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Pasteur (Louis), chimiste et bactériologiste, né à Dole (Jura), le 27 décembre 1822, mort à Villeneuve-l'Étang, commune de Garches (Hauts-de-Seine), le 28 septembre 1895. L'enfance de Pasteur s'est passée presque tout entière à Arbois, sur les bords de la Cuisance, ou son père, ancien sergent-major décoré sur le champ de bataille par Napoléon Ier, était venu exploiter, en 1825, une petite tannerie. Mis au collège communal, il montra, jusque vers la troisième, beaucoup plus de goût pour le dessin que pour les livres, s'échappant, ses devoirs expédiés, pour aller crayonner les portraits de ses voisins; mais stimulé par son père, qui avait rêvé d'en faire un professeur du collège, il se prit, tout à coup, d'une vive ardeur pour l'étude, alla faire sa philosophie au collège de Besançon et, reçu bachelier ès lettres en 1840, resta, comme maître répétiteur, dans l'établissement, tout en suivant les cours de mathématiques spéciales. En 1842, il se présenta une première fois à l'École normale, dans la section des sciences, et fut admissible le quatorzième. Peu satisfait de ce rang, il se rendit à Paris, fut pris à tiers de pension par l'institution Barbet, qui envoyait ses élèves au collège Saint-Louis, et, après une nouvelle année de préparation, se représenta et fut reçu, cette fois, le quatrième. Déjà, à Besançon, la chimie le passionnait. II suivit, avec une attention toute particulière, les leçons de Dumas et de Balard, fut conservé par ce dernier, ses trois années d'études terminées (1843-46), comme préparateur de l'école, et commença à cette époque les recherches de cristallographie qui devaient le conduire à sa belle théorie de la dissymétrie moléculaire. En 1848, il fut envoyé, comme professeur de physique et de chimie, au lycée de Dijon, passa, trois mois après, comme suppléant de la chaire de chimie, à la faculté des sciences de Strasbourg et en devint titulaire en 1852. En 1854, il fut appelé, comme professeur de chimie et doyen, à la nouvelle faculté des sciences de Lille, qu'il eut mission d'organiser, puis, de 1857 à 1867, fut directeur des études scientifiques à l'École normale. Louis Pasteur était, en outre, depuis 1863, professeur de géologie physique et de chimie à l'École des beaux-arts. Il quitta ces deux situations pour la chaire de chimie de la faculté des sciences de Paris, qu'il devait occuper huit années, de 1867 à 1875, et, en 1868, il fut nommé directeur du laboratoire de chimie physiologique à l'École des hautes études. II s'était déjà acquis, à cette époque, une réputation universelle par ses admirables travaux sur les fermentations, sur la génération spontanée, sur les maladies de la vigne et des vers à soie, et, en 1862, l'Académie des sciences de Paris l'avait élu membre de sa section de minéralogie en remplacement de Sénarmont. Les distinctions honorifiques et les récompenses se succédèrent dès lors sans interruption. En 1867, le jury de l'Exposition universelle de Paris vota à Louis Pasteur un grand prix pour ses découvertes relatives à la conservation des vins. En 1868, il reçut du ministre de l'agriculture d'Autriche un prix de 10 000 F pour services rendus à la sériciculture, et, la même année, la faculté de médecine de Bonn lui adressa un diplôme de docteur honoraire, qu'il devait renvoyer trois ans plus tard, pendant l'invasion, avec une lettre rendue publique. En 1869, la Société royale de Londres, qui lui avait décerné en 1856 la médaille Rumford, l'admit parmi ses membres. Le 27 juillet 1870, Napoléon III, qui l'invitait tous les ans à Compiègne, l'éleva à la dignité de sénateur, mais c'était au lendemain de la déclaration de guerre et le décret ne fut jamais promulgué. En 1873, l'Académie de médecine le nomma associé libre, bien qu'il ne fût pas docteur en médecine, et la Société d'encouragement lui accorda un grand prix de 12 000 F. En 1874, l'Assemblée nationale lui vota, sur le rapport de Paul Bert, une pension annuelle et viagère de 12 000 F, que les Chambres élevèrent à 25 000 F, en 1883, avec réversibilité sur sa veuve et ses enfants. En juillet 1881, quelques mois après qu'il eut annoncé à l'Académie des sciences sa découverte de la vaccination charbonneuse (28 février), il fut promu grand-croix de la Légion d'honneur. A la fin de la même année, il fut élu membre de l'Académie française en remplacement de Littré et, en 1887, l'Académie des sciences le nomma secrétaire perpétuel (sciences physiques) en remplacement de Vulpian. Mais sa santé avait été gravement altérée par une hémiplégie qui l'avait frappé en 1868, au cours de ses recherches sur les vers à soie, et dont il lui resta toujours une certaine raideur de la jambe et du bras gauches; il ne put conserver longtemps les fonctions, assez absorbantes de secrétaire perpétuel, et il s'en démit dès 1889. Le 27 décembre 1892, le jubilé de ses soixante-dix ans fut célébré solennellement