĂ©sident, Ă  l'Ă©loignement de Marseille pendant trois ans et Ă  50 livres d'amende au profit de l'oeuvre des prisons; pourtant il ne fut pas remis en libertĂ©; grâce Ă  sa femme, il parvint Ă  s'Ă©chapper de nouveau en aoĂ»t 1778, mais, arrĂŞtĂ© peu de jours après, il fut enfermĂ© Ă  Vincennes et transfĂ©rĂ© en 1784 Ă  la Bastille. Pendant toute cette pĂ©riode, sa femme ne cessa de s'occuper de lui.C'est dans sa prison qu'il se mit Ă  Ă©crire des pièces de théâtre et commença les romans obscènes et sanguinaires avec extravagance qui ont rendu son nom cĂ©lèbre. 

En 1789, de Sade se querella avec le gouverneur de la Bastille, Launay, qui le fit enfermer Ă  l'hospice des fous de Charenton. A la suite du dĂ©cret de l'AssemblĂ©e constituante (17 mars 1790) sur la mise en libertĂ© des dĂ©tenus en vertu d'une lettre de cachet, il sortit de Charenton le 29 mars : sa femme, qui s'Ă©tait retirĂ©e dans le couvent de Sainte-Aure, refusa alors de le revoir et obtint du Châtelet la sĂ©paration de corps et de biens. Le marquis de Sade ne fit d'abord pas parler de lui : il fit reprĂ©senter des pièces de théâtre avec quelque succès et fit paraĂ®tre anonymement, en 1791, la première Ă©dition de Justine ou les Malheurs de la vertu (2 vol.). En mĂŞme temps il prenait part Ă  la RĂ©volution : nommĂ© après le 10 aoĂ»t 1792 secrĂ©taire de la SociĂ©tĂ© de la section des Piques, il fit relâcher ses beaux-parents; arrĂŞtĂ© en dĂ©cembre 1793, par ordre du comitĂ© de SĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale, il fut enfermĂ© aux Madelonnettes, aux Carmes, Ă  Picpus, et relâchĂ© en octobre 1793. La rĂ©action et la licence qui suivirent le 9 thermidor rĂ©veillèrent la passion Ă©rotique du romancier. Il publia en 1797 une réédition de Justine qui se vendit publiquement, embellie de nouveaux Ă©pisodes et accompagnĂ©e de gravures, et fit parvenir son livre aux cinq membres du Directoire. En 1798, il fit paraĂ®tre Juliette, en 6 volumes, livre plus obscène encore que le premier, et fit hommage de ses deux livres Ă  Bonaparte qui, dit la tradition, les jeta au feu avec dĂ©goĂ»t. En 1801, on saisit une nouvelle Ă©dition de Justine et Juliette en 10 vol. avec 100 gravures.  Le 5 mars 1801, Sade fut arrĂŞtĂ© de nouveau (peut-ĂŞtre pour un pamphlet, contre JosĂ©phine, qu'on lui attribua), enfermĂ© Ă  Sainte-PĂ©lagie et transfĂ©rĂ© le 9 mars 1803 Ă  Charenton, comme fou incurable. On nous a laissĂ© l'image du fameux marquis chez les fous parmi lesquels il passa la fin de sa vie, sa voix très douce et ses beaux cheveux blancs; son exquise politesse ne se dĂ©mentait que pour exprimer par un mot ou un geste le trouble graveleux de son cerveau; robuste et sans infirmitĂ©s, il vĂ©cut ainsi pendant onze annĂ©es, faisant reprĂ©senter des pièces de sa façon sur un théâtre qu'il avait montĂ© dans l'hospice pour la distraction des fous. On dĂ©truisait les manuscrits obscènes qui sortaient continuellement de sa plume.