à la Sorbonne, en présence du chef de l'État, des cinq académies et de nombreuses délégations. Louis Pasteur appartenait, d'ailleurs, soit comme membre, soit comme correspondant, à toutes les académies et sociétés scientifiques du monde entier, et il était décoré de tous les ordres étrangers (sauf du Mérite de Prusse, qu'il refusa lors des fêtes de Kiel). Louis Pasteur (1822-1895), par Albert Edelfelt. Il continua, jusqu'en 1894, de fréquenter régulièrement le laboratoire de l'Institut de la rue Dutot dont il était directeur; mais la maladie fut enfin la plus forte et il succomba, le 28 septembre 1895, à un accès d'urémie, dans la propriété domaniale de Villeneuve-l'Étang, que le gouvernement avait mise à sa disposition pour ses expériences antirabiques et dont il occupait les anciens communs, transformés en maison d'habitation. Il eut à Notre-Dame, le 5 octobre, des funérailles nationales. Le 26 décembre 1896, son corps, déposé provisoirement dans un caveau de la cathédrale, fut transporté à l'Institut Pasteur et inhumé dans la crypte, disposée en chapelle funéraire. Louis Pasteur avait épousé à Strasbourg, lorsqu'il y était professeur suppléant, Mlle Marie-Anne Laurent, fille du recteur de l'Académie. Il en a eu deux enfants : une fille, mariée à Vallery-Radot, et un fils, Jean-Baptiste Pasteur, premier secrétaire d'ambassade. Il a formé dans ses laboratoires de nombreux élèves, dont plusieurs ont été ses collaborateurs et sont devenus des maîtres : Duclaux, Roux, Grancher, Chamberland, Metchnikoff, Chantemesse, etc. L'oeuvre scientifique. « Pasteur, Renan, Victor Hugo, ce sont peut-être, a écrit un chimiste illustre de la fin du XIXe siècle, les trois figures qui ont jeté le plus vif éclat de notre temps, dans l'ordre des choses de l'esprit! Le siècle qui s'achève a reçu leur empreinte : celle de Pasteur a été produite par des idées et par des services qui ne cesseront jamais d'être présents à la mémoire des hommes, car ils sont plus particulièrement tangibles et accessibles à l'intelligence de tous. »C'est le propre, en effet, des découvertes de Pasteur de n'être pas demeurées dans le domaine des abstractions pures. Il a pu aborder les problèmes les plus ardus de la science : il a presque toujours abouti à des résultats immédiatement pratiques et essentiellement humanitaires. Aussi peu de savants ont joui, de leur vivant, d'une notoriété aussi glorieuse et aussi universelle; peu surtout ont été plus populaires. Sa vie scientifique offre d'ailleurs, ainsi que le fait si justement remarquer Duclaux dans son Histoire d'un esprit, une admirable unité. Elle a été le développement logique et harmonieux d'une même pensée, depuis ses premières recherches sur le groupement des atomes dans les cristaux jusqu'à la découverte de la vaccination antirabique, et elle peut se diviser en trois périodes : travaux de cristallographie, études sur les fermentations et la génération spontanée, études sur les virus et les vaccins. Travaux de cristallographie. Louis Pasteur poursuivit à Strasbourg ces recherches avec d'autres substances cristallisables, les aspartates et les malates, notamment, et il parvint, non sans de grandes difficultés, à faire apparaître, chez toutes celles qui étaient douées d'un pouvoir rotatif, des facettes dissymétriques inclinées dans le sens de la déviation. Il put dès lors énoncer (1852) la loi générale de corrélation entre la dyssimétrie moléculaire et le pouvoir rotatoire, germe précieux dont Le Bel et Van t'Hoff devaient tirer, vingt ans plus tard, la stéréochimie. Il crut aussi pouvoir établir une barrière de démarcation entre les substances organiques élaborées par les êtres vivants, animaux ou végétaux, lesquelles auraient une constitution moléculaire dissymétrique, et les produits artificiels des laboratoires, ainsi que les corps de la nature minérale, lesquels seraient, au contraire, toujours symétriques. Mais les progrès de la chimie de synthèse et, notamment les travaux de Jungfleisch, sont venus mettre définitivement à néant cette hypothèse, qui paraissait justifiée, à l'époque, par de nombreux exemples. Elle a eu, au surplus, le mérite de conduire son auteur à un résultat qui fut comme la transition entre ses études de cristallographie et ses travaux sur les fermentations; il montra que, si on sème sur du paratartrate d'ammoniaque la moisissure verte appelée penicillium glaucum, l'acide droit est d'abord consommé, alors que l'acide gauche n'est attaqué qu'après le complet épuisement du premier. Certains organismes choisissent donc pour leur nourriture l'une des deux formes dissymétriques de préférence à son inverse. On doit encore à Louis Pasteur, dans le même ordre de recherches, d'intéressantes remarques sur la cicatrisation des cristaux et sur le polymorphisme. Les fermentations et la génération spontanée. « les fermentations lactiques sont des métamorphoses chimiques provoquées par la présence d'êtres