La littérature du marquis de Sade est tout à fait extravagante; Pour les critiques du XIXe siècle, c'est une imagination en délire qui ne représente que des cadavres sanglants, des enfants arrachés aux bras de leurs mères, des jeunes femmes égorgées à la fin d'une orgie, des coupes remplies de sang et devin, des tortures effroyables. De fait, l'analyse d'un de ses livres présente une accumulation de crimes, de viols, d'incestes; à chaque page, on dresse des chevalets, on brise des crânes, on dépouille des hommes de leur peau fumante, on blasphème, on s'arrache le coeur de la poitrine. La plupart de ces ouvrages seront ainsi jugés illisibles, jusqu'à ce qu'Apollinaire, puis les surréalistes, réhabilitent cet écrivain qui sera perçu pour la critique du XXe siècle comme un des plus importants écrivains de son temps.

On peut citer encore, dans le mĂŞme ordre que Justine et Juliette : la cĂ©lèbre Philosophie dans le boudoir (1793, 2 vol.); les Crimes de l'Amour (1800, 4 vol.); la Marquise de Ganges (1813, 3 vol.). Sade a beaucoup Ă©crit; dans Aline et Valcourt ou le Roman philosophique (1795), il s'est reprĂ©sentĂ© Pauline et Beleal ou les victimes de l'amour criminel, 1798.  On a jouĂ© de lui : Oxtiern ou les Malheurs du libertinage (au théâtre de Molère, 1791). D'autres oeuvres sont restĂ©es manuscrites : le Misanthrope par amour, comĂ©die en cinq actes et en vers (1790); le PrĂ©varicateur ou le Magistrat du temps passĂ©, cinq actes, en vers; le Suborneur; des drames comme Henriette et Saint-Clair ou la Force du Sang, Fanny ou les Effets du dĂ©sespoir; un opĂ©ra-comique en un acte, la Tour mystĂ©rieuse; un vaudeville en un acte, l'Hommage de la reconnaissance; deux romans historiques : Isabelle de Bavière, reine de France; AdĂ©laide de Brunswick, princesse de Saxe; enfin, un Journal, oĂą il raconte sa vie et ses pensĂ©es de 1777 Ă  1790, et des cahiers de notes pendant sa longue dĂ©tention Ă  Charenton. C'est de son nom que vient le terme de sadisme qui a passĂ© dans la langue. (Ph. B.).



Marquis de Sade (prĂ©s. Maurice Lever), Ecrits politiques, Bartillat, 2009. - Ces textes du marquis de Sade (1740-1814) sur la RĂ©volution sont l'histoire de la RĂ©volution elle-mĂŞme, de ses prĂ©mices Ă  travers le mouvement des Lumières jusqu'Ă  ses dĂ©bordements. Dès 1788, Sade prĂ©voyait la grande fracture de la sociĂ©tĂ© française, rĂŞvant avec les utopistes d'une sociĂ©tĂ© idĂ©ale. Ă€ la lecture de ces textes Ă©crits dans l'action, le dĂ©roulement historique rĂ©volutionnaire et ses contradictions sont exposĂ©s de l'intĂ©rieur. On peut dire aussi qu'en un unique et mythique personnage, le marquis de Sade, c'est tout l'Ă©pisode rĂ©volutionnaire qui dĂ©file. Ă€ sa façon, Sade est la RĂ©volution. Ce volume rassemble les Ă©crits politiques du divin Marquis : "TamoĂ© ou l'utopie" dans Aline et Valcour, "Français, encore un effort pour ĂŞtre rĂ©publicain", et bien d'autres opuscules et discours. L'Ă©dition est prĂ©sentĂ©e et annotĂ©e par Maurice Lever (1936-2006), spĂ©cialiste de Sade, de Beaumarchais et de toute la littĂ©rature Ă©rotique du XVIIIe siècle.  (couv.).

Sade, Justine (prés. B.Didier), Livre de Poche, 1973; La philosophie dans le boudoir (prés. Y. Belaval), Gallimard, Folio, 1976; Les 120 journées de Sodome (prés. G. Lely), Editions 10/18, 1998; Roland Barthes, Sade, Fourier, Loyola, Seuil, 1980. raymond Jean, Un portrait de Sade, Actes Sud, 2002; Chantal Thomas, Sade, la dissertation et l'orgie, Rivages, 2002.

En bibliothèque - Janin, le Marquis de Sade, 1835. - Uzanne, Notes et documents, parus à la suite de l'édition des Idées sur les romans du marquis de Sade, publiée en 1878.

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