microscopiques qui se développent et se multiplient aux dépens de certains éléments du milieu fermentescible. »L'étude de la fermentation alcoolique, qu'il aborda à peu près simultanément, vint fortifier encore ces conclusions. Il nota enfin que l'agent d'une troisième espèce de fermentation, le vibrion butyrique, n'a pas besoin, à l'encontre du vibrion lactique, d'air pour vivre et il divisa les micro-organismes en deux classes .les aérobies, qui ne peuvent vivre sans air, elles anaérobies, qui ne peuvent se développer à l'air. La question des fermentations est intimement liée à celle de la génération spontanée, qui, à l'époque où Pasteur venait d'établir, de façon si irréfutable, l'hérédité des ferments, passionnait le monde savant et l'opinion publique. Les partisans de cette génération semblaient d'ailleurs triompher : d'éminents naturalistes, parmi lesquels Pouchet, avaient vu naître, affirmaient-ils, des êtres vivants sans le concours possible d'aucun germe. Louis Pasteur, que ses récentes découvertes inclinaient à suspecter les conclusions de ces expériences, reprit celles-ci, malgré les difficultés de la tâche, les unes après les autres (1860). Ce fut le commencement d'une longue et mémorable lutte qu'il eut à soutenir, tour à tour, avec Pouchet d'abord, puis avec Joly, Musset, Frémy, et, plus tard, avec Bastian. Il commit bien, par-ci par-là, quelques inexactitudes d'interprétation, mises, par la suite, en évidence; mais il les rectifia au fur et à mesure qu'on les lui signala, et, dans leur ensemble, ses réfutations demeurèrent décisives. A près ces travaux, il n'y eut aucune circonstance qui permette d'affirmer que des êtres microscopiques puissent venir au monde sans germe, sans parents semblables à eux-mêmes, et s'il se produit dans un liquide putrescible une éclosion de microbes, c'est que l'air atmosphérique y a, d'une façon quelconque, introduit des impuretés; l'air des hauteurs en contient, du reste, beaucoup plus que celui des plaines et il suffit, pour les détruire, de porter le liquide à une certaine température. Les maladies des vins, des vers à soie et de la bière. Les travaux de pasteur sur les maladies des vers à soie datent de la même époque (1865-70). Ils furent comme la préface à ses recherches ultérieures sur les virus et les vaccins, et il les entreprit, à l'instigation de Dumas, sur les lieux mêmes, dans un laboratoire qu'avec Duclaux et Gernez, il improvisa aux environs d'Alès, en pleine région séricicole. Deux fléaux, ainsi qu'il s'en convainquit bientôt, désolaient les magnaneries : la pébrine et la flacherie, l'une et l'autre d'origine parasitaire. Il enseigna à enrayer leurs ravages par un examen microscopique infaillible et par l'observation de diverses mesures d'hygiène. En même temps, Louis Pasteur commença à faire apparaître quelques-uns des principes qui domineront ensuite toute la pathologie microbienne : réceptivité variable selon les individus, accroissement de la virulence par les cultures successives, influence du mode d'inoculation des microbes, etc. Mais la technique lui faisait défaut pour aborder expérimentalement de pareils sujets, et ce fut une question en apparence toute différente qui lui permit de perfectionner son outillage et ses procédés de recherches. l'étude des bières, commencée seulement en 1871 dans le laboratoire de Duclaux, à Clermont-Ferrand. Elle le conduisit jusqu'en 1876. Il trouva que, comme celles du vin, les maladies de la bière sont dues à l'éclosion de parasites et il préconisa, comme préservatif, le procédé de fabrication à fermentation basse, qui offre, à cet égard, une grande supériorité sur le procédé à fermentation haute. Il indiqua aussi le chauffage du moût à 100°, qui rend celui-ci inaltérable, et le chauffage de la bière en bouteille à 55°, qui détruit les germes nuisibles sans chasser une trop forte proportion du gaz carbonique dissous. Enfin, il fut amené, comme conclusion de toutes ces expériences, à émettre, pour expliquer certaines variations du rôle des organismes, une théorie physiologique de la fermentation, qui fut vivement combattue par Claude Bernard dans une note publiée seulement après la mort de celui-ci, en 1878, et qui donna lieu, entre Berthelot, défenseur des idées de Claude Bernard, et Louis Pasteur, à un débat très passionné, mais tout scientifique et du plus haut intérêt (1879). Le charbon, la septicémie, le choléra des poules, la rage. Cinq années d'efforts continus avaient été nécessaires à Louis Pasteur et à ses collaborateurs, Roux et Chamberland, pour trouver le traitement prophylactique de cette dernière maladie. La première inoculation antirabique faite sur un être humain eut lieu dans le laboratoire de l'École normale, rue d'Ulm, le 4 juillet 1885. Son succès fut complet et, malgré les critiques dont la méthode a été l'objet, il ne s'est pas démenti. (L. Sagnet).